Archive for January, 2015

Götterdämmerung

Thursday, January 8th, 2015

Jadis, longtemps avant l’invention de wikipédia, l’humanité tentait de comprendre les mystères qui l’entouraient. Mais c’était un peu compliqué. Et souvent effrayant. Mais il fallait bien que les aînés rassurent les plus jeunes, quand ils en causaient, le soir au coin du feu dont ils avaient moins peur depuis qu’ils l’avaient inventé.

Alors ils inventaient de belles histoires. Ils leur racontaient les histoires des dieux anciens qui avaient créé la terre et le ciel, la terre et les mammouths laineux, avant de partir prendre l’apéro. “Et quand ils abusent du jus de fruits fermenté, ça fait des éclairs”, disaient-ils. Puis les plus jeunes, parfois, devenaient à leurs tours des aînés. Ils rajoutaient un ou deux chapitres à la légende, en enlevaient d’autres, modifiaient ça et là certains passages.

Puis un jour, un dénommé UhhhhhhGruhhhhr revint d’une chasse à la belette ensanglanté mais exalté.
– Dites, vous avez bien dit que c’était Agrhaahrk qui avait créé la terre, le ciel, et que les éclairs c’était un truc qu’elle faisait pour retrouver les clés de sa grotte quand elle rentrait tard le soir ?
– Euh, oui, c’est ça.
– Jamais bien compris cette histoire. Mais bon. La grotte d’à côté, ils disent que c’est Uglhor et que les éclairs sont la manifestation de sa colère.
– Oui, bon. Il y a peut-être des interprétions différentes.
– Ah non, c’était déjà assez compliqué comme ça. Du coup, on leur a dit qu’ils se trompaient, on les a massacrés et une chose en entraînant une autre, on a ramené toutes leurs provisions.
– Une demi-belette ?
– Ils étaient pauvres, preuve que leur Uglhor ne doit pas les aimer tant que ça.
– Oui, bon. Pas sûre sûre que ce soit ça que veuille Agrhaahrk.
– Mais si. Il n’y a pas eu d’éclairs depuis, c’est bien la preuve.
– Mouais mais non. Franchement, je crois pas.
– Ils ont une super grande grotte, douze pièces, lagon, gibier à profusion.
– Douze ? C’est vrai qu’on songeait à agrandir…
– Sinon, on a repéré des adorateurs de Grouhr, pas loin.
– Lagon, gibier ?
– A foison.
– Sus à l’hérétique.

Fort heureusement, depuis, on comprend (plus ou moins) comment sont faits les éclairs et qui accroche les étoiles dans le ciel. Et ce genre de choses n’arrivent plus.

Le courrier picard du c½ur international

Monday, January 5th, 2015

« C’est pas facile » est une sorte de courrier du c½ur moderne, dans lequel vous posez des questions et où un chroniqueur vous répond. Ce chroniqueur, c’est moi, tu croyais pas que bptp avait le moyen de grassement payer des pigistes ? Je ne suis ni médecin, ni proctologue, ni trapéziste, j’avais simplement envie de vous raconter n’importe quoi.
Si vous voulez m’envoyer vos histoires, n’hésitez pas à m’écrire à courrierduceur@bonpourtonpoil.ch

Mon époux et moi-même nous connaissons depuis maintenant huit ans. Tout se passe à merveille : il est attentionné, tendre et réussit à merveille la quiche aux lardons. Toutefois, quelque chose me chiffonne. En effet, il est adepte d’une sexualité pour le moins dépravée. Il refuse systématiquement que nous convions des amis, ne se sert pas d’accessoires et ne m’insulte jamais durant nos ébats. Je ne sais que penser. Comment cela se peut-il. Peut-être ne m’aime-t-il plus ? Peut-être est-il membre d’une secte ? Peut-être est-il vieux ? Que faire ? Je ne sais pas.
Anonyme, Bougoin-Jallieu.

