Archive for the ‘mauvaises nouvelles’ Category

Malgré la crise

Friday, October 5th, 2012

– Bon, vous commencez lundi. »
– Ah mais parce que je vous ai pas encore parlé de mon expérience, j’ai été trieur de cornichons et… »
– C’est bon, je vous dis. »
– Bon ben super. Mais ça consiste en quoi, le job ? J’ai pas super bien compris… »
– Résoudre la crise de la dette. »
– Ah oui, quand même. Vous êtes bien sûr que j’ai les capacités ? »
– Bon. Imaginez par exemple que les collectivités publiques soient toutes endettées. Que les banques soient au bord de la faillite. Que les grandes entreprises soient obligées de licencier. Que toi-même, tu aies une demi-trentaine de crédits. »
– Oui, je dois pouvoir imaginer ça. »
– A un moment donné, si tout le monde doit du fric à tout le monde, il doit bien y avoir un type à qui on doit du fric, sinon c’est l’anarchie. »
– Ce sont les patrons et les banques qui nous spolient… »
– Et merde, j’ai jamais pu encadrer les communistes. »
– Alors il est où ? Et surtout, je viens foutre quoi là dedans ? »
– C’est Smoaghl, un dragon. »
– Ah tiens. »
– Oui. »
– Ça alors. »
– En effet. »
– Un dragon ? »
– Vous savez comment ils sont, ils adorent l’or et tout. Ils se couchent dessus, ça les détend, c’est traditionnel chez eux. Bon, là, il est surtout couché sur un énorme trésor de reconnaissances de dettes et de transactions banquières, c’est moins confortable, du coup ça le rend un peu grognon, mais l’intention y est. »
– Mais que fait le gouvernement ? »
– Justement, c’est là que vous intervenez ! On monte une petite équipe d’aventuriers pour aller le trucider, et en échange vous pouvez garder la peau pour en faire des sacs à main et des bottines. »
– Ah oui… mais il va y avoir des elfes et des nains et tout ? parce que moi, bon, niveau expérience, j’ai gardé des vaches une année à l’alpage mais le dragon j’ai jamais fait. »
– Non, pas d’elfes, pas de nains, juste une douzaine de titulaires de l’aide sociale dans le cadre d’un programme novateur de réinsertion mais n’ayez crainte, vous serez encadrés par deux assistants sociaux de niveau 12. »
– Ça a l’air moins facile que la fois où on avait nettoyé les rives du Rhône avec une brosse à dents, quand même. »
– Non mais le topo est simple, vous partez, il vous arrive en route deux trois aventures secondaires, ça fait un peu peur mais vous vous en sortez quand même, après, quelques péripéties, peut-être même un petit intermède romantique pour capter le public romantique, puis arrivée dans l’antre du dragon, là, deux ou trois personnages secondaires vaguement attachants mais pas trop quand même finissent comme la saucisse que on avait bien dit qu’il fallait pas en rajouter sur le gril on a eu bien assez avec les chips mais tu veux jamais m’écouter du barbecue de l’été dernier, puis confrontation. Là, escalade, la situation devient franchement périlleuse, à deux pages de la fin, on se dit que c’est foutu mais soudain, découverte du point faible du dragon, le faire-valoir rigolo mais un peu inutile du héros, et je pense que ce serait totalement un job pour vous, sans vouloir vous influencer, se sacrifie, tout le monde pleure un peu mais bon, et ensuite tout le monde danse la ronde de l’amitié et le tour est joué. »
– Ah ouais, ok. »

Dur comme fer

Friday, September 21st, 2012

– Je crois qu’on va pas contre le beau. »
– Ils annoncent du mieux pour mercredi, je crois… »
– Non mais je suis pas venu parler météo, je suis venu faire un dépot de croyance ! »
– Ah oui, je me disais aussi… vous avez tous les documents en ordre, formulaire officiel b42, signatures avalisées par un opérateur assermenté, dossier en treize exemplaires… »
– Signatures ? Opérateur ? Non mais on a fait vérifier ça de manière automatisée, avec empreinte rétinienne et tout, plus aucun état n’accepte les signatures… »
– Si, Nauru. »
– Mais ils ont été submergés il y a un bon siècle ! »
– Oui, mais l’état existe officiellement toujours… »
– Mais… je ne sais même pas où trouver de stylos, à part dans un musée ! »
– Je n’ai pas de temps à perdre avec des dépots de croyances mal préparés, monsieur, revenez quand vous aurez tout. Suivant ! »

