Il n’y a pas de sot métier, dit-on souvent, pour consoler les vendeurs de machines à fabriquer les roues dentelées servant à construire les composants des chenilles de tractopelles.
Mais il y a tout de même des métiers qui, à défaut d’être sots, sont un peu moins gratifiants que d’autres.
Souvenez-vous, il y a longtemps, avant qu’on parle d’Europe, il y avait des types en casquette dont le boulot était d’empêcher qu’on vole les frontières. Et bien, ils existent encore, mais ils sont tous autour de la Suisse.
Douanier, donc, c’est pas un boulot super funky. Gamin, on rêve d’être aventurier, princesse, pompier, cascadeur ou éboueur, pas de passer ses journées à demander aux gens si ils ont des trucs à déclarer.
Mais bon. Suite à je ne sais quel alinéa de la vie, une déception amoureuse, un accident de vélo, un concert de hard-rock passé trop près des enceintes, un type décide de devenir douanier. Il est gentil avec les dames, il ne fouille que les jeunes et les gens un peu arabes, comme on lui a appris à l’école de douanisme, il fait même des plaisanteries de temps en temps et il porte la moustache.
Son fils Rodriguez, dix ans, admire son papa qu’il prend pour un genre de superhéros. SuperVospapierssiouplait. Avec Kevin, quinze ans, par contre, c’est plus difficile, il fait la gueule depuis qu’il n’a pas eu le droit d’aller en vacances à Amsterdam, où il voulait passer quinze jours avec des potes, mais pas pour se droguer, ni pour faire du lèche-vitrines, simplement par passion pour le peintre, là, celui qui a reçu un coup de téléphone pendant qu’il faisait son repassage et en a perdu l’oreille droite.
Et puis un jour, enfin, le douanier a son heure de gloire. C’est lui qui a arrêté des dangereux trafiquants, qui a démantelé un terrible réseau. Sa famille va l’admirer, sa femme qui était partie avec un immigré clandestin moldave va revenir, ses potes vont lui payer l’apéro.
Il se voit déjà en haut de l’affiche, il imagine très bien Brad Pitt, ou à la limite Christian Clavier, jouer son rôle au cinéma.
Seulement, quelque part, il se dit que bon, à choisir, dans un monde parfait, il aurait pu causer la perte d’un trafic un peu plus reluisant que celui-là.