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Longue est la nuit

Tuesday, November 27th, 2012

J’aimerais pour une fois aborder un thème de société sur ce blog :

Pour ou contre l’insomnie ?

A priori, poser la question, c’est y répondre. En ce temps de crise et de morosité, dormir, c’est du temps perdu. L’insomnie, c’est des heures et des heures de gagnées, que l’on peut enfin consacrer à des activités délaissées durant la journée comme penser au temps qui passe ou écouter le robinet goutter dans la cuisine. Elle peut également être le prélude à d’amusantes distractions : qui n’a jamais repeint son plafond sur le coup de 4 heures du matin ?

Il est de plus bien connu que l’insomnie aide à la création artistique. Avez-vous jamais lu un roman parlant de quelqu’un qui dort super bien ? Connaissez-vous un seul artiste expliquant qu’il crée surtout au cours de ses nuits de sommeil profond ? Et ces français romans au style enlevé, ceux dont l’auteur n’a pas cette sotte vulgarité de s’intéresser à l’histoire alors qu’il pourrait rajouter un adjectif, leurs foisonnants oxymores, leurs amphigouriques catachrèses que louent les critiques subjugués par cet impétueux amas de sémillants vocables, qui donc, dans un funeste monde dépourvu d’affables insomnies, les lirait ?

L’insomnie permet aussi de compter les moutons, ce qui nous rapproche de la nature dans un monde où de plus en plus de bergers font appel à des compte-moutons automatiques.

Et puis il faut bien que les fabricants d’anti-cernes gagnent leur vie, avec tout ce chômage.

Non, vraiment, l’insomnie a tout pour elle. A condition de respecter quelques règles simples qui permettent de la vivre pleinement. Ne faites pas comme ces insomniaques débutants et naïfs qui croient dur comme fer qu’ils vont se rendormir. Des heures perdues à tenter de faire le vide dans son esprit, à en chasser toutes pensées interlopes, alors qu’on pourrait très bien se lever, aller à la cuisine et se préparer une bonne interlope panée, ça me chagrine. Et dans un souci de confort, il est préférable que le nombre d’insomniaques à domicile soit supérieur ou égal au nombre d’habitants.

Mais bon, ça fatigue un peu, à la fin.