Je détestais faire ça. Mais c’étaient les directives, et à cinquante-trois ans à peine de la retraite, je n’allais pas commencer à désobéir aux directives. Je n’y avais déjà pas renoncé pendant la période où le pays était dirigé, suite à une erreur lors du tirage au sort, par un chat, je n’allais pas commencer maintenant (je persiste d’ailleurs à dire que cette période n’avait pas été aussi mauvaise). Bien entendu, je trouvais la situation actuelle un peu ridicule, mais qu’y pouvais-je ? Le conseil d’administration national nous avait demandé, jusqu’à la prochaine assemblée des actionnaires, de tout faire pour ralentir les demandes officielles de dépots de croyance et ralentir était un domaine dans lequel je réussissais bien.

Tout avait commencé en 2094, suite à une blague sur un forum qui avait dégénéré en sept ans de guerre. Une guerre d’autant plus ridicule qu’elle opposait, je crois, deux religions qui, à la base, étaient parodiques. Pour le rosilicornisme, je n’en suis pas sûr, certains de leurs préceptes me semblent crédibles, mais les évangéliques, ça, tout le monde le sait. Enfin, difficile de le vérifier, puisque le dernier historien est décédé il y a… ben ça non plus, personne ne le sait avec certitude, tiens. Les nations unies avaient alors demandé à tous les gouvernements de préparer une liste des croyances religieuses dont il ne fallait plus se moquer pour ne pas heurter les sensibilités. Mais des voix s’étaient élevées : “pourquoi seulement les croyances religieuses ? tout le monde se moque de moi parce que je crois que le grand soir va venir, et ce n’est pas normal de tolérer cela”, avait déclaré le très influent kikinou69 sur son 3d-vidéo-blog. Puis, sur un malentendu, une nouvelle guerre avait éclaté, entre ceux qui croyaient aux extra-terrestres et ceux qui croyaient en l’avenir du service public. Elle n’est d’ailleurs pas encore tout à fait terminée. Les nations unies avaient alors essayé d’interdire aux particuliers de posséder des armées privées, mais la République Texanne avait opposé son droit de veto, alors on avait préféré étendre la loi sur les moqueries à toutes les croyances. L’humanité était devenue comme un gros enfant capricieux incapable de supporter la moindre remarque, sitôt que quelqu’un la contredisait, elle se roulait par terre en hurlant.

Chaque semaine, je recevais plus d’une centaine de dépots officiels de croyance. Certaines ridicules, comme celle émanant de gens pensant que leur voisin passait la tondeuse exprès pour leur nuire vu que tout de même ça fait bien soixante ans qu’on n’a plus vu de gazon ou des citoyens affirmant que Servette pouvait gagner encore un championnat maintenant que Genève était une République indépendante. D’autres peut-être plus sérieuses. Difficile de différencier celles déposées par des groupuscules vraiment persuadés du bien fondé de leur démarche, et celles émanant de farceurs ou d’anarchistes qui tentaient de submerger le système sous des tonnes de demandes farfelues, ce qui était probablement le cas de mon dernier visiteur.

– Suivant ! »
– Je crois que le jour viendra où les Irlandais feront la paix autour de la croix. »

Knacki sonne le glas

Tuesday, August 9th, 2011

Disclaimer : cette nouvelle n’a aucun lien avec une activité cinématographique aussi récente que navrante

Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de faire des cachotteries dans une famille de cinq enfants, mais je vous le déconseille. Quand mon petit frère Yvon s’est mis à hurler « Isa elle planque des saucisses sous son lit, elle planque des saucisses sous son lit ! », je n’ai pas été étonnée outre mesure.
« Tu n’as pas de troubles alimentaires, au moins ? », m’a demandé maman, pour qui la nourriture est le truc avec lequel il ne faut pas plaisanter. « Non parce que les gens me posent des questions, tu sais. » J’ai éclaté de rire, forcément. Ça revient souvent sur le tapis. Je ne suis pas anorexique. Même selon les critères de ma mère, qui situe ça autour d’un cheval par jour. C’est un peu comme si on demandait à DSK s’il avait fait voeu de chasteté. Mais, depuis toujours, les gens s’inquiètent pour moi. Du moins, disent d’inquiéter pour moi pour le plaisir de coller leur nez dans les affaires des autres. Parce que je suis, disons, fluette. Maigre, auriez-vous dit, mais c’est moi qui raconte. C’est un truc de famille. Mes quatre frères sont bâtis pareils que moi, des estomacs sur pattes larges comme des Somaliens. Eux, on leur demande s’ils mangent à leur faim, on se dit qu’avec cinq gamins, mes pauvres parents doivent avoir de la peine à acheter suffisamment. Les parents de leurs amis les ont toujours resservis en douce. Moi, je suis une fille alors c’est un peu différent. On ne me demande pas, sur un ton inquiet, « Mais tu manges à ta faim ? », non, on m’engueule : « Mange ! » ou alors « Tu sais, les garçons aiment les filles qui ont des formes. »
Les gens me voyaient manger comme quatre, mais ils continuaient de me croire anorexique, de s’inquiéter pour moi, de coller l’oreille à la porte des WC pour être sûrs que je ne me faisais pas vomir. Ça m’a énervée, inquiétée, déprimée puis, un jour, j’ai compris que, ma foi, je n’aurais jamais de seins, que j’étais fabriquée comme ça et que je ne pouvais changer ni ma constitution, ni le regard des autres. Que maman, régulièrement, à force d’entendre ses copines chuchoter, me pose la question, ça m’a toujours ébahie parce qu’elle devrait se rendre compte que ce n’est pas vraiment dans ce domaine-là qu’il faut s’inquiéter pour moi. Mais j’ai l’habitude. »

