Archive for April, 2015

Croire

Wednesday, April 22nd, 2015

– Je sais ! J’ai trouvé ! Yves Duteil, m’exclamai-je avec excitation.
– Hrm, répondit Gunda, ma community manager imaginaire, avec flegme.
– C’est un chanteur mort, les gens l’aiment bien, la profession va probablement lui rendre hommage prochainement, ce n’est qu’une question de secondes. Quand elle le fera, je pourrai m’exclamer VOUS L’AVEZ LU ICI EN PREMIER, et tout le monde dansera la ronde de l’amitié, poursuivis-je avec parcimonie.
– Vas-y, fais-ce que tu veux, moi je m’en fous, sourit Gunda, avec saucisson à l’ail.
– Ma chanson préférée d’Yves Duteil : Antisocial, asséné-je avec lien YouTube.
– Hein ? Oh et puis après tout, fais ce que tu veux, moi je m’en fous, tintinnabula Gunda avec le temps va tout s’en va.

**

Tu bosses toute ta vie pour payer ta pierre tombale,

Oui, mais c’est parce que j’en voudrais une vachement bien, avec des genre de statues et des trucs qui clignotent, enfin, un truc un peu prestigieux, au cas où je deviendrais hyper connu après ma mort comme Van Gogh et l’autre. Mais du coup, comme je bosse, je n’ai pas le temps de me consacrer à la peinture et au désoreillage, alors je ne vois pas trop pour quoi je deviendrai hyper connu, peut-être pour une recette de pâtes ?, je ne sais pas.

Tu masques ton visage en lisant ton journal,

J’étais en train de lire les cours de la bourse, à cause de cette histoire de richesse, je voudrais pas trop que ça s’ébruite.

Tu marches tel un robot dans les couloirs du metro,

Oui ben je voudrais t’y voir, aussi, le visage masqué, en train de lire le journal, dans le métro, c’est pas comme ça qu’on a une démarche chaloupée non plus.
En plus, je me disais, faire le robot dans les couloirs du métro, ce serait pas un super moyen d’arrondir mes fins de pierre tombale ?
Je vais y penser.

Les gens ne te touchent pas faut faire le premier pas,

Dans le métro, masqué, je lis le journal et je fais le con avec ma démarche de robot et personne ne me touche ?
On parle bien du métro, le moyen de transport, pas du Métro, le bar à Moudon ?

Tu voudrais dialoguer sans renvoyer la balle,

Oui, tant qu’à faire. J’ai jamais été très doué pour les jeu de raquettes, alors si on pouvait causer autour d’une bière plutôt que d’une table de ping-pong…

Impossible d’avancer sans ton gilet pare-balle.

Bravo pour cette rime, il fallait la trouver !
Mais je digresse.
Oui, donc je suis mauvais au ping-pong, mais pas à ce point, non plus.

Tu voudrais donner des yeux a la justice
Impossible de violer cette femme pleine de vices.

Ah ben oui, vas-y, maintenant, pour dire un truc drôle et pertinent alors que tu parles de viol, “c’est pas ma faute, monsieur le juge, elle avait des yeux, elle l’a quand même bien cherché !”. C’est malin.

Antisocial, tu perds ton sang froid.

Non, je suis parfaitement calme, c’est juste que c’est difficile d’enchaîner.

Repense a toutes ces annees de service.

Ah oui, un bon souvenir d’armée, ça détend toujours l’atmosphère, pas bête !

Antisocial, bientôt des annees de sévices,

Oui, c’est vrai, ce sont pas des souvenirs, parlons d’autre chose.

Enfin le temps perdu qu’on ne rattrape plus.

C’est bien vrai, le temps file, ma bonne dame. Mais c’est pas une raison pour faire des phrases où il manque des.

Ecraser des gens est devenu ton passe-temps.

Oui, mais bon, je fais pas mal de kilomètres, parce que j’en avais marre du métro. Alors au bout d’un moment, ça détend. Et puis je crois que s’ils n’ont pas d’yeux, ça compte pas.

En les éclaboussant, tu deviens gênant.

Ah, non ! Ecraser les gens bon, ok, de temps en temps, pour déconner, je veux bien. Mais les asperger, non. Un peu de respect.

Dans ton désespoir, il reste un peu d’espoir

Pardon, je sais bien que le temps perdu qu’on ne rattrape plus, mais tu serais pas en train de bâcler un peu tes paroles, là ?