Bigger, Faster, Dicker

Friday, November 9th, 2012

– Tiens, Gunda, on te voit beaucoup en ce moment.
– Oui.
– Des soucis avec Ramuntcho, ton amant mexicain ?
– Arrête, on ne rigole pas avec ces choses-là. Le pauvre… Bref. Tu as lu le Dicker ?
– J’ai eu une Black & Decker, une fois, enfin, elle était à un copain, j’ai lu le manuel, après j’ai pas osé m’en servir, c’est super dangereux.
– Mais arrête, tu embarrasses tout le monde. Bon alors le Dicker, c’est un livre qui a été écrit par un Suisse et qui a presque eu le Goncourt.
– Ah oui, je connais ça, les presque. J’ai d’ailleurs presque eu une idée géniale aujourd’hui. Mais c’est bizarre, comme titre, pour un livre, “le Dicker”, non ?
– Non mais c’est comme ça qu’on dit, à Paris, en fait ça s’appelle “La vérité sur l’affaire Harry Potter”, parce que c’est important, pour avoir le Goncourt, d’avoir un titre long, par exemple “La guerre selon Charlie Winston” ou “La vérité sur l’affaire Harry Potter”.
– Bon ben mon premier roman s’appellera “Les mystérieuses aventures du vieux qui ne voulait pas aller à la piscine de Central Park à cause des écureuils le mardi qui se cachent pour mourir dans les songes d’un froid d’été…”
– Ta gueule. Bon. tu as lu le Dicker ?
– Non. C’est bien ?
– A Paris, on ne lit jamais les livres dont on parle. C’est une règle. Mais il se vend bien, donc à Paris, on n’aime pas trop, mais…
– Excuse-moi mais tu es Parisienne ?
– Non mais j’étais en stage.
– Tu es imaginaire et tu vas traîner à Paris alors qu’il y a des tas d’endroits plus glamour comme La Membrolle-sur-Choisille ?
– Donc le Dicker, c’est un livre qui raconte l’histoire d’un écrivain.
– Ah pas mal, ça, comme idée ! Ça n’a jamais été fait, si ?
– Non, c’est la première fois. Mais j’ai pensé que toi, tu pourrais écrire l’histoire d’un écrivain qui écrit l’histoire d’un écrivain.
– Ah oui, pas mal. Ça se passerait à Morges.
– Non, aux States. C’est important, quand on est un écrivain suisse qui marque le renouveau de la littérature romande de bien faire croire qu’on est américain, sinon après les gens trouvent ça mal écrit, à cause de l’accent.
– J’ai lu un Chessex, une fois. Ça se passait à Payerne. C’était bien. Tellement bien écrit que j’ai fait six mois de dépression. Mais il n’y avait pas d’écrivains, que des bouchers.
– Donc c’est l’histoire d’un écrivain de San Francisco qui écrit l’histoire d’un écrivain de Los Angeles qui va à Miami sur les traces d’un écrivain pour s’inspirer… Je te le note ou tu vas retenir ?
– Non non… Ça a l’air bien pour le moment. Il peut rencontrer des aliens contaminés par des OGM en route ?
– Non. Que des écrivains. Tous très riches et très beaux.
– Ah mais ça va être chiant, un peu. Il pourrait pas y avoir aussi un trentenaire un peu loser et des poulets ninja ?
– Le policier ?
– Non, l’animal.
– Non.
– Le policier alors ?
– Non.
– Et des ours ?
– Ça, à la limite. Mais seulement s’il y a des écrivains concupiscents dont la meilleure amie est une quadragénaire lesbienne qui écrivent des romans à succès qui racontent l’histoire d’écrivains à succès dont la meilleure amie est une quadragénaire lesbienne.
– Ça me rappelle un truc.
– Non.
– Bon ben je m’y mets.
– 600 pages minimum.
– 600 pages pour un post de blog ?
– Minimum.
– Ah parce que moi j’étais plutôt parti sur 16 lignes.
– Tu signeras jamais le renouveau de la littérature romande avec tes conneries.
– J’ai lu un Chessex une fois. Il faisait dans les 22 pages. J’ai vomi trois fois. C’était super bien écrit.
– Et puis pas de dialogues trop longs, hein ? Tu sais que tu dois arrêter, avec ça ?
Il ferma la porte dans un doux bruissement d’ailes. La sueur perlait sur son front évanescent.
– Merde, mais arrête avec tes adjectifs incongrus », lâcha Gunda dans un dernier soupir.
Il se remit à la tâche. Tout en saisissant d’une main Friedholm, sa fidèle haltère, il entonna de l’autre le chapitre 650 de sa saga, un roman audacieux dans lequel le héros, un écrivain en mal d’inspiration après le succès foudroyant de son roman “L’écrivain qui recherchait l’inspiration après le succès foudroyant de son roman sur un écrivain”, partait sur les traces d’un célèbre écrivain. Soudain, une sculpturale blonde entra dans la pièce. Il la reconnut sans peine. C’était Fiodor, son épouse, qui n’était pas écrivain.
– Merde, mais arrête, tu salis tout. », constata Gunda dans un croassement fugace.

