Archive for August, 2011

Dothraki sonne le glas

Monday, August 29th, 2011

Je sais pas si tu as remarqué, mais la fantasy, ça se passe un peu toujours dans des univers médiévaux, voire éventuellement post-apocalyptiques, mais où l’apocalypse a frappé tellement dru que l’univers en est devenu vachement médiéval. Alors qu’il n’y a pas tellement de raisons, c’est pas parce que tu te méfies des nains et des golems que tu n’as pas le droit d’être un véritable démocrate respectueux des droits de l’homme, de l’elfe, du kender et du troll. Ça pourrait très bien se passer dans un monde moderne où le héros, un trentenaire angoissé, serait avant tout à la recherche de lui-même. Et vaguement d’un moyen de sauver l’humanité, rapport à cette terrible prophétie.

– Je suis Thorghar, fils de Thorghur.
– Bien monsieur, il me faut trois fiches de salaire, une attestation de domicile, un extrait de casier judiciaire, une attestation de l’office des poursuites et le pedigree de votre labrador.
– Thorhar n’a pas de fiches de salaire, car il est libre comme le vent !
– Ah ben oui mais si vous êtes indépendant, c’est pas le même guichet, hein !

De même, dans la fantasy, quand tu fais un truc bien, ce n’est jamais tellement parce que tu t’es beaucoup entraîné, ou parce que tu es doué, ou parce que tu as eu un gros coup de bol. Non, c’est toujours parce que tu es le fils caché d’un mec qui lui-même était le fils d’un autre type, et ainsi de suite.


– Oh, regarde le type bizarre, là, en armure, il vient encore de faire un strike !
– Ne sais-tu donc pas que c’est Thorghar, fils de Thorghur, dont les records à Pacman et à Tetris dans la légendaire salle de jeux Atlantis n’ont jamais été vaincus ?

Et du coup, tu es parfois celui que chantent les anciennes prophéties.

– Ne serait-il pas celui que chantent les anciennes prophéties ?
– Tu crois ? Il faudrait que je lui prête ma plume pour écrire un mot ?
– Je ne parle pas de cette ancienne prophétie-là ! Je crois que nous avons devant nous le terrible Bali Balo !

Dans la fantasy, tu ne peux jamais aller tranquillement boire un pot avec des potes, il faut toujours que tu te retrouves dans une taverne mal famée où quelque chose de louche se trame.

Thorghar gara son fier destrier devant le bar PMU « au Lutrin Malin », où son mystérieux contact lui avait donné rendez-vous parce qu’il n’y a pas grand chose d’ouvert le dimanche dans la banlieue de Besançon. Il entra dans ce bouge sombre et enfumé et entreprit de feuilleter L’est Républicain du jour pour voir si par hasard, de terribles événements ne se trameraient pas dans le coin. Il ne put s’empêcher d’entendre la conversation du patron, Julot fils de René : « Non mais je suis pas raciste, moi, d’ailleurs, des elfes, y en a des bien, je dis juste qu’ils sont pas comme nous, et puis que je sache, dans leurs pays, le dépeçage traditionnel des ennemis est interdit, alors c’est pareil, ils viennent pas jouer de la lyre dans mon bar, c’est tout.

voire :

Thorghar entra dans le salon de thé « Chez Swann ». « Hola, manant, une verveine et deux madeleines, et prestement, où tu tâteras de Rondoudou, ma fidèle épée », demanda-t-il au serveur, car il avait revu pour la 20e fois « Les Visiteurs » la veille. Et que son épée s’appelait Rondoudou.
– Il me reste plus que des madeleines de Proust », répondit le serveur qui en avait vu d’autres et à qui il ne restait plus que des madeleines de Proust.
– Qu’est-ce à dire ?
– Eh bien c’est comme des madeleines normales, sauf qu’en plus elles te font revivre des souvenirs.
– Super, j’en prends dix-huit.
(Quelques chapitres plus tard)
– Halte-là, manant, c’est quoi cette arnaque ? J’ai revécu des souvenirs que je n’avais jamais vécus avant !
– Ah bah oui, on ne revit pas les siens, sinon ça sert un peu à rien.
– Mais là en plus ils étaient tout nuls !
– Ah bah oui, c’est des souvenirs de Olgor fils de Olga, notre pâtissier, il a un peu une vie de merde, mais il est super bon à WOW.
– Ah c’est pour ça, les dragons et tout ? je trouvais ça idiot, tout le monde sait qu’ils se sont éteints y a longtemps et tout.

Et surtout, dans la fantasy, y a toujours une carte, au début, que tu consultes désespérément à chaque nouveau nom de lieu (sept par page en moyenne), et qui ne te sert à rien.

