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Une seule lettre vous manque et y avait huit lettres, dépeuplé

Monday, October 9th, 2006

Des fois, dans la vie, on rentre à la maison et y a une armoire vide.

Des fois, c’est parce qu’elle était déjà vide le matin, à cause d’une stupide passion pour les meubles Ikea. Mais des fois, c’est parce que la moitié des habitants de la maison ont fait leurs valises. Des fois, ils ont fait leurs valises à cause d’une stupide passion pour Grunt, le maître-nageur suédois. Mais des fois, ils sont simplement partis terminer leurs études. Sauf que comme au lieu d’étudier la dendrochronologie à Neuchâtel comme vous et moi, ils préfèrent l’université de Nouakchott, tu te retrouves tout seul avec un chat psychopathe et une armoire vide.

Dans laquelle tu peux même pas mettre ta collection d’enclumes du XIIe siècle, vu que l’armoire devrait normalement se reremplir dans six mois, même que ce sera des habits de diplômée dedans, mais ça va, ça prend pas beaucoup plus de place que des habits normaux.

L’avantage de cette situation, c’est justement que tu sais qu’en principe, ton célibat ne durera que six mois, sauf si les unis lointaines sont peuplées de maîtres-nageurs suédois. Et que donc, tu n’es pas obligé de tester meethoc. L’inconvénient, c’est qu’en six mois, t’as à peine le temps de reprendre de bonnes habitudes de célibataire. Parce que c’est vrai: quand tu as mangé équilibré pendant longtemps, c’est difficile de te remettre au régime pizza-bière. Et y a un moment, en couple, où tu te prends à faire la vaisselle tout seul, sans que personne ne te l’ait demandé, alors qu’il reste encore des assiettes propres dans l’armoire. Il faut aussi un peu de temps pour repenser à des solutions simples pour minimiser le nombre de vaisselles, et ainsi contribuer à la protection de l’environnement, comme manger directement dans la casserole.

Au début, tu trouves ça un peu rigolo: tu es seul dans ta voiture, tu peux enfin ressortir tes cd d’Iron of a Down et jurer comme un charretier (mais c’est pas ma faute, depuis qu’un nain a planté des appareils photo partout, les français conduisent encore plus lentement que des suisses allemands (à un moment, j’ai cru que les numéros, sur les plaques, c’était la limite maximum autorisée (c’était à Vesoul, j’ai bien fait de pas passer par Morteau))).

Pendant six mois, tu vas devoir répondre seul à des questions importantes dont vous discutiez en couple:qu’est-ce qu’on mange ce soir, est-ce qu’on pourrait pas changer la caisse du chat plutôt demain, est-ce qu’on pourrait pas faire le ménage plutôt le mois prochain? Et te priver des superpouvoirs féminins qui te seraient bien utiles. Elles sont par exemple capables de penser à racheter des sacs poubelles avant qu’il n’y en ait plus. Et elles sont capables de faire survivre des plantes vertes, aussi. Du coup, avant de partir, elles te répètent 116 fois que le ficus, il aime bien être tout le temps un peu humide, alors que la fougère, on peut l’arroser une fois par semaine, ça suffit. Du coup, toi, atteint dans ton honneur de mâle, tu te sens obligé de bien soigner les plantes tellement que le hiatus nain va redonner des fleurs, non mais, mais est-ce que c’était pas plutôt le ficus qui avait pas besoin de beaucoup d’eau?

Du coup, tu te dis que tu vas revoir un peu plus souvent tes potes, aller à des concerts de musique de sauvages avec eux. Manque de bol, ils ont tous profité que tu avais le dos tourné pour se mettre eux aussi en couple et quand tu vas chez eux, au lieu de t’obliger à fumer des bières, ils te montrent des diapositives de leurs vacances au Ladakh. Parfois, ils ont même un môme, ou un ragondin, ce qui est moins grave.

Mais ne noircissons pas le tableau. Y a des avantages. Déjà, pendant les six prochains mois, plus personne n’aura la migraine au moment où tu envisageras de ne pas dormir tout de suite. Et tu vas enfin être le maître incontesté de la télécommande. Plus de Starac, ou alors juste pour pouvoir lui raconter quand elle rentrera. Et pendant six mois, Kovac ne t’évoquera plus un beau docteur, mais un redoutable footballeur. Car tu vas sans complexe regarder des tas et des tas de matches. Ce soir, y a Châteauroux-Clermont Ferrand, je crois.

disclosure: Non mais je schématise, hein!

Bordélisme chronique

Sunday, June 8th, 2003

Le bordélisme chronique est une maladie très grave.