50 tranches de brie

Tuesday, October 30th, 2012

– Allo oui c’est Gunda, ta Community manager imaginaire.
– Ça faisait longtemps.
– Oui ben ça se voit. Il faut arrêter un peu avec la science-fiction. Le futur, c’est du passé. Le truc qui marche, de nos jours, c’est “50 shades of grey”.
– De Procol Harum ?
– Pfff… je vais pas tarder à aller bosser pour la concurrence.
– Non mais j’ai jamais compris ce que c’était, au juste, ce truc de 50 nuances de gris. Un nouveau magasin de peinture spécialisé dans les cieux broyards ?
– Mais enfin, il faut sortir, un peu… C’est le roman à succès du moment, c’est du mum porn.
– Du porno de maman ?
– Hé ben, t’as bien fait d’étudier les langues…
– C’est dégueu, un peu, non ?
– C’est la mode.
– Bon alors… J’essaie. Ursula sentit le désir affluer en elle comme des furets dans les champs. Mais elle devait d’abord aller chercher Gordon, son petit dernier, à son entraînement de tchouckball, avec le 4×4 qui était au garage, et laver le kimono de Burt, son labrador, qui avait une compétition de judo. Par ailleurs, son époux avait pas mal de repassage en retard et pas trop le temps pour la bagatelle et leur jeune amant Fiodor avait école demain.
– Tu salis tout ! Ça ne vend pas de rêve, ça. Déjà, tes héros, il faudrait qu’ils soient jeunes, riches et beaux.
– C’est pas un peu chiant ?
– C’est la mode.
– Petrouchka sentit le désir affluer en elle comme la marée après les vendanges. Ce qui était plutôt inconvenant, car elle était en train de boucler le dossier des saucisseries générales avant l’assemblée générale des actionnaires qui débutait dans 19 minutes.
– Mais tu le fais exprès ?
– Ben il faut bien du contexte.
– Mais on s’en fout du contexte, ce qu’il faut c’est du cul.
– Tu n’es pas romantique, Gunda.
– Je suis imaginaire, c’est pour ça.
– Tu sais que tu es sexy quand tu t’énerves ?
– Je suis imaginaire…
– Comme l’immense totalité de mes amantes entre 15 et 25 ans, et je peux te dire qu’elles ne rechignaient pas à la bagatelle.
– Je ne veux rien savoir. Arrête, maintenant, ou j’appelle la police.
– Mais enfin, Gunda, ne sens-tu pas le désir affluer en toi comme la neige au printemps ?
– Non.
– Oh.

Les souffrances du jeune Werther’s Echte.

Saturday, October 20th, 2012

Je me souviens très bien du premier bonbon que m’a offert mon cher grand-père. Il avait un vieux goût de poussière. Ça fait tout de même plus de vingt ans que toutes les sucreries ont été interdites dans le cadre de la lex obesitas. Mon grand-père dit que c’est pas du vrai latin, mais bon, impossible de contrôler, ça fait beaucoup plus longtemps que vingt ans qu’il n’y a plus de latinistes. Il me l’a offert parce que j’avais été réparer sa télévision. C’est une sorte d’objet plat qui diffuse des images en 2D. Il paraît qu’à l’époque, il y avait des centaines de chaînes dont une uniquement dédiée aux chevaux, ça me semble bizarre. Aujourd’hui, il en existe encore trois, dont deux indonésiennes, je me demande un peu pourquoi mon grand-père tient tellement à les regarder mais il est comme ça, un peu conservateur. Tout de même, je trouve ça fou : il a des objets différents pour regarder des films, jouer à la console, téléphoner, se brosser les dents et contrôler la cuisson des pâtes. Et aucun ne permet de procéder à des auto-opérations chirurgicales alors est-ce que c’est vraiment la peine ?
Du coup, ça prend beaucoup de place, mais il peut se permettre, il habite un appartement de plusieurs pièces.
C’était vraiment n’importe quoi, jadis.

Les daims se cachent pour mourir

Thursday, September 13th, 2012

La petite ruelle était sombre et obscure. Et de toutes façons, la ville était déserte. La Sud-Néolotharingie affrontait le Baloutchistan en demi-finales des championnats du monde de beach sepak takraw. Des bars montait une sourde clameur : je crois bien que nous étions en train de gagner.

