Le noir pour naître à Barcelone

May 27th, 2009

Le sport à la télé, c’est bien. Parce que, mieux encore que devant la Nouvelle Star, tu peux te laisser aller un moment à être un beauf, de mauvaise foi, râleur et chauvin.

Sauf que tous les peuples ne sont pas égaux devant le chauvinisme. Quand tu es suisse, par exemple, les occasions sont rares. De temps en temps, le hockey te donne satisfaction, mais c’est du chauvinisme dont tu ne peux pas profiter puisqu’il n’est partagé que par des étrangers parlant des langues barbares bourrées de Ð ou de Ж. Le tennis t’a tellement gâté que tu t’es pris à te prendre de pitié pour un numéro 2 mondial qui n’a gagné que 1 992 252 dollars cette année, la crise n’épargne personne, mais le problème du tennis c’est que les matches durent cinq heures.

Bref, il faut savoir te contenter de peu. Par exemple, ce soir, dans le match Barcelone – Manchester United (j’ai entendu un présentateur se demander si c’était le match du siècle. J’aime pas trop trop me moquer des journalistes sportifs, c’est un peu facile, mais enfin, au moment où il l’a dit, ce siècle avait neuf ans) l’arbitre est suisse. Donc je suis pour l’arbitre.

Etre fan d’arbitre demande un temps d’acclimatation. Au début, c’est difficile de s’enthousiasmer pour la vigueur d’un coup de sifflet, la beauté froide d’un brandissement de carton. Difficile aussi de changer ses habitudes. Après des années passées à mettre toutes les erreurs des fuchsia ou des magenta sur le dos de l’arbitre, voilà qu’au contraire tu dois accuser les joueurs de toutes les erreurs dont il pourrait être victime – Non mais il pourrait tackler à hauteur du genou, là, que ça se voie bien. Holala mais Cristiano Ronaldo ne se laisse même pas tomber, là, c’est scandaleux, il avait cent fois le temps de se laisser tomber ! Et puis, si tu as la chance d’aller voir le match au stade, applaudir à tout rompre chaque décision arbitrale pourra, je ne te le cache pas, te susciter quelques légères inimitiés de la part des plus obtus des spectateurs ce serait un peu facile de préciser qu’environ 97% des spectateurs font partie de la catégorie des plus obtus.

Par contre, l’avantage, en étant fan de l’arbitre, c’est que tu ne perds jamais un match. Le lendemain, tu pourras en causer fièrement avec tes collègues : on a été bons, hier soir, hein ? Bon à un moment, on a sifflé un hors jeu un peu douteux, mais sinon, quel match. Tu ne perds jamais de match et, en plus, tu n’en gagnes jamais non plus : tu vois bien que c’est la solution idéale, pour un Suisse !

Bang bang

May 22nd, 2009

Quand j’ai commencé à analyser les plus beaux textes de la chanson française, car oui, les paroliers sont les poètes modernes, ils magnifient la langue comme la bolognaise magnifie les pâtes, un refrain s’est mis à me hanter comme une évidence.

Puis je découvris que Guy Carlier s’en était déjà emparé avant moi, et c’est la mort dans l’âme que je me résolus à renoncer à faire des tartines de la substantifique moelle de ce chef d’oeuvre.

Puis vint un jour où je me dis “Bah, de toutes façons, ça se verra pas, plus personne ne sait qui c’est, Guy Carlier.”

Elle a les yeux revolver – Marc Lavoine.

Si, par un merveilleux hasard, tu ne te souviens plus de cette chanson, c’est là. Le meilleur moment est entre 2:12 et 2:24.

Un peu spéciale, elle est célibataire

Ça a l’air un peu spécial, comme entrée en matière, mais il faut se replacer dans le contexte. Dans les années 80, non seulement il était légal de faire n’importe quoi avec ses cheveux et son Bontempi, parfois même en même temps, mais en plus, les filles étaient obligées de se marier à 13 ans et les femmes célibataires étaient très spéciales.
Ou alors, à la limite, il veut juste dire “t’as vu la meuf, elle est trop spéciale, ça m’étonne pas qu’elle soit célib, lol”, mais ce serait pas très sympa.

