Archive for February, 2015

Jambon

Monday, February 23rd, 2015

La semaine dernière, tout le monde parlait de “50 Shades of Grey”, le film adapté du roman “50 Shades of Grey”. Et tu étais bien embêté, puisque tu n’as ni lu l’un, ni vu l’autre. Tu sais tout au plus que c’était, à la base, une fanfiction basée sur les personnages de Twilight et que ça évoque les pratiques sado-masochistes. Mais là encore, ces sujets sont hors de ta juridiction : le dernier roman avec des vampires que tu aies lu, c’était Le Petit Vampire, avec Rüdiger, Anton et Johann Sfar. Quant au reste, il y avait bien cette fille qui te donnait des coups mais soyons francs, il s’agissait bien plus de maladresse que de sm.

Ainsi, lorsque ce sujet était évoqué autour de toi, au lieu de prendre position avec ta verve caractéristique, tu préférais détourner la conversation vers des terres plus connues, comme par exemple cette fascinante étude scientifique sur les vampires.

Mais tout a changé ce matin : c’est des Oscars que parlent tes collègues. Ils trouvent ça quand même étrange que Birdman ait raflé autant de récompenses alors que Foxcatcher n’était même pas nominé. Toi, tu ne les as pas vu, tu as préféré l’excellent Inbetweeners 2, mais tu trouves quand même que les renards sont plus malins que les oiseaux, sinon ce sont les oiseaux qui mangeraient des renards, alors tout ça, ça doit être un peu politique. Mais comme tu ne sais pas trop de quoi parlent ces films, tu n’oses pas trop t’avancer. Tu trouves juste un peu étonnant que Boyhood ait été nominé alors que c’est un film de 1991, mais comme tu aimes bien Cuba Gooding Jr, surtout dans la série avec Michael J. Fox, tu es bien content.

Et c’est ainsi que tu en es venu à te poser cette question, ma foi bien légitime :

Faut-il parler de ce qu’on ne connaît pas ?

Un sujet que je maîtrise drôlement bien : la preuve, je suis journaliste.

Parce que bon, encore, le cinéma, c’est tout du cinéma. Mais il y a bien d’autres sujets. L’Ukraine, par exemple. Moi ça va : j’avais eu une bonne note sur la guerre de Crimée. En plus, j’ai lu plusieurs Kourkov. Et j’ai écouté plusieurs morceaux des Slaves sur youtube. Je connais donc bien le sujet. Je connais même quelqu’un qui habite pas trop loin du métro Sébastopol, c’est dire. Mais toi ? Toi qui n’as même pas assisté au match AC Bellinzone – Dnipro Dnipropetovsk lors de la coupe UEFA 2008/09 ? Toi qui crois que le Dombass est un genre musical des années 90 un peu pénible ? Comment vas-tu faire quand ton voisin, celui du bas, te dira “Ca présage rien de bon, cette histoire de Mario Pôle, je crois bien que c’est la guerre mondiale !” ?

Car la liste est longue des sujets que l’on se doit de connaître afin de pouvoir tenir une conversation : le conflit au Moyen-Orient, la biologie, la spatialologie, les programmes télé de la veille, le football, la vulcanisation, les ratons-laveurs, le pluriel des noms composés,…

La solution, bien sûr, c’est de parler des sujets que tu connais. Inspirez-vous de ces gens qui, par modestie, pour ne pas se lancer dans des sujets qu’ils ne maîtrisent que peu, parlent d’eux en permanence. Un sujet que, normalement, vous devriez connaître, car comme le disait souvent Socrate en finale de la coupe du monde 54, “connais-toi toi-même”.
Ou tentez d’évoquer des sujets que tout le monde connaît : la situation météorologique actuelle, les choses qui étaient mieux avant, les différences principales entre un castor et un accordéon. Vous contribuerez ainsi à rendre le monde meilleur.