Archive for the ‘linguistique ai vongole’ Category

Roulette russe

Thursday, February 18th, 2010

Le truc dont la bien étrange loi universelle des trucs cool du moment oblige à parler actuellement, c’est chatroulette. Un site étrange et merveilleux, mais surtout étrange, où les dieux du hasard font que parfois, plusieurs personnes de suite décident de ne pas immédiatement te montrer qu’ils n’ont aucun trouble érectile, merci. Et où l’on fait de bien belles rencontres.

Sauf que moi, je ne vais pas te parler de Chatroulette, mais de l’expression « il n’y a pas de quoi fouetter un chat », ce qui est finalement un peu pareil, mais en même temps pas tellement*.

Or, cette expression est bizarre. Imaginons. Tu regardes du curling, Per Oløffsøn pose une magnifique pierre de garde juste devant la maison, obligeant ainsi Wikåsh Burdurrsson à tenter un backflip. C’est embêtant, certes, mais pas grave. Il n’y a donc pas de quoi fouetter un chat. Mais pourquoi diable est-ce que tu en viens à penser fouetter un chat alors que le brave animal tolère tes choix télévisuels désastreux avec une abnégation qui frise la sainteté ?
Ou alors, au contraire : Il t’arrive un truc. Grave, le truc. Tellement qu’il n’y a pas pas de quoi fouetter un chat, tu vois ? Tu as raté ton train et c’était le dernier avant la fin du monde, tu viens de te faire larguer par ton patron et renvoyer par ta copine la même semaine, on t’a offert un album de Pascal Obispo, bref, un truc qui pue. Je ne sais pas comment tu réagis, on se connaît pas si bien que ça, mais j’imagine que tu prends des mesures urgentes. Tu ne perds pas de temps à chercher un fouet et un chat et à te servir de l’un pour frapper sur l’autre, si ?

Cette expression est donc bizarre, ce que je te disais en préambule, tu aurais acquiescé, on aurait gagné un paragraphe.

Bref.

Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Les rats pullulent, transmettant moult infections et force maladies. De nombreuses personnes se présentent aux administrations communales de par le monde, prétendant savoir comment les débarrasser de ce fléau mais, en général, c’est du pipeau. Certaines villes décident alors d’engager des chats pour éradiquer le nuisible rongeur. Mais à l’époque, le chat est considéré comme un animal démoniaque : on croit en effet qu’il est envoyé par le Malin pour tenter d’attirer l’Homme vers la Paresse, en se roulant sur les documents des scribes à domicile et en faisant ses 18 siestes par jour.

Une fois débarrassé des rats, il faut donc se débarrasser des chats et ainsi de suite. Or, en une bien étrange contrée aujourd’hui oubliée de tous, des adorateurs de la cause animale qui n’ont que ça à foutre décident de se doter d’avocats pour défendre les droits des bêtes. Il est désormais interdit de battre les chats, de se montrer inutilement inamical envers les ours bruns, ou d’inventer l’aspirateur qui pourrait nuire à la santé mentale des acariens. L’on est donc obligé d’avoir recours à des stratagèmes non-violents pour inciter la gent féline à aller voir ailleurs si l’herbe à chats est plus verte.

C’est là qu’un jeune godelureau décide de se lancer dans l’élevage industriel d’anchois. Il les dispose ensuite tout autour du territoire des villes, non sans leur faire force bisou et leur demander pardon pour ce qui va suivre, afin de ne pas indisposer les protecteurs des animaux. Par l’odeur alléchés, les chats quittent donc les faubourgs pour s’en aller refaire leur vie à la campagne. Mais le bourgmestre, tu sais comment ils sont, répond par la négative à la demande de subventionnement de l’ingénieux anchoyeur, en lui rétorquant que “Ouais, bon, mais ils nous embêtaient pas tant que ça, les chats, y a pas de quoi fêter l’anchois”

Mais pour des raisons que les linguistes peinent aujourd’hui à s’expliquer, fêter l’anchois est devenu fouetter l’anchois au fur des années.

* Je suis pourtant sûr que j’avais une transition quand j’ai brouillonné ce post dans ma tête.

