Internet a vu l’émergence d’une nouvelle catégorie de gens : les haterz. Des êtres aigris et frustrés qui, bien à l’abri derrière leurs écrans, se permettent de ne pas être d’accord avec toi.
Avant, cela n’existait pas. Dès que quelqu’un faisait quelque chose, tout le monde l’applaudissait et on dansait ensuite la traditionnelle ronde de l’amitié. Evidemment, le système avait ses limites. J’ai visité une exposition consacrée à Miró, récemment, un peintre espagnol, et on ne m’ôtera pas de l’idée qu’il aurait fait une tout autre carrière si quelqu’un lui avait un jour dit que oui bon ok, c’est joli, tout ça, mais ça ne ressemble pas à grand chose, tout de même.
Mais aujourd’hui, à cause d’Internet, les haterz se permettent tout. Attention, le terme est tout de même équivoque : haterz peut se traduire par haïsseurz. Mais ces gens-là ne viennent pas brûler votre maison, crever vos pneus et votre chat, boire votre whisky, le genre de petites choses amusantes qu’il arrive parfois à tout un chacun de commettre sous le coup de la colère. Non. Ils font bien pire que ça. Ils salissent votre e-reputation en se permettant de critiquer. Alors que bon, peuvent-ils faire mieux ?
Et ils se planquent partout, les saligauds. Ainsi, l’autre jour, mon neveu imaginaire Pacheco* est revenu de l’école en larmes. Car oui, les haterz, du haut de leur tour d’ivoire, n’ont pas peur d’aller jusqu’à faire pleurer les gens. Il était bouleversé par ces mots assassins tracés à l’encre rouge comme un chasseur tragique par une enseignante cruelle : “bel effort, mais attention à ton orthographe !” L’orthographe. Le dernier bastion des haterz. Quand on ne sait plus quoi inventer pour râler, on s’en prend à l’orthographe ! C’est tellement facile ! Oui, oh, je sais, il s’agissait d’une dictée, mais tout de même, n’y a-t-il pas des choses plus importantes alors que des millions d’enfants meurent de faim en Afrique ?
De même, mes amis imaginaires Horton* et Wiaczek*. Je les invite à manger à la maison, je leur prépare leur plat préféré, des steaks avec de l’huile, je passe la journée à les préparer, je les laisse mijoter des heures et eux, tout ce qu’ils trouvent à me dire c’est : “ça sent pas un peu le brûlé ?” Franchement. Des choses pareilles. C’était bien la peine de voter socialiste.
De la même manière, quand j’ai demandé à mon amante imaginaire Pernilla*, avec le tact qui me caractérise : “Alors, petite, heureuse ?”, elle a répondu, car vraiment, les jeunes d’aujourd’hui ne respectent plus rien : “ma foi, après un démarrage surprenant, mais vaguement dérangeant, on regrettera certaines longueurs dans le déroulement et, surtout, un dénouement totalement prévisible” (c’est la dernière fois que je drague sur SensCritique). Comme je ne suis pas de nature à laisser l’affront impuni, j’ai répondu “Ouais ben pareil, d’abord”. Mais au fond de moi, je ne lui en veux pas, car je sais que ce qui motive ces gens, ces haterz, ce sont la jalousie, l’aigreur. Qu’ils doivent être tristes, au fond de leurs c½urs desséchés, ces gens qui ne savent plus s’émerveiller ! Ne savent-ils pas que la haine entraîne la violence et la guerre ?
* Tous les personnages fictifs utilisés ici sont purement fictifs.