Archive for the ‘allitérature’ Category

Stage up

Thursday, July 18th, 2013

Il y eut d’abord l’incident du Montreux Jazz. Une bête erreur, à peine de quoi agiter un peu des journalistes plongés dans la torpeur estivale. Puis cette blague de potache dans une rédaction californienne. Des maladresses, mais rien de bien méchant.

C’est ce qu’on se disait à l’époque.

Puis les incidents se multiplièrent, se radicalisèrent. Les louches de strychnine malencontreusement lâchée dans le café matinal. Les attentats à la photocopieuse piégée. Partout dans le monde, les stagiaires se rebellaient. Ils étaient nombreux, ils étaient déterminés, ils étaient organisés. C’est évidemment en France, où ils représentaient, à l’époque, 50% de la population active, que leur action fut la plus rapide.

Ils étaient partout. Dans les bureaux, dans les rédactions, à la Maison-Blanche, impossible d’échapper aux stagiaires. Très vite, ils prirent le contrôle de la plupart des grandes entreprises. Puis du monde entier.

Nous pensions “ça ne va pas durer, ils vont demander une augmentation ou des jours de congé et ils vont se lasser”. Mais ils avaient pris goût au pouvoir. Ils ne voulaient pas le lâcher. Ils n’en faisaient pas grand chose, pourtant. Ils continuaient d’agir comme ils l’avaient toujours fait : avec énormément de zèle et d’application, ils mettaient à jour leur statut Facebook ou regardaient fixement le temps passer. Ils ne prenaient jamais la moindre initiative, ils faisaient toujours un peu la gueule. Finalement, cela nous rappelait pas mal le monde d’avant alors nous ne fîmes rien. Nous leur apportâmes leur café.

Mais avec de grands pouvoirs vient une grande ivresse du pouvoir et c’est là qu’ils faillirent : ils se mirent à engager des stagiaires.

Impressum

Friday, May 6th, 2011

Il était une fois trois petits oursons, qui s’appelaient Ours, Pompon et Flannagan. Leur vie n’était que joie, farandoles, et cabrioles. Ours allait chercher du miel dans les ruches alentours, Pompon ramenait quelques pommes des vergers alentours, et Flannagan décapitait quelques morses* parce qu’on a beau dire, c’est quand même ce qui passe le mieux avec le miel, les pommes et les farandoles.

Il n’y avait qu’une seule ombre sur le tableau chamarré du bonheur champêtre de nos trois compères : le croque-mitaine. Le croque-mitaine était méchant. la cause de tous leurs soucis. Il faisait pleuvoir, il faisait pourrir les fruits, on dit même que c’était lui qui s’était arrangé pour équiper les abeilles de dards. Il était également le principal responsable de la déforestation et l’agent artistique d’Hélène Ségara, dont les trois ours avaient malencontreusement entendu parler lors d’une expérience d’occupation de maison qui avait mal tourné.

Le trois oursons étaient bien tristes que le croque-mitaine soit si méchant, ils décidèrent qu’il fallait lui jouer un tour pendable pour lui apprendre à faire des blagues si vilaines. C’est Flannagan, toujours le plus vif, qui eut l’idée géniale : « et si on lui lacérait le visage à coups de griffes, et après on lui mangerait le foie avec du miel, pour lui apprendre à faire le coquin ?”

Alors Ours, Pompon et Flannagan partirent afin de débusquer le croque-mitaine. Pendant des années, ils le cherchèrent. Mais nulle part ils ne le trouvèrent. Combien amère était leur déception, surtout que les mauvais tours continuaient de se succéder dru.

Mais Pompon eut une idée géniale : “On a qu’à regarder sur Google !” C’est là qu’ils découvrirent qu’en fait le croque-mitaine était une invention des ours adultes pour faire peur aux oursons. Ils en conçurent bien de la déception, perdirent leurs repères et leur foi en la plantigradité. Aujourd’hui, ils dépensent une fortune en psys et en thérapies diverses et font bien peine à voir.

Moralité : c’est quand même con d’appeler un ours Ours.

* Je sais bien ce que tu vas dire, mais il s’agit ici d’ours mi-polaires.