Morituri te salutant

Sunday, May 10th, 2009

Je ne vais pas te le cacher plus longtemps : on est dimanche soir. Et puisque tu n’aimes pas le hockey, tu es probablement en train de regarder les Experts, les Experts Las Vegas ou les Experts Vevey sur une des 114 chaînes de ta TNT.

Penchons-nous donc sur l’origine de l’expression : S’ennuyer comme un rat mort.

A première vue, le rat n’est pas un animal qui s’ennuie plus que, disons, le paon, l’outarde ou le coati. Il s’ennuie beaucoup plus que les fruits de mer (trois mois pour parcourir deux mètres, tu t’ennuies jamais)(ohlala l’an dernier on a été en vacances de l’autre côté du rocher, c’est beau ! mais par contre ils ne savent pas cuisiner… et le service… on est mieux chez nous ! tiens je t’ai ramené un souvenir de là-bas), mais beaucoup moins que l’homme, seul animal connu à s’ennuyer assez pour envisager sérieusement de regarder “On n’est pas couché” le samedi soir. Par contre, le rat mort, il ne s’ennuie pas plus qu’un autre, mais moins que l’homme, qui aime tellement s’ennuyer qu’il a inventé le paradis pour pouvoi continuer de faire des colliers de trombone dans l’au-delà.

Il faut donc chercher l’explication ailleurs.

Nous sommes à l’Antiquité, un mardi soir, en plein empire romain. Jechercheunjeudemotenus est un riche marchand, spécialisé dans l’import-export. Il dispose d’une flotte de bateaux ultra-modernes, fonctionnant à l’esclave sans plomb. Mais la crise est aux portes de l’Empire et pour ne pas se retrouver fort dépourvu, il cherche à diversifier son activité.

Il a alors une idée géniale : proposer à des gens de profiter de ses bateaux pour regarder la mer et les dauphins. Mais le ramage ne permet pas aux bateaux d’avancer très vite et les voyages durent des mois. L’idée peine à prendre, jusqu’au jour où il a une seconde idée géniale : le plumage des clients. Il augmente ses prix suffisamment pour que les gens se disent “Ohlala c’est super cher, ces croisières, ça doit être trop la classe” et affluent en masse sur son bateau.

Malgré la longueur monotone du voyage et le fait que les distractions sont rares à bord, sa petite entreprise ne connaît pas la crise.

Par contre, les esclaves qui font avancer le bateau à la force de leurs bras mordorés, eux, trouvent le boulot un peu monotone. D’où l’expression s’ennuyer comme un rameur, tombée en désuétude suite à l’interdiction de l’aviron.

Du flan

Thursday, February 5th, 2009

Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Esculape de Malakoff est un jeune cuisinier incroyablement paresseux. Il a développé une batterie de stratégies pour que les autres cuisiniers vaquent pendant qu’il se tourne les pouces. Il se tourne tellement les pouces qu’on pourrait facilement y installer une petite centrale éolienne. Quand on lui demande de préparer les sauces, il rétorque que le poil qu’il a dans la main pourrait y tomber et ça ferait pas sérieux, que diable.

Ses collègues, forcément, ça les gonfle un peu. Esculape, par la malpeste, lui disent-ils, car l’exaspération leur fait perdre les nerfs, ne reste donc point ainsi les bras ballants, aide-nous donc à faire les desserts. Mais il leur répond que oui mais là c’est pas possible, tu comprends, je suis allergique aux poires, j’ai une banane dans l’oeil, enfin, toutes les excuses sont bonnes pour n’en point foutre une rame.

Sauf quand il y a des flans au menu. Là, le jeune marmiton bat, fouette, monte en neige, caramélise tant et plus qu’à chaque fois, il y en a deux fois trop. Ce jeune homme, se disent ses collègues, s’intéresse enfin à quelque chose, ne le réprimons pas. Le soir, Esculape emporte dans son tupperware en métal chromé tous les flans restants. Intrigué, un de ses collègues apprenti-queux, Ranulphe de Cergy, le suit nuitamment. Peut-être, se dit-il, Esculape nourrit-il en secret de sombres desseins et une famille de réfugiés valaches ?
Mais le spectacle auquel il assiste le laisse pantois. Esculape de Malakoff aligne les flans sur un muret et, un à un, les vise avec son arbalète. Et force est de constater qu’il est plutôt talentueux. Mon dieu, pense le témoin de cette ô combien rocambolesque scène, quel tir aux flans ! Je suis estomaqué. Mais ne voulant pas laisser l’autre se rendre compte de sa stupéfaction, Ranulphe se ressaisit et tient à peu près ce langage : “Zyva, t’es trop un bouffon, tu les a même pas tous quéni, il reste comme deux ronds de flan.”