Chère Anonyme,
Je lis dans vos écrits une grande souffrance, que je comprends mieux que je l’ai moi-même vécue. La situation était certes un peu différente : j’étais en vacances en Espagne, j’ai commandé du poulpe et on m’a amené de la seiche, alors que tout le monde sait que je déteste ça. Plusieurs années de thérapie m’ont permis de me sortir de ce pas difficile.
Cependant, votre situation me semble bien insoluble. Vous dites attentionné et tendre, mais pourtant, cet homme est extrêmement égoïste. Je ne vois qu’une solution : quittez-le, mettez le feu à sa penderie, changez d’avis puis requittez-le (pour déconner), car de tels comportements ne sauraient.
Par ailleurs, pourriez-vous être plus précise quant à la recette de la quiche ?

Je suis épris d’une jeune demoiselle. Hélas, nos parents se détestent, à cause d’une sombre histoire de haine. Que faire ? Je ne sais pas.
Roméo C., Vérone

Cher Roméo,
Je comprends d’autant mieux votre situation que je l’ai moi-même vécue : je voulais un vélo rouge et mes parents ont préféré m’offrir un trampoline. Quelle déception n’ai-je alors pas ressentie. Votre récit me rappelle un peu un film que j’avais alors vu, seul avec mon désespoir : il s’agissait de la Guerre des Etoiles, dans lequel on trouve également des membres de plusieurs familles différentes et des parents au comportement inadéquat. Je peux donc vous donner cet excellent conseil : c’est en vous que vous devez trouver les réponses, car le bonheur se cache bien souvent à l’intérieur de nous.

J’ai un souci. Mes gardénias refusent de fleurir. Or, je les arrose avec conviction et douceur, comme indiqué sur la notice d’emballage. Je ne comprends pas. Je suis à bout. Je songe même à faire une bêtise. Je n’en peux plus. Que faire ? Je ne sais pas.
Fulgencio, Douai

Cher Fulgencio,
Permettez-moi de vous retourner la question. Au fond, si ces gardénias meurent, n’est-ce pas le signe qu’au fond de vous, vous ne les aimez plus ? Et si vous ne les aimez plus, n’est-ce pas le signe qu’au fond, vous ne vous aimez plus vous-même ? Je comprends d’autant mieux votre situation que je l’ai moi-même vécue. Je cuisinais une quiche aux lardons et j’ai oublié de mettre la crème. Je m’en suis voulu pendant plusieurs minutes. Mais après tout, la vie continue. Essayez d’en prendre de la graine !

Je me demandais, pourquoi les gens qui s’aiment sont-ils toujours un peu les mêmes ? Non, parce que moi, je voudrais être un homme heureux, c’est pour ça.
William S., Genève

Cher William,
Je comprends très très bien votre problème. Je l’ai moi-même vécu, c’est dire ! Je m’en rappelle comme si c’était hier. J’ai des amis, quand je dis amis, en fait, je les connais un peu mais pas très bien, mais je ne suis pas là pour parler de moi, qui sont jumeaux, et figurez-vous qu’ils sont en couple avec des jumelles, alors des fois on les confond. C’est fou. J’en ris encore. Pour répondre à votre question, j’aimerais vous dire ceci : le bonheur est dans le c½ur de celui qui veut le voir. Ne cours pas à sa porte ! car l’hiver est à la fenêtre.

Mon épouse est décédée il y a huit ans des suites d’une longue maladie. Depuis, je suis prostré chez moi. Récemment, un ami m’a dit “écoute, Henri, il faudrait que tu voies du monde, tu sais, que tu fasses des rencontres, tu sais, peut-être même que tu vois ce que je veux dire, hein ? haha, sacré Henri.” Je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire, d’autant plus que je ne m’appelle pas Henri, mais je crois qu’il a raison : il est temps pour moi de me remettre en selle, comme aiment à le dire les cavaliers. Cependant, je ne sais comment m’y prendre. On ne danse plus de slows dans les boîtes de nuit, et mon Minitel refuse obstinément de s’allumer. Que faire ? Je ne sais pas.
Henri, Budapest