Celui de voir les gens sans fard et moins batards.

Ah, oui, d’accord, j’avais compris phares ! Je trouvais ça logique.

Mais cesse de faire le point, serre plutot les poings,

Héhé pas mal la blague ! Elle tombe… à point !

Bouge de ta retraite, ta conduite est trop parfaite

Je te rappelle que j’écrase des gens. En les éclaboussant, en plus. Sans phares. Pardon, mais s’il y avait un permis à point pour les couloirs du métro, je n’aurais déjà plus de points.

Relève la gueule, je suis là, t’es pas seul

Ah oui tiens, salut, je t’avais pas vu ! Ca va ?

Ceux qui hier t’enviaient, aujourd’hui te jugeraient.

Bah, tu m’étonnes, je suis là à errer dans le métro et à faire n’importe quoi, les gens ne comprennent pas ça.

Antisocial, tu perds ton sang froid.
Repense a toutes ces annees de service.
Antisocial, bientot des annees de sevices,
Enfin le temps perdu qu’on ne rattrape plus. Qu’on ne ratrappe plus.
Tu bosses toute ta vie pour payer ta pierre tombale,
Tu masques ton visage en lisant ton journal,
Tu marches tel un robot dans les couloirs du metro,
Les gens ne te touchent pas,
Tu voudrais dialoguer sans renvoyer la balle,
Impossible d’avancer sans ton gilet pare-balle.
Tu voudrais donner des yeux a la justice
Impossible de violer cette femme pleine de vices.
Antisocial, tu perds ton sang froid.
Repense a toutes ces annees de service.
Antisocial, bientot des annees de sevices,
Enfin le temps perdu qu’on ne rattrape plus,
qu’on ne rattrape plus, qu’on ne rattrape plus, qu’on ne rattrape plus.

Non mais ok, ça m’agace un peu, ils pourraient faire un effort, quand même.

Antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial, antisocial!!!

Tu te répètes pas un peu, quand même ?
Non mais ok, tu vas me dire que je suis un peu normalisant mais quand même, tu te répètes pas un peu ? Tu te répètes pas un peu ? Tu te répètes pas un peu ?
Ah ben tu vois, toi aussi, au bout d’un moment, tu perds ton sang froid.

Au final, c’est une très belle chanson, porteuse d’espoir, l’espoir de ne pas avoir de désespoir : il paraîtrait qu’à certaines heures, il y a suffisamment de place dans le métro pour faire le robot avec un masque en journal.

Les neiges du Kilimandjaro

Monday, April 20th, 2015

– Salut, c’est Gunda, ta community manager imaginaire !
– Tiens, mais je te croyais décédée ?
– Non. Bon, dis, tu sais, là, ton truc avec les paroles de chansons ?
– Ah ouais, ouais.
– C’était nul.
– Sympa l’ambiance.
– Mais bon, les gens aimaient ça, enfin, certains. Je me disais que tu devrais t’y remettre.
– Ouais mais moi, la musique de jeunes, j’y connais rien. A part Sofiane Stiven, j’adore, son projet de faire un album par état des Etats-Unis, surtout Pizza Hawaï et son album de reprises de classiques nord africains en ska, Allah Ska, et aussi Pizza Oregon et…
– Chut.
– Sinon, l’autre jour, pour savoir un peu ce qui était à la mode, je suis allé dans un magasin de CDs et…
– #facepalm
– Plaît-il ? C’était pas une série dans les années 80, ça ?
– Hein ? Non, je disais que plus personne n’avait mis les pieds dans un magasin de CDs depuis au moins huit ans.
– Ah ? Bon, en tout cas, j’ai vu un peu les dernières sorties. La bande à Renaud, Joyeux anniversaire m’sieur Dutronc, Aznvour sa jeunesse, Ferrat airs de liberté. Je crois que les jeunes écoutent des reprises de chanteurs morts par Zaz et Louane. Du coup, je me suis dit qu’il fallait devancer la mode plutôt que la suivre.
– Je crains le pire.
– Je me suis dit que j’allais anticiper les prochaines sorties, Buddy Holly chante Richard Anthony, souviens-toi Barbara, Johnny dans l’idée, Quand Lama fâché, les choses à Clerc, les brêles chantent Brel…
– Ah tiens, non, je ne craignais pas le pire.
– Au bistro d’Obispo, Barbelivien nous barbe…
– Puisque c’est comme ça, je m’en vais faire community manager imaginaire d’un blog féministe vegan.
– Polnareff, tu l’aimes ou Cétélem. Oasis chante Carlos.
– D’accord, mais qu’est-ce que tu vas nous chanter ?
– Capri, c’est fini.
– Mais enfin, Hervé Vilard n’est pas mort.
– Alors c’est une très belle chanson, porteuse d’espoir, qui parle de quelqu’un qui va finalement aller en vacances ailleurs parce qu’il n’a rien trouvé de bien sur AirBnB. Mais qui dramatise un peu.

