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Y a pas de sauce, c’est des nouilles au beurre*

Thursday, August 9th, 2007

C’était pendant l’horreur d’un profond ennui, un soir de novembre, hier après-midi. J’étais mouillé comme un chien qui pue, transi jusqu’au zoo, j’avais envie de crier tout haut ma haine de cette société de consommation dans laquelle je n’avais même pas de parapluie alors franchement, c’est bien la peine. Le train ne partait que dans dix minutes et, après m’être ébroué non sans une certaine sensualité, je me mis en quête de quelque ouvrage littéraire afin d’occuper intelligemment les minutes qui me séparaient de chez moi et d’oublier que y a plus de saisons, mon bon monsieur, et que ça me rend triste comme un film d’Archipatapong Wekesethekul**.

C’est alors que je m’apprêtais à relire pour la douzième fois la bande dessinée de Riad Sattouf parce que forcément, si c’est dans Fluide Glacial, il doit y avoir un moment où c’est drôle, mais où l’ont-ils caché?, que je découvris qu’un lecteur de cette noble revue se demandait l’origine de l’expression “avoir le cul bordé de nouilles”.

Par la malpeste, me dis-je, car j’évite d’être vulgaire dans le train depuis qu’ils les équipent de caméras de surveillance, même quand je lis les planches de Lindingre qui est presque aussi drôle que Sattouf, en voilà une excellente question. Parce que c’est vrai que si tu croises dans la rue un gens avec un collier de nouille autour des fesses, la première chose qui te vient à l’esprit c’est pas “Quelle chance il a” mais bien “J’espère au moins qu’on aura du beau ce week-end”.

Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Les vendeurs de fleurs n’ont pas encore inventé la fête des mères et ils crient famine***. Les maris volages ont par contre inventé le bouquet de fleur. Le chevalier Honoré de Ploucharpes rentre d’une guerre qu’il a gagnée relativement facilement, en deux sets, dans un lointain pays asiatique où y a de supers hôtels pas chers. Comme il a un peu traîné en route, il a mis dix ans pour rentrer au lieu des six jours initialement prévus, une paille, à cause d’une histoire de dieux contrariés et de sorcière bonnasse, franchement, c’est rien, dix ans, comparé à l’éternité, mais tu sais comment sont les bonnes femmes****, il achète un bouquet pour se faire pardonner. Malin, il a également rapporté un souvenir de vacances, un genre de préparation à base de céréales qu’ils font dans les pays lointains et c’est très pratique, on peut manger ça par exemple avec de la sauce tomate et les barbares ils appellent ça pasta, ça veut dire “Truc très pratique qu’on peut manger par exemple avec de la sauce tomate” en chinois ancien, il est sûr qu’elle lui pardonnera et qu’elle lui en préparera aussitôt une pleine marmite.

Il imagine déjà les retrouvailles poignantes, émouvantes, les longues heures passées main dans la main à regarder le couchant de soleil tout en expérimentant diverses autres choses apprises lors de son séjour asiatique. Comme il a l’imagination fertile et un peu les crocs, il imagine également la casserole fumante où cuit une bonne marmite de pâtes. Il sent déjà leur fumet et déjà lui vient l’eau à la bouche. Mais son imagination se débride, il voit pendant que son aimée se montre peu farouche, l’eau jaillir hors de la marmite, inonder inéluctablement sa cuisine Louis XI, provoquer grand drame et force catastrophes.

C’est ainsi que, quand sa dulcinée lui saute joyeusement au cou, il lâche, sybillin: “On arrête le cul, elles débordent, les nouilles”. Une interruption dont profitera le jeune homme caché dans la penderie pour s’éclipser discrètement. Comme il a mal entendu, les penderies de l’époque étaient très mal sonorisées, quand il contera cette croustillante anecdote à ses amis, il travestira quelque peu l’expression pour lui donner tout son lustre actuel.

* Oui ben moi je le comprends très bien, le titre.
** Franchement, un réalisateur dont personne ne pourra jamais prononcer le nom, c’est triste.
*** Au Moyen-Âge, pour arrondir ses fins de mois, on pouvait faire crieur de famine. Quand la famine arrivait, on allait sonner aux portes de ses voisins et, dès que la bobinette cherrait, on entrait sans crier gare, on hurlait Famiiiiiiiiine (voire Famiiiiiiiiiiiiiiine si vraiment), et on repartait chez le voisin suivant, parce que faut bien que les gens sachent pour qu’ils puissent aller à la Migros acheter des tas de farine, de sucre et d’huile, hein?
**** Maintenant que tu m’en parles, chez Francisque non plus ça me fait pas marrer, sauf des fois.