Tu l’as dit, Buffy

Friday, April 29th, 2011

La pétulante Pétronille et le volubile Odieux Connard m’ont fait découvrir l’existence (parce que nous, les vieux, on n’y connaît rien à toute cette musique de jeunes) de « En transe… ylvanie »*, premier single extrait du nouveau spectacle musical (LOL) de Kamel Ouali (LOL) écrit par Adrien Gallo des BB Brunes (LOL) et mis en musique par Axel Bauer (LOL) : « Dracula » (LOL). Pour te donner une échelle de grandeur, disons que le seul moyen de faire plus consternant, ce serait « Le premier extrait du diaporama 3D de Zaz et Pascal Obispo sur le tripoux du Rouergue ».

Mais si Kamel Ouali s’attaque à la vie du comte, ce n’est pas un hasard : les vampires fascinent. Tu mets deux vampires dans un roman pour ados tout mou, ça devient un carton. C’est comme ça. Je suis d’ailleurs étonné qu’on n’exploite pas plus le filon, dès qu’un truc peine à trouver son audience, Carré Viiip, FC Vaduz, film d’art et d’essai suédois, hop, deux vampires et tout va mieux.

Mais pourquoi les vampires fascinent-ils autant ? Les scientifiques se perdent en conjectures.

C’est parce qu’ils boivent du sang : Mouais. Un bon filet de boeuf, ça se mange saignant (avec de la purée), sinon c’est du gâchis, et personne n’a jamais pensé à faire de comédie musicale sur un type qui commande un steak au restaurant. (L’esprit de Jean-Marie Bigard m’est apparu en songe et m’a dicté cette blague, je vous la livre telle quelle : « Moi, j’ai un pote, le gars, il se tape des boudins, et ben je peux te dire que ça a rien de fascinant, connard »)

C’est à cause de la jeunesse éternelle : Tu parles d’une connerie. Les boutons, les remps trop relou qui te laissent pas aller à la boum de bestah (oui, quand tu es éternellement jeune, tu parles forcément le jeune de douze générations différentes, un peu comme les ados des films français), c’est vraiment pas super bath. En plus, Edward, le héros de la saga « Twilight était fermé de l’intérieur », il a la jeunesse éternelle et il est encore au lycée ? Il serait pas un peu stupide ?

C’est à cause des dents : Cet argument se tient, mais seulement si tu es dentiste.

C’est parce qu’ils vivent la nuit : les mecs qui nettoient les McDo aussi vivent la nuit, j’en fais pas tout une saga.

Oui mais en plus ils portent des capes : Ça, d’accord, c’est classe. Mais ça doit se trouver dans une bonne caperie.

Ils viennent de Transylvanie, une région extrêmement envoûtante : le CF Gloria Bistrita évolue précisément en Transylvanie, pas très loin de chez le fameux comte Dracula, et franchement, je serais pas capable de te citer un seul de ses joueurs.

Ils se glissent dans ta chambre la nuit, ils mordent, ça a un côté sensuel : Un bichon fait exactement la même chose et il n’y a rien de moins sensuel qu’un bichon.

Les vampires sont mi-hommes, mi-chauve-souris (et re-mi-homme derrière) : Oui alors pardon mais si je devais être mi-animal, je choisirais un truc genre bonobo, loutre, coati, faisan, wombat, caracal, quelque chose d’un peu prestigieux, et avec une vie classe, pas une bestiole qui dort la tête en bas dans des granges et se fait bouffer par mon chat en laissant bêtement ses boyaux traîner sous mes pieds.

C’est parce qu’ils sont mystérieux : Oui mais alors là non, s’il faut se passionner pour tout ce qui est mystérieux, on n’en a pas fini. Laurent Romejko, par exemple, il est super mystérieux. Est-ce que je regarde des Chiffres et des Lettres pour autant ? Non ! ils ont changé l’horaire au mépris des besoins des honnêtes travailleurs.

