Archive for January, 2013

Lucky on strike

Thursday, January 24th, 2013

– Tiens, mais c’est cette bonne vieille Gunda. Tu avais pas démissionné ?
– Si. Mais je te laisse une dernière chance. J’aime bien les missions impossibles.
– Je sais, je t’ai vu chez l’esthéticienne.
– C’est sexiste, ça.
– Non, pas quand ça s’adresse à une amie imaginaire.
– Ouais. Bon. Tu sais, là, quand tu faisais des explications de chansons ?
– Ouais…
– Qu’est-ce que c’était nul ! Enfin bon, les gens aimaient bien.
– Alors justement, je viens de trouver les paroles de “Je marche seul” de Jean-Jacques Goldman et…
– NON. On vise un public de jeunes, là. Les retraités ils lisent pas Internet, ils ont pas le temps.
– C’est vrai que tu t’y connais en jeunes, toi, Gunda…
– N’étale pas ma vie privée ici, s’il te plaît, et puis c’était un accident.
– Ah oui mais moi je sais pas ce qu’ils écoutent les jeunes, j’ai pas la télé.
– Mais si. Tu sais. Y a le hockeyeur, là. Il a joué dans Danse avec les stars.
– CAROLINA KOSTNER
– Non mais arrête, tu mets tout le monde mal à l’aide. Je parlais de Bastian Baker. En plus il est Suisse, c’est pittoresque.
– Bastian Baker ? Le mec qui chante “Nobody should die alone” et “Tomorrow may not be better” ? Le monde va mal on va tous mourir… il doit avoir au moins 50 ans.
– Ben il est Suisse, quoi. Bon, sinon y a Matt Pokora.
– Il a été has been pendant au moins 10 ans, il chante du Goldman. Il doit avoir au moins 50 ans.
– Non mais mets-y un peu du tien, sinon tu deviendras jamais une star d’Internet comme Norman.
– Norman ? J’ai vu un sketch de lui à la radio, il disait “Aujourd’hui, les jeunes ont accès super facilement à du porno sur Internet, nous à leur âge on galérait”. Il doit avoir au moins 50 ans.
– Bon, j’abandonne.
– Ah mais sinon y a bien le truc, là, Gangbang Style.
– Ah, tu vois quand tu veux !
– Ce serait drôle, j’appellerais mon post “L’ami rit Corée”
– NON.
– En plus ça parle d’un quartier de Séoul, comme La Sallaz, mais à Séoul. 1010 reprezent, tavu ?
– NON.
– Mais bon, je parle pas coréen. Tu parles coréen, toi ?
– Non mais tu trouveras bien une traduction sur internet.
– Oui mais bon, internet, ils y mettent ce qu’ils veulent.

Mais dis-moi que deviennent les saucisses de Vienne ? (J’avais la flemme de chercher un titre alors j’ai mis celui-ci)

Monday, January 21st, 2013

C’est décidé ! A force d’en entendre parler, en 2013, tu te mets enfin à la procrastination, comme tout le monde ! Mais voilà, tu ne sais pas comment t’y prendre. Les vieilles habitudes ont pris le dessus : janvier n’est même pas terminé que déjà, tu te remets à travailler efficacement, tu as même de l’avance sur ton planning.
Ne panique pas, je peux t’aider ! Je ne dis pas ça pour me vanter, mais je suis un expert reconnu dans ce domaine. D’ailleurs, j’ai commencé ce post il y a trois jours. Enfin, il y a trois jours, quand j’ai écrit cette phrase. C’était il y a huit jours.

Pour bien procrastiner, la première chose à faire, c’est de faire des listes ! Tous les matins, au lieu, comme d’habitude, de vaquer à tes occupations matinales, liste-les. Ca te fera perdre quelques précieuses minutes de travail. N’oublie pas de noter chaque détail ! Plus la liste est longue, plus tu seras découragé par l’ampleur de la tâche. Très vite, tu auras envie d’aller te refaire un petit café plutôt que de passer au point suivant. Par exemple, plutôt que “classer dossier”, on préférera ouvrir tiroir, chercher l’emplacement exact dans l’ordre alphabétique, réfléchir quelques instants à un système autre que l’ordre alphabétique, ne plus y penser, classer dossier, fermer tiroir, réfléchir quelques instants au mot “tiroir”.