Cher Henri,
Votre question est mal posée. Vous dites mon épouse, comme s’il devait aller de soi que de nos jours, une relation soit forcément hétérosexuée. Et les droits des minorités, qu’en faites vous ? Rarement, je n’ai lu autant d’égocentrisme que dans votre question. Je ne vous félicite pas. Franchement. Dans quel monde on vit. Des choses pareilles. Et pourtant, croyez-moi, j’ai d’autant plus de compréhension pour votre situation que je l’ai moi-même vécue. A peu de choses près. Mon épouse n’était pas décédée, mais sortie acheter du pain, et ce n’était pas mon épouse, mais une vague connaissance, mais je sentais que quelque chose nous rapprochait irrémédiablement. Comme je suis bon prince, je vais répondre à votre question, mais c’est bien la dernière fois : Caramail, c’est pas mal, pour rencontrer.

Il ne savait pas en ouvrant la porte qu’il allait découvrir le secret du bonheur. La huitième va vous étonner !

Friday, January 2nd, 2015

– Bonjour, vous vous souvenez de ce que je vous avais dit, l’an dernier à pareille époque ?
– Pas très bien, je dois dire…
– Bonne année. Je vous avais dit bonne année. Et je vous avais souhaité joie, amour et bonheur.
– Ah, oui, ça me revient. Vous aviez ajouté “Et la santé ! Parce que c’est important, la santé !”
– Oui. C’est important. Et vous, qu’avez-vous fait ?
– Ben…
– Vous êtes tombé gravement malade !
– C’est vrai, oui, mais les docteurs disent que je vivrai !
– Oui, oh, les docteurs, ils disent ça comme ils diraient autre chose, vous savez.
– C’est vrai qu’ils disaient la même chose à ma femme…
– Vous voyez ! Très bel enterrement, d’ailleurs.
– Vous n’y étiez pas.
– Non, non, avec le yacht à essayer, vous savez ce que c’est…
– Non.
– Mais je suis sûr que c’était un très bel enterrement. Vous connaissant. Vous êtes doué, pour ces choses là.
– Oh, oui, au bout du septième en un an, forcément.
– Oui. Quelle chance d’avoir une si grande famille, tout de même ! Mais vous parvenez quand même à vous plaindre.
– Ben là, il ne me reste plus grand monde.
– Oui, surtout que vos enfants refusent désormais de vous parler !
– Ils ne refusent pas, ils sont tombés en catatonie.
– Ah, oui, la Catatonie, très belle région, j’y suis allé avec ma maîtresse et mon épouse l’été dernier.
– La Cappadoce. Je sais. C’est là qu’elle a attrapé cette maladie.
– Ma femme ? Mais non. Elle va bien.
– Votre maîtresse. Mon épouse. Ma veuve.
– On ne dit pas ma veuve, ce n’est pas vous qui êtes mort. Soyez précis, que diable.
– Bon, bon. Et quel bon vent vous amène ?
– Bien je vous l’ai dit. L’an dernier, je vous avais souhaité santé, bonheur et réussite… Vous voilà veuf, malade et chômeur. Parce que vous vous êtes fait virer de votre travail.
– Non. Ma boîte a fait faillite. Suite aux problèmes de santé de mon épouse.
– Bon, bon, ne jouez pas sur les mots. C’est pareil.
– Techniquement, non. Je n’ai pas droit au chômage, du coup. Mais je fais contre mauvaise fortune bon coeur ! J’ai appris à cuisiner la terre. C’est pour ça que je suis tombé malade, d’ailleurs.
– Bon, bon, épargnez-moi ces détails malsains. Je suis venu vous annoncer que je vous assignais en justice.
– Pardon ?
– Mauvais usage de voeux.
– Ca n’existe pas.
– Si, la loi est passée l’été dernier.
– Je l’ignorais.
– Vous pourriez faire un effort. D’ailleurs, je vais vous dire. Le bonheur est en chacun de nous, mais pour l’avoir, il faut le vouloir.
– Paulo Coelho ? C’est vous ? Puis-je avoir un autographe ?
– Non.
– Bon. Tant pis. Bonne année !
– Et surtout, la santé.