Je voulais bien comprendre qu’on se passionne pour le sport, je n’avais moi-même raté aucun match de croquet pendant bien des années (même après la dictature du CIO, cette période où, à tout moment, des milices pouvaient vous arrêter pour non regardage de finale et vous envoyer de force dans un camp de sport – et je peux vous dire que je préférais subir un mauvais match de tchoukball à quatre que de devoir grimper aux perches). Mais j’avais du mal à saisir qu’on se passionne encore parce que des compatriotes étaient en train de vaillamment représenter les couleurs de la nation. Depuis huit ans, la fin de la onzième crise de la dette et l’effondrement de la troisième communauté européenne, j’avais changé dix-sept fois de nationalité. D’ailleurs, avant le début de la compétition, j’étais persuadé que Lemanic City était encore une cité libre enclavée entre l’empire Bas-Valaisan et le Royaume des Deux-Juras. Et pourtant, à chaque fois, la plupart de mes concitoyens arrivaient à y croire. Même la fois où un milliardaire excentrique avait racheté toutes les villes commençant par L du monde pour les unir sous sa bannière étoilée, j’ai vu des gens pleurer en entendant l’hymne national. Alors que c’était une chanson des L5.

Il m’attendait. Il arborait le masque des Anonymous Fraction Armée, tiré paraît-il d’une ½uvre cinématographique majeure du XXIe siècle, irrémédiablement perdue après cette période funeste que les historiens avaient appelée Jour du Grand Couinement (une période dont on ne sait pas grand chose, puisque comme vous le savez évidemment, il n’y a plus d’historiens depuis une bonne cinquantaine d’années, la direction générale de Google Schools ® ayant décidé de ne plus enseigner toutes ces matières improductives).
– Voilà ton empreinte rétinienne. Ça fera 300 images panini de la coupe du monde 2032 au Vatican. »
– Vous êtes sûr que je ne peux pas payer en ZyngaDollar ? »
– Pas de monnaies virtuelles. Trop dangereux. »
– Bon, voilà… »
– C’est pour une fille, hein ? »
– Pardon ? »
– Je suis dans le commerce depuis pas mal d’années. J’espère à chaque fois traiter avec des activistes. Mais non. C’est toujours des histoires de filles. Tu l’as repérée à son hologramme au magasin de chaussures et tu aimerais la rencontrer… mais comme tu n’as plus de compte FaceBook3, tu ne sais pas comment la contacter. Alors il te faut une fausse empreinte rétinienne pour te créer une fausse identité. Au fait, tu t’appelles Buduknor Bollomey. »
– Vous dites n’importe quoi. Acheter des chaussures ? J’ai un kit, comme tout le monde… En fait, c’est une ancienne collègue de boulot. Je ne lui ai jamais parlé, évidemment, le règlement est strict, mais j’ai remarqué dans sa manière de remplir les rapports de surveillance qu’elle était la femme de ma vie. »
– Mettons. Et si on t’a interdit d’accès à FaceBook3, c’est parce que tu as essayé de créer un compte pour ton chat. »
– Je n’ai pas de chat, j’ai un coati. Non et puis ça n’a rien à voir. Je ne me suis pas connecté pendant plus de trois jours, alors le réseau m’a considéré comme décédé. Depuis, je n’ai plus d’existence légale. J’ai bien essayé de m’adresser au gouvernement mais bon, aucun n’a duré assez longtemps pour que ses fonctionnaires reviennent de pause similicafé. »
– Je vois. Au fait, tu sais si on a gagné le match ? »

Autotitrage

Wednesday, September 12th, 2012

Je m’étais dit que j’allais me mettre à l’autofiction, c’était à la mode, ou ça l’avait été mais j’étais toujours si décalé, et puis c’était facile, il suffisait de mettre en scène des scènes de son quotidien et puis d’y ajouter un peu de fiction, je sais pas, du drame, un dinosaure ou des super-héros moustachus. Ou juste une boulangère bourrue.

J’étais encore un peu réticent, tout de même, je me disais mais qui ça va intéresser, est-ce bien raisonnable, à quelle heure passe le bus. La veille, le moment le plus intense de ma journée avait été l’achat d’une nouvelle paire de chaussures, très bien, un peu brunes, en 45 et pas trop chères, mais il n’y avait pas de quoi en faire un roman. Même en y ajoutant en dinosaure Ma zouz avait pris possession d’un panier de légumes, il y avait des choux-fleurs alors qu’elle aurait préféré des haricots, ça aurait pu à la rigueur faire une chanson de Delerm, mais bon, je crois qu’il ne tourne plus trop en ce moment. Et puis je n’osais pas trop raconter cette anecdote, de peur de perdre mes dernières lectrices érotomanes et mes derniers lecteurs qui préfèrent l’aubergine.