Il est très important d’avoir une petite routine quotidienne : consulter ses mails, répondre aux courriers non professionnels, se faire un petit café, veiller à l’entretien d’une bonne ambiance de travail grâce aux conversations autour de la machine à café, se ronger les ongles, réfléchir quelques instants au sens de la vie… toutes ces choses qui créent une ambiance propice à la créativité et te permettent de ne jamais commencer le travail moins de trois heures après le début du travail.

Il est beaucoup plus facile de procrastiner lorsqu’on travaille à la maison. Non seulement, les distractions y sont plus nombreuses, mais l’univers se chargera de t’aider dans ta noble tâche en te demandant d’aller faire quelques courses puisque tu es à la maison ou encore en te demandant d’aller chercher tes colis à la Poste (car le facteur, redoutable spécialiste du noble art procrastination, a trouvé un peu fatigant d’appuyer sur ta sonnette, il y en a quand même huit dans l’immeuble c’est compliqué de chercher, et a donc préféré t’informer que tu étais absent au moment de son passage, après tout, si tu avait été là, tu lui aurais probablement envoyé un message télépathique). Mais les vrais experts sont capable de procrastiner au bureau, et même en open space.

Le procrastinateur amateur connaît bien les blogs, Facebook, Twitter. Plus averti, il préfèrera se tourner vers des sites a priori moins faits exprès pour son art. Une simple recherche sur Wikipedia peut permettre de passer plusieurs heures à ne pas bosser. Les forums sont également une ressource infinie. Tiens, par exemple, tu t’es déjà demandé qui étaient ces gens qui répondaient dans les cinq minutes sur des forums de traduction alors que tu avais posé une question sur le chantournage en islandais ? Bientôt, tu t’entendras dire “le dossier Berthier ? Je m’y mets dans dix minutes, mais d’abord, il y a quelqu’un qui a une question sur Internet !” Un peu de pratique, et tu réussiras même à perdre plusieurs heures sur des sites de jardinage, de nouvelles régionales sarthoises, d’apiculture. Certains sont tellement doués qu’ils arrivent à lire le blog d’mry plutôt que de travailler (mais attention, ne t’y lance pas sans quelques années d’entraînement, une rechute est trop vite arrivée) !

Petite astuce, si tu préfères remettre ton blog à jour plutôt que d’écrire ce fameux article sur les vis à turbinage manuel ! La liste de trucs, si prisée des spécialistes, a l’immense avantage de n’être jamais vraiment terminée !

Coming outre

Sunday, January 13th, 2013

Finalement, ça s’était plutôt bien passé.

Evidemment, sa mère avait fondu en larmes. “Mais comment je vais annoncer ça à mes copines du yoga ?” C’était la première chose à laquelle elle avait pensé. Puis elle avait ajouté, en sanglotant, “c’est de ma faute, j’aurais dû m’en douter, tu aimes tellement le football”. Son père s’était énervé. “Comment est-ce que tu as pu nous mentir si longtemps ?” En réalité, il n’avait jamais menti, il n’avait juste jamais démenti.

Il n’avait pas démenti quand on l’avait appelé “pédé”. C’était au camp de basson, les autres garçons le trouvaient bizarre parce qu’il ne considérait pas quelqu’un qui pète comme la meilleure des plaisanteries possibles et ne pensait pas que relire seize fois le même magazine pornographique était un passe-temps passionnant. Alors quand le grand Fulgence lui avait dit “mais tu serais pas pédé, toi ?”, il avait juste répondu “désolé, t’es pas du tout mon genre”. Deux jours plus tard, toute l’école, tout le village, toute sa famille avaient été au courant mais il n’avait pas démenti : ceux qui l’évitaient désormais étaient des gens par lesquels il était assez fier d’être évité, ça lui permettait donc de faire un tri assez efficace.

