Chaque année, l’association Pro natura élit son animal de l’année. Cela permet à l’élu de mieux se faire connaître, de parler de son travail qu’il accomplit souvent dans l’ombre.
En 2004, le sacre du lièvre brun, avait fait jaser tant il est de notoriété publique que cet animal est un gros branleur. En 2005 vint le tour du lézard agile, choix discutable car il stigmatisait une fois de plus les maladroits et il ne faudra pas s’étonner, à force de mettre cette catégorie de la population à l’index, si un jour ça pète.
En 2006, le bouquetin gagnait, au terme d’un marathon électoral qui fit un véritable tintamarre.
Vainqueur en 2008, le caloptéryx éclatant est hélas resté dans l’ombre commun, vainqueur en 2007.
En 2009, l’ours brun était enfin titré, un choix légitime mais qui donna lieu à de houleux débat sous prétexte que deux animaux bruns en cinq ans, c’était un peu beaucoup.
L’an dernier, l’abeille à longues antennes n’avait pas réussi à faire le buzz.
C’est le lombric qui a été choisi cette année. Félicitations à lui. C’est mérité.
Car le lombric, ce malaimé, est issu d’une famille qui a beaucoup souffert (les lumbricidés (aucun rapport avec la lubricité), ordre des oligochètes, classe des clitellates, embranchement des annélides). Il est souvent raillé car il se nourrit de compost, ce qui est encore très mal perçu en société de nos jours. Or, quelle économie, quel gain de temps, cela serait si les gens, au lieu de chats, de chiens ou d’axolotls, se mettaient à adopter, comme animal de compagnie, des vers de terre ! Plus besoin de se dire, oops, c’est jeudi, j’ai encore oublié de sortir le seau à compost (attention, toutefois, jeunes célibataires, si vous décidez d’adopter un lombric (et de le nommer Jean-Eric), le carton de pizza se composte très mal, contrairement au ticket de métro).
Preuve que le lombric dérange, non seulement le peu d’articles que lui consacre la presse, trop soucieuse de défendre les intérêts des puissants en nous détournant de cet animal modeste mais courageux, mais surtout, cette croyance populaire trop répandue, probablement colportée par des groupes organisés décidés à lui nuire. Une fois coupé en deux, le ver de terre ne se dédouble pas. Il fait ce que fait tout être vivant sérieux et raisonnable dans la même situation, il meurt dans d’atroces souffrances. Et s’il dérange, c’est peut-être à cause de sa sexualité débridée: hermaphrodite, il possède des testicules dans ses 10 et 11e segments et des ovaires dans le 13e, ce qu’il fait qu’il peut très bien être couillu et féminine sans être taxé d’incohérence. Au moment de la reproduction, nous dit le poète, deux vers s’accouplent en position tête-bêche, étroitement unis par la sécrétion muqueuse du clitellum, ce qui fera rêver, j’en suis certain, nombre de lecteurs adolescents.
Alain Peyrefitte n’a-t-il pas déclaré, un soir de délire paranoïaque, “quand le lombric s’éveillera la terre tremblera” ? Il faut en effet savoir, c’est important d’en être conscient, qu’il y a environ, chez nos voisins les Français, environ 66 fois plus de kilos de lombrics que de kilos de Français, ce qui laisse songeur, et il faut probablement voir la patte du Mouvement pour la Libération des Lumbricidés dans les récentes attaques terroristes dont ont été victimes récemment de nombreux groupes d’oiseaux.