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tout ça pour ça

Tuesday, April 26th, 2005

Attention, ce texte est abusé grave long, il n’est donc pas recommandé aux gens qui aiment les textes courts

Il attend. Dans une main, un bouquet de fleurs qu’il tient le plus précautionneusement possible, quand bien même il se sent obligé de vérifier l’orthographe de ce mot dans le dictionnaire, dans l’autre, une clope sur laquelle il tire nerveusement. Les gens évitent de l’approcher de trop près.
Il faut dire que son eau de toilette, dont il s’est abondamment arrosé, jure un peu avec le déo pour l’homme moderne dont il a fait un usage répandu, le stress l’incitant à une transpiration qui serait malvenue vu les circonstances. Il s’est rasé de si près que sa chair meurtrie en garde de rougeoyants stigmates. Au fur de la mesure du temps qui passe, son visage passe par diverses expressions.
Les minutes succèdent aux secondes, le mauvais téléfilm érotique qu’il jouait dans sa tête depuis des heures s’estompe. Sur son visage, on ne lit plus “J’ai hâte qu’elle arrive” mais “Ahah les femmes adorent se faire attendre”, pui “Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé”, suivi de “Non mais quand même, elle exagère un peu, quand même”, “On avait bien dit au café du Pingouin Bleu, j’espère”, “Si elle est pas là à et quart, je me casse, parce que merde”. Pourtant, quand elle lui dira en souriant “J’espère que je suis pas trop en retard”, il répondra simplement “Mais non, je viens d’arriver, aha”.

A la préhistoire, cette histoire se serait passée différemment. Les deux jeunes tourteaux ne se seraient en effet pas donné rendez-vous à 20 heures devant le café du Pingouin Bleu, mais bel et bien “Quand les premiers rayons du soleil auront fait fondre la rosée matinale qui perle sur les rochers du matin lorsque la sève gorge les cyclamens de mille fariboles”.
A cette époque, le métro n’était jamais en grève. Pourtant, les retards étaient plus conséquents qu’aujourd’hui. La mesure du temps variait souvent d’une grotte à l’autre et on raconte que le jeune Gruuunt dut attendre sa promise Gruuunt (les noms étaient moins variés à l’époque qu’aujourd’hui) pendant l’équivalent de trois de nos mois avant de se demander si quelque chose clochait. Elle lui avait dit: j’en ai pas pour long, je vais juste me changer, attends-moi. Mais en fait, elle était morte entre temps, l’exemple est donc mal choisi, au temps pour moi.

A la limite, pour aérer un peu, je pourrais mettre des photos de poneysPoney

A l’époque des cadrans solaires, la ponctualité était toute relative. Il était alors facile de justifier ses retards: “J’vous jure, m’sieur, c’pas ma faute, mon réveil il a pas sonné parce que y a un nuage qu’est passé devant”.
Mais plus le temps passe, plus l’humanité veut savoir qu’il passe.
Vers la fin du XIIIème, un dangereux anarchiste invente, afin de se venger de la société, l’horloge. C’est le début de la dangereuse escalade du comptage du temps. L’horloge qui sonne, inventée plus tard, l’impose à grand coups de dong.

Mais, à l’époque, le rendez-vous galant n’est pas encore complètement soumis à ce diktat, à moins qu’il ne soit donné sur le parvis d’une église, mais dans ce cas là c’est rapé pour la partie du rendez-vous qui, depuis l’époque des cavernes, est celle qui intéresse le plus la gent masculine. Ceux qui insistaient vraiment pour faire les cent pas en regardant nerveusement l’heure étaient obligés d’amener avec eux la pendule de l’entrée, pour peu qu’elle ne fût pas arrêtée sur midi. La comtoise est alors très en vogue. (Pour les Parisiens qui nous lisent, la comtoise est une pendule qui tire son nom d’une région de France (le pays qui est autour de Paris), où l’on produit du fromage et des pendules, mais où on s’amuse bien quand même (enfin, surtout si on est bourré) et dont les habitants s’appellent des hobbits)

gna

Il faudra encore attendre plusieurs tours de cadran pour que la montre-bracelet se démocratise. Ainsi, dans les années 80, funeste époque s’il en est, les gens en avance pouvaient, en attendant les gens en retard, calculer la racine huitième de 724 et connaître la température à l’aide de leur montre japoniaise. Aujourd’hui, ils ont acheté une vraie montre avec des aiguilles dessus, donc ils ne peuvent plus. Alors en attendant, ils attendent. Mais finalement, les gens en retard sont gentils quand même.

C’est vraiment long, quand même, on est sur un blog ici, pas dans un genre de trucs où on écrit des textes longs