Vers environ la fin de la Préhistoire, les hommes commencèrent à s’installer dans des villages, à cultiver des céréales et des poules. Les villages commerçaient entre eux, l’économie prospérait, les gens occupaient leurs soirées en faisant de la poterie ou en tapant sur des ossements (et ça leur allait bien) et tout le monde était content, sauf certains jeunes qui rêvaient de quitter ce village pourri ou y a même pas de terre glaise, franchement, c’est trop la honte.
Mais un jour, le grand chef Uhgruhur, qui en avait marre de la poterie, décida pour se distraire d’aller foutre la pâtée à son voisin, le grand chef Ugrhur, qui l’avait traité de “fils de mauvaise sculptrice” dans leur enfance (à l’époque, c’était une des insultes les plus graves). Il demanda donc à son peuple (52 personnes) de fabriquer des tas de gourdins et d’objets contondants (ndr: un objet contondant est un objet qui peut faire mal tous les jours. Il ne faut donc pas le confondre avec le con tondant, douloureux en général le dimanche matin) pour aller éclater sa gueule au peuple voisin (48 personnes et un cheval blanc).
Ce fut un fiasco total. Les hommes d’Uhgruhur marchèrent nuitamment sur le village voisin, leurs armes à la main. Quand ils arrivèrent, une grande fête étaient en cours. Ils décidèrent donc de demander si ils pouvaient rester et offrirent pour la peine quelques pots traditionnels. Cette première guerre de l’histoire fut la seule à non seulement se terminer sans un seul mort mais en plus à faire considérablement augmenter la courbe démographique des protagonistes, parce que bon, tu sais ce que c’est, l’alcool, la musique, la poterie, y a un moment où tu fais un peu connaissance et de fil en aiguille, tu te retrouves à tricoter de la layette.
Mais Uhgruhur, qui avait la rancune tenace, n’en resta pas là. Il inventa donc le concept d’amour de la patrie. Il demanda à son cadet, Ugruhr-le-simple, de lui faire un joli dessin sur une peau de gnou et expliqua à son peuple que c’était un drapeau, que c’était vachement joli et que ça symbolisait bien à quel point ils étaient courageux, forts et doués en poterie, il demanda à son aîné, Ugruhr-le-facétieux, d’inventer un joli air d’ossements tapés et expliqua à son peuple que c’était un hymne national, que c’était vachement joli et que ça symbolisait bien à quel point ils étaient civilisés, intelligents et doués en poterie. Il décida également d’instaurer une journée nationale de fête, pour célébrer à quel point son peuple avait de la chance de pas être des barbares.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, son idée prit. Très vite, ses sujets se mirent à dire que “bon, moi je suis pas tribuiste ou quoi, mais quand même, on est bien obligé de reconnaître que les Ugrhur, ils sont pas comme nous” et à colporter des nouvelles du genre “paraît qu’ils mangent de la dinde et même du boeuf, vraiment, ils sont bizarres”, voire pire “mon cousin Uhgrurh, qui a un peu dû aller là-bas à cause de ses affaires, m’a dit qu’ils ne faisaient pas de poterie, tu imagines un peu?”. Dans la foulée, ils se mirent aussi à dire du mal de ceux qui avaient choisi de rester nomades, des vrais sauvages, en plus ils paraît qu’ils volent des poules et des bébés et qu’ils fabriquent des paniers en osier, vraiment, on n’a pas idée.
Une vingtaine d’années plus tard, Uhgruhur put faire sa guerre tranquille. Il se fit rétamer, surtout son peuple. Ce qui n’empêcha pas d’autres chefs de tribu de trouver ses idées marrantes.
Joyeuse fête nationale aux Suisses et un bon mois aux autres