Puis j’ai croisé un dinosaure, mais à peine avais-je eu le temps de lui signaler que la météo annonçait des brumes matinales en seconde partie de journée et qu’il n’allait donc pas pleinement profiter de son passage dans la région, des super-héros moustachus sont arrivés pour le ramener au zoo.

Je m’étais dit que j’allais me mettre à l’autofiction, puis il ne m’est rien arrivé de spécial. Alors j’ai écrit une autofiction sur l’autofiction.

Mon blog de mode

Tuesday, September 11th, 2012

Cette fois-ci, il ne pouvait pas rentrer bredouille. Il devait mener sa mission à bien, quelles que soient les difficultés. Il le savait. Demain, il serait peut-être trop tard. Son c½ur battait comme une moissonneuse.

Il devait faire vite. Parce qu’il reprenait le travail à 13 heures, d’une part, mais surtout pour faire taire cette horrible reprise de Francis Cabrel par Shakira.

– Puis-je vous aider ? »

Il avait été repéré. Vite, trouver quelque chose.

– Je cherche des chaussures. »
– Ben oui, on est dans un magasin de chaussures. »
– Des chaussures toutes simples, avec des semelles… »
– A la limite, vous auriez pu chercher des radis. »
– Non, des chaussures. »
– Non mais parce qu’on dit des bottes de radis, alors ça fait une blague. Bon, je vous laisse regarder ? »
– Ok… »
– Non mais on ne vend pas vraiment de bottes en radis, hein, je disais ça pour vous faire rire. »

Très bien, il ne pouvait plus fuir, maintenant. Il devait faire face à son destin. Il repéra une paire acceptable, plutôt brune. Elle existait dans toutes les tailles de l’arc-en-ciel, excepté le 45. « Pute vierge », se dit-il.

– Puis-je vous aider ? », derechefa la vendeuse, qu’un écriteau judicieusement placé dénonçait comme se prénommant Gwendoline. Elle avait, grâce à cet écriteau et un rien de bonnasserie dans le regard, subi plus de 116 demandes d’amitié non désirées au cours de la semaine précédente, mais comme cela n’entre pas tellement dans le sujet de cette histoire (les chaussures), nous ne l’évoquerons que du bout des lèvres (enfin, on peut mettre un écriteau dans des chaussures, bien sûr, je n’ai jamais dit le contraire, vous sortez mes propos de leur contexte).
– Non mais je ne disais pas ça pour vous ! »
– Plaît-il ? »
– Non pardon. Alors, ces radis, vous les avez en 45 ? »
– Vous chaussez du 45 ? »
– Sur certaines paires, je peux accepter un 44 et demi, mais il me faut alors un petit escabeau pour enfiler mes escarpins. »
– Hors de ce magasin. Et plus vite que ça. Sécurité ! Il y a là un communiste qui chausse du 45 ! Que je ne vous y reprenne pas. Ah mais ! Ah non, attendez, pardon, je m’emportais, la paire un peu moche et très chère, là, elle vous intéresse ? Nous avons justement reçu un arrivage de 45 par camion express ce matin. »

Il retenta sa chance dans 17 échoppes, mais sans succès. Même sur adopteunegrolle, le site de chaussage à la mode, toutes les paires qui ne coûtaient pas trois fois le salaire d’un trompettiste luxembourgeois ou n’étaient pas de nature à être portées sans arracher de petits glapissements d’horreur à tous les passants croisés (mais des glapissements dignes, tout de même, on est en démocratie) s’arrêtaient subrepticement au 44 pour reprendre sans crier gare au 46. « Foutrebleu », se dit-il, « comment ça se fait qu’on ne puisse jamais trouver des godasses à sa taille dans ce pays, alors qu’on a un gouvernement de gauche, ça ne m’a servi à rien de commander sur internet cette crème hors de prix pour enlarge your feet ».

Pendant ce temps-là, au siège du Complot Mondial®, le chef du département Chaussures se demandait à quoi pouvait bien servir son boulot.

