Archive for December, 2012

Björn Borg de Noël

Tuesday, December 25th, 2012

Il était une fois une petite langouste qui s’appelait Omar.
Omar vivait avec quelques congénères dans le vivier d’un grand restaurant. Il l’ignorait totalement. Comme il était peu aventureux, il n’avait jamais vraiment réalisé que ce qu’il appelait l’océan mesurait en réalité moins d’1 mètres carré. Et comme il était myope et, pour tout dire, pas hyper malin, même selon des critères langoustins, il ne se rendait pas plus compte que ses congénères n’étaient jamais les mêmes d’un jour à l’autre.
Omar était le plus vieux du vivier. En effet, il avait pris pour habitude de se tailler les antennes très fin pour ne pas avoir l’air d’un hippie, car il venait d’une famille très à hippocampe sur les principes. Du coup, il avait l’air moins appétissant et ne se faisait jamais manger. Au début, ses camarades venaient le consulter mais très vite, ils déchantaient :

– Bonjour, monsieur. »
– Hé mais c’est ce vieux Pacôme ! Quoi de neuf ? »
– Non mais je suis nouveau ici, monsieur. J’ai été péché ce matin. »
– Où vas-tu pécher de telles idées ! LOL »
– Bon, je vais vous laisser… »
– Non mais c’est drôle parce que pécher, pécher, tu vois ? »
– Non. »
– Tu fais un peu la gueule, Pacôme, que t’arrive-t-il ? »
– Je vais me faire bouffer et je vais passer mes dernières heures avec un demeuré, y a pas de quoi danser la gigue non plus ! »
– LOL sacré blagueur ! »

Et ce genre de conversations recommençait encore et encore. Jusqu’à la douce et belle nuit de Noël quand, la magie des Fêtes aidant, on vint chercher Omar pour lui faire passer un sale quart d’heure à l’armoricaine.
Des mains le saisirent, il réalisa furtivement son rêve, voler, on lui donna un bon bain chaud. Un peu trop chaud à son goût. Il sortit donc pour se plaindre mais, comme il était myope et pas très malin, il tomba hors de sa casserole et se perdit dans les méandres de la cuisine.
Arrivé dans la rue, il demanda son chemin à un quidam.
– Oh putain, une crevette qui parle ! »
– Mais enfin, je ne suis pas une crevette, je suis une langouste. »
– Hé bien, toutes les langoustes sont dans la nature ! »
– Quoi ?»
– Non, rien. »
– Je crois que je suis perdu ! »
– C’est bien triste, ce soir c’est Noël, viens donc à la maison ! »
– Je ne sais pas trop ce que c’est Noël, mais ok, si je ne dérange pas ! »
– Mais non, pas du tout, au contraire ! »

Et Omar passa une belle soirée, entouré de rires d’enfants, de joie et d’une sauce mayonnaise.

Tie break

Friday, December 14th, 2012

Longtemps, l’homme préhistorique a marché nu. Puis il s’est dit “on dirait que ça se rafraîchit, non ? Il y aurait une petite glaciation qui se prépare que ça m’étonnerait pas” et a inventé les habits.
Au début, ça restait assez basique : les habits d’un jour reflétait souvent le repas de la veille (parce qu’ils chassaient, je veux dire, pas parce qu’ils s’habillaient avec des assiettes). On tuait un mammouth et toute la tribu revêtait des pelisses de mammouth, on abattait un lapin et on avait un peu froid mais ça faisait un joli bonnet (qui a d’ailleurs inspiré les actuels bonnets militaires helvètes), on se débarrassait d’un tigre à dents de sabre et les rayures revenaient en force ce printemps.

Comme nous l’avons déjà vu, à cette époque, on s’ennuyait ferme, car il n’y avait pas encore 112 nouvelles chaînes du câble par jour. Mais cet ennui était propice à l’invention de mille nouvelles distractions.

Un jour, un dénommé UuhhGruhhhhhhhr proposa à quelques amis une activité ludique à laquelle personne n’avait jamais pensé :
– Alors on s’assied devant la caverne, on regarde les gens passer et on critique comment ils sont habillés.”
– Ah mais pourquoi ?”
– Ben c’est rigolo.”
– Ah bon ?”
– Mais si, essaie pour voir.”
– Ah ben lui, là, avec ses moufles en peau de biche… Il me fait vraiment penser à une biche.”
– Ouais non, t’as raison, c’est assez nul…”

Mais pourtant, l’idée d’UuhhGruhhhhhhhr finit par prendre et petit à petit, tout le monde s’adonnait à ce nouveau concept logiquement “bichage”. Il décida de mettre sur pied une petite société secrète chargée de déterminer, année après année, ce qui était désormais à la mode, pour que tout le monde sache bien de qui se moquer et de qui ne pas se moquer sinon après c’est l’anarchie.