C’est de cette croustillante anecdote qu’est née l’expression “C’est en flânant qu’on devient flâneron”, hélas tombée en désuétude moins de deux semaines plus tard.

Berne, bon voisin

Friday, June 13th, 2008

Alors que l’Euro 08 se termine pour l’équipe de Suisse sur un bilan bien plus 0 que 8, et que le vrai tournoi peut enfin commencer, penchons-nous, jeune guedin, sur l’origine d’une expression ô combien de circonstance:
Mettre les drapeaux en berne.

Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Le nationalisme n’a pas encore été inventé, mais les gens ont déjà, au fond de leur coeur, le sentiment fugace et indistinct que les étrangers sont des cons malpolis et un peu sales. Ce qui est vrai, la politesse a été inventée vers le 18e siècle et la propreté quelques années après la plomberie. Par contre, les drapeaux, il y en a déjà plein partout. Ils permettent aux héraldistes de se la ramener en racontant des trucs comme de sable et de gueules sur chevron de sinople.

Vers environ le centre de l’Europe, un petit état dirigé par un bailli, c’est dire si c’est pas un état sérieux, décide d’organiser de grandes joutes où tous les nobles du continent viendraient s’affronter et se friter, et où tous les spectateurs du continent viendraient manger des saucisses et des frites.

Les jouteurs montent sur leurs grands chevaux et accourent des quatre coins de l’Europe, sauf du coin en haut à droite, peuplé de sauvages et de barbares. Leurs blasons claquent fièrement aux vents.

Les joutes commencent, l’organisation est parfaite, tout le monde s’amuse, même les perdants, sauf les perdants décédés qui sont toujours un peu rabat-joie. L’organisation est parfaite, jusqu’au jour où quelqu’un demande ok, mais et si il pleut ?

Et en effet, quand la pluie se met à couvrir hommes et bêtes de son manteau nacré, c’est la gabegie. Le terrain de joute devient impraticable, les chevaux ne tiennent plus sur leurs fers, c’est l’enfer. Les jouteurs refusent de jouter dans ces conditions et décident de regagner leurs pénates et leurs pays, abandonnant sur place les bagages superflus et ne ramenant même pas de souvenirs tellement ils en ont gros. Les organisateurs se retrouvent alors les bras flanqués de moult blasons et décident de flanquer les drapeaux en benne. Et le bailli aux corneilles, dans la foulée, histoire de se détendre un peu.

Des années plus tard, relatant l’histoire, un scribe fantaisiste décida de remplacer benne par berne. Et d’ajouter que les chevaliers portaient parfois des souliers de verre, aussi. Et de remplacer tous les chevaux par des poneys Shetland.

Félin pour l’autre

Monday, May 19th, 2008

Comme il faut toujours répondre aux désirs de son lectorat, des photos de nichons, les origines des expressions avoir d’autres chats à fouetter, pas de quoi fouetter un chat, donner sa langue au chat, mettre le chat en rut devant les b½ufs et tu l’aimes ton chaton ? alors reprends-en une tranche

Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Une période d’obscurantisme. Les blogs n’ont pas encore été inventés pour apporter paix, amour et connaissance aux peuples et, quand la conjoncture n’est plus ce qu’elle était, on préfère fustiger le premier bouc émissaire venu ou, en période de fièvre caprine, le premier koala émissaire venu.

Quand le prix de l’avoine augmente brusquement, le premier réflexe est donc de dire “C’est de la faute aux étrangers”. Mais le bon roi Fulgence XLVIII , qui a eu un terrible accident de labrador étant jeune, ne l’entend pas de cette oreille. En effet, c’est une période marquée par l’instabilité politique. Les frontières sont en constante évolution, les profs de géo en dépression nerveuse et les étrangers d’aujourd’hui pourraient très bien devenir les voisins de demain si on arrive à marier le petit et à empoisonner le grand. Fulgence XLVIII s’arrange donc pour faire courir le bruit dans la population que ce n’est pas la faute aux étrangers, mais aux chats. A l’époque, en effet, bien loin d’orner tes cartes postales de vacances, le chat est encore considéré comme créature maléfique. Voire famélique, la croquette de régime pour matou d’appartement ne sera d’ailleurs inventée que bien longtemps plus tard.