Buffer froid

Monday, August 6th, 2012

A chaque Jeux olympiques, c’est pareil : pendant que certains polémiquent en se demandant si le football, le cyclisme et le tennis y ont vraiment leur place, d’autres font semblant de comprendre les règles du judo ou de se passionner pour le keirin et l’on découvre, ébahi, qu’il y a des spectateurs pour assister aux épreuves de voile et même au pentathlon moderne.

Pendant ce temps, de nombreux sports pas encore olympiques devraient le devenir, prochainement ou plus lointainement. Certains sports aujourd’hui méconnus hors de leur région d’origine mériteraient de gagner en visibilité grâce aux Jeux olympiques : buzkashi, sepak takraw, hornuss, pelote basque, handball.

L’obligation de faire jouer des gens en slip pour faire de l’audience Le réchauffement climatique va provoquer l’apparition de nouveaux sports de sable : le beach-soccer, le beach-tennis, le beach-cyclisme, le hockey sur sable, le beach-slalom géant.

Comment inciter les jeunes générations à pratiquer plus de sport ? En valorisant les sports qu’elle pratique déjà. Ainsi, les Jeux olympiques pourraient accueillir des compétitions de FIFA soccer et de Mario Kart, mais aussi de botellon.

Et tant qu’on y est, je pense qu’un grand tournoi de photos de chatons serait tout à fait à sa place au programme.

Le BMX, lors des Jeux Olympiques d’été, et le ski-cross, en hiver, sont des épreuves qui plaisent car elles sont spectaculaires. Pourquoi ne pas s’en inspirer et, dans toutes les disciplines, concours hippique, plongeon, trampoline, gymnastique aux agrès, corser un peu les choses en faisant s’élancer plusieurs concurrents en même temps ? Pourquoi ne pas rendre le football olympique plus attractif en faisant jouer une douzaine d’équipes en même temps ?

Depuis quelques années, le geek est à la mode. C’est le moment ou jamais de faire entre les échecs et le backgammon au sein de la grande famille olympique. Puis le beach-chess et le beach-gammon. Puis le beach-chess avec huit concurrents par échiquier.

Le ball trap pourrait devenir réellement utile à la société en remplaçant les pigeons d’argile par des pigeons de pigeon.

Pour occuper les journalistes sportifs et, ainsi, leur éviter de plonger dans la dépression et le commentaire d’aviron, on pourrait les impliquer : championnats de poncifs, tournoi de prononciation de noms de famille étrangers, lancer de phrases sans reprendre son souffle, épreuve de commentaire enthousiaste de sports chiants.

Comme personne n’a jamais vraiment bien compris le concept du pentathlon moderne, on pourrait le remplacer par le pentathlon post-moderne : les concurrents doivent disputer cinq épreuves tirées au sort le matin même. Par exemple aviron, 400 mètres quatre nages, belote, haltérophilie et dégustation de fromages.

De plus en plus de gens suivent les épreuves discrètement au travail, sur internet. Pour leur rendre hommage, des épreuves telles que l’onglet incarné (les concurrents doivent, le plus rapidement possible, fermer tous les onglets ne concernant pas le travail et en ouvrir d’autres qui font sérieux)(en finale, l’épreuve débute avec un site pornographique de cul, un de téléchargement illégal de séries américaines vaguement crispantes et 497 pop-ups de pub), le 400 mètres quatre classeurs (une course d’obstacles au cours de laquelle il faut amener le plus vite possible le dossier Fourchaud à la compta en évitant soigneusement Bouchard du service contentieux avant qu’il ne vous raconte son week-end, afin d’arriver à la cantine pendant qu’il reste encore des frites), et la redoutable épreuve du buffering (les concurrents doivent essayer de comprendre une compétition de handball, sachant que toutes les 20 secondes, les images s’interrompent pendant 25 secondes.

