Parmi les phénomènes que les scientifiques ne parviennent toujours pas à expliquer, le plus effrayant est celui de la mode.
Imagine un peu. Des extraterrestres débarquent sur terre et tu essaies de leur expliquer calmement que le même poncho en velours peut être, en l’espace de deux ans, ridicule, übertendance puis totalement dépassé, sans la moindre modification de sa structure moléculaire (sauf qu’il était resté au fond de l’armoire et que oh c’est mignon, le chat s’en est servi comme couverture). Comment vas-tu t’y prendre (sachant qu’en plus ils ont sept bras et parlent un dialecte où poncho veut dire “excusez-moi madame, mais je pense que vous avez un fer à souder coincé entre les fanons”, d’où quiproquo amusant, mais gênant) ?
Si, en l’état actuel des connaissances, il est impossible d’expliquer pourquoi les gens s’intéressent à la mode, on peut vaguement comprendre pourquoi elles démarrent. En cherchant à qui profite le crime.
Prends les modes musicales, par exemple. Au début, tu as un groupe qui parvient à sortir de la masse grâce à son originalité (musicale ou capillaire). Puis 4232 clones apparaissent. Le chanteur du plus connu des clones meurt d’une overdose, le bassiste du deuxième plus connu des clones sort avec un mannequin, la presse spécialisée évoque la haine que se portent ces deux groupes pendant que celui du début sombre dans l’oubli. Des adolescents achètent des t-shirts et/ou s’évanouissent pendant les concerts. Bon. Mais pour tout ça, au début, il faut une major qui pousse le groupe puis un journaliste qui avait un quart de page à remplir et titre “la nouvelle folie joddlecore”.
Tu remarqueras d’ailleurs qu’il suffit souvent que quelqu’un, mais pas ta coiffeuse, plutôt quelqu’un dans ta télé, affirme qu’un truc est super à la mode pour qu’effectivement, il le devienne. Tu remarqueras que des millions de gens ont poussé le vice jusqu’à remplir des grilles de sudoku deux jours après le reportage de notre envoyé spécial “la nouvelle folie sudoku”. Tu remarqueras aussi que le reportage précède souvent de très peu l’apparition de tas de produits dérivés mais tu n’en tireras pas de déductions, merci, je trouve que tu as l’esprit un peu retors.
Bon. Mais il y a des modes qui n’ont apparemment aucune logique commerciale. Les modes de prénoms, par exemple. Tes copains entre 25 et 30 ans s’appellent tous Julien, tu rigoles dès que tu entends le nom Kevin et ton pote prof d’école primaire a 11 Matteo dans la même classe, pendant que tes copains qui viennent d’avoir un bébé trouvent ça chou et tellement original, les prénoms anciens.
Et dans 60 ans, tu entendras des gens dire Léa ? Mais c’est un prénom de vieille ça ! et s’entendre répondre Ah non mais ça revient à la mode, les prénoms désuets, d’ailleurs si c’est un garçon on l’appellera Lucas.
Donc, d’un côté, aucune explication logique au fait que tout le monde ait envie d’appeler son gosse pareil en même temps. Tu imagines, tu es dans la rue, ta fille est en train de jongler avec des bébés phoques, soudain elle s’approche un peu trop du trottoir, tu cries “reviens immédiatement, Jean-Edern” et là, 34 fillettes blondes reviennent immédiatement, n’est-ce pas terriblement problématique ? alors que si tu l’avais plutôt appelée Bernard-Henri, on n’en serait pas là aujourd’hui. Mais d’un autre côté, qui aurait intérêt à manipuler le gouvernement et la presse afin de pousser la population à appeler son fils Horst ?
Exactement. Les fabricants de bols souvenirs nous manipulent dans le but sournois d’écouler leurs stocks.