Chaque fois que la situation l’exige, flambée des prix, mauvaise récolte, nouvel impôt, épidémie, (et alors là, tu te dis que je vais glisser un truc un peu olé olé dans la liste, genre pour provoquer l’hilarité de par l’aspect saugrenu et inattendu de cet élément)(tu te trompes du tout au tout)(je ne suis pas si prévisible que ça)(je suis un peu vexé) concert de Michel Sardou, les bourreaux municipaux ont pour ordre de capturer quelques chats et de les fouetter jusqu’à ce que flagellation s’ensuive. Seulement, ces fiers artisans estiment que ces nouvelles tâches nuisent à la bonne image de leur corporation. Incapables de désobéir à un ordre royal, car ils ont le sens du devoir autant que l’amour du travail bien fait, ils renâclent tout de même, invoquent la surcharge de travail en cette période de crise ou tentent de minimiser les fautes reprochées aux vils félins.

Aujourd’hui, le fouet n’est plus guère employé qu’en cuisine et dans quelques salons SM branchés, où le chaton n’est que rarement admis, et les bourreaux ont tous perdu leur travail ; leur art séculaire a été sacrifié sur l’autel du politiquement correct et ils ont dû se reconvertir, ils sont désormais patrons ou organisateurs de concerts de Tokio Hotel, et très peu de gens fouettent leur chat, ou alors seulement s’il a fait un truc vraiment grave comme pisser sur le canapé ou organiser une soirée electro en l’absence de son maître. L’expression, par contre, est restée.

Dormir comme en Loire (42)

Wednesday, March 12th, 2008

La semaine de la francophonie a débuté lundi et dure jusqu’au 20 mars*. Il est important de mieux connaître et comprendre les différentes façons de parler français de par le monde. Ainsi, lorsqu’un parisien te dira “non mais en français on dit pas comme ça”, tu ne te fâcheras pas mais tu comprendras qu’il s’agit d’une amusante expression très courue dans le patois local et tu lui pardonneras, surtout qu’il vient de t’inviter à dînergrand-déjeuner.

Même en France, le français est une langue en constante évolution et nous allons aujourd’hui nous attarder sur deux mots qui ont fait une apparition récente dans le vocabulaire, la loose et le looser. Alors comme ça, de prime abord, tu te dis ce sont des anglicismes, sus, par la malpeste, quelle vergogne. Halte-là, malheureux, tu t’égares totalement. Looser, en anglais, signifie plus détaché, voire moins serré, ce qui n’a pas grand chose à voir avec le sens français de malchanceux chronique, l’explication est donc forcément ailleurs:

Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Les Bretons, qui sont perfides, viennent d’envahir la Gaule, qui est sujette à de nombreux jeux de mots que je ne ferai pas car c’est un peu facile de faire des blagues sur le football, et en plus c’est en britannique. Ils se mettront sur la figure pendant 116 ans, et les historiens, qui ont choisi cette voie parce qu’il y avait peu de maths, appelleront cette période de rigolade la guerre de 100 ans.

Tu sais ce que c’est, à force de s’envahir, de se désenvahir, de se bouter hors de France, on ne peut empêcher, au petit matin, les peuples, aussi libidineux que concupiscents, de se rapprocher. Les livres d’Histoire parlent des champs de bataille et oublient les champs de blés où, parfois, lassés, les vaillants guerriers se laissent débouter du droit chemin, se déboutonnent et laissent leurs langues faire des boutures surtout que, force est de le constater, les françaises sont bien plus sémillantes et primesautières que leurs homologues albionnaises. En 116 ans, je te laisse imaginer le nombre de petits anglicismes qui naissent de père inconnu. Après la guerre, ils décident de créer une association, de se réunir au pub tous les premiers mercredis du mois et inventent le ski et la Côte d’Azur. Tous sauf un, qui vit à Chanturéjols (48), village à l’époque fort mal desservi par les services de téléphonie mobile. Las d’être victime des quolibets de ses camarades, parce qu’à l’époque, il n’était pas très bien vu d’être né de père inconnu et roux, il finit par se lancer dans le commerce de hareng.