C’est parce qu’ils détestent l’ail : Ça, éventuellement, ça peut être possible. Si tu as une famille un peu portée sur l’assaisonnement, et qu’après chaque gigot, on doit décréter une zone d’exclusion de 5 mètres autour de toi pendant une bonne semaine, malgré ton ingestion quotidienne de trois tubes dentifrice, c’est possible que tu rêves de dire « Papa, maman, je vous présente Fulberto, par contre je vous préviens, c’est un vampire, on va pas pouvoir rester manger, rapport à l’ail, il nous invite dans un endroit super classe, mais on sera de retour tôt, il ne faut pas vous ronger les sangs ».

C’est parce qu’ils sont morts-vivants et que c’est très fascinant : je comprends. Un jour on m’a offert des petites coupes à dessert, on m’a dit « c’est pour faire des chauds-froids ». On retrouve le même principe, le côté oxymoresque, l’opposition de chaleur. Ça m’a fasciné. Et puis ça fait de super cendriers.

Ils fascinent parce que le vampire contre-attaque : L’esprit de Laurent Ruquier m’est apparu en songe et m’a glissé cette excellente blague.

* Si toi aussi, chez toi, tu cherches à écrire des chansons cool pour Kamel Ouali, attention, « En transe… ylvanie », ce n’est pas un jeu de mots. « Moralité, il est mort alité, tout passe, tout casse, le joint, le cul lassent » ou « Et le désir s’accroît quand l’effet se recule », ce sont des jeux de mots. « C’est une pie qui voit une autre pie et lui dit « alors, on fait pie-pie ? » », c’est un jeu de mots consternant**. « En transe… ylvanie » ou « J’aime les pandas… lousie », c’est juste un moyen d’user sa touche … pour pouvoir en acheter une nouvelle.
** Tiens, un peu comme « Moi ? Parler du mariage royal ? Franchement, il y a bien plus intéressant comme sujet… de sa Majesté ! »

Le rose aux joues

Monday, February 28th, 2011

Les livres de la Bibliothèque rose seraient menacés de simplification à cause que les enfants comprennent pas quand qu’on leur cause compliqué. C’est Facebook, mère de toutes les révolutions, qui nous l’apprend. Cette cause n’a mobilisé que 155 personnes jusqu’ici. C’est peu. A titre comparatif, la page « Pour aider les pokemons a dire autres chose que Leurs prenom » comptait 162 209 membres à l’heure d’écrire ce billet.
Mais c’est normal. Autant espérer qu’un jour, Canarticho et Ramoloss puissent avoir une conversation sur l’insoutenable légèreté du type plante est une cause noble et digne d’être soutenue, autant s’imaginer que Nathan et Emma puissent un jour utiliser correctement le passé simple, ça fiche la trouille. Après tout, prendre les enfants pour des cons, c’est le meilleur moyen qu’ils le deviennent, et les cons, ça se pose moins de questions et ça a donc la vie plus facile.
Cependant, la simplification des oeuvres pour la jeunesse n’est pas sans poser divers problèmes : si Lucas et Léa ont pris l’habitude de lire des Oui-Oui sans mots de plus de trois syllabes, comment vont-ils réagir, plus tard, quand on les obligera à lire « Du côté de chez Swann » pour le bac, alors que cette chanson de Dave ne devrait pas être au programme avant au moins la huitième année d’université ?

J’ai pris soin de réécrire quelques classiques, afin de les adapter au niveau de lecture des générations futures, toi-même tu sais.

Madame Bovary de Flaubert
« Mon mari c’est trop un relou qui ressemble pas du tout à Edward de Twilight, et toi, tu cherches quoi sur Meetoc ? »

Le Cid, de Corneille
Chimène Badi
Va, je ne te hais point
Rodrigue
Quoi ? Quel point ?
Chimène
Je ne te hais pas, tu veux être mon bestah ?
Rodrigue
Tu veux dire que tu me kiffes ? C’est toujours tellement compliqué les meufs !
Chimène
Grave. Même que si tu butes mon père, ce bâtard, je veux bien te montrer mon soutien-gorge.
Rodrigue
LOL même pas peur, si je le croise dans la rue j’appelle mes potes, sérieux, on sera au moins trois mille.
Chimène
Wah toi au moins tu vis chaque jour comme le dernier.
Rodrigue
Grave.