Noir c’est noir

Thursday, July 12th, 2012

Aujourd’hui, les Rolling Stones ont 50 ans. Joyeux anniversaire à tous les Rolling Stones

Peins-le noir (JAGGER, MICK / RICHARDS, KEITH)

I see a red door and I want it painted black

Je vois une porte rouge et je la veux peinte en noire
Trop peu de chansons ont ainsi abordé frontalement le thème sensible de la décoration d’intérieur, c’est probablement ce qui explique le colossal succès de ce morceau. Après, le noir, faut aimer, c’est un style, mais Valérie Damidot te le dirait, ça assombrit vite une pièce.

No colors anymore I want them to turn black

Plus de couleurs. Je veux les tourner au noir.
Là, pareil, il faudrait quelque chose pour contraster, je verrais bien une petite touche de rouge pour exiler ta peur, aller plus loin que ces montagnes de douleur.

I see the girls walk by dressed in their summer clothes

Je vois des filles marcher dans leurs habits d’été
Ne les peins pas en noir, surtout !

I have to turn my head until my darkness goes

Je dois tourner ma tête jusqu’à ce que mon obscurité parte
Ça ne va pas aider, et puis tu vas faire peur aux filles.

I see a line of cars and they’re all painted black

Je vois une ligne de voitures et elles sont toutes peintes en noir
Si ça se passe à Londres, ça doit être des taxis, rameute pas la presse pour ça.

With flowers

avec des fleurs
Ça ajoute tout de suite une touche de gaieté, les fleurs.

and my love,

et mon amour,
Peintes en noir avec ton amour ? C’est une goth ? il y a des moyens plus efficaces, tout de même.

both never to come back

Qui ne reviendront jamais
Les fleurs, si. Au printemps prochain. C’est un truc assez inéluctable. Même quand on n’a pas du tout la main verte (puisqu’on l’a peinte en noir), les fleurs, ça revient.
Pour ton amour, en revanche, tu as probablement raison. Forcément, si tu t’en es servi pour étaler la peinture, c’est normal qu’elle se disperse un peu.

I see people turn their heads and quickly look away

Je vois des gens tourner leur tête et regarder ailleurs rapidement
Ça se passerait pas dans un centre pour épileptiques, ton histoire ?

Like a newborn baby

Comme un bébé nouveau-né
Mes préférés. Je déteste les vieux bébés.

it just happens ev’ryday

Ça arrive tous les jours
De peindre des portes en noir en tournant la tête comme des bébés ? Moi, ça ne m’a pas l’air si banal que ça.

I look inside myself and see my heart is black

Je regarde à l’intérieur de moi et mon c½ur est noir
Je ne suis pas médecin mais ça a l’air bizarre.

I see my red door and it has been painted black

Je vois ma porte rouge elle a été peinte en noir
Oui, c’est toi qui l’a peinte, à la première strophe. Tu as aussi des problèmes de mémoire, en plus de ce petit souci de pigmentation… tu devrais peut-être manger plus de légumes.

Maybe then I’ll fade away and not have to face the facts

Peut-être que je vais disparaître pour ne pas devoir faire face aux faits
Ça va, c’est juste une porte peinte, tu vas t’en tirer avec du sursis.

It’s not easy facing up when your whole world is black

Ce n’est pas facile de faire face quand tout ton monde est noir
Ah, c’est pas juste une porte, c’est plusieurs et même des fenêtres ? Là, en effet, ça devient sérieux.

No more will my green sea go turn a deeper blue

Ma mer verte ne deviendra plus bleue foncée
Ça alors.

I could not forsee this thing happening to you

Je ne pourrais pas prévoir cette chose qui va t’arriver
Tu as peint ta boule de cristal aussi ? C’est bon, t’inquiète, j’ai mon horoscope magazine.

If I look hard enough into the setting sun

Si je regarde assez fort le soleil couchant
Ne faites pas ça chez vous, les enfants, ou ça va vous piquer très fort.

My love will laugh with me before the morning comes

Mon amour rira avec moi avant le matin
Ahaha qu’est-ce qu’on a rigolé la fois où j’étais devenu aveugle en regardant le soleil, hein chérie ? Chérie, tu es où ? Ah te voilà ! Ah non, c’est Ploum, mon labrador, lol.