Le visage pâle, les cheveux en arrière
Et j’aime ça

Car tous les goûts sont dans la nature, il aurait pu préférer aux visages pâles les iroquois et aux cheveux en arrière les iroquois, c’est comme ça. Mais là ça tombe bien, il aime les filles pâlottes à chignon.

Elle se dessine sous des jupes fendues

Elle est étudiante aux Beaux Arts et nulle en auto-portraits. Alors en cours d’auto-portrait elle triche un peu, elle dessine des jupes et elle dit au prof “Voilà, ton dessin, il est sous cette jupe, je l’ai fendue pour qu’elle puisse respirer”.

Et je devine des histoires défendues
C’est comme ça

Ben oui, c’est interdit, si on dit de faire des auto-portraits, faut faire des auto-portraits, sinon c’est n’importe quoi.

Tell’ment si belle quand elle sort
Tell’ment si belle, je l’aime tell’ment si fort

Cette chanson a provoqué le suicide de milliers de professeurs de français.

[refrain]
Elle a les yeux revolver,

d’un beau gris métallisé

elle a le regard qui tue
Elle a tiré la première,

Cette chanson a provoqué le ricanement de milliers d’adolescents.

m’a touché, c’est foutu
Elle a les yeux revolver, elle a le regard qui tue
Elle a tiré la première, elle m’a touché, c’est foutu

Mais ne vous inquiétez pas, Marc Lavoine n’est pas vraiment mort, tout ça n’est qu’une métaphore pour dire qu’elle l’a foudroyé du regard.

Un peu larguée,

Elle vient de se faire larguer, un mec un peu lâche, elle a essayé de lui tirer dessus avec ses yeux, il a fui.

un peu seule sur la terre

Pour les mêmes raisons, elle a pas des masses d’amis non plus.

Les mains tendues, les cheveux en arrière

Du coup, pour s’occuper et se sentir utile, comme elle a déjà le chignon, elle s’inscrit au Secours Catholique, pour tendre la main aux gens dans le besoin.

Et j’aime ça

Marc Lavoine aime ça (il paraît que les concepteurs de facebook adorent cette chanson)

A faire l’amour sur des malentendus

Genre tu lui demandes l’heure, elle comprend un peu de travers, elle est étrangère ou sourde, je sais pas, elle t’emmène chez elle, et vous vous livrez à une exploration frénétique mais enrichissante du kama sutra ? (ou même pas chez elle, d’ailleurs, il paraît qu’une fois, dans le parking des anges…)(enfin, c’est une autre histoire)
Ça arrive, ça ?

On vit toujours des moments défendus

Défendus, défendus, c’est vite dit, moi si une fille m’emmène sous sa jupe fendue, même sur un malentendu, les chances pour que je me défende sont assez minces.

C’est comme ça

Et j’aime ça.

Tell’ment si femme quand elle mord
Tell’ment si femme, je l’aime tell’ment si fort

Voilà. C’est exactement là que je voulais en venir. Si un jour j’écris une anthologie de la chanson française, elle s’appellera “Tell’ment si femme quand elle mord”. C’est la plus belle phrase jamais écrite. Obispo, avec “le temps c’est de l’amour”, Fugain, avec “ça vit de chasse et de pêche un oiseau”, Pagny avec “vous n’aurez pas ma liberté de penser”, Bruel avec “tu verras tout c’qu’on peut faire si on est deux”, tous des amateurs. Même “aimer, c’est toucher les ailes des oiseaux”, c’est pas aussi beau.
Non mais prenez-en de la graine, un peu.
Tell’ment si femme quand elle mord.
Voilà, ça y est, je pleure.

[Refrain]

Ça va un peu mieux.

Son corps s’achève sous des draps inconnus

Elle a des draps très spéciaux achetés dans un magasin de draps pas très réputé. C’est comme ça.

Et moi je rêve de gestes défendus
C’est comme ça

Pendant ce temps-là, Marc Lavoine (qui ne précise malheureusement pas la nature de ses propres draps) rêve de gestes interdits, genre un service dans le filet, une tackle sournois voire carrément une passe en avant au rugby (la chanson ne le dit pas).