Voyage au bout de la nuit de Céline
« Ils m’entraînent, au bout de la nuit, les démons de minuit. Ils m’entraînent jusqu’à l’insomnie, les fantômes de l’ennui. »

Roméo et Juliette
Juliette
Ô Roméo, Roméo, pourquoi es-tu Roméo ?
Roméo
LOL je sais pas, c’est mon prénom.
Juliette
C’est nul comme prénom
Roméo
Ouais je sais, ma mère voulait m’appeler Matteo mais l’officier d’état-civil était sourdingue.
Juliette
Pwned.

Le seigneur des anneaux de Tolkien (oui ben on a les classiques qu’on peut)
– Je suis Aragorn, fils d’Arathorn, on m’appelle aussi Grand-Pas, les elfes m’appellent Elessar Telcontar, on m’a aussi nommé Estel et il paraît que certains me surnomment “l’autre con”. »
– Enchanté, je suis Matteo, fils de Kevin et je comprends rien à ce livre, je vais plutôt revoir le film, c’est plus simple, surtout la scène du surf sur les éléphants. »

Don’t tell me there is a twist

Monday, September 20th, 2010

Il y a, en littérature, des petites astuces qui sont interdites tant elles ont été usées par le passé.

Parmi celles-ci, le coup du “fais gaffe derrière-toi” que connaissent bien les amis de la bande dessinée franco-belge, des séries américaines, mais aussi des romans de gare :

“L’émotion étreignait le visage poulpin de Jean-Sven. Combien de fois avait-il rêvé à des retrouvailles enfiévrées avec Esperanza, son amour de jeunesse ? Quand il l’avait croisée au rayon charcuterie de l’épicerie du village, il en avait à peine cru ses yeux.
– Esperanza, est-ce bien toi ?
– Fais gaffe, derrière toi, y a l’épicier qui essaie de t’attaquer avec une mortadelle géante !
Le temps que Jean-Sven réalise qu’il était tombé dans un piège grossier, les cruels aléas de la vie l’avaient à nouveau éloigné de la belle Esperanza, disparue comme neige au soleil.”

A noter que le coup du double fais gaffe derrière toi est également totalement proscrit :

“- Cette histoire de mortadelle ne tient pas la route, Jean-Sven ! Dis-moi ce qui s’est réellement passé !, s’exclama l’inspecteur Håffnardøttir dans un rictus sardonique.
– Très bien, je vais tout avouer… Oh, fais gaffe, derrière toi ! Un troupeau de wapitis !
– Ah, tu crois me piéger avec cette vieille ruse ? Malheureusement pour toi, hier soir, alors que je souffrais d’insomnies, tant j’ai du mal à retrouver le sommeil depuis que Gulbrandsson, ma ravissante épouse, s’en est allée refaire sa vivre avec Esperanza, j’ai relu un vieux Mickey Parade qui traînait, je connais très bien ce truc…
Quand soudain, le bus 17 des transports publics morgiens, qui venait justement d’être détourné par un wapiti cocaïnomane, le faucha de plein fouet.”

Le coup du triple fais gaffe derrière toi avec inversion simultanée, bien que plus rare, est toutefois fortement déconseillé :

” – Fais gaffe, derrière toi, les choeurs de l’armée rouge !
– Attends. C’est une ruse. Tu essaies de me faire croire qu’ils ne sont pas derrière moi parce qu’en fait ils le sont vraiment, donc… non, attends, c’est le bordel, ils sont là, ou pas ?
– Je ne sais pas, je ne sais plus, ne pourrions-nous refaire notre vie comme avant, nous commanderions des pizzas toi, la télé et moi ?
– Mais il est trop tard, trop tard, si je ne t’arrête pas, adieu mon passage à “les 100 plus grands détectives moustachus”, ma pauvre mère qui est mourante ne me le pardonnerait jamais.
– Oh fais gaffe, derrière toi, Julien Lepers !
– Non mais arrête avec ça, bordel, ça devient lourd.
Quand soudain, ils se firent encercler par une horde de scénaristes hollywoodiens qui revendiquaient de meilleures conditions de travail.”

