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l’autre Dordogne

Wednesday, April 26th, 2006

Reviens, lui dit-elle. Sans toi, plus rien n’est pareil à avant. Les jours paraissent plus ternes, les nuits sont plus ternes aussi, en fait, je cherchais un adjectif, mais terne, ça va bien le faire, te souviens-tu des jours anciens où nous étions heureux comme lardons en foire dans une salade de mâche.

Mais il ne pouvait revenir. Plus maintenant, il en avait trop fait, trop dit. Bien sûr, ses souvenirs étaient beaux comme le silence qui suit le moment où on a enfin retrouvé la télécommande alors que Dominique de la Nouvelle Star est en train de vibrater la danse des canards, sous l’oeil attendri de Marianne James à qui ça rappelle un peu son plus grand tube, les assurances machin, elle était sous le sucrier, on l’a mise là quand on a repeint le chat. Mais il ne pouvait plus revenir sur sa décision. Plus maintenant. C’eût été comme revenir en arrière après avoir été tout droit mais je t’avais bien dit de tourner à gauche bordel non mais alors franchement on peut jamais te faire confiance, on va encore se retrouver à Honfleur alors que moi je voulais aller à Vesoul, paraît que c’est sympa, Vesoul, y a un restaurant et une église aussi.

Toute la nuit, il repensa aux joies et aux peines. Il revivait les bons moments et des larmes de bonheur coulaient doucement le long de ses joues purpurines et aussi un peu de son omoplate droite, mais pas trop. Toute la nuit, il pesa le pour, le contre et la motte de beurre qu’il avait prévue d’amener à sa grand-mère, même que sa mère lui avait dit de se méfier de Roger Leloup, le mec qui dessine Yoko Tsuno, une bande dessinée presque aussi chiante que Blake et Mortimer, sauf que des fois on voit encore les dessins, quand même.

Et finalement, le coeur l’emporta sur la raison, comme le Togo l’avait emporté sur le Guatemala en match amical un soir sémillant et pellagique d’automne sur la Playstation de Kevin Chompard. Et ce fut à ce moment là que Zinedine sut qu’il devait convoquer une conférence de presse pour annoncer que finalement, ça allait encore pas être possible ce coup-ci, pour la retraite, y a la voix invisible qui est revenue, elle veut pas.

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Friday, June 4th, 2004

Un beau jour, alors que la Terre venait à peine de quitter délicatement l’obscure pénombre de la nuit comme un danseur de claquette quitterait ses chaussures de claquettes parce qu’elles lui font un peu mal aux pieds, un jeune homme, dont les parents avaient beaucoup aimé tous les albums du robuste et alerte Hervé Villars mais préféraient honnêtement manger un bon jambon dauphinois arrosé de quelques feuilles de laurier en jouant au poker, ce jeu si subtil et fugace importé de la lointaine Amérique, avec leurs amis, se saisit de son parka en rotin synthétique de Moldavie, s’en vêtit, car il soufflait à l’extérieur, implacable et volontaire, une bise à décorner les boeufs musqués, dont un troupeau s’ébrouait justement en silence dans le paturâge voisin, où paissaient jadis les riantes mouettes, fit jouer subtilement d’une dextre empreinte de dextérité la poignée, que la rouille avait à peine assailli de ses velléités rouillatoires, de la porte afin que celle-ci s’ouvrît comme une boîte de thon allégé s’ouvrirait sous les incessants coups de boutoir d’un ouvre-boîtes malicieux, et sortit de sa demeure, édifice datant de la seconde moitié de la fin du 19ème siècle après un jeudi, dont les murs se couvraient parfois, lorsque le temps le permettait, de lierre sauvage comme un animal sauvage.