Du flan

Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Esculape de Malakoff est un jeune cuisinier incroyablement paresseux. Il a développé une batterie de stratégies pour que les autres cuisiniers vaquent pendant qu’il se tourne les pouces. Il se tourne tellement les pouces qu’on pourrait facilement y installer une petite centrale éolienne. Quand on lui demande de préparer les sauces, il rétorque que le poil qu’il a dans la main pourrait y tomber et ça ferait pas sérieux, que diable.

Ses collègues, forcément, ça les gonfle un peu. Esculape, par la malpeste, lui disent-ils, car l’exaspération leur fait perdre les nerfs, ne reste donc point ainsi les bras ballants, aide-nous donc à faire les desserts. Mais il leur répond que oui mais là c’est pas possible, tu comprends, je suis allergique aux poires, j’ai une banane dans l’oeil, enfin, toutes les excuses sont bonnes pour n’en point foutre une rame.

Sauf quand il y a des flans au menu. Là, le jeune marmiton bat, fouette, monte en neige, caramélise tant et plus qu’à chaque fois, il y en a deux fois trop. Ce jeune homme, se disent ses collègues, s’intéresse enfin à quelque chose, ne le réprimons pas. Le soir, Esculape emporte dans son tupperware en métal chromé tous les flans restants. Intrigué, un de ses collègues apprenti-queux, Ranulphe de Cergy, le suit nuitamment. Peut-être, se dit-il, Esculape nourrit-il en secret de sombres desseins et une famille de réfugiés valaches ?
Mais le spectacle auquel il assiste le laisse pantois. Esculape de Malakoff aligne les flans sur un muret et, un à un, les vise avec son arbalète. Et force est de constater qu’il est plutôt talentueux. Mon dieu, pense le témoin de cette ô combien rocambolesque scène, quel tir aux flans ! Je suis estomaqué. Mais ne voulant pas laisser l’autre se rendre compte de sa stupéfaction, Ranulphe se ressaisit et tient à peu près ce langage : “Zyva, t’es trop un bouffon, tu les a même pas tous quéni, il reste comme deux ronds de flan.”

C’est de cette croustillante anecdote qu’est née l’expression “C’est en flânant qu’on devient flâneron”, hélas tombée en désuétude moins de deux semaines plus tard.

43 thoughts on “Du flan

  1. Il va falloir arrêter la fumitude, la drogance ou la boiviture, ou que sais-je…le sport? (le pire de tous les maux!) parce que je trouve (avec délice) que ça ne s’arrange pas, par ici, lonladedaine…

  2. Voila! revenons aux fondammentaux! en flanant, certes, mais revenons y!

    Et je comprends enfin ce que me disait ma maman: continue comme ca et tu deviendra un vrai flaneron. ou couillon. je ne sais plus. il est vrai que je couillais beaucoup aussi…

  3. Tu es un peu confuse, chère épouse: je dois arrêter ou je dois pas arrêter ?

    filou: Ouais des fois faut savoir revenir aux vraies valeurs d’antan

  4. il me vient une question subite: tout ce flan, cela est il vraiment bon pour le poil d’esculape…

  5. bon promis, demain, j’arrete les commenaires! il y a meme des mises en garde sur le carton d’emballage, ici.

  6. Ca fait qq mois que je voulais… expliquer les origines des deux ronds de flan… Pour éviter une controverse historique et doctrinale je renonce (même si en fait Esculape était roux, et ca change tout)

  7. Et quand la roue tourne, Esculape le flan.

    in “memories of Ranulphe de Cergy”
    XVII

  8. Quand une note commence par cette première petite phrase, je pourrais arrêter là ma lecture, je suis déjà hystérique.

  9. J’ adooooooooore Raph, que du bonheur à te lire!
    Je ne m’ attendais pas à la chute du tir aux flans donc j’ en ai beaucoup ri!!!

    Par contre faut surtout pas tenter de réchauffer vos flans tuperouare au micro onde car le métal chromé fondrait à la place du flan. C’ est couillon hein. Le mieux est de le réchauffer au briquet, c’ est plus sûr et moins dangereux.

  10. eum… remarque à faire retomber le soufflé…. c’est pas plutôt la crème vanille qu’on bat et rebat des heures pour meubler les longues soirées d’hiver? (excellente occupation pour gamins turbulents, vous noterez au passage)

  11. Ce post me flanque de bonne humeur ! Merci pour cette explication d’une expression désuette somme toute assez flanchante dès le départ…

  12. Tu parles de références! un est mort l’ autre ne va pas tarder.

    Raph! Tu es jeune, donne-nous de l’ espoir!

  13. Tu confonds avec les académiciens.
    Des vieux croûtons. Pas un seul rigolo.

  14. A force de construire des discours sur sujets aussi obscurantistes que la pâtisserie, ne t’étonne pas si on te poursuit pour flanc-maçonnerie …
    Sinon voila un site super chouette pour les amateurs de flanc! à faire trembloter de jalousie n’importe quel Estarlupe. http://www.gobage.com/?rep=main

  15. Cette pâtisserie souvent foireuse, voire molle (flamby? géniaaaaaaaal !) déchaîne les passions, j’en suis toute ébaubie!
    Je tiens juste à signaler une arnaque linkesque en haut à droite, là, avec “cadavreski”, comme quoi c’est le Bronx ici, ou quoi ! (scandale, verre cassé, scène de ménage de femme curieuse insatisfaite)
    Sinon c’est quoi Twitter?

  16. « Esculape de Malakoff aligne les flans sur un muret », icelui érigé par les premiers des flancs-maçons

  17. Chapeau, ce post est particulièrement désopilant, n’en déplaise à Gudrule et son poil.

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