Un peu spéciale, elle est célibataire
Le visage pâle, les cheveux en arrière
Et j’aime ça

Non mais c’est vrai, c’est pas si spécial que ça d’être célibataire, on l’a tous été un jour ou l’autre dans sa vie (si un lecteur de ce blog a rencontré sa moitié avant sa naissance, toutes mes excuses). Bon après certains le redeviennent plus souvent que les autres, mais c’est pas la question, c’est beaucoup moins spécial que danser la polka en tutu rose, être capable de se lécher les coudes, avoir un lémurien domestique, être fan de Marc Lavoine ou de Grenoble…
Un peu spéciale, elle a un lémurien, le visage pâle, les cheveux en arrière (un maki) et j’aime ça (le lémurien, pas le sushi),
ça aurait eu plus de classe, comme chanson.
Bref, revenons-en à notre tellement si bien chanson.

Tell’ment si femme quand elle dort
Tell’ment si belle, je l’aime tell’ment si fort

C’est comment, tellement si femme quand elle dort ? Une démarche féminine, je vois, une logique féminine, je vois (mais si je vois)(me faites pas dire ce que je dis pas)(je vois, je comprends pas toujours, mais je vois), mais une façon de dormir féminine ? (non mais je suis un gros dormeur, c’est pour ça que je sais pas)(pas plus que je ne sais comment terminer ce post)

[Refrain]

Allez, tous en choeur.

Fais moi mal

May 20th, 2009

L’événement du moment, c’est donc le festival de Cannes (à ne pas confondre avec les championnats du monde de hockey), un festival très bien où des gens essaient de monter des marches avec des cannes, des très belles cannes forgées et tout parce que c’est des gens du gratin. Forcément, y a de temps en temps des accidents. Et forcément, ça met plus longtemps. Alors pour passer le temps, on leur passe des films (là, par exemple, je viens d’avoir un accident de zeugma).

Le film-événement du festival, cette année, c’est Vengeance, un film de Johnnie Ito avec Johnny Halliday, Johnny Bravo, Johnny Weissmüller, Johnny Guitar et Sylvie Testud, pas la tenniswoman, l’autre.

C’est un film très fort et très engagé, sur le thème de la vengeance.


Johnny est furieux, car on lui a échangé des vignettes Panini pourries contre les siennes, alors qu’il avait demandé Zazie pour finir son album.


Il est vraiment vraiment énervé, il les finit jamais, ses albums alors pour une fois qu’il touchait au but, ça l’agace. Seulement, comme tout est écrit en étranger, il se perd. Il décide alors d’adopter une petite chinoise pour l’aider à retrouver son chemin.


Mais comme il n’a pas ses lunettes Optique 2000, il se trompe et adopte un vieux chinois, le commissaire Van Loc.


Soudain, il retrouve le voleur de Panini et lui tend une embuscade.


Soudain, il reperd le voleur de Panini. Il est très triste, car c’est un film avec des émotions.

Attention, aileron spoiler : A la fin, Johnny est tellement triste qu’il décide d’abandonner son métier, la chanson, car vendeur de lunettes n’est en fait qu’une couverture, pour s’adonner à son nouveau hobby, la dépression. Pour ce faire, il quitte la Chine et part pour Gstaad. Arrivera-t-il à lire les panneaux en suisse allemand ? Réussira-t-il à s’intéresser à l’album Panini du championnat suisse de foot ? Réussira-t-il à obtenir Carlos Varela et les 113 entraîneurs annuels du FC Sion ? On le découvrira dans Vengeance 2.

For what it’s worth

May 12th, 2009

Il était une fois un blogueur face à la plus sévère panne d’inspiration depuis la création du coati par dieu le cinquième jour vers 17h43.

Une grippe cochonne terrifiait le monde entier alors qu’elle était plus inoffensive que le premier serial killer venu, un journaliste sportif confondait Brett Sinclair et Anne Sinclair, pendant que Richard Gasquet se battait pour prouver que non, la cocaïne n’avait pas pu influencer ses résultats, des gens décidaient que “The boat that rocked”, en français, ça se disait “Good morning England”, tant de choses qui étaient à l’humour absurde ce que la Russie est au hockey, mais le malheureux blogueur ne trouvait pas d’angle et Ségolène Royal ne s’en excusait même pas.

