Posts Tagged ‘maladies incurables’

une famille en or

Tuesday, July 31st, 2007

Il est des familles qui apportent beaucoup à l’Art. Des familles entières dont tous les membres se dévouent corps et âmes à la Muse. Des gens dont on se dit que la face du monde aurait été plus terne si leur aïeul Gérulphe avait été à la pêche le jour où il a rencontré la belle Rodomonthe dans un champ de fougères.

Ainsi en va-t-il de la famille Ritchie. Lionel, Christina, Nina, Raphaëlle, Poveri, tous ont, à leur manière, révolutionné l’art. Mais chaque famille a, hélas, ses moutons noirs, ses brebis galeuses, ses ânons manquants, ses canards laqués. Ainsi en va-t-il de Rodolphe Ritchie*.

Rodolphe était ce qu’il est convenu d’appeler un gentil. Le coeur sur la main. Toujours prêt à rendre service. Il ne disait jamais non (sauf quand on lui demandait le nom de la capitale du Tadjikistan). Il donnait sans hésiter (même aux mendiants qui ne savaient pas jongler mais ça commence à bien faire, cette histoire). Il recevait tellement peu en retour qu’il aurait pu faire un excellent tennisman**. Et il ne râlait même pas plus que ça.

Il rêvait de faire médecine, mais ses parents voulaient qu’il embrasse une carrière artistique. Rodolphe, la bonne pâte, était brisé. Devait-il se rebeller contre l’autorité parentale, au risque de se fâcher contre quelqu’un pour la première fois de son existence? Et comment pouvait-il avouer qu’il avait abandonné ses cours de tuba pour aller jouer en secret au docteur avec sa voisine, qui collectionait les stéthoscopes en secret.

Rusé comme un okapi, Rodolphe se lança alors dans une carrière de jongleur d’hôpital. Il n’était, à vrai dire, pas très doué. Mais, pour la première fois de sa vie, il reçut sans rien donner en échange. En effet, à force de se balader le coeur sur la main dans les couloirs peu hospitaliers de l’hôpital, il contracta un nénuphar ventriculaire et dut garder le lit pendant six mois (une tante à lui, se disant qu’il n’allait pas trop bouger, lui demanda en effet de surveiller son Öfensdröe Ikea de collection le temps qu’elle trouve dans quelle pièce de sa maison le placer).

Il se fit très vite apprécier des autres patients, car il avait toujours une attention, un mot réconfortant. Un jour, alors qu’il discutait avec une voisine de chambre dont les staphylocoques étaient aussi dorés que sa chevelure dorée, la Muse lui vint.

Il composa une chanson, émouvante et sensible, intitulée “Sépticémie”

Son oncle Lionel, qui passait par là, décida d’en modifier un peu les paroles et en fit le tube que vous savez. Rodolphe, lui, demanda la main de son inspiratrice, qui venait d’attraper une lèpre subite.

*Arrête de chercher: y a pas de jeu de mots.
**Là, si***.****
***Chien fidèle.
****Ah, non, en fait.

Bordélisme chronique

Sunday, June 8th, 2003

Le bordélisme chronique est une maladie très grave.


Déjà, c’est une maladie qui n’est pas socialement reconnue. Si vous dites aux gens que vous êtes diabétique, dépressif ou fan de Nolwenn, ils vous regarderont avec un air triste, vous diront: mon pauvre ahlala mais comment ça va qu’est ce qu’on peut faire soigne toi bien ahlala mon pauvre.


Par contre, avouez aux gens que vous souffrez de bordélisme chronique. Ils vous regarderont avec un petit sourire amusé, au mieux, au pire ils te diront yaka ranger c’est une question de discipline tout ça tout ça. Quant aux assurances maladies, n’en parlons pas. Jamais un bordélique chronique n’obtiendra une semaine de congé pour ranger son deux pièces et demi.  (Deux jours à regarder le chantier en se disant j’arriverai jamais à tout remettre en état, une demi-journée pour tout poutzer, finalement c’est qu’un deux pièces et demi, une demi-journée passée à contempler l’appartement vide mais pas encore aspiratorisé, une demi-journée pour reranger le bordel qui s’est reaccumulé avant d’avoir eu le temps de dire ouf et surtout de passer l’aspirateur et la panosse, un quart de journée pour passer l’aspirateur et la panosse et le reste pour se reposer).


Le bordélique chronique se reconnaît de loin. Pas besoin d’entrer dans son deux pièces et demi, sa voiture est déjà symptômatique. Un vieux journal de y a deux mois, de la paperasse entassée, des cartons de sandwiches et même, de temps en temps, un de ces bouts de plastique servant à pas attrapper de bébés qu’il faut pas mettre à l’index mais ailleurs, égaré entre un croissant du mois dernier et le cadavre d’un auto-stoppeur mort d’une crise cardiaque en découvrant le chantier.


Le bureau du bordélique chronique est du même accabit: il est jonché d’une pile de papiers retraçant les six derniers mois de boulot du souffrant, ce qui lui vaut les quolibets de ses collègues maniaco-maniaques. En général, le bordélique tient sa revanche quand on lui demande si c’est lui qui a le dossier machin, qu’il extrait en cinq secondes du milieu de la pile où il est coincé. Pour se venger, le bordélique va même jusqu’à demander un dossier au maniaco-maniaque qui lui répond: ah oui, je l’ai classé par ordre alphabétique, alors il doit être à la lettre d comme dossier ou alors non attend il est dans les dossiers classés dans la section à classer, ou alors dans le classeur ou je mets les trucs que je sais pas où classer, attend, je vais le retrouver tout de suite.


L’appartement du bordélique est par contre bien pire que tout ce que son pote le maniaque peut imaginer. Y a des cartons de pizza, de la vaisselle sale, du linge sale éparpillé dangereusement près du linge propre qui est tombé de l’étendage ou il trainait depuis trois semaines, d’ailleurs il reste même un gros pull en laine sur l’étendage alors que ça fait deux bons mois qu’il fait trop chaud pour les gros pulls en laine, y a des cendriers qui débordent, des tas de factures, de pubs pour des produits de beauté et de journaux gratuits, et en général tout un tas de machins qui font que le bordélique est quasi obligé d’avoir de grandes jambes et d’être hyper attentif pour traverser son antre sans marcher sur des choses et produire des craquements suspects.


Le bordélique est condamné à ne pas avoir de vie sociale. Quand des potes passent près de chez lui et lui demandent si ils peuvent venir le voir, il ne répond pas. Quand il fait une conquête féminine, il lui dit: mais j’t’assure, on sera mieux dans les bois à se faire bouffer par les moustiques que confortablement installés dans mon lit.


Une fois tous les six mois (en général quand la nouvelle conquête féminine s’incruste), le bordélique range sa voiture, son bureau (et entend 422 fois par jour des plaisanteries avec le mot pleuvoir dedans), remet son appartement dans un état qui lui semble satisfaisant (et tombe de haut quand ladite conquête lui dit c’est sympa chez toi mais t’aurais pu ranger quand même). Il contemple son travail, satisfait, se réjouit d’avoir retrouvé 42 francs 50 en petite monnaie, une lettre de sa précédente conquête et son chat qu’il croyait disparu. Il déclare à qui veut l’entendre: cette fois je me laisserai pas aller, c’est beaucoup plus simple de ranger au fur et à mesure. Deux semaines plus tard, en moyenne, il contemple son appartement aterré et se dit faudrait que je pense à ranger quand même.


 


P.S. Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé serait purement fortuite (et quand même un peu exagérée) (mais à peine)