Aujourd’hui et depuis que je suis né, je suis un poney magique.
Le seul truc magique, c’est que je ne grandi plus. Ah oui, j’ai une crinière multicolore. Alors fatalement cela attire des gens bizarres. Il y a le gars mauve des Teletubbies qui m’aime un peu trop, les bisounours qui me tannent pour que je me fasse tatouer un coeur ou une étoile sur le ventre, Bob l’éponge qui se confie à moi parce qu’il en a marre de se faire jeter et surtout Barbie avec ses problèmes de couple. Elle me dit que si j’étais plus grand, les choses auraient pu être différentes, mais elle ne veut surtout pas “que ça entrelarde notre amitié enfin tu vois ce que je veux dire.”
Quand je sors c’est l’horreur intégrale avec toutes les options. Aller en boîte c’est pas évident. Déjà on me demander toujours ma carte d’identité. Il paraît que je ne les fais pas. Ensuite une fois sur deux le videur regarde mes sabots et dit : “je crois pas que ça va être possible”. Alors j’ai essayé les endroits un peu plus alternatifs. Pas mieux. Je me fais toujours aborder par une fan de CocoRosie qui me dit qu’elle “adôre” mon travail sur la pochette de Noah’s Ark. Et elle enchaîne TOUJOURS entre deux fous rires en me disant que je dois être bien monté. Ben non, pas vraiment, c’est à la même taille que le reste. Résultat, je finis toujours au buffet de la gare car “ici on n’est pas trop à cheval sur les principes.” Haha. “Alors, Poney qu’est-ce que je te sers, un express ?” Ah merde le festival des vannes pourries a déjà commencé ?
Il y a aussi les gamins. Je ne peux plus les voir. Marre des “ooooh, là, comme il est mignon” ! “Je peux le toucher ?” Non tu peux pas, t’as les mains collantes et t’arrête pas de me tirer la crinière ! Après je dois me faire reprendre mon brushing et taper la causette avec la coiffeuse. “Vous savez, je n’ai rien contre les gens de couleurs, mais il faut vous intégrer, trouver un travail. Vous avez essayé le Manège Enchanté ?” Oui, mais non. Ils n’ont pas de syndicat, pas de contrat de durée illimitée.
Pour l’instant, je bosse comme bruiteur au cinéma. Devinez ma spécialité. Ben oui, les noix de coco, faut les faire venir de loin, ça coûte cher. “Faut du local” qu’ils disent. Je suis aussi donneur de crins pour l’industrie des archets. Il paraît que j’ai du potentiel et qu’ils visent un nouveau public, plus jeune. Non je ne fais que ces couleurs-là. C’est du boulot pour entretenir tout ca. Dans mon métier, mes crins sont mis à rude épreuve, c’est pourquoi j’utilise un pré-, un shampoing et un post-adoucissant pour garder le poil soyeux et des couleurs éclatantes. Parce que c’est mon fond de commerce. A mon âge, c’est rude de se maintenir à un bon niveau coloratif. Il faut conjuguer brillance et endurance parce que les jeunes derrière ne manquent pas d’arguments. Ils n’ont pas d’états d’âme, ils recyclent les vieilles recettes. Le fluo ? C’était moi ! Les paillettes ? Aussi, et depuis des lustres ! Et je ne vous parle pas du dopages. Ces gamins sont prêts à avaler n’importe quoi pour obtenir les bonnes couleurs. Tant que le client paie. Un jour P. Diddy m’a dit : “Hey man, you ain’t nothin’ yet but i wanna make you a damn motherf***ing star”(1). Are you in or out ?” J’ai refusé, je ne fais pas dans le bling bling(2). C’est mon pote Poney Poney Run Run qui a été engagé. Il a failli finir noyé dans le champagne d’un jacuzzi. VDM
John Peter The Magical Poney
(1) Hé monsieur, ta haine n’est rien encore mais je te vanne que ta dame de mère elle te veut en trois étoiles. Tu rentres ou tu sors ?
(2) ding dong