Grisé par le succès, il ne cessait d’inventer de nouvelles idées toujours plus tordues.

– Alors on dirait qu’une femme serait obligée avant de sortir de chez elle de se plaquer des tas de couleurs faites à base de charbon et d’animaux morts sur le visage.”
– Yiiik.”
– Et aussi, elles devraient marcher avec l’arrière du pied plus haut que l’avant.”
– Mais c’est idiot !”
– Mais non. Et elles devraient s’arracher régulièrement tous les poils, même ceux du visage, sinon elles seraient la risée de la population.”
– Non alors ça, non, mon pauvre vieux UuhhGruhhhhhhhr, une femme sans poils, ça ne marchera jamais.”
– Oh mais vous avez pas le sens du cool.”
– Mais y en a que pour les femmes, dans ton truc ?”
– Oui. J’aime bien les femmes.”
– Non mais faudrait trouver un truc aussi pour les hommes sinon ils vont se sentir lésés. Qu’est-ce que tu dirais de ça : le comble de l’élégance, pour un homme, ce serait de s’attacher un truc autour du cou !”
– Non.”
– Mais il y en aurait avec des chats ! Ou des rayures !”
– Oui… non !”
– Non mais regarde, ça ferait super joli sur une chemise bien repassée.”
– Une quoi bien quoi ?”
– Attends, je vais te montrer… voilà…. non c’est pas bien serré, encore un peu plus… voilà, parfait !”

Et c’est grâce à cette intervention salvatrice bien qu’un peu trop musclée (ne faites pas ça chez vous les enfants), première victime de la mode de l’histoire, qu’on n’entendit plus jamais parler d’UuhhGruhhhhhhhr et de ses sinistres idées.

Comment veux-tu que je postule ?

Wednesday, December 12th, 2012

Madame la Poste,

C’est avec plaisir que je réponds à votre offre d’emploi diffusée sur le réseau social Twitter, où j’aime à traîner car je pense qu’il est important de faire de la veille dans le networking, et sans doute aussi ailleurs mais j’y étais pas.

J’aimerais à ce propos vous féliciter, même si ça ne se fait pas trop dans une lettre de motivation, j’en suis conscient, pour votre parfaite maîtrise des réseaux sociaux : moi aussi, si je cherchais des traînées, j’irais sur Twitter (mais je ne peux pas leur envoyer de DM parce qu’elles ne me followent pas back alors bon). En revanche, vous avez oublié les accents, comme aurait dû le faire depuis bien longtemps Tex.

Au nom de l’égalité, je me permets de répondre à cette annonce, car je ne vois pas pourquoi être un homme m’interdirait d’être une trainee. Cela fait d’ailleurs des années que je m’efforce de le devenir car comme vous, je pense que rien ne vaut la pratique. Dans ma tête, je suis la reine des trainee. Et si cela ne s’est jamais concrétisé dans les faits, ce n’est qu’une question, comme le disait Lao-Tseu, d’opportunités. Que m’offrira enfin le poste (un poste à La Poste, c’est drôle, ça)(pardon d’apparter au risque de m’y brûler le pourpoint, mais je viens à peine de faire le rapprochement) que vous me proposez si gentiment.
Je ne viens pas, je me dois de le préciser, de sortir de l’université avec brio, ni même sans, comme le stipule votre annonce. Et d’ailleurs, je sortais très peu à l’université. C’est pour cela que je compte sur votre programme minutieux d’entraînement car je sens que je suis passé à côté d’un truc.

En revanche, je jouis des prédispositions indispensables pour ce job de trainee. Je ne crache pas sur un bon verre d’alcool, je ne m’intéresse pas plus que ça à l’amour propre et je n’ai rien contre les histoires d’un soir car, comme l’a dit le poète, c’est toujours un soir de plus que mes histoires habituelles.

Je vous ci-joint mon CV, dans le doute, mais je me demande si mon expérience de trieur de cornichons est vraiment pertinente dans le cas qui nous intéresse. Encore que. Mais bon, ce n’est pas à moi d’en décider.
En espérant que mes arguments vous aient convaincue, je vous prie d’agréer, Madame la Poste, mes poutou-poutous et je vous dis à bientôt, dans une de vos queues !