Déjà, c’est une maladie qui n’est pas socialement reconnue. Si vous dites aux gens que vous êtes diabétique, dépressif ou fan de Nolwenn, ils vous regarderont avec un air triste, vous diront: mon pauvre ahlala mais comment ça va qu’est ce qu’on peut faire soigne toi bien ahlala mon pauvre.


Par contre, avouez aux gens que vous souffrez de bordélisme chronique. Ils vous regarderont avec un petit sourire amusé, au mieux, au pire ils te diront yaka ranger c’est une question de discipline tout ça tout ça. Quant aux assurances maladies, n’en parlons pas. Jamais un bordélique chronique n’obtiendra une semaine de congé pour ranger son deux pièces et demi.  (Deux jours à regarder le chantier en se disant j’arriverai jamais à tout remettre en état, une demi-journée pour tout poutzer, finalement c’est qu’un deux pièces et demi, une demi-journée passée à contempler l’appartement vide mais pas encore aspiratorisé, une demi-journée pour reranger le bordel qui s’est reaccumulé avant d’avoir eu le temps de dire ouf et surtout de passer l’aspirateur et la panosse, un quart de journée pour passer l’aspirateur et la panosse et le reste pour se reposer).


Le bordélique chronique se reconnaît de loin. Pas besoin d’entrer dans son deux pièces et demi, sa voiture est déjà symptômatique. Un vieux journal de y a deux mois, de la paperasse entassée, des cartons de sandwiches et même, de temps en temps, un de ces bouts de plastique servant à pas attrapper de bébés qu’il faut pas mettre à l’index mais ailleurs, égaré entre un croissant du mois dernier et le cadavre d’un auto-stoppeur mort d’une crise cardiaque en découvrant le chantier.


Le bureau du bordélique chronique est du même accabit: il est jonché d’une pile de papiers retraçant les six derniers mois de boulot du souffrant, ce qui lui vaut les quolibets de ses collègues maniaco-maniaques. En général, le bordélique tient sa revanche quand on lui demande si c’est lui qui a le dossier machin, qu’il extrait en cinq secondes du milieu de la pile où il est coincé. Pour se venger, le bordélique va même jusqu’à demander un dossier au maniaco-maniaque qui lui répond: ah oui, je l’ai classé par ordre alphabétique, alors il doit être à la lettre d comme dossier ou alors non attend il est dans les dossiers classés dans la section à classer, ou alors dans le classeur ou je mets les trucs que je sais pas où classer, attend, je vais le retrouver tout de suite.


L’appartement du bordélique est par contre bien pire que tout ce que son pote le maniaque peut imaginer. Y a des cartons de pizza, de la vaisselle sale, du linge sale éparpillé dangereusement près du linge propre qui est tombé de l’étendage ou il trainait depuis trois semaines, d’ailleurs il reste même un gros pull en laine sur l’étendage alors que ça fait deux bons mois qu’il fait trop chaud pour les gros pulls en laine, y a des cendriers qui débordent, des tas de factures, de pubs pour des produits de beauté et de journaux gratuits, et en général tout un tas de machins qui font que le bordélique est quasi obligé d’avoir de grandes jambes et d’être hyper attentif pour traverser son antre sans marcher sur des choses et produire des craquements suspects.


Le bordélique est condamné à ne pas avoir de vie sociale. Quand des potes passent près de chez lui et lui demandent si ils peuvent venir le voir, il ne répond pas. Quand il fait une conquête féminine, il lui dit: mais j’t’assure, on sera mieux dans les bois à se faire bouffer par les moustiques que confortablement installés dans mon lit.


Une fois tous les six mois (en général quand la nouvelle conquête féminine s’incruste), le bordélique range sa voiture, son bureau (et entend 422 fois par jour des plaisanteries avec le mot pleuvoir dedans), remet son appartement dans un état qui lui semble satisfaisant (et tombe de haut quand ladite conquête lui dit c’est sympa chez toi mais t’aurais pu ranger quand même). Il contemple son travail, satisfait, se réjouit d’avoir retrouvé 42 francs 50 en petite monnaie, une lettre de sa précédente conquête et son chat qu’il croyait disparu. Il déclare à qui veut l’entendre: cette fois je me laisserai pas aller, c’est beaucoup plus simple de ranger au fur et à mesure. Deux semaines plus tard, en moyenne, il contemple son appartement aterré et se dit faudrait que je pense à ranger quand même.


 


P.S. Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé serait purement fortuite (et quand même un peu exagérée) (mais à peine)