A noter que ces interdictions ne s’appliquent pas au domaine de la politique, où le coup du fais gaffe derrière toi est encore parfois usité dans des situations urgentes :

“Le désarroi se lisait sur le visage de Nicolas. Il ne comprenait pas pourquoi ses amis européens s’emportaient pour quelques renvois de Roms : après tout, eux aussi savaient bien ce que c’était d’avoir une réélection à préparer, non ? Et même si la base de son électorat était toute prête à croire que la plupart de ses soucis quotidiens étaient de la faute non plus des 35 heures mais des Gipsy Kings et de Thomas Dutronc, il sentait bien qu’il fallait détourner un peu l’attention. Mais comment faire ?
– Fais gaffe, derrière toi, demanda-t-il à ses ministres de s’exclamer, une menace terroriste !”

Licorne d’abondance

Monday, September 6th, 2010

David Chicotte n’avait pas immédiatement saisi la portée de sa découverte. Et il n’avait pas hésité une seule seconde à la dévoiler : après tout, n’avait-Elle pas dit, dans Son infinie sagesse : “La vérité toujours tu chériras, sauf si cela doit blesser des petits lapins ou des bébés animaux mignons en général” ? Car David était croyant. Jamais il n’avait manqué la Grande Chevauchée du samedi après-midi. De même qu’il respectait Ses principes, le repos du lundi matin, les trois siestes sacrées quotidiennes, l’émerveillement rituel face aux doubles arcs-en-ciel.

Mais les révélations de David avaient été très mal acceptées et les sages du Grand Haras Céleste l’avaient voué à la plus terrible des punitions : la Grande Bouderie. Ceux qui le croisaient devaient détourner le regard en affichant une moue réprobatrice. Et, surtout, lui interdire l’accès des bâtiments officiels, notamment ceux distribuant de la nourriture. David avait été forcé de pourvoir lui-même à ses besoins, et avait même mangé de la viande non-artificielle à plusieurs reprises.

Il y a dix ans, David avait décidé de se consacrer à l’histoire. Ses amis, ne comprenaient pas ce choix, “à quoi ça sert, le passé, de toutes façons c’est tout des gens qui sont morts”, disaient-ils. Ses parents auraient préféré qu’il choisisse une voie d’étude sérieuse, comme la Palefrenerie ou le Vétérinarisme. Mais il n’en avait fait qu’à sa tête. Et pis encore, il avait décidé de s’intéresser aux temps anciens, ceux d’avant Son retour.
Car des savants venaient de retrouver comment accéder aux internets, une grande base de donnée où les humains d’avant avaient stocké de nombreuses connaissances et des photos de chats. “Ouais bah, si on a oublié comment s’en servir, c’est que ça devait pas trop en valoir la peine”, lui répétaient inlassablement ses professeurs d’histoire, qui auraient préféré le voir retracer l’arbre généalogique de Bingo, l’Etalon sacré. (En réalité, si on avait oublié comment s’en servir, c’est que pendant les quatre guerres mondiales consécutives, on n’avait pas tellement eu le temps de s’occuper de poker, mais les gens n’aimaient pas trop qu’on leur reparle de cette période)(d’ailleurs pas complètement révolue puisque quelque part, dans le grand désert bourguignon, deux armées de robots capables de s’autorégénérer s’affrontaient encore pour la conquête du village de La Galopine, pourtant rayé de la carte depuis plus de 13 siècles).

L’étude des internets avait passionné David Chicotte, surtout celle de l’étrange rapport à la nudité qu’avaient les anciens. Et c’est là qu’il avait fait cette terrible découverte, qu’il aurait peut-être dû ne jamais révéler : en réalité, la Licorne Rose Invisible, Loués soient ses divins sabots, n’avait probablement pas créé le monde et n’était même probablement qu’une blague de potaches.

Cornify

Le destin de Valéry

Wednesday, June 9th, 2010

Est-ce qu’il t’arrive parfois de te dire que tout est écrit, que nous ne sommes que les jouets innocents et en bois d’un Destin cruel et facétieux ?

Moi non plus.