Il s’en alla trouver la fée de l’inspiration, qui demeurait dans une cabane au fond des bois. Mais en chemin, un doute l’étreint. Je veux dire, attends, la fée de l’inspiration elle habite dans une pauvre cabane dans les bois ? Faut pas déconner, la fée de l’inspiration, elle peut vendre des tas de livres, de disques et de pochettes d’allumettes chaque année et elle vit dans le dénuement ? Si ça se trouve, c’est Amélie Nothomb ! Il rebroussa donc chemin et décide plutôt de créer un groupe facebook. Où on lui dit de trouver une Muse. “Ça tombe bien, se dit-il, j’ai tous leurs albums”, mais force est de constater que c’était toujours le trou noir plus que la révélation. “Un placebo m’aurait été tout aussi utile qu’une Muse”, ajouta-t-il, car il était aussi blagueur que connaisseur en musique moderne.

“Placebo, Muse… oh, mais ça me donne une idée”, eureka-t-il. “Au lieu d’essayer de chercher une nouvelle idée, je vais refaire un post que j’ai déjà fait, personne n’y verra rien”, lolla-t-il. Tout ça pour te dire que non, finalement, je ne vais pas bloguer aujourd’hui.

Morituri te salutant

May 10th, 2009

Je ne vais pas te le cacher plus longtemps : on est dimanche soir. Et puisque tu n’aimes pas le hockey, tu es probablement en train de regarder les Experts, les Experts Las Vegas ou les Experts Vevey sur une des 114 chaînes de ta TNT.

Penchons-nous donc sur l’origine de l’expression : S’ennuyer comme un rat mort.

A première vue, le rat n’est pas un animal qui s’ennuie plus que, disons, le paon, l’outarde ou le coati. Il s’ennuie beaucoup plus que les fruits de mer (trois mois pour parcourir deux mètres, tu t’ennuies jamais)(ohlala l’an dernier on a été en vacances de l’autre côté du rocher, c’est beau ! mais par contre ils ne savent pas cuisiner… et le service… on est mieux chez nous ! tiens je t’ai ramené un souvenir de là-bas), mais beaucoup moins que l’homme, seul animal connu à s’ennuyer assez pour envisager sérieusement de regarder “On n’est pas couché” le samedi soir. Par contre, le rat mort, il ne s’ennuie pas plus qu’un autre, mais moins que l’homme, qui aime tellement s’ennuyer qu’il a inventé le paradis pour pouvoi continuer de faire des colliers de trombone dans l’au-delà.

Il faut donc chercher l’explication ailleurs.

Nous sommes à l’Antiquité, un mardi soir, en plein empire romain. Jechercheunjeudemotenus est un riche marchand, spécialisé dans l’import-export. Il dispose d’une flotte de bateaux ultra-modernes, fonctionnant à l’esclave sans plomb. Mais la crise est aux portes de l’Empire et pour ne pas se retrouver fort dépourvu, il cherche à diversifier son activité.

Il a alors une idée géniale : proposer à des gens de profiter de ses bateaux pour regarder la mer et les dauphins. Mais le ramage ne permet pas aux bateaux d’avancer très vite et les voyages durent des mois. L’idée peine à prendre, jusqu’au jour où il a une seconde idée géniale : le plumage des clients. Il augmente ses prix suffisamment pour que les gens se disent “Ohlala c’est super cher, ces croisières, ça doit être trop la classe” et affluent en masse sur son bateau.

Malgré la longueur monotone du voyage et le fait que les distractions sont rares à bord, sa petite entreprise ne connaît pas la crise.

Par contre, les esclaves qui font avancer le bateau à la force de leurs bras mordorés, eux, trouvent le boulot un peu monotone. D’où l’expression s’ennuyer comme un rameur, tombée en désuétude suite à l’interdiction de l’aviron.

Six, the number of the pony

May 7th, 2009

Lectrice, lecteur, public chéri mon amour,

C’est chaque année le même dilemme : faut-il faire un post pour dire “youhouhou, c’est l’anniversaire de mon blog !” ?