– Tu t’avanceras par delà les plaines ténébreuses de Fontfroide, puis les contreforts de la montagne Noire se dresseront, fiers et nébuleux, face à toi.
– Oh, il est classe, ton nouveau GPS !
– Oui, c’est TomTom, fils de Nana. Classe, mais pas pratique, je comprends jamais rien à ses explications. Et encore, aujourd’hui, ça va, d’habitude, il chante.

Knacki sonne le glas

Tuesday, August 9th, 2011

Disclaimer : cette nouvelle n’a aucun lien avec une activité cinématographique aussi récente que navrante

Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de faire des cachotteries dans une famille de cinq enfants, mais je vous le déconseille. Quand mon petit frère Yvon s’est mis à hurler « Isa elle planque des saucisses sous son lit, elle planque des saucisses sous son lit ! », je n’ai pas été étonnée outre mesure.
« Tu n’as pas de troubles alimentaires, au moins ? », m’a demandé maman, pour qui la nourriture est le truc avec lequel il ne faut pas plaisanter. « Non parce que les gens me posent des questions, tu sais. » J’ai éclaté de rire, forcément. Ça revient souvent sur le tapis. Je ne suis pas anorexique. Même selon les critères de ma mère, qui situe ça autour d’un cheval par jour. C’est un peu comme si on demandait à DSK s’il avait fait voeu de chasteté. Mais, depuis toujours, les gens s’inquiètent pour moi. Du moins, disent d’inquiéter pour moi pour le plaisir de coller leur nez dans les affaires des autres. Parce que je suis, disons, fluette. Maigre, auriez-vous dit, mais c’est moi qui raconte. C’est un truc de famille. Mes quatre frères sont bâtis pareils que moi, des estomacs sur pattes larges comme des Somaliens. Eux, on leur demande s’ils mangent à leur faim, on se dit qu’avec cinq gamins, mes pauvres parents doivent avoir de la peine à acheter suffisamment. Les parents de leurs amis les ont toujours resservis en douce. Moi, je suis une fille alors c’est un peu différent. On ne me demande pas, sur un ton inquiet, « Mais tu manges à ta faim ? », non, on m’engueule : « Mange ! » ou alors « Tu sais, les garçons aiment les filles qui ont des formes. »
Les gens me voyaient manger comme quatre, mais ils continuaient de me croire anorexique, de s’inquiéter pour moi, de coller l’oreille à la porte des WC pour être sûrs que je ne me faisais pas vomir. Ça m’a énervée, inquiétée, déprimée puis, un jour, j’ai compris que, ma foi, je n’aurais jamais de seins, que j’étais fabriquée comme ça et que je ne pouvais changer ni ma constitution, ni le regard des autres. Que maman, régulièrement, à force d’entendre ses copines chuchoter, me pose la question, ça m’a toujours ébahie parce qu’elle devrait se rendre compte que ce n’est pas vraiment dans ce domaine-là qu’il faut s’inquiéter pour moi. Mais j’ai l’habitude. »