Sur sa tombe, on écrivit: Toute sa vie durant, il aura vécu en Looser (48), car comme ils étaient un peu anglais, ils avaient une orthographe un peu approximative**. Si l’expression a mis si longtemps a entrer dans le langage courant, c’est surtout à cause de l’odeur.

*par exemple, chez nous, en Suisse, il est très rare qu’une semaine dure dix jours.
**oui, désolé

deux mains, deux mains, toujours deux mains

Wednesday, February 13th, 2008

Alors ok, dans plusieurs pays, on est en année électorale.

Mais on est aussi en année footballistorale. La Suisse et l’Autriche organisent l’Euro ensemble. C’est un événement. La dernière fois que la Suisse et l’Autrice avaient organisé un truc ensemble, ça devait être une soirée saucisse et joddle, autant te dire que Cristiano Ronaldo et Francesco Totti ont poliment décliné l’organisation.

Bref, comme je sais que les explications footballistiques te passionnent, il va y en avoir ici. Régulièrement. Ou pas.

Et tout d’abord, je voudrais me pencher, mais pas trop, j’ai le vertige, merci, sur cette expression chère aux journalistes sportifs mais parfois utilisée par les politiciens, peut-être même par certains toiletteurs canins: On applaudit des deux mains.

A priori, c’est très con comme expression. Il n’y a rien d’exceptionnel au fait d’applaudir des deux mains, sauf au concert d’Arno (ou de Benoît Dorémus), parce que tu viens d’aller chercher une bière alors que faire, ne pas applaudir, poser le gobelet par terre et courir le risque que les gens devant le renversent, ils ont l’air un peu agités, non ? de mon temps, les gens fumaient des pétards, ils étaient plus calmes (et en plus comme ils avaient oublié le concert le lendemain, ils achetaient le dvd, ça faisait tourner l’économie), vraiment, tout fout le camp !, ou alors le tenir entre les dents mais c’est pas bien pratique ?

Cette expression a, en fait, une origine historique. Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Hans-Otto Voiture n’a pas encore inventé l’automobile et la plupart des déplacements se font à cheval. La société est par conséquent très différente de celle d’aujourd’hui. Impossible, par exemple, quand un imbécile se traîne à 20 à l’heure devant toi, de lui lancer un appel de phare, et va monter un klaxon sur un cheval ! Impossible, aussi, pour les jeunes amants fébriles de vivre leurs premiers émois amoureux sur la selle arrière du cheval de leurs parents (elle est justement en réparation). Et frimer devant les copains devient bien plus aléatoire : alors, c’est quoi comme cylindrée, le tien ? Oh ben un cheval et le tien ? Un cheval, pareil.

C’est à cette époque, pour relancer l’industrie théâtrale gravement menacée par la crise, qu’un astucieux promoteur aura une idée géniale: le ride-in. L’ancêtre du drive-in. Sauf qu’on y va à cheval, pas en voiture. Et que c’est pas du cinéma, mais du théâtre. Et que, comme le maïs n’a pas encore été inventé, tu n’y manges pas du pop-corn, mais des carottes soufflées. Une salve d’applaudissements par trop soutenue aurait pu effrayer les pauvres bêtes. C’est pourquoi, les spectateurs prirent l’amusante habitude de n’applaudir que d’une seule main. Sauf quand, vraiment, le spectacle était très très bien et que, réflexe malheureux, ils se mettaient à applaudir à tout rompre, à commencer par leur cou, puisque les animaux effrayés ruaient et piétinaient comme des chevaux fourbus mais effrayés. Il est d’ailleurs amusant de constater qu’un autre expression nous vient de cette époque: Ce spectacle, il est trop mortel.

Y a pas de sauce, c’est des nouilles au beurre*

Thursday, August 9th, 2007

C’était pendant l’horreur d’un profond ennui, un soir de novembre, hier après-midi. J’étais mouillé comme un chien qui pue, transi jusqu’au zoo, j’avais envie de crier tout haut ma haine de cette société de consommation dans laquelle je n’avais même pas de parapluie alors franchement, c’est bien la peine. Le train ne partait que dans dix minutes et, après m’être ébroué non sans une certaine sensualité, je me mis en quête de quelque ouvrage littéraire afin d’occuper intelligemment les minutes qui me séparaient de chez moi et d’oublier que y a plus de saisons, mon bon monsieur, et que ça me rend triste comme un film d’Archipatapong Wekesethekul**.