Parce que ce qui peut passer pour du regardage de chevilles et de l’enflement de nombril, en fait, est surtout l’occasion de dire, une fois par année, merci de lire mes bêtises, de revenir, d’en parler à vos collègues et à votre grand-tante Irma, merci d’être là et de n’être pas las. Même si, ces derniers temps, je pense que ça se voit, l’inspiration me fuit comme les levreaux fuient dans la chaleur des phares des Opel corsa le soir au fond des bois, et des autres voitures aussi. Bon ok, le nombril, les chevilles, un peu, quand même : je l’aime bien, ce blog, moi.

Mais, bon, en fait j’ai déjà dit tout ça l’an dernier, et personne ne m’a offert de cheval mort pour me féliciter, alors à quoi bon ?

Du coup, je me suis dit, c’est mon anniversaire de blog, je vais les faire bosser un peu. Donc voilà. J’ai ressorti un post de mes brouillons. Un truc que j’avais commencé et que je n’avais pas pu finir, j’ai un emploi du temps si chargé, je dois continuellement regarder la Nouvelle Star et mettre à jour mon statut facebook, c’est inhumain. Tu vas voir, y a deux-trois idées assez fortes, dedans. Tu le lis, tu complètes, soit dans les commentaires, soit sur un fichier texte, soit sur les murs de ta ville, soit sur ton chat, soit sur ta poitrine dénudée, bref, je sais pas, tu improvises, quoi, tu es grand, tu m’envoies ça. Je publie dans une rubrique à part, quelque part. C’est pas vraiment un concours, parce que je déteste départager, après j’ai encore plus de cheveux blancs et je me mets à suffoquer, à blêmir et à insulter des vieilles dames, c’est juste un truc :

clique ici

et ah, oui, mon adresse mail c’est bonpourtonpoil (comme le blog dis-donc ! truc de fou !) @gmail.com (comme le maître du monde dis-donc ! truc de fou !)

Oui, je sais, tu aurais préféré un concours de nichons. Je garde l’idée pour l’année prochaine. Je veux dire, je pourrais très bien te remettre ça,

Voir le trombi

Lâche ta face

mais ce truc me met face à mon hypocrisie (ou alors c’est à cause des américains que je laisse les décolletés et que je censure les débraguettés?), alors j’aime pas trop.

C’est fou

April 29th, 2009

agapi dit :
t’imagines le calvaire d’un mec par exemple qui ressemble à Patrick Sébastien, qui a la même voix, mais qui le déteste ?

– Monsieur, monsieur…
– Oui, oui, je sais, je sais, le petit bonhomme en mousse qui s’élance et rate le plongeoir, je sais.
– Mais…

Qu’est-ce qui lui avait pris, aussi ? Il aurait dû se douter que maître-nageur, ce n’était pas un job pour lui…

Des années que Sébastien Brotanches était conscient de sa ressemblance physique avec l’animateur télé préféré de sa grand-mère. Il avait tout essayé, changer de coiffure, se laisser pousser la moustache, être drôle, et pourtant, quelqu’un finissait toujours par l’aborder et lui demander un autographe. Si au moins il avait pu être le sosie de quelqu’un d’autre, même de Jean-Pierre Darroussin, même de n’importe quel Jean-Pierre… Mais là, non, ce n’était plus possible. Il avait même entrepris des démarches pour changer de prénom, mais avait fui quand l’officier d’état civil s’était mis à lui demander d’imiter Bourvil.

– Brotanches, expliquez-moi pourquoi vous avez mis si longtemps à intervenir cette après-midi, quand on vous a signalé cette noyade ?
– Hum euh, c’est-à-dire… J’ai cru qu’on me prenait pour Patrick Sébastien…
– Quoi ? Vous rêvez, jeune homme, vous rêvez. Monsieur Sébastien, tiens c’est marrant c’est votre prénom, n’aurait jamais refusé de se mouiller pour sauver un innocent, c’est un homme bon, un homme…
– Non mais c’est parce que je lui ressemble.
– Ne faites pas de mauvais esprit. Vous êtes viré, allez faire tourner les serviettes ailleurs.

