La région où que j’vis à ceci de formidable qu’on y rencontre une espèce qui est en voie de disparition un peu partout ailleurs, par la faute de tf1, du matin et des conseils avisés de grand-maman: les auto-stoppeurs. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit de ces gens qui se postent au bord de la route avec un pouce en l’air, non pas pour se faire remarquer mais pour se faire véhiculer.
Cela dit, il y a d’autres trucs formidables dans la région, par exemple la tête de moine et la damassine, mais tel n’est point l’objet de notre propos.
Quand on est autostoppeur, on voit plein de choses amusantes: les gens qui te font signe qu’ils tournent à gauche à la prochaine, les gens qui te font salut mais qui s’arrêtent pas, les gens qui te regardent d’un air hyper méchant parce que tu oses faire du stop, les gens qui font semblant de s’arrêter, les gens qui s’arrêtent pour te dire “ah mais je vais juste à 100 mètres”, les gens qui regardent la gueule que t’as avant de décider si ils vont te prendre, les gens qui t’insultent digitalement.
Mais bon, vous savez ce que c’est, on s’embourgeoise, donc là en fait j’vais plutôt causer du point de vue de l’automobiliste bienveillant qui s’arrête pour prendre les stoppeurs, sauf quand il est déjà en retard.
Pour toi qui envisage d’adopter un petit auto-stoppeur, voici quelques conseils d’un ancien auto-stoppeur devenu aujourd’hui preneur d’auto-stoppeurs.
L’occasionnel: il a loupé son train et s’est dit qu’il allait faire du pouce pour arriver à la maison avant le Bigdil. Il commence par s’excuser 23 fois, puis te remercie 21 fois. C’est donc un autostoppeur plutôt gratifiant pour l’automobiliste.
Le taxeur: bon, en fait, Coluche en a déjà parlé, donc je vais pas me risquer. Il commence par te demander une clope, puis du feu, puis de l’argent, puis de l’héberger, puis les clés de ta voiture. En plus, si tu obtempères, il ne s’arrête même pas quand deux semaines plus tard tu le recroise, toi pouce à l’air et lui au volant de ton ex-voiture.
Le critique: il trouve ta voiture trop petite, pas assez bien rangée (enfin la tienne je sais pas, la mienne il la trouve en chenit), il aime pas la musique que t’écoute, tu roules pas assez vite, t’as les cheveux trop gras et tu passes pas par la bonne route.
La prévoyante (ou parano, ou mytho, c’est selon): première chose qu’elle te dit en montant, c’est que le dernier qui l’a prise en stop a essayé de la violer et qu’elle lui a fait un mawashigeri et une double clé de bras. Du coup t’es prévenu.
L’alcoolo: il fait du stop de bistrot en bistrot. Rarement méchant, à éviter si la route fait beaucoup de virages. En plus, il se mue bien souvent en taxeur.
Le missionnaire: il commence par t’amadouer avec deux-trois phrases bateaux, je vais à Herzogenbuchsee, il fait chaud, y a plus de saisons, puis tout à coup soudainement il t’explique comme ça que Jésus est avec toi et passe tout le reste du trajet à t’expliquer que toi aussi tu peux sauver ton âme. Si jamais il est témoin de Jéovah, il te laisse encore son journal en fin de parcours. A ne prendre que sur des courtes distances, donc.
Le bavard: à la fin du trajet, tu sais tout de l’actualité, de la météo et du petit dernier qui nous a fait une bronchite. A ne prendre que sur des courtes distances, donc.
Le généreux: il commence par te demander si il peut fumer dans ta voiture, tu t’attends donc à te faire taxer une clope et finalement non, il sort tout son petit matériel, se fabrique lui-même sa cigarette et te la tend après quelques bouffées. A ne prendre que sur des courtes distances, donc, sinon ça risque de devenir assez vite difficile de conduire correctement.
Le pressé: il doit absolument être à Herzogenbuchsee à 18h27. T’as tendance à te dire que quand on est pressé on fait pas de stop, mais le fait qu’il regarde sa montre toutes les 20 secondes a tendance à te stresser. Le fait qu’il affirme souvent: “là, on est sur un bout droit, je crois qu’il n’y a jamais de radars” a tendance à te stresser. A ne prendre que sur des circuits de formule 1.
L’angoissé: il s’agrippe au machin que je sais plus comment ça s’appelle mais où on peut s’agripper et il jette de nombreux regards furtifs pas si furtifs au compteur. Peut s’avérer stressant.
La ptite djeunz: elle envoie tellement de sms pendant le trajet que finalement, le train lui aurait coûté moins cher.
Les deux ptites djeunz: elles passent tout le trajet à pouffer bêtement et à se dire des trucs dans l’oreille. C’est mignon et en plus ça remplace la radio, pour une fois.
Le chelou: en fait il est supersympa, mais il a un peu l’air de pas l’être, donc tu passes tout le trajet à te demander quand il va t’égorger. Enfin, si tu es parano.
Le serial killer: selon mon expérience, on le rencontre plus souvent sur tf1 et dans les mauvais téléfilms que dans la réalité.
La nymphomane: selon mon expérience, on la rencontre plus souvent dans les mauvais téléfilms que dans la réalité. Mais pas les mêmes téléfilms.