Archive for October, 2012

50 tranches de brie

Tuesday, October 30th, 2012

– Allo oui c’est Gunda, ta Community manager imaginaire.
– Ça faisait longtemps.
– Oui ben ça se voit. Il faut arrêter un peu avec la science-fiction. Le futur, c’est du passé. Le truc qui marche, de nos jours, c’est “50 shades of grey”.
– De Procol Harum ?
– Pfff… je vais pas tarder à aller bosser pour la concurrence.
– Non mais j’ai jamais compris ce que c’était, au juste, ce truc de 50 nuances de gris. Un nouveau magasin de peinture spécialisé dans les cieux broyards ?
– Mais enfin, il faut sortir, un peu… C’est le roman à succès du moment, c’est du mum porn.
– Du porno de maman ?
– Hé ben, t’as bien fait d’étudier les langues…
– C’est dégueu, un peu, non ?
– C’est la mode.
– Bon alors… J’essaie. Ursula sentit le désir affluer en elle comme des furets dans les champs. Mais elle devait d’abord aller chercher Gordon, son petit dernier, à son entraînement de tchouckball, avec le 4×4 qui était au garage, et laver le kimono de Burt, son labrador, qui avait une compétition de judo. Par ailleurs, son époux avait pas mal de repassage en retard et pas trop le temps pour la bagatelle et leur jeune amant Fiodor avait école demain.
– Tu salis tout ! Ça ne vend pas de rêve, ça. Déjà, tes héros, il faudrait qu’ils soient jeunes, riches et beaux.
– C’est pas un peu chiant ?
– C’est la mode.
– Petrouchka sentit le désir affluer en elle comme la marée après les vendanges. Ce qui était plutôt inconvenant, car elle était en train de boucler le dossier des saucisseries générales avant l’assemblée générale des actionnaires qui débutait dans 19 minutes.
– Mais tu le fais exprès ?
– Ben il faut bien du contexte.
– Mais on s’en fout du contexte, ce qu’il faut c’est du cul.
– Tu n’es pas romantique, Gunda.
– Je suis imaginaire, c’est pour ça.
– Tu sais que tu es sexy quand tu t’énerves ?
– Je suis imaginaire…
– Comme l’immense totalité de mes amantes entre 15 et 25 ans, et je peux te dire qu’elles ne rechignaient pas à la bagatelle.
– Je ne veux rien savoir. Arrête, maintenant, ou j’appelle la police.
– Mais enfin, Gunda, ne sens-tu pas le désir affluer en toi comme la neige au printemps ?
– Non.
– Oh.

Les souffrances du jeune Werther’s Echte.

Saturday, October 20th, 2012

Je me souviens très bien du premier bonbon que m’a offert mon cher grand-père. Il avait un vieux goût de poussière. Ça fait tout de même plus de vingt ans que toutes les sucreries ont été interdites dans le cadre de la lex obesitas. Mon grand-père dit que c’est pas du vrai latin, mais bon, impossible de contrôler, ça fait beaucoup plus longtemps que vingt ans qu’il n’y a plus de latinistes. Il me l’a offert parce que j’avais été réparer sa télévision. C’est une sorte d’objet plat qui diffuse des images en 2D. Il paraît qu’à l’époque, il y avait des centaines de chaînes dont une uniquement dédiée aux chevaux, ça me semble bizarre. Aujourd’hui, il en existe encore trois, dont deux indonésiennes, je me demande un peu pourquoi mon grand-père tient tellement à les regarder mais il est comme ça, un peu conservateur. Tout de même, je trouve ça fou : il a des objets différents pour regarder des films, jouer à la console, téléphoner, se brosser les dents et contrôler la cuisson des pâtes. Et aucun ne permet de procéder à des auto-opérations chirurgicales alors est-ce que c’est vraiment la peine ?
Du coup, ça prend beaucoup de place, mais il peut se permettre, il habite un appartement de plusieurs pièces.
C’était vraiment n’importe quoi, jadis.

Malgré la crise

Friday, October 5th, 2012

– Bon, vous commencez lundi. »
– Ah mais parce que je vous ai pas encore parlé de mon expérience, j’ai été trieur de cornichons et… »
– C’est bon, je vous dis. »
– Bon ben super. Mais ça consiste en quoi, le job ? J’ai pas super bien compris… »
– Résoudre la crise de la dette. »
– Ah oui, quand même. Vous êtes bien sûr que j’ai les capacités ? »
– Bon. Imaginez par exemple que les collectivités publiques soient toutes endettées. Que les banques soient au bord de la faillite. Que les grandes entreprises soient obligées de licencier. Que toi-même, tu aies une demi-trentaine de crédits. »
– Oui, je dois pouvoir imaginer ça. »
– A un moment donné, si tout le monde doit du fric à tout le monde, il doit bien y avoir un type à qui on doit du fric, sinon c’est l’anarchie. »
– Ce sont les patrons et les banques qui nous spolient… »
– Et merde, j’ai jamais pu encadrer les communistes. »
– Alors il est où ? Et surtout, je viens foutre quoi là dedans ? »
– C’est Smoaghl, un dragon. »
– Ah tiens. »
– Oui. »
– Ça alors. »
– En effet. »
– Un dragon ? »
– Vous savez comment ils sont, ils adorent l’or et tout. Ils se couchent dessus, ça les détend, c’est traditionnel chez eux. Bon, là, il est surtout couché sur un énorme trésor de reconnaissances de dettes et de transactions banquières, c’est moins confortable, du coup ça le rend un peu grognon, mais l’intention y est. »
– Mais que fait le gouvernement ? »
– Justement, c’est là que vous intervenez ! On monte une petite équipe d’aventuriers pour aller le trucider, et en échange vous pouvez garder la peau pour en faire des sacs à main et des bottines. »
– Ah oui… mais il va y avoir des elfes et des nains et tout ? parce que moi, bon, niveau expérience, j’ai gardé des vaches une année à l’alpage mais le dragon j’ai jamais fait. »
– Non, pas d’elfes, pas de nains, juste une douzaine de titulaires de l’aide sociale dans le cadre d’un programme novateur de réinsertion mais n’ayez crainte, vous serez encadrés par deux assistants sociaux de niveau 12. »
– Ça a l’air moins facile que la fois où on avait nettoyé les rives du Rhône avec une brosse à dents, quand même. »
– Non mais le topo est simple, vous partez, il vous arrive en route deux trois aventures secondaires, ça fait un peu peur mais vous vous en sortez quand même, après, quelques péripéties, peut-être même un petit intermède romantique pour capter le public romantique, puis arrivée dans l’antre du dragon, là, deux ou trois personnages secondaires vaguement attachants mais pas trop quand même finissent comme la saucisse que on avait bien dit qu’il fallait pas en rajouter sur le gril on a eu bien assez avec les chips mais tu veux jamais m’écouter du barbecue de l’été dernier, puis confrontation. Là, escalade, la situation devient franchement périlleuse, à deux pages de la fin, on se dit que c’est foutu mais soudain, découverte du point faible du dragon, le faire-valoir rigolo mais un peu inutile du héros, et je pense que ce serait totalement un job pour vous, sans vouloir vous influencer, se sacrifie, tout le monde pleure un peu mais bon, et ensuite tout le monde danse la ronde de l’amitié et le tour est joué. »
– Ah ouais, ok. »