***

Sébastien Brotanches n’avait pas connu beaucoup de femmes dans sa vie. Chaque fois que l’une d’entre elles feignait de s’intéresser à lui, il s’imaginait qu’elle s’imaginait parler à Patrick Sébastien. Et ça lui faisait froid dans le dos. Alors quand il avait rencontré cette fille, née au Mexique, ne parlant que bouriate et swahili, qui vivait sans télé depuis 18 ans, il s’était emballé et n’avait même pas tiqué quand elle lui avait dit : “T’aime”. Ils avaient décidé de se marier très vite. Sébastien Brotanches, qui avait toujours imaginé finir sa vie seul à se lacérer le visage au cutter devant “le plus grand chapiteau du monde”, allait convoler. Il était heureux. Il aurait dû être heureux. Personne n’avait compris qu’une heure avant le grand moment, il fuie. “Tu comprends”, expliquerait-il des années plus tard à son ami imaginaire Tatayet, “j’ai eu peur qu’on me demande de chanter”.

***

– Monsieur, monsieur…
– Oui, quoi ?
– Excusez-moi, mais vous ne seriez pas…
– Non.
– Mais ne le prenez pas sur ce ton… Je vous ai pris pour…
– Je sais, oui, je sais.
– Ben… vous lui ressemblez drôlement, pourtant.
– Ah si tu pouvais fermer ta gueule !
– Non, non, vous n’êtes pas lui, jamais Sébastien Brotanches ne me parlerait sur ce ton.

L’iPhone et la flore

April 28th, 2009

Tout le monde le sait, les ondes des téléphones portables, c’est très dangereux. Tellement que si j’ai bien suivi, les Français ont organisé une Grenadelle, un sommet où on débat des problèmes du monde en buvant du sirop grenadine, pour s’en protéger. C’est dire si c’est sérieux.

C’est un sujet trop grave pour en rire, permettez-moi donc de faire une légère entorse au ton légèrement désinvolte qui règne ici. Téléphoner tue, surtout si on appelle l’amant de sa femme pour lui demander, la prochaine fois, de ramener plutôt du chocolat. La nouvelle génération de portables, iPhone en tête, pourrait à court terme, entraîner la disparition d’une espèce qui, de longue date, peuple nos plaines et nos campagnes.

Je veux parler, vous l’aurez compris, du mec qui sait tout.

Jusque là, il proliférait gaiement et, sans que ce soit prouvé, les scientifiques imaginent qu’il était déjà là au cénozoïque inférieur, inférieur moins quart (ah vous faites le feu comme ça, vous ? Non, non, mais je critique pas mais ça me semble un peu bizarre, quoi…). Aujourd’hui, on le trouve partout. Il vient s’asseoir à côté de toi dans le train et affirme à son épouse sur un ton péremptoire que la grippe cochonne, ça s’attrape en mangeant du lard. Il s’installe à la table d’à côté de toi au bistrot et explique à ses amis que la règle du hors-jeu a été inventée par Jean-Pierre Horjeu. Mais sur un ton péremptoire. Toujours. Sans se laisser démonter si d’aventure quelqu’un lui dit ohlala mais non mais pas du tout.

Son truc, c’est ça. Dire n’importe quoi, mais en être tellement sûr qu’il va réussir à te convaincre ou, au moins, à te faire douter. Et, des années plus tard, alors que tu le recroiseras, l’oeil fier, la moustache frémissante, il te dira “Quoi ? Faire du feu avec des oies ? Non mais n’importe quoi, tu es naïf, ma pauvre Lucette.” Car il est tellement doué en volte-face qu’il est probablement PDC.

Oui, mais aujourd’hui, quand il t’affirme que le Tadjikistan n’existe pas, tu peux darder ton flamboyant iPhone, au prix où tu l’as payé, faut bien que ce machin serve à quelque chose. Partout, tu peux accéder à des sources de savoir incommensurables ou à wikipedia et rabattre enfin le caquet du fat, qui s’avouera alors vaincu et se consacrera désormais à sa deuxième passion, moins bruyante, l’élevage de choux-fleurs des Charentes.