Très touchante, ton histoire, mais enfin, ça n’a rien à voir avec la raison pour laquelle tu es là. »
Attendez, attendez, je contextualise.
Petit à petit, donc, je me suis mise à cultiver ce qui faisait ma différence. Je mange beaucoup et, seule fille perdue au milieu d’une famille de goinfres, je mange vite. Question de survie. Et un jour, je suis tombée sur un article sur Takeru Kobayashi, « The Tsunami », l’homme qui avale 63 hot-dogs en 12 minutes. Ça m’a fascinée. J’ai jamais été sportive, jamais été très scolaire, je ne suis la plus forte en rien, mais voilà enfin une compétition dans laquelle je pouvais cartonner. M’empiffrer, c’est dans mes cordes. J’ai lu tout ce que je trouvais sur lui sur Internet, j’ai regardé plein de vidéos pour m’inspirer de sa technique et, enfin, j’ai acheté de quoi m’entraîner, une cinquantaine de pains à hot dog et tout autant de Wienerli. Je pensais garder ça pour moi, parce que les gens me trouvent déjà assez bizarre comme ça, je ne suis pas sûre de vouloir en rajouter.
La famille a nettement mieux réagi que ce que je pensais. Ils ont adoré. Ils ne se sont pas du tout moqué de moi, comme je l’avais imaginé, peut-être bien espéré. Le clan a pris mon entraînement en mains.
Mais il n’y a pas que pour la bouffe ou la procréation qu’ils sont dans l’excès. En faire des tonnes, c’est une marque de fabrique. Enfin, sauf au sens propre, il n’y a guère que pour le tour de taille que nous savons nous maîtriser, et encore, ce n’est pas tellement volontaire. Mon grand frère Corentin s’est mis en tête de trouver la technique ultime. Yvon, le numéro 4, un an de moins que moi et seize ans passés à vouloir toujours faire mieux que moi, a décidé qu’il pouvait se lancer lui aussi dans les compétitions. Papa a téléchargé des tonnes d’articles et a même demandé à un client japonais de lui traduire les articles de presse sur Kobayashi. C’était devenu l’unique sujet de conversation à la maison. Seule maman restait un peu imperméable à l’enthousiasme général : elle secouait la tête et répétait, en boucle : « Mon dieu, mon dieu, mais vous n’aurez plus faim pour le rôti !»
Le pire, là-dedans, c’est que je suis nulle. S’il y avait des compétitions type 24 heures de la fondue chinoise, je les remporterais haut la main. Mais le hot-dog, ça ne passe pas. Je m’étouffe, j’en recrache la moitié, je m’en mets dans le nez, une horreur.
Sauf que je ne pouvais plus faire machine arrière. Pour calmer un peu ces messieurs, j’ai rappelé que je ne savais même pas s’il y avait des compétitions en dehors des Etats-Unis. L’erreur fatale. Papa s’est mis en tête de mettre sur pied un grand événement sur sol helvétique. « Il pourrait même y avoir une épreuve de fondue », a-t-il ajouté. Et il était sérieux, bien sûr. Je me sentais complètement obligée de persévérer, pour eux. »
Ah oui, j’avais lu quelque chose sur cette compétition… Et donc, inconsciemment, tu t’es imaginée que ce Japonais, là, était la cause de tes problèmes et c’est pour ça que tu l’as agressé. »
C’est un peu plus compliqué que ça. Laissez-moi terminer. La compétition approchait, Corentin s’était improvisé chef de presse et avait rameuté les médias, on ne pouvait plus faire machine arrière. Même si, en réalité, nous n’avons jamais eu droit à plus qu’à la rubrique « Insolites » des journaux locaux.
Moi, entre temps, j’étais complètement écoeurée. Je rêvais de hot dog toutes les nuits. Je repensais en permanence à cette planche des Schtroumpfs, vous connaissez les Schtroumpfs ?, où l’un d’eux se retrouve transformé en saucisse. J’avais l’impression qu’il allait m’arriver la même chose, que moi aussi, j’allais courir partout en répétant « Je suis une saucisse, je suis une saucisse. »
Tu as d’étranges lectures. »
Je peux finir ?
Un jour, mon père est arrivé à la maison excité comme un gamin avant Noël. « J’ai une surprise pour toi », a-t-il hurlé. Je l’avais rarement vu aussi survolté et pourtant, il n’est pas du genre calme. Il est reparti en trombe et est revenu une demi-heure plus tard avec un invité. Takeru Kobayashi. Il y a six mois, j’aurais été folle de joie. Là, j’ai repensé à cette vidéo où il tente d’avaler sa pitance plus vite qu’un ours et j’ai eu un haut le coeur. Je me suis dit qu’à la place de la bête, je serais repartie me cacher dans mes montagnes en grognant. Ou alors que je serais passée me plaindre auprès de la SPA locale. Papa, lui, dansait sur place. « Va chercher ton cahier, fais lui signer un autographe, voyons ! » Je ne sais pas du tout de quel cahier il parlait mais, dans le doute, pour ne pas lui casser ses illusions, j’ai attrapé la première chose qui y ressemblait dans ma chambre. Kobayashi a signé, me l’a rendu et… »
Tu l’as attaqué. »
J’ai cru qu’il me tendait des saucisses ! »
Pardon ? »
Je devenais folle avec toute cette histoire. Ma vision s’est brouillée, je ne sais pas, je me disais bien qu’il y aurait dû y avoir ses doigts à cet endroit-là, mais j’ai vu cinq saucisses, alors j’ai mordu. »
Tu me prends pour un idiot ? »
Mais non. Des Knackis. Et ne pointez pas votre index comme ça ! »
Ne me donne pas d’ordres ! »
Ce n’est pas un ordre. C’est un conseil. »
Ne me donne pas de cons…. aïe ! Mais elle m’a mordu ! »

Walzer für Niemand

Friday, June 12th, 2009

Petit préambule: Cette note est peut-être un peu différente de ce que je fais d’habitude. C’est une nouvelle qui me traînait dans un coin de la tête et que je n’avais pas envie de laisser prendre la poussière toute seule dans un Moleskine.