C’est alors que je m’apprêtais à relire pour la douzième fois la bande dessinée de Riad Sattouf parce que forcément, si c’est dans Fluide Glacial, il doit y avoir un moment où c’est drôle, mais où l’ont-ils caché?, que je découvris qu’un lecteur de cette noble revue se demandait l’origine de l’expression “avoir le cul bordé de nouilles”.

Par la malpeste, me dis-je, car j’évite d’être vulgaire dans le train depuis qu’ils les équipent de caméras de surveillance, même quand je lis les planches de Lindingre qui est presque aussi drôle que Sattouf, en voilà une excellente question. Parce que c’est vrai que si tu croises dans la rue un gens avec un collier de nouille autour des fesses, la première chose qui te vient à l’esprit c’est pas “Quelle chance il a” mais bien “J’espère au moins qu’on aura du beau ce week-end”.

Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Les vendeurs de fleurs n’ont pas encore inventé la fête des mères et ils crient famine***. Les maris volages ont par contre inventé le bouquet de fleur. Le chevalier Honoré de Ploucharpes rentre d’une guerre qu’il a gagnée relativement facilement, en deux sets, dans un lointain pays asiatique où y a de supers hôtels pas chers. Comme il a un peu traîné en route, il a mis dix ans pour rentrer au lieu des six jours initialement prévus, une paille, à cause d’une histoire de dieux contrariés et de sorcière bonnasse, franchement, c’est rien, dix ans, comparé à l’éternité, mais tu sais comment sont les bonnes femmes****, il achète un bouquet pour se faire pardonner. Malin, il a également rapporté un souvenir de vacances, un genre de préparation à base de céréales qu’ils font dans les pays lointains et c’est très pratique, on peut manger ça par exemple avec de la sauce tomate et les barbares ils appellent ça pasta, ça veut dire “Truc très pratique qu’on peut manger par exemple avec de la sauce tomate” en chinois ancien, il est sûr qu’elle lui pardonnera et qu’elle lui en préparera aussitôt une pleine marmite.

Il imagine déjà les retrouvailles poignantes, émouvantes, les longues heures passées main dans la main à regarder le couchant de soleil tout en expérimentant diverses autres choses apprises lors de son séjour asiatique. Comme il a l’imagination fertile et un peu les crocs, il imagine également la casserole fumante où cuit une bonne marmite de pâtes. Il sent déjà leur fumet et déjà lui vient l’eau à la bouche. Mais son imagination se débride, il voit pendant que son aimée se montre peu farouche, l’eau jaillir hors de la marmite, inonder inéluctablement sa cuisine Louis XI, provoquer grand drame et force catastrophes.

C’est ainsi que, quand sa dulcinée lui saute joyeusement au cou, il lâche, sybillin: “On arrête le cul, elles débordent, les nouilles”. Une interruption dont profitera le jeune homme caché dans la penderie pour s’éclipser discrètement. Comme il a mal entendu, les penderies de l’époque étaient très mal sonorisées, quand il contera cette croustillante anecdote à ses amis, il travestira quelque peu l’expression pour lui donner tout son lustre actuel.

* Oui ben moi je le comprends très bien, le titre.
** Franchement, un réalisateur dont personne ne pourra jamais prononcer le nom, c’est triste.
*** Au Moyen-Âge, pour arrondir ses fins de mois, on pouvait faire crieur de famine. Quand la famine arrivait, on allait sonner aux portes de ses voisins et, dès que la bobinette cherrait, on entrait sans crier gare, on hurlait Famiiiiiiiiine (voire Famiiiiiiiiiiiiiiine si vraiment), et on repartait chez le voisin suivant, parce que faut bien que les gens sachent pour qu’ils puissent aller à la Migros acheter des tas de farine, de sucre et d’huile, hein?
**** Maintenant que tu m’en parles, chez Francisque non plus ça me fait pas marrer, sauf des fois.