Heureusement, selon les scientifiques, les mecs qui savent tout sont déjà en train de muter pour s’adapter à cet environnement hostile.

– Oui, oh tu sais, les internets, ils y mettent ce qu’ils veulent, tout ça c’est politique. Et ça, je suis bien placé pour le savoir. Bien sûr qu’il y a des choux-fleurs des Charentes, seulement, ils veulent pas que ça se sache.

Abdallah-Geronimo Cohen

April 21st, 2009

Je ne sais pas si on en a entendu parler, mais la conférence Durban II se tient actuellement à Genève, contrairement à la conférence Mexico VIII qui ne se tient pas à Grenoble.

On m’a un peu appris à tirer le tarot, j’ai donc posé la question aux cartes, leur réponse, en gros: il y aura toujours du racisme après cette conférence. Je sais, c’est dur à accepter, mais c’est comme ça. (Enfin, pour être précis, les cartes m’ont dit que la Papesse en opposition avec la Roue du destin avec le Petit cheval malicieux dans le secteur gauche de la défense pouvait signifier soit une rencontre, soit un deuil, soit une escalope de porc, soit que le racisme n’allait pas être mort, mais inutile d’entrer dans une scabreuse profusion de détails.)

Bref, revenons-en à nos moutons noirs. La conférence sur le racisme a plutôt bien débuté puisqu’en moins de 24 heures, tout le monde traite déjà tout le monde de nazi. C’est très positif : nazi, c’est une considération politique, pas raciale. La conférence “Pompaples IV” sur le politisme n’est pas prévue avant dans 15-20 ans, on avisera à ce moment-là.

Par contre, Durban II a un gros problème: le document final qui a été décidé avant le début (tu peux pas comprendre, c’est de la diplomatie) mesure 140 pages. Trois Amélie Nothomb. C’est complètement idiot. Aujourd’hui, c’est en 140 caractères qu’il faut savoir exprimer son opinion, voire un peu moins si tu veux qu’on te retweete. 140 pages pour dire que le racisme c’est nul, franchement, c’est n’importe quoi. De toutes façons, les journaux et les blogs vont en sortir une phrase et gloser dessus pendant six mois: autant qu’il ne fasse qu’une phrase.

Non, ce qu’ils auraient dû faire, c’est une liste de pour et de contre:

Contre le racisme :
– Ok mais on fait quoi des métissés ?
– Statistiquement, il y aura toujours plus d’étrangers que de pas étrangers.
– De nos jours, plus besoin d’accuser les étrangers de nos malheurs, mieux vaut les mettre sur le compte des banquiers.
– Le racisme, c’est très compliqué, surtout pour les racistes : nombre d’entre eux se retrouvent à détester des religions, des nationalités, alors que par définition, le raciste doit détester des races (par exemple: les épagneuls)

Pour:
– Les conférences internationales contre le racisme rapportent plein de fric à la Suisse quand elles se déroulent à Genève.
– Le racisme aide à se forger une identité nationale.
– Franchement, sans vouloir polémiquer, les épagneuls, je peux pas les blairer.
– Franchement, la musique moderne, ce serait un peu de la merde si personne n’avait songé à enchaîner les Noirs dans les champs de coton.

Ça va se Savoie

April 15th, 2009

C’est à partir d’aujourd’hui que nos voisins français peuvent librement choisir leur numéro de plaques d’immatriculation. Selon nos informations, il s’agit là d’une première étape. Dans 5 ans, on forcera les gens à aller vivre dans le département dont ils arborent fièrement le numéro à l’arrière de leurs voitures.

Mais ces choix s’opèrent-ils en vertu de simples critères régionalistes ou d’autres facteurs entrent-ils dans la balance ? Reportage exclusif.

– Bonjour, je vois que vous avez choisi le 13, pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce choix ?
– Vé, je suis fier d’être Bucco-rhodanien, ô bonne mère !
– Vous le faites très mal, l’accent, je vous ai pris pour Tex.
– Qué Tex ? Fan de chichoune ! Je suis d’Endoume, ô purée.
– Toujours pas, mais maintenant on dirait Michel Leeb. Ou Boujenah. Un Michel, en tout cas.
– Je le fais vraiment si mal ? Je l’avais pourtant répété, je me suis repassé l’intégrale de Massilia Sound System et de Patrick Bosso…
– Ah oui, faut vraiment avoir envie…
– Vous comprenez, je suis du Nord, je voyage beaucoup, j’en avais marre des blagues sur les Ch’tis.
– Sacré biloute.

