Posts Tagged ‘Vincent Delerm’

Albertine aboie, la moissonneuse passe

Tuesday, January 10th, 2006

Donc, j’ai appris dimanche au cours d’une interview historique que Mylène Farmer n’aime pas les interviews. Et pas grand chose d’autre, à part les rares trucs que je savais déjà: Mylène Farmer n’est pas la bassiste de Millencolin, elle est rousse, elle a des fans sourds assidus et elle a le même coach vocal que Vincent Delerm. Et elle est d’une génération désenchantée.

Comme Vincent Delerm. Parce que autant les mecs de 1976 sont réglos, autant les filles de 1973 sont chelou, tadamdamdam.

Parce que pour dire “Eric Serra”, faut pas être à 100%. A la limite “Eric Serra, pusillanime, estampille un livarot pédonculé” ça passe, mais “Eric Serra”, comme ça, sans attributs, ça fout la trouille.

Par contre, si on se replace dans le contexte, pleurer Balavoine ce n’est pas si grave que ça. Quand la Faucheuse l’a emmené, Balavoine, les chercheurs de nouvelle starac et autres enfoirés n’en avaient pas encore fait leur pain bénit. Et ses chansons, quand on ne les a pas entendues 180 fois écorchées par un futur oublié ou par une douzaine d’éméchés au fin fond d’un bal de campagne, elles sont finalement pas si mal, surtout vers la fin. Et en parlant de Balavoine, je me permets de rappeler aux enfants que le Paris-Dakar, c’est très dangereux, faites attention, n’y touchez pas, c’est sale, pfoui.

Mais bref, il y a une chanson de Balavoine qui m’a toujours interpellé quelque part, même en reprise:

Vivre ou Survivre
Paroles et Musique: Daniel Balavoine 1982 “Vendeurs de larmes”
© Editions Barclay-Morris / Rougeagèvre

Heure sonne matin
Pleure chagrin

Je dois avouer que c’est ce passage là qui m’avait toujours laissé perplexe.

Et repasse le film humide
Du passé dans les yeux

Le film humide du passé, c’est “Le Grand Bleu”, à mon avis. Donc c’est l’histoire d’un mec un peu dépressif, son réveil sonne très tôt alors il a un peu des larmes dans les yeux et il se passe Le Grand Bleu. Tu m’étonnes qu’il déprime après ça.

Court bien trop court
Notre amour

Ca, je crois que c’est clair. Ils ont été regarder le Grand Bleu ensemble, mais à la sortie d’Atlantis elle l’avait plaqué pour Chompard, un grand de 9ème.

Et les appels au secours
Savent qu’un sourd n’entend pas ce qu’il veut

Ca non plus, c’est pas très très clair. A mon avis, elle l’a appelé au secours parce que ils avaient une interro de musique sur Beethoven (un sourd) et qu’elle avait été au ciné avec Chompard au lieu de réviser. Du coup, il lui a répondu un truc qui voulait rien dire, comme ça, à brûle pourpoint.

Et pourtant il faut vivre
Ou survivre

De toutes façons le résultat final est le même. Non mais ça c’est pour dire qu’il est triste qu’elle soit partie avec cet abruti de Chompard.

Sans poème

Qui connaît même pas Rimbaud par coeur, le con.

Sans blesser tous ceux qui l’aiment

Parce que un moment il s’est dit “j’ai comme envie de crever ton chat, comme envie de sang sur les murs”, mais finalement non.

Être heureux
Malheureux

Oui, enfin, à un moment donné, faut choisir un des deux, quoi.

Vivre seul ou même à deux

Parce que maintenant qu’elle est partie, les vacances ensemble à la Costa Brava, ça devrait plus être possible, à moins que Rigobert veuille venir avec.

Mais vivre pour toujours

A part le Grand Bleu, le type de la chanson il aime bien Highlander, comme film.

Sans discours
Sans velours

Vivre pour toujours sans discours ni velours: c’est tout à fait imaginable, je me demande si c’est bien la peine d’en faire une chanson. Ou alors, son ex parlait trop et mettait des bonnets de nuit en velours cotelé, c’est possible.

Sans les phrases inutiles
D’un vieux roman photo

Vivre sans roman photo c’est possible, mais c’est un peu moins drôle. Mais il parle de ça parce que une fois il lui avait dit “Aimons nous comme des poneys dans les landes azuréennes”.

Fleurs fanées meurent

Très finement observé.

Noir et blanc
Seules couleurs

Là, les pinailleurs pourraient dire que le blanc c’est pas une couleur, mais ne tatillons pas

D’un futur qui est déjà le passé pour nous

Donc le futur qui maintenant est du passé (parce que un jour ils s’étaient assis dans l’herbe, main dans la main, et ils avaient dit si on a un garçon on l’appellera Bérénice, mais maintenant qu’elle s’est barrée avec ce con de Chompard, ils auront plus de garçon, donc le futur c’est du passé, tu vois?), il était noir et blanc et c’est tout, donc pas très chamarré. En fait, il pleurniche juste parce qu’elle s’est barrée avec Chompard et qu’il va avoir un peu l’air con, maintenant, vis-à-vis des copains à qui il avait un peu raconté des exploits fictifs, si tu vois ce que je veux dire.

Et pourtant il faut vivre
Ou survivre
Sans poème

Parce qu’avec tout ça, il a pas eu le temps de répéter sa poésie et madame Michaud va être déçue.

Sans blesser ceux qui nous aiment

Et même un peu déçue, elle l’aime bien, madame Michaud.

Être heureux
Malheureux
Vivre seul ou même à deux

Elle l’aime bien, alors il va peut-être lui demander si elle veut vivre avec lui, hein, faut pas se laisser abattre.

Et pourtant il faut vivre
Ou survivre
Sans poème
Sans blesser ceux qui nous aiment
Être heureux
Malheureux
Vivre seul ou même à deux

Là, il répète, pour temporiser.

Mais vivre en silence
En pensant aux souffrances
De la terre et se dire
Qu’on est pas les plus malheureux

Quand dans l’amour
Tout s’effondre
Toute la misère d’un monde
N’est rien à côté d’un adieu

Donc le mec, il se dit, vu que je suis triste et tout, je vais aller aider les petits africains en hélicoptère pour oublier. Et vivre en silence, aussi, un peu. Il arrive en Afrique, donc, et là il dit aux petits africains: bon ok, t’as pas mangé depuis six mois, ok, mais fais pas ta frime, mec, tu sais pas ce que c’est, la souffrance, merde, elle est partie avec ce con de Chompard… Non mais Chompard, il est nul, ce mec, c’est même pas un héros, en plus il s’appelle Henri, c’est bidon.

Et pourtant je veux vivre
Ou survivre
Sans poème
Sans blesser tous ceux que j’aime
Être heureux
Malheureux
Vivre seul ou même à deux

Mais malgré ça, il veut quand même vivre ou survivre.

Oh oh
Vivre ou survivre
Seul ou même à deux
Ooohh…

J’ajouterais bien “Et ben c’est raté”, mais je sais pas bien si vous aimez l’humour noir.