Très touchante, ton histoire, mais enfin, ça n’a rien à voir avec la raison pour laquelle tu es là. »
Attendez, attendez, je contextualise.
Petit à petit, donc, je me suis mise à cultiver ce qui faisait ma différence. Je mange beaucoup et, seule fille perdue au milieu d’une famille de goinfres, je mange vite. Question de survie. Et un jour, je suis tombée sur un article sur Takeru Kobayashi, « The Tsunami », l’homme qui avale 63 hot-dogs en 12 minutes. Ça m’a fascinée. J’ai jamais été sportive, jamais été très scolaire, je ne suis la plus forte en rien, mais voilà enfin une compétition dans laquelle je pouvais cartonner. M’empiffrer, c’est dans mes cordes. J’ai lu tout ce que je trouvais sur lui sur Internet, j’ai regardé plein de vidéos pour m’inspirer de sa technique et, enfin, j’ai acheté de quoi m’entraîner, une cinquantaine de pains à hot dog et tout autant de Wienerli. Je pensais garder ça pour moi, parce que les gens me trouvent déjà assez bizarre comme ça, je ne suis pas sûre de vouloir en rajouter.
La famille a nettement mieux réagi que ce que je pensais. Ils ont adoré. Ils ne se sont pas du tout moqué de moi, comme je l’avais imaginé, peut-être bien espéré. Le clan a pris mon entraînement en mains.
Mais il n’y a pas que pour la bouffe ou la procréation qu’ils sont dans l’excès. En faire des tonnes, c’est une marque de fabrique. Enfin, sauf au sens propre, il n’y a guère que pour le tour de taille que nous savons nous maîtriser, et encore, ce n’est pas tellement volontaire. Mon grand frère Corentin s’est mis en tête de trouver la technique ultime. Yvon, le numéro 4, un an de moins que moi et seize ans passés à vouloir toujours faire mieux que moi, a décidé qu’il pouvait se lancer lui aussi dans les compétitions. Papa a téléchargé des tonnes d’articles et a même demandé à un client japonais de lui traduire les articles de presse sur Kobayashi. C’était devenu l’unique sujet de conversation à la maison. Seule maman restait un peu imperméable à l’enthousiasme général : elle secouait la tête et répétait, en boucle : « Mon dieu, mon dieu, mais vous n’aurez plus faim pour le rôti !»
Le pire, là-dedans, c’est que je suis nulle. S’il y avait des compétitions type 24 heures de la fondue chinoise, je les remporterais haut la main. Mais le hot-dog, ça ne passe pas. Je m’étouffe, j’en recrache la moitié, je m’en mets dans le nez, une horreur.
Sauf que je ne pouvais plus faire machine arrière. Pour calmer un peu ces messieurs, j’ai rappelé que je ne savais même pas s’il y avait des compétitions en dehors des Etats-Unis. L’erreur fatale. Papa s’est mis en tête de mettre sur pied un grand événement sur sol helvétique. « Il pourrait même y avoir une épreuve de fondue », a-t-il ajouté. Et il était sérieux, bien sûr. Je me sentais complètement obligée de persévérer, pour eux. »
Ah oui, j’avais lu quelque chose sur cette compétition… Et donc, inconsciemment, tu t’es imaginée que ce Japonais, là, était la cause de tes problèmes et c’est pour ça que tu l’as agressé. »
C’est un peu plus compliqué que ça. Laissez-moi terminer. La compétition approchait, Corentin s’était improvisé chef de presse et avait rameuté les médias, on ne pouvait plus faire machine arrière. Même si, en réalité, nous n’avons jamais eu droit à plus qu’à la rubrique « Insolites » des journaux locaux.
Moi, entre temps, j’étais complètement écoeurée. Je rêvais de hot dog toutes les nuits. Je repensais en permanence à cette planche des Schtroumpfs, vous connaissez les Schtroumpfs ?, où l’un d’eux se retrouve transformé en saucisse. J’avais l’impression qu’il allait m’arriver la même chose, que moi aussi, j’allais courir partout en répétant « Je suis une saucisse, je suis une saucisse. »
Tu as d’étranges lectures. »
Je peux finir ?
Un jour, mon père est arrivé à la maison excité comme un gamin avant Noël. « J’ai une surprise pour toi », a-t-il hurlé. Je l’avais rarement vu aussi survolté et pourtant, il n’est pas du genre calme. Il est reparti en trombe et est revenu une demi-heure plus tard avec un invité. Takeru Kobayashi. Il y a six mois, j’aurais été folle de joie. Là, j’ai repensé à cette vidéo où il tente d’avaler sa pitance plus vite qu’un ours et j’ai eu un haut le coeur. Je me suis dit qu’à la place de la bête, je serais repartie me cacher dans mes montagnes en grognant. Ou alors que je serais passée me plaindre auprès de la SPA locale. Papa, lui, dansait sur place. « Va chercher ton cahier, fais lui signer un autographe, voyons ! » Je ne sais pas du tout de quel cahier il parlait mais, dans le doute, pour ne pas lui casser ses illusions, j’ai attrapé la première chose qui y ressemblait dans ma chambre. Kobayashi a signé, me l’a rendu et… »
Tu l’as attaqué. »
J’ai cru qu’il me tendait des saucisses ! »
Pardon ? »
Je devenais folle avec toute cette histoire. Ma vision s’est brouillée, je ne sais pas, je me disais bien qu’il y aurait dû y avoir ses doigts à cet endroit-là, mais j’ai vu cinq saucisses, alors j’ai mordu. »
Tu me prends pour un idiot ? »
Mais non. Des Knackis. Et ne pointez pas votre index comme ça ! »
Ne me donne pas d’ordres ! »
Ce n’est pas un ordre. C’est un conseil. »
Ne me donne pas de cons…. aïe ! Mais elle m’a mordu ! »

Saucisse de franc fort

Wednesday, August 3rd, 2011

L’euro n’en finit pas de s’effondrer, le franc suisse n’en finit pas de s’envoler. Une situation catastrophique pour nos entreprises exportatrices. En bon patriote, tu as donc décidé de profiter de l’été pour aller dépenser le plus de sous possible à l’étranger, afin d’enrichir les pays de la zone Euro et ainsi contribuer à la normalisation de la situation. C’est bien. Mais voilà, tu ne connais pas trop bien ces pays tous plus ou moins barbares, et tu ne sais donc pas quel souvenir en ramener. Pas de panique, Internet est là pour t’aider.