Ou alors par un destin qui n’a aucun sens de la dramaturgie. Dans la vie, par exemple, quand tu es orphelin avec une tache de naissance, on ne vient jamais te révéler de mystérieuse prophétie. Enfin, je suppose. Les orphelins que je connais, on n’est jamais rien venu leur révéler de bien réjouissant, mais ils n’avaient pas eu la présence d’esprit de se munir de taches de naissance alors je peux me tromper.
Mais il y a d’autres moyens, plus estivaux et à la portée de tout le monde, de vérifier que le grand livre du destin ne vaut pas « Les pademelons font du squash le vendredi », le nouveau Katherine Pancol : les orages.

Un orage éclate. Tu te réfugies dans une forêt obscure, dans ton garage ou dans un magasin de chaussures. Et là, tu te dis qu’un arbre va s’abattre devant toi et te bloquer là. Que les secours mettront des mois pour arriver. Que tu seras condamné à manger l’arbre pour te sauver et qu’à force, des dents de castor te pousseront, ce qui suscitera la désapprobation de tes collègues de travail. Que ta vie ne sera plus que chaos et obscurité. Et que, condamné à boulotter de l’écorce, tu seras obligé d’accepter la pire des destinées : devenir ingénieur pour pouvoir construire des barrages à ta guise.

Naïf que tu es.

Cinq minutes plus tard, tu pourras enfin sortir de ton garage, de ton magasin de chaussure ou de ta forêt sans autre dégâts collatéraux qu’une nouvelle paire de crocs Louboutin et te dire que Stephen King, en fait, il serait pas un peu impressionnable, comme mec ? avant de découvrir l’horreur dans ton salon, tu avais laissé la fenêtre ouverte et un terrible lac s’est formé peuplé de piranhas de trente mètres de haut et tu vas être obligé de fabriquer une pirogue en meubles Ikea pour accéder à la télécommande parce que l’orage a été tellement violent que la télé s’est allumée toute seule, sur TF1. Et au loin, un chat hurle à la mort.

Et c’est là que tu es content de ne pas te dire que nous ne sommes que les jouets innocents et en bois d’un Destin cruel et facétieux parce que si vraiment le coup des piranhas t’arrive, tu as le droit de te réveiller et de te dire “ouf, tout cela n’était qu’un rêve”, et d’ajouter “d’ailleurs c’était le chien qui rêvait, lol, vdm”, ce qui serait totalement interdit si tout était écrit, parce que c’est vraiment la pire chute du monde.