Compte de Noël

Thursday, December 6th, 2012

Cela faisait trente-sept ans, depuis l’effondrement de la troisième union européenne, que la guerre avait éclaté. Au début, les gens allaient la voir le dimanche avec les enfants, mais tout le monde s’était lassé depuis longtemps. Surtout qu’à force d’alliances, de trahisons, de scissions, il devenait difficile de bien comprendre qui se battait contre qui. Et ça commençait à coûter cher.

“Il serait temps que cela cesse”, s’était dit un général d’état-major qui commençait à s’ennuyer sérieusement. A force que tous les pays consacrent plus de 100% à leur budget annuel à l’armement, toutes les écoles avaient fermé et il devait emmener ses onze enfants au travail tous les jours, et ils étaient un peu bruyants, surtout le petit dernier, dont il avait oublié le prénom. Mais il ne convoqua pas, comme tous ces prédécesseurs, une énième conférence internationale de paix.

Selon les vieilles légendes, il existait, au coeur de l’Europe, un petit pays, le seul à encore entretenir une armée sans drones, sans robots, sans chars télécommandés, mais avec des vrais soldats à l’ancienne. Jadis, ce pays avait été prospère, grâce à ses banques, ses montres, ses médicaments et son industrie de précision, puis les Chinois du Brésil et d’Indonésie avaient commencé à faire mieux, car ces gens là ne respectent rien. Quand la guerre avait éclaté, par souci de neutralité, le petit pays avait décidé de s’enfermer sous les montagnes. Depuis, tout le monde l’avait oublié mais l’industrie du médicament était encore très prospère.

Le général d’état-major se dit que vu qu’ils ne s’en servaient probablement pas, on pourrait aller demander aux ressortissants de ce petit pays de prêter leur armée trois semaines, le temps de régler le conflit de manière traditionnelle, et après je vous la rends, promis, et je nettoie tout bien.

Le petit pays refusa parce que si on fait une exception pour un, on doit en faire pour tous et après c’est l’engrenage, vous comprenez, mais est-ce que vous pourriez nous apporter un peu de fromage parce que les vaches dépérissent sous cette montagne.

Alors la guerre repartit pour 37 ans. Mais ce n’était plus pareil. Il n’y avait plus le feu sacré. “On pourrait juste débrancher tous nos drones et aller à la pèche?”, se demanda le général d’état-major, qui fut immédiatement licencié parce que faut quand même pas déconner, mais tout de même, le ver était dans la pêche.

Et c’est ainsi que finalement, l’Europe demanda son adhésion à la Suisse (qui refusa à 57,2%).

Indigné presque parfait

Wednesday, December 5th, 2012

Fulgor estimait que dans la vie, on ne pouvait se contenter de subir, il fallait agir, pour être maître de son propre destin.

A 17 ans, résolument pacifiste, il était entré dans une association de lutte contre la guerre et même si, globalement, très peu de guerres avaient été évitées grâce à lui, il avait, se disait-il, contribué à rendre le monde un peu meilleur en vendant des t-shirts. Plus tard, il avait également distribué des autocollants. Puis il était entré dans un groupe de reflexion sur l’action citoyenne et il avait pas mal réfléchi.

Puis il avait eu beaucoup moins le temps de s’engager, avec les études, le boulot, les apéros, c’est compliqué, mais militant écologiste convaincu, il se rendait toujours à son travail en vélo sauf les mardis, les jeudis et les mois en r. Mais il avait tout de même assisté à trois concerts de Tryo et, dans le doute, un de Cali.

Aujourd’hui, légèrement trentenaire, ce passé activiste lui manquait, mais que veux-tu, on prend un appartement puis un jour on n’a pas le temps d’acheter des ampoules économiques et des légumes bio et c’est l’engrenage infernal. Il n’avait même pas ouvert le journal d’amnesty international le mois dernier. Il sentait qu’il fallait faire quelque chose, et vite.

Alors ce matin-là, il se dit qu’enfin, c’était le moment de faire un acte militant. De s’engager vraiment, pour contribuer à améliorer la vie de ses concitoyens. En commençant à un échelon local, car n’est-ce pas là que se jouent les vrais enjeux ?
Et c’est depuis qu’il s’attelait, et ça tombait bien, il n’avait pas grand chose de très urgent au travail, à fabriquer des flyers qu’il irait ensuite déposer sur les pare-brises de tous ces cons qui se parquent n’importe comment quand il neige et après on peut même pas sortir du garage !