***

– Bonjour, je vois que vous êtes immatriculé dans le 42.
– Oui…
– Vous êtes un geek, c’est ça ?
– Un quoi ?
– Un geek. Les gens qui ont des ordinateurs.
– Non non, enfin j’ai bien un ordimini pour mon fils… mais je ne vois pas le rapport.
– Je sais pas, on m’a dit en conférence de rédaction, les geek adorent le 42 à cause du film “Le guide du routeur intergalactique”
– Je connais pas, désolé… Non, le 42 c’est parce que j’adore Saint-Etienne, cette ville au destin si riche, cette ville au passé footballistique intense, où la passion ne demande qu’à se réveiller. Cette ville où sont nés les plus grands poètes de notre temps, Maurice Montuclard, Muriel Robin, Mickael Furnon, Sliimy.
– Oui, mais…
– En plus, les habitants de Saint-Etienne s’appellent les Stéphanois. C’est fascinant. Comme si les habitants de Saint-Denis s’appelaient les Marcelois.
– Ouais c’est bien ce que je disais, sale geek.

***

– Monsieur, dites-moi, comment avez-vous choisi le 23 ?
– Parce que j’adore faire du vélo.
– Ah ?
– Oui et le vélo, ça creuse. Ah ah ah, elle est bonne, non ?
– Non pas tellement.
– Sinon, j’avais pensé aussi au 10, l’Aube, parce que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt.
– Hum.
– Ou alors le 18, mais j’avais pas les moyens. En plus, mon auto-radio c’est un Sony, et c’est incompatible, Sony et Cher.
– Je vois, vous aimez les jeux de mots.
– Vous voulez dire le Brie. Le Brie de Meaux, pas les jeux.
– Arrêtez, maintenant, même Laurent Ruquier a zappé.
– Non en fait, je ne voulais pas celui là, je voulais le 27. Je suis arrivé au guichet, je leur ai demandé “Vous avez l’Eure, s’il vous plaît”, ils m’ont dit oui, il est 38.
– Quelle Isère.
– C’était nul, ça.
– Oui bon, je suis journaliste, pas blagologue.
– Sinon, l’autre jour, je disais à ma femme, “Passe moi la salade” et elle a répondu “Alpes de Haute-Provence”
– Ah ah ah excellent. Je la connaissais, mais avec les Deux-Sèvres.

***

– Bonjour, vous avez choisi le 69…
– Hin hin hin
– Pouvez-vous nous expliquer…
– Hin hin hin
– Bon je vois qu’on fait sa crise d’adolescence.
– Non mais c’est juste une blague quoi.
– Vas-y, vas-y, explique la aux téléspectateurs qui nous regardent ta blague.
– …
– On fait moins le malin, hein ?
– Alors c’est à cause de Lance Armstrong, qui a marché sur la lune en 69.
– Ah, oops, au temps pour moi, j’avais compris que… Bref, vous êtes donc un fan de la noble aventure spatiale américaine ?
– Quoi ? Non. Mais parce que en langage de poète, la lune ça veut dire les fesses. Hin hin hin hin.

***

– Ah, enfin, nous trouvons quelqu’un avec des plaques du 75, bonjour monsieur. Vous avez choisi d’exprimer fièrement votre amour de Paris, la capitale, la ville-lumière…
– Ben…
– …terre de tous les possibles, carrefour des civilisations, vous avez choisi, ainsi, de montrer votre passion pour la France dans ce qu’elle a de plus éternel…
– C’est que…
– …oh, bien sûr, vous vous exposez aux quolibets de quelques provinciaux jaloux, mais il faut comprendre, eux qui n’ont pas la chance…
– En fait, j’ai demandé trois fois 25 et on m’a donné ça… Je peux encore l’échanger vous pensez ?