How i met (wurst) your modem S01E03

Tuesday, December 8th, 2009

New Morges, décembre 2099
« A l’époque, j’habitais un pays appelé la Suisse.
Tu vois ce que c’était, un pays ? Moi j’ai un peu oublié, mais faut dire que j’avais jamais bien compris. D’ailleurs, à la fin des années 2000, personne ne semblait plus trop comprendre ce que c’était, mais personne n’osait vraiment l’avouer. Disons que c’était comme une GoogleZone de ventes, mais avec un drapeau moche et une Histoire plus ou moins arrangée pour les besoins de l’histoire. Et des valeurs communes dont il fallait absolument être fier alors que c’était plus ou moins les mêmes que celles des voisins. Un peu comme si on était fier d’être de la GZ17 et qu’on détestait tous ceux de la GZ18, des voleurs et des paresseux.
Dans les années 2000, il s’est passé un truc étrange en Suisse. Au début, on était plus ou moins persuadé que le monde entier nous enviait, alors qu’en fait il s’en foutait complètement. A la fin, on était plus ou mois certains qu’il nous détestait et on n’avait peut-être pas complètement tort. En 2009, on croyait d’ailleurs perdre une sympathique tradition nationale, le secret bancaire, mais comme il fallait bien que les gens qui avaient de l’argent le cachent quelque part, on a pu s’arranger. A l’époque, si tu étais étranger, handicapé ou pauvre, par contre, il valait mieux ne pas trop faire parler de toi. Si tu voulais émouvoir l’opinion nationale, il fallait être un ours (une espèce d’animaux mignons disparue en 2047) ou une loutre (une espèce d’animaux mignons disparue en 2072). Ou sportif. Au début du XXIe siècle, le tricot de vitesse n’existait pas encore et les champions de scrabble n’étaient pas aussi considérés qu’aujourd’hui. Et on ne jetait pas encore de cailloux aux gens qui pratiquaient le football ou le tennis. Au contraire, ils gagnaient des sommes d’argent colossales, étaient très bien considérés et ne choquaient personne quand ils parlaient de “travail”. Et, justement, en Suisse, on avait un joueur de tennis très bien, surdoué, poli avec les vieilles dames et l’initiative populaire “Pour que Roger Federer devienne officiellement religion nationale” n’a été rejetée que de quelques voix en 2012, après ses trois titres olympiques (simple, double et badminton) à Londres.
Il s’est passé un truc étrange avec la Suisse. Dans les années 2000, elle avait eu maille à partir avec un dictateur de pacotille. Qui avait demandé officiellement la dissolution du pays. Une provocation gratuite, bien sûr, qui n’a obtenu d’echo que parce qu’à l’époque, si je me souviens bien, le métier de journaliste avait déjà été supprimé et remplacé par celui d’animateur de forum internet. Mais en 2022, un fonctionnaire a découvert qu’une erreur avait été commise. Quelqu’un avait coché la mauvaise case et, officiellement, la Suisse n’existait plus. Là encore, cela aurait dû rester anecdotique. Mais, ironie de l’Histoire, le président de l’ONU, à l’époque, était lui-même un Suisse, Donovan Puttallaz. Et c’est lui qui avait insisté pour qu’on applique ce décret, même avalisé par erreur, parce que, je cite, “le règlement c’est le règlement, et si on commence à faire des exceptions pour un, on n’a pas fini d’en faire”. Les germanophones avaient commencé par râler, puis s’étaient dit que ça rendait les choses plus faciles pour aller faire la fête à Berlin ou étudier à Dresde. Les italophones avaient commencé par râler mais, comme le Gotthard était fermé depuis sept ans pour travaux, tout le monde avait oublié leur existence. Les francophones avaient commencé par râler, mais comme ils râlaient toujours, on n’y avait pas trop pris garde. Mais ils refusèrent obstinément de rejoindre la France.
Il faut dire que le président de ce pays venait d’être réélu pour un sixième mandat. Au premier tour, il avait obtenu 17% des voix. Bozo le clown, un blogueur influent qui s’était porté candidat pour faire le buzz et dont le programme de campagne était “des ballons en forme d’animaux pour tout le monde” avait obtenu 15% et les 68% restants s’étaient répartis entre les 51 candidats de gauche. Le président avait alors déclaré qu’il était profondément attaché aux valeurs de la démocratie et que pour cette raison, on ne pouvait plus tolérer que des choses aussi puériles que les élections viennent entraver le travail du gouvernement, qu’un chef d’état était un peu un entrepreneur et que les entrepreneurs n’avaient pas à se soucier de se faire élire, qu’ils remettaient en général leur affaire à leur fils et que c’était plus simple comme ça. Les Suisses francophones goutèrent peu l’argument et demandèrent de rejoindre plutôt la Belgique, mais celle-ci n’avait pas le temps de s’occuper de ça vu qu’elle se cherchait un gouvernement. Et au bout de quatre ans de tergiversations, la Romandie devint officiellement le deuxième état acheté par Google, après l’Islande.
Quoi ? Comment ça, tous ceux de la GZ18 sont vraiment des voleurs et des paresseux ? »

Marketing à la plage

Thursday, September 24th, 2009

– Nous avons quelque chose pour vous !
–Oui ?
–Voilà… C’est un auteur qui recherche un personnage pour son prochain bouquin. Il vous recontactera prochainement.
– Mais…
– Je vous rappelle que vous êtes tenu d’accepter tous les emplois que nous vous proposons.
– Je sais, je sais… mais vous êtes vraiment sûr que je corresponds ? Et vous n’avez pas comme une impression de déjà lu ?
– Oh vous savez, moi, je suis fonctionnaire, le déjà vu, c’est un peu ma vie.
– Jolie phrase, je peux la noter ?
– Il faut pour cela remplir le formulaire 25bis sur l’utilisation discrète de phrases volées à des fonctionnaires et le 43.2 relatif à l’usage de clichés réducteurs.
– Bigre.
– Je ne vous le fais pas dire. Par ailleurs, je vous rappelle que les dialogues se prolongeant au-delà de cinq phrases sont formellement interdits par la guilde des lecteurs qui finissent toujours par ne plus savoir qui parle.
– Oui mais alors là j’ai une idée géniale.
– Allons bon.