I see a red door and I want it painted black
No colors anymore I want them to turn black
I see the girls walk by dressed in their summer clothes
I have to turn my head until my darkness goes

Je vois une porte rouge et je la veux peinte en noir, plus de couleurs je veux qu’elles virent au noir, je vois des filles dans leurs habits d’été, je tourne ma tête jusqu’à ce que mon obscurité parte
Je crois qu’il ne faut pas se mettre dans des états pareils pour une porte.

Hmm, hmm, hmm…

I wanna see it painted black, painted black
Black as night, black as coal

Je veux le voir peint en noir, peint en noir, noir comme la nuit, noir comme le charbon
J’avais aussi noir comme des corbeaux, noir comme les ténèbres et noir comme un cheval noir

I wanna see the sun, blotted out from the sky

Je veux voir le soleil effacé du ciel
Je me demande soudain si toute ces histoires de météo pourrie, ce serait pas juste pour faire plaisir aux Rolling Stones pour leur anniversaire.

I wanna see it painted, painted, painted, painted black
Yeah

Hmm, hmm, hmm…

Je veux le voir peint peint peint en noir, ouais, hmm
C’est une très belle chanson, porteuse d’espoir pour la communauté gothique.

Vive la viande d’hiver

Tuesday, July 3rd, 2012

La Préhistoire, un mardi matin.

Le chef UhGruhr le suspicieux était bien embêté. Lui et les hommes de son clan étaient revenus de la chasse au mammouth bredouille. Ils avaient abattu en chemin un vieux cerf, un renard blessé et quelques douzaines de blaireaux, la subsistance ne viendrait pas à manquer cet hiver, mais tu sais ce que c’est, le blaireau, c’est pas aussi tendre que le mammouth et ça fait nettement moins prestigieux.
Il se confia alors à son fidèle conseiller UggrUhhr.
– Je peux pas me permettre ça en ce moment, avec le renouvellement de la chefferie qui approche, c’est mauvais pour moi. »
– L’important, ce n’est pas le message mais la manière de le communiquer », répondit alors UggrUhhr.
– Ah ben c’est vrai que nous avons joué de malchance, les éléments étaient contre nous avec l’absence de plusieurs chasseurs indiscutables actuellement blessés et un manque d’automatismes collectifs ainsi qu’un fort vent de face qui ne nous a pas aidés et je ne cherche pas des excuses, mais je dois dire que le mammouth a fait preuve d’un manque flagrant de fair-play. »
– Ah mais çe ne passera pas, il faut communiquer sur du positif, parler des réussites et non des échecs, tenter de capitaliser sur le blaireau. Je vais organiser un event. »
– Un évent ? C’est pas du tout la saison de la baleine, là… »

UggrUhhr passa outre cette dernière remarque et lança une grande campagne de communication. Il rappela que le blaireau était un produit de consommation traditionnel et que sans vouloir rien insinuer, depuis qu’on avait commencé à manger du mammouth, il faisait nettement plus froid. Il organisa un grand concours de recettes de blaireau et fit appel à un célèbre cuisinier pour donner des conseils de préparation :

– Là, on va être sur de la viande plus filandreuse, avec une pointe d’acidité en nasale et d’amertume en arrière-bouche, qui va bien se marier avec le côté plus rond de l’épine vinette. Par contre, faut laisser cuire au moins huit heures sinon c’est imbouffable, surtout que bon, la moitié du clan a perdu la moitié de sa dentition. »

Mais la cote d’UhGruhr le suspicieux ne remontaient pas, au contraire, on disait de lui : « Non mais à trois mètres, il le rate le mammouth, même ma grand-mère les yeux fermés elle l’aurait eu, comment veux-tu, il avait été superbement décalé sur le côté gauche par Uhhhhgrhr, c’est pas parmis de rater des mammouths pareils. Et en plus, moi, le blaireau, ça me colle des aigreurs d’estomac. »

Puis UhGruhr le suspicieux fut renversé par UggrUhhr, qui laissa tomber son idée de communication pour lancer le concept de pouvoir de droit divin qui, grâce à une campagne de presse savamment orchestrée et contre toute attente, prit plutôt bien.