Elle monta les escaliers bien plus lentement que d’habitude, en fouillant son sac. Elle ne retrouvait pas ses clés. Elle aurait aimé que quelqu’un se foute d’elle. C’est la dixième fois que tu les perds cette semaine, record battu. Elle aurait peut-être même aimé une réaction courroucée. Bien sûr qu’elles sont là, tes clés, tu les perds tous les jours et, au final, elles sont toujours dans ton sac.
Cela faisait longtemps que cela ne lui avait pas fait aussi mal. Entrer, trouver la lumière éteinte, adresser quelques mots au chat, manger devant la télé. En remettant la main sur son trousseau de clés, elle décida qu’elle appellerait une copine, histoire de se faire un cinéma ou une bonne vieille soirée à dire du mal autour d’une bière.
C’était peut-être l’approche de ses trente ans. On a beau se dire qu’on s’en fout, il y a toujours un moment où on se laisse rattraper par les “une belle jeune fille comme vous, célibataire ?” qui se font plus compatissants et moins rieurs, les “vous savez, l’horloge biologique…”, les “mais tu leur fais quoi pour pas réussir à en garder un ?”, souvent assortis de bons conseils, tous les articles de magazine féminins qui expliquent comment être heureuse quand même quand on est célibataire.
C’était peut-être la conversation du week-end dernier, les retrouvailles avec quelques amies du lycée. Pas parce qu’elles étaient quasi toutes mariées jusqu’aux yeux, pas parce qu’elles insistaient lourdement sur sa chance d’être libre, mais à cause de cette remarque, l’air pourtant banale, lâchée par sa vieille copine Maria : “T’as quand même vraiment pas de chance avec les mecs”.
Ça l’avait plombée. Parce que mine de rien, elle avait fini par se convaincre qu’elle était seule par choix, qu’elle aimait ça, et n’avait même jamais songé à se plaindre de cette série de coups du destin qui faisait que cet été, elle partirait trois semaines en trakking plutôt que “quelques jours au camping parce que tu comprends, avec les gosses…”
Mais pourtant, en y réfléchissant bien… Il y avait eu cet artiste dépressif il y a quoi ? sept ans ? Là, ok, elle était partie, même si ça avait été un déchirement. Juste avant de devenir folle.
Puis celui qui avait décroché une bourse, de façon totalement inespérée, et avait pu partir étudier à New York. Leur relation épistolaire avait duré au moins un mois. Il n’était jamais revenu et elle repoussait chaque été d’une année l’idée de lui rendre visite.
Celui qui avait eu une révélation mystique. Elle aurait préféré qu’il la quitte pour une fille plus jolie qu’elle plutôt que pour un grand gourou. Il lui répondait qu’il n’y avait pas de filles plus jolies qu’elle, et qu’il ne fallait pas appeler Wikram gourou, qu’il était à la fois bien plus et bien moins que ça, mais qu’elle ne pouvait pas comprendre. Aux dernières nouvelles, son ex s’appelait désormais Oiseau de Lumière, était plus heureux qu’il ne l’avait jamais été et vivait en un lieu qu’il ne pouvait révéler.
Celui qui avait recroisé, complètement par hasard, une ex qui vivait pourtant à plus de sept mille kilomètres. Il avait fait des aller-retour émotionnels pendant quelques mois avant de se faire jeter, quasi simultanément, par les deux.
Et puis le dernier en date. Adrien. Ni sa carrière, ni sa foi, ni sa bite ne semblaient vouloir les séparer. Ils as’étaient plus ou moins mis d’accord sur des prénoms et avaient décidé d’où ils se marieraient s’ils se mariaient. Quand il avait eu ce terrible accident de ski. Elle aurait préféré qu’il la quitte pour une fille plus jolie que pour cette salope de faucheuse.
Elle était de ces gens à qui on dit “je sais pas comment tu fais, à ta place je serais au quatrième dessous”. Elle ne pleurait qu’en cachette. Elle avait même rencontré quelques mecs, mais ne les laissait jamais entrer dans sa vie.
Mais là, ce soir, elle se sentait vraiment seule. Au point de délirer, ou alors il y avait quelqu’un assis juste devant son appartement ?

***

– Tu fais quoi ici ?
– Je viens pour ton anniversaire.
– C’est dans un mois.
– Je sais.
– Je ne comprends pas, là.
– Si à trente ans, tu n’es pas mariée, alors tu m’épouses. Tu me l’avais promis. Il n’y a que ton nom sur la sonnette, j’ai vérifié.
– Mon dieu, tu te souviens de ça ? C’est fou comme le romantisme peut avoir l’air effrayant, par moments.
– Tout est prêt. L’église, les faire-parts, le repas, la musique. Tout est prêt.
– Je… Enfin c’est un peu étrange, là, on ne s’est pas vu depuis, quoi, sept ans ?
– Cinq ans et demi. La soirée chez Michaël. Je t’avais ramenée.
– Ah oui, j’avais oublié. Enfin, tu veux entrer, boire un café ? Tout est prêt, tu dis ?
– Tout. J’ai eu du temps, en cinq ans et demi…
– Tu comprends, j’ai pas eu d’histoire sérieuse depuis deux ans et là.
– Une année et demi, en fait.
– Je… Oui, c’est juste, une année et demi.
– L’accident de ski.