Un chômeur, paresseux et pouilleux, comme ceux de son espèce:
Voilà, c’est tout de suite plus clair comme ça, non ?

Un fonctionnaire,
revêche et obtus mais ne le sont-ils pas tous ?
Mouais

Le chômeur, appelons le Wolfram
Je disais que j’avais comme une impression de déjà-lu

Le fonctionnaire, mettons Abelardo
Je sais, j’étais là.

Wolfram
Ah oui, je sais ! Le début du dialogue, là, c’est le même que dans une nouvelle ô combien passionnante, qui a brillamment été sélectionnée pour figurer dans l’ouvrage “Plumes bigarrées“, paru aux éditions Campiche !

Abelardo
35 textes sélectionnés sur 70 participants, c’est pas encore le Goncourt non plus, hein.

Wolfram
Tu dis ça parce que tu es jaloux parce que tu es un fonctionnaire aigri, mais moi je brûle de savoir ce qui va m’arriver dans la suite de cette magnifique épopée.

Abelardo
Une pauvre nouvelle qui tient sur trois pages, en plus, j’avais tout de suite deviné la fin.

Wolfram
Mais arrête ! arrête ! Tu vois pas que j’étais en train de faire de la pub, discrètement, pour l’ouvrage “Plumes bigarrées“, paru aux éditions Campiche, disponible probablement dans plein d’endroits super ?

Abelardo
Mon pauvre, ça va même pas te rendre riche et célèbre alors hein, j’ai d’autres chats à fouetter.

Un chat
Putain j’y crois pas, à chaque fois c’est sur ma gueule que ça retombe, j’en ai marre, je me casse au Mexique.

Abelardo
Et d’ailleurs, pourquoi on se tutoie ?

Wolfram
L’ouvrage “Plumes bigarrées“, paru aux éditions Campiche.

Abelardo
Tu l’as pas déjà fait, le titre, “Marketing à la plage” ?

Wolfram
Si mais sur un autre blog, alors ça compte pas.

Etreintes délétères

Tuesday, September 15th, 2009

Il ne pouvait s’empêcher d’être un peu nerveux et la clope qu’il venait d’écraser, après trois bouffées à peine, témoignait de cet état. C’était pourtant idiot, il s’en rendait bien compte. Tous les jours, des gens font ça, recroiser des amis d’enfance, se remémorer de très vieux souvenirs, s’amuser ou s’effrayer de la manière dont leurs copains d’avant ont évolué. Pas de quoi se paniquer. Mais ils avaient tant vécu ensemble.

Il s’était imaginé ces retrouvailles bien des fois. Bien sûr, c’était surtout elle qu’il se réjouissait de voir. Bien sûr, c’était surtout elle qu’il appréhendait de voir. Elle, son premier amour, une histoire de gosses… dans les films américains, ils se reverraient, il y aurait des violons et voilà. Mais les films américains, il y avait longtemps qu’il n’y croyait plus. Depuis le jour où il s’était avoué que sa tentative de conquérir Hollywood avait échoué et qu’il était rentré, la mort dans l’âme et quelques rôles anecdotiques sur sa fiche imdb.

C’est dans l’avion qu’il avait eu l’idée de cette soirée, de ce rendez-vous dans vingt-cinq ans. Envie d’une bouffée d’enfance pour oublier. Envie de revoir ses vieux potes, Dipsy, qui travaillait aujourd’hui dans la mode et Po, devenue trompettiste. Et Laa-Laa, qu’il n’avait pas eue au téléphone, mais il était sûr qu’ils auraient tant de choses à se raconter.

Il arrive, lentement, avec cinq minutes d’avance. Les deux autres sont en retard. Il s’approche, timidement.
– Laa-Laa… tu n’as pas changé.
– Eh ho ! Laa-Laa n’a pas changé ! Laa-Laa n’a pas changé ! Oooooh Tinky Winky a beaucoup changé ! Tinky Winky a beaucoup changé !
– Ah merde… tu n’as VRAIMENT pas changé ?