Plat thaï et fontaine

Thursday, March 15th, 2007

Parmi les improbables recherches google qui arrivent ici (tiens, dans tous les articles que j’ai lu où des blogueurs disent “oua tu vois, j’ai 12’000 visites par jour, quoi”, jamais un seul n’ajoute, “dont plus de la moitié sont à la recherche de “françois bayrou a poil” ou “jeunes filles nues en train de manger des brocolis””, je me demande bien pourquoi)(enfin bref, on s’égare, Cornavin), un jeune mais néanmoins égaré internaute se demandait quelle était donc l’origine de l’expression “faire partie du gratin”.

Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Achille Parmentier n’a pas encore inventé la pomme de terre, ce qui fait que les restaurants servent très peu de frites et font faillite les uns après les autres, sauf deux trois kebabs. Et l’établissement de Jamie de Fourme d’Ambert, un jeune cuisinier talentueux, qui aime à inventer de nouvelles créations culinaires. Le tout-Herzogenbuchsee se presse en son auberge. Il est le cuisinier de l’élite locale, il est riche, célèbre, il lui arrive des clients de loin à la ronde, même de Bettlach.
Sauf que tous ces gens se foutent complètement de ses créations culinaires. Ils viennent parce qu’ils ont entendu dire que c’était hype, mais, peu désireux de goûter tous ces trucs et ces machins qu’on sait même pas ce que c’est, ils se contentent de plats classiques, comme la cigogne farcie, le bourbelier de sanglier ou le double cheese burger.

A chaque fois qu’un nouveau client se présente, le cuisinier tente de proposer l’une des savoureuses spécialités de la maison, mais sans succès. Timorés autant qu’adipeux, ses clients préfèrent s’adonner à un autre passe-temps: la teinture de cheveux. A l’époque, des explorateurs viennent de ramener le henné de Katmandou et ça fait fureur à la cour (Les gens de l’élite dépensent tellement d’argent pour se teindre les cheveux et pour manger qu’ils sont obligés de vivre dans une cour).

Tant et si bien que le malheureux maître-queux finit par abandonner toute velléité innovative et se contente de cuisiner sans joie des plats classiques. A chaque fois qu’il voit poindre de nouvelles têtes, il rêve de réussir à placer une de ses créations, mais se ravise vite: “Encore un qui fait partie des gras teints”, se dit-il.

Depuis, la cuisine a évolué, l’expression aussi, et les protagonistes de cette histoire sont morts, mais ça va, ils étaient vieux.

:'((c)

Thursday, December 14th, 2006

Longtemps, je me suis demandé pourquoi on disait “pleurer comme une madeleine”.

Puis, un jour, alors que ma vieille tante m’avait invité à prendre le thé, j’ai eu l’illumination.

Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi (ça faisait longtemps). Madelon, fille unique d’une famille bourgeoise, touche un important héritage. Mais la jeunesse est insouciante. Elle dilapide son pécule en organisant des soirées danse acrobatique, se trouve fort dépourvue quand la bise fut venue et se voit contrainte d’éplucher les petites annonces pour se trouver du taf (d’où la célèbre expression Y a plus de pécule, va falloir en racheter)

Madelon finit par trouver un emploi comme serveuse. Souriante, sympathique et bien rouléeaffable, elle ne tarde pas à devenir la coqueluche des clients et, si elle ne retrouve pas le niveau de vie qui était le sien au temps de sa folle jeunesse, elle arrondit considérablement ses fins de mois grâce au pourboire.

Ce que son patron, un type un peu radin, ne voit pas d’un bon oeil. Un soir, alors que la Madelon est en train de manger de la purée avec des knackis, cet homme fourbe et peu jovial frappe à la porte. Paniquée, elle dissimule l’argent qu’elle a amassé durant la journée dans la première cachette qui lui vient à l’esprit: sous sa purée.

Malheureusement, un mignon chaton qui passait par là dévore la purée et permet de ce fait au vil patron de découvrir le poteau rose. La malheureuse Madelon se fait battre comme plâtre (Jean-Jacques Plâtre, un de ses voisins, qui s’était fait battre la veille) n’a plus que les yeux pour pleurer.

Les enfants, cette sympathique anecdote vous apprend qu’il ne faut jamais mentir à son patron. Mais elle est aussi à l’origine de l’expression “Purée comme un bas de laine”, abusivement devenue “pleurer comme une madeleine” dans le langage moderne.