Dors mon fils

Wednesday, April 8th, 2015

Tu viens de te porter acquéreur d’un charmant nouveau-né. Depuis, le bonheur inonde ton c½ur comme un frais torrent au petit matin.

La première fois que tu as pris ce petit être fragile et désemparé dans tes bras et qu’en quelques secondes à peine, ses pleurs ont cessé, tu t’es senti aussitôt envahi d’une infinie émotion. C’était il y a quelques semaines à peine. C’était il y a 6700 kilomètres environ.

Car ce petit être fragile et désemparé ne cesse de pleurer que si tu le prends dans tes bras et que tu fais les cent pas dans le couloir avec lui. A chaque fois se mêlent la fierté de savoir le rassurer, la tendresse, le bonheur. Mais surtout l’ennui. Quarante aller retour au milieu de la nuit dans un appartement, certes décoré avec style et chamarrage, mais enfin, ça reste un peu toujours le même, à force, ça saoule. L’ennui, donc, et les ampoules, aussi.

Comment utiliser intelligemment ce temps mis à ta disposition, en général entre 3 heures 30 et 5 heures 20 du matin ?

– Les cent pas dans l’appartement, ce n’est pas vraiment du sport. Mais installe un parcours d’obstacles et très vite, ce petit rituel remplacera avantageusement l’abonnement au fitness où tu n’as plus mis les pieds depuis six mois, ce qui est tout à ton honneur. Bientôt, tout le monde se pâmera sur ton corps d’athlète, ce n’est pas parce que la gaudriole, c’est fini pour au moins quinze ans qu’il faut se laisser aller.

– Equipe-toi d’un compte-pas. Calcule la distance parcourue. Détermine où tu serais si, au lieu d’allers et retours, tu t’étais contenté d’allers. Puis, à l’aide d’un internet portatif, plonge toi dans des photos de cet endroit. Quel beau voyage !

– Tu peux également prendre de l’avance sur ton ménage : à chaque aller, tu fais un bout de vitre, à chaque retour, un peu de rangement et que de temps gagné pour demain, avec un peu de chance tu pourras même inscrire une sieste de sept minutes au programme. Deux serpillères habilement glissées sous tes pieds, une éponge sur la mignonne petite tête de bébé et tout cela n’en sera que plus ludique.

– Connais-tu l’expression “C’est une histoire à dormir debout !!!” ? C’est l’occasion de vérifier si on peut.

– C’est le moment ou jamais d’apprendre les claquettes !

– En revanche, il faudra peut-être abandonner cette idée d’essayer de marcher sur les mains pour changer un peu.

– Pourquoi ne pas équiper ton enfant d’un petit enregistreur, ce qui te permettra ensuite de retranscrire au calme les douces berceuses que tu improvises pour lui, les charmantes histoires que tu inventes nuit après nuit. Qui sait, parmi les prochains grands succès en librairie, on pourrait retrouver Eduardo le renardeau qui ne voulait pas faire dodo, Roro le lapereau qui va réveiller tout l’immeuble, Alfonso le souriceau qui a avalé du sédatif par erreur, Pascal le chacal abandonné par ses parents dans la forêt.

– Et tant qu’on y est, pourquoi ne pas profiter de l’aubaine pour devenir le génial inventeur du bonnet pour bébés à écran tactile ? Ensuite, tu pourras, tout en caressant délicatement la douce chevelure naissante de ce charmant enfant, enfin passer le niveau 648 de Candy Crush.

– Et carrément, le premier réseau social pour jeunes papas, où vous pourrez discuter et échanger.
Echanger de l’expérience, donc. Des bébés, c’est interdit.

– Interdit, donc sûrement lucratif. Y as-tu songé ?