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Coming out

Wednesday, November 5th, 2003

Journaliste, c’est un des rares mots de la langue française à ne pas avoir la même signification au pluriel et au singulier. Prenons deux exemples concrets: “Ah ces journalistes, tous des menteurs”, mais “Quoi? T’es journaliste? Waaah trocoooool! Tu voyages beaucoup?” (à cette question, jeune padawan scribouillard, il faut répondre par un sourire monalisatesque. Il ne faut pas détruire les rêves des gens qui nous voient rampant sous les bombes alors qu’on est en train de s’empiffrer à l’apéro du choeur mixte)

Quelques exemples presque au hasard de journaleux: (mais de toutes façons, tous des menteurs)

Le ‘tit jeune qui n’en veut:

Il rêve de gloire, de strass, de paillettes, de signer des autographes, de CNN. Ce qui est idiot, les gens ne lisent pas les signatures en bas des articles, sinon ils se rendraient compte que tous les articles de la rubrique internationale de son quotidien régional sont signés par les dénommés Reuters et AFP (Alain-Ferdinand Poujol) et arrêteraient de demander si on voyage beaucoup. Mais bon, ne brisons pas les rêves du ‘tit jeune qui n’en veut. Il fait donc toutes les inaugurations, les assemblées communales de parti, serre des tas de mains et consomme des wagons entiers de cartes de visite.

Le consciencieux: (je mets tout au masculin pour généralifier, mais les consciencieux que je connais, c’est des consciencieuses)

Il vérifie 21 fois chacune de ses sources. Il veut être sûr de n’oublier aucun détail dans ses papiers. Du coup, le moindre article sur la courge de 320 kilos cultivée par monsieur Ducommun de Vugelles-la-Motthe lui prend une semaine de préparation, une semaine de rédaction, une semaine de “rah mais je vois pas où je pourrais encore racourcir, j’avais 12724 signes, là j’en suis à 8012 et je dois en faire 400… Non parce que si j’enlève le passage où je dis qu’il aime bien la fondue savoyarde, ça risque de vexer son cousin au sixième degré…je vais appeler la marraine de son plombier pour voir ce qu’elle en pense”

Le j’m’enfoutiste:

Le même que celui d’avant, sauf que c’est le contraire.

L’écrivain raté:

Il est persuadé qu’il écrit trop bien pour le commun des mortels qui a l’outrecuidance d’acheter le journal dans lequel il a la bienveillance d’écrire, parce qu’il faut bien manger et que ces salauds d’éditeurs lui refusent tous ces romans pourtant merveilleux, parce qu’ils ont peur qu’il fasse de l’ombre aux écrivains déjà établis. Quelque part, il a un peu raison: il écrit tellement bien qu’il faut prévoir quatre ou cinq heures pour comprendre le lead de son article “les sapeurs-pompiers de Rueyres-les-Prés tiennent leur assemblée générale”.

le Bluthund:

il aime les histoires qui sentent le sang, le sexe, la fange, les trucs sordides. Du coup, on les lui refile avec plaisir. Il hésite pas à se salir les mains. Il n’a pas d’amis. Si il apprend un truc malodorant sur quelqu’un, il ne lâche plus sa proie. Même si le quelqu’un est son concierge, son ami d’enfance, sa mère. Il a un gros salaire, mais il le dépense en procès. Il reçoit plein de coups de fils en période électorale.

L’ex ‘tit jeune qui n’en a voulu:

A force d’apéros, il a pris du ventre et ses joues arborent de magnifiques teintes automnales, dues à des années de p’tits verres de blanc. Il est divorcé, sa femme en ayant eu un peu marre des “ouais mais je peux pas louper l’assemblée du ski-club de Suscévaz, tu comprends, Jean-Robert Gloupowsky sera là, c’est super important, il va probablement annoncer sa candidature au poste de vice-secrétaire de l’association des amis de la pêche au vairon du Pied du Jura, j’aimerais pas que la concurrence l’apprenne avant moi, tu comprends, mais promis, dans six mois j’ai un trou dans mon agenda, on passe la soirée ensemble”. Il tutoie plein de monde, mais à force de p’tits verres de blanc, il ne se souvient plus trop qui. Il aime bien les nouveaux ‘tits jeunes qui n’en veulent à qui il dit: “ouais moi j’aurais pu aller à CNN mais bon, tu comprends, j’suis mieux là, j’ai des relations et tout”

Le supertalentueux:

Il est trop gentil pour faire un bon journaliste. Et trop flemmard, aussi, un peu, mais bon il compense. Son rêve, c’est d’être payé pour écrire/filmer/microphoner des conneries. Ou alors d’être nommé correspondant permanent aux Maldives. (On sait jamais, ça peut toujours marcher ce truc là)