L’Allemagne est un pays de type germanique connu pour le côté sérieux et travailleur de ses ressortissants, pour sa rigueur défensive, pour ses saucisses, ses autoroutes et son passé tumultueux. Seulement, rien de tout ça ne s’achète, rabats-toi donc, comme tout le monde, sur un mug aux couleurs de l’Ampelmann.

L’Autriche est un pays de type germanique dont on a loué les compositeurs, les valses de Vienne, le beau Danube bleu, les tyroliennes mais aussi les viennoiseries, profites-en donc pour ramener des croissants, merci.

La Belgique est un pays de type en voie d’extinction. Dépêche-toi donc d’en ramener des groupes de rock belges avant que les Wallons ne demandent leur adhésion à la Suisse romande, les Flamands à la Camargue et Bruxelles au Belgistan.

L’Espagne est un pays de type ibérique, qui s’est récemment spécialisé dans la fabrication intensive de champions sportifs. A l’instar du sémillant Bulat Chagaev, tu peux donc en ramener deux ou trois footballeurs pour faire joli au milieu de ta pelouse artificielle.

Réputé pour son gratin d’eau, ses skieurs de fond et ses doubles voyelles, la Finlande est un pays de type nordique. On y fabrique aussi des sports insolites, tels que le lancer de Nokia et les championnats de sauna. Autant de loisirs qui feront, j’en suis certain, le succès de tes apéros dînatoires.

La France, pays de type gaulois, est mondialement connue pour sa gastronomie. Tu y achèteras donc tripoux, tablier de sapeur, pieds paquets et bougnette qui feront le succès de tes apéros dînatoires.

L’Irlande est un pays de type gaellique, à ne pas confondre avec l’Islande, qui n’est pas du tout au même endroit, ni avec l’Iglande, qui n’est pas un pays, mais la description de mon rythme de vie, je te prierais de bien vouloir me laisser en dehors de tout ça. On y fabrique des équipes de rugby au trèfle, ce qui est moins drôle qu’au poireau, des roux et des chansons de Michel Sardou, qui feront le succès de tes apéros dînatoires.

L’Italie est un pays péninsulaire, actuellement plus connu pour ses bunga-bunga que pour ses indéniables qualités culturelles et culinaires. Le bunga-bunga est une sorte de jeu de société particulièrement ludique qui fera à coup sûr le succès de tes apéros dînatoires.

Le Luxembourg est un pays de type bancaire, réputé pour ses jardins et ses grands-ducs. Le grand-duc est un hibou, un peu chevêche de prime abord mais qui fera un compagnon de jeu idéal pour tes enfants.

Les Pays-Bas ne sont en réalité qu’un seul pays, mais bas. Le souvenir typique le plus prisé des jeunes modernes urbains cool est François Hollande.

Le Portugal est un pays sur lequel on fait trop souvent de mauvaises blagues pour que je m’abaisse à ça. Ce n’est pas mon genre. Je laisse ça aux autres. Tu peux en ramener des morues, de la crème épilatoire ou des porcs tout gais, lol.

La Grèce est un pays bientôt en faillite. Le meilleur souvenir à ramener de Grèce est donc la Grèce, qu’on devrait te céder pour un drachme symbolique. Profites-en pour leur piquer leur titre de champion d’Europe de foot 2004, ça ne passe toujours pas, merci.

Chypre est un pays insulaire, alors que l’Angleterre en a deux, mais j’ai piqué cette blague à Eric et Ramzy, c’est dire le désarroi dans lequel je me trouve. Contrairement à l’Angleterre, Chypre est séparée en deux parties. Au Nord, on y boit du raki, au Sud de l’ouzo: pas de quoi en faire tout un pastis (j’avais aussi au Nord on y mange du kebab, au Sud de la pita, pas de quoi en faire tout un sandwich, mais ça fonctionne moins bien). La ville la plus prisée des touristes est Larnaca, d’où l’on ramènera quelques objets traditionnels typiques.

La Slovénie est réputée pour ses ours et ses loups qu’elle exporte fièrement dans toute l’Europe. Les loups et les ours sont des animaux bien pratiques puisqu’ils nous débarrassent des moutons qui, comme on le sait bien en Suisse grâce à l’UDC, sont des animaux terrifiants.

Malte est un pays de type maltais. On y fabrique de ravissants produits maltais : l’Ovomaltine, les Maltesers, les aventures de Corto Maltese et la bière.

L’Estonie est un pays de type balte. On y fabrique de ravissants produits baltiques : l’Ovobaltine, les Baltesers, les aventures de Corto Baltese et la mière.