Il n’avait pas démenti, évidemment, quand Gunda s’était déshabillée devant lui. La plus belle fille de l’école, tous les garçons prétendaient « se l’être faite », presque tous mentaient. Il avait juste fait semblant de détourner le regard mais n’en avait pas perdu une miette. Il avait bien failli tout avouer, deux heures plus tard, quand elle lui avait demandé “mais tu n’as jamais eu envie d’essayer avec une fille ?” mais il avait bien fait de ne pas le faire. Et depuis, il avait entendu cette phrase bien souvent, avec à chaque fois les mêmes agréables conséquences.

Et il n’avait jamais démenti devant ses parents, pour ne pas leur faire de peine. Ils étaient si fiers d’avoir un fils homo. Du jour où ils avaient appris sa prétendue préférence, il avait enfin existé à leurs yeux. Il ne jouait pas de harpe dans un groupe de post-punk comme son frère Anaximandre, il n’avait jamais été en prison pour outrage à agent comme sa s½ur Clytemnestre, il était étudiant en économie et capitaine de son équipe de rugby, il n’avait pas grand chose dont ses parents puissent se réjouir jusque là. Alors il faisait semblant. Il avait même demandé à un ami de jouer le rôle, juste un soir ou deux, de son amoureux pour faire taire un peu les “mais quand vas-tu nous présenter ton copain ? Tu es quand même pas hétéro, ahahah” si récurrents.

Mais là, il ne pouvait plus mentir. “Papa, maman, j’ai rencontré quelqu’un, j’aimerais vous la présenter”, ça ne devait pas être si dur à dire. Finalement, ça s’était plutôt bien passé. Comme dans les films, comme personne ne le fait jamais dans la réalité, il avait répété la scène cent fois devant le miroir. Demain, il oserait enfin.

Vive la viande d’hiver

Monday, January 7th, 2013

New Morges, janvier 2112

– Grand-papa, grand-papa, c’est vrai que quand tu étais jeune, on mangeait des animaux ?
– Ah oui ! Plein !
– Mais c’est dégueulasse !
– Pas du tout. Je tuerais pour un bon steak. Enfin, si mes dents artificielles étaient un peu plus solides.
– Mais vous mangiez des animaux de compagnie comme des coatis ou des wombats ?
– Mais non. Enfin, pas avant la disparition des vaches (un stupide accident de fourrage). Nous mangions du cheval, de l’agneau, du b½uf, du poulet…
– Du poulet ? C’est quoi ?
– Tu vois l’animal que les Français arborent fièrement sur le maillot de leur équipe de football ?
– Non.
– Ah… bon… dommage, parce que c’est un poulet. Enfin un coq, mais c’est pareil, en moins rôti.
– C’est pas un animal mythique, le coq ?
– Non… enfin, quand on a arrêté d’élever des animaux pour la viande, on les a relâchés dans la nature, vu qu’ils ne servaient plus à grand chose. La plupart s’en sont assez bien sortis. Sauf les poules, qui se sont toutes faites dévorer dans la semaine. Et c’est seulement après ça que les Français ont déclaré que les coqs mesuraient trois mètres de haut et crachaient du feu. Mais en fait non.
– Et ça avait le goût de quoi ?
– Ben… grosso modo, le même goût que la viande reconstituée, mais en meilleur. Et en plus gras aussi, un peu.
– Mais alors tu devais chasser pour manger ?
– Oui, mais essentiellement dans des supermarchés.
– Mais alors, le poisson reconstitué, c’est aussi fait à partir d’un vrai animal ?
– Ben oui, des poissons. Ils vivaient dans nos lacs, nos rivières et nos mers.
– Ouais, ouais, tu me prends pour un jambon reconstitué ! Vivre dans la mer. LOL, comme on disait à ton époque.

Puis Olaf-Quaywyn s’en retourna chez lui en se disant que décidément, le troisième cerveau de son pauvre grand-père ne fonctionnait pas à plein régime. Pendant ce temps, le vieillard s’enferma à double tour dans la pièce secrète au fond du couloir à gauche dans laquelle personne ne devait jamais entrer et il se confectionna un petit kebab reconstituant avec Kiki et Filou, deux des hamsters de son élevage secret.