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de toutes façons, je préfère le Ragusa

Saturday, February 18th, 2006

Chaque année, sauf les années impaires, les Jeux Olympiques suscitent de nombreuses vocations. Des gens qui, confortablement installés devant leur écran, se disent “un jour, moi aussi je participerai à la finale du tournoi olympique de curling”. Des gens qui rêvent de briller en skeleton, en boardercross et même en biathlon. Des gens qui gardent un secret espoir de participer aux Jeux de Paris en 201224, mais aussi à ceux de Vancouver, de Pékin, de Vladivostok et de Morges.

C’est à ces gens qu’est destinée la Nelson Academy.

Pour la modique somme de 43270 $ norvégiens, vous y apprendrez tous les rudiments du métier de commentateur sportif olympique. Voici un petit aperçu des cours proposés par la Nelson Academy:

Cours de diction
Donnés par de célèbres dictologues, ces cours vous permettront d’affronter sans soucis nimporte quel Kazakhstan-Biélorussie de hockey sur glace. Indispensable pour les jeux olympiques d’hiver, qui sont pleins de russes et de lettons.

Cours de poncifs
Vous apprendrez à utiliser de nombreuses phrases telles que “il faut prendre les matches les uns après les autres”, “on n’a pas grand chose à se mettre sous la pupille” et “une compétition n’est jamais terminée avant la fin”. Vous apprendrez aussi à alourdir inutilement vos constructions de phrases et à employer des tas de formules toutes faites avec un mauvais escient.

Cours d’improvisation
Vous apprendrez quoi répondre quand le consultant dont on vous aura affublé se mettra à affirmer, sans rire, que “grâce au backgrab de son slide, il va pouvoir faire un backdraft sur le powerplay du glawaz à sens giratoire inversé” ou que grâce à la magnifique pierre à trois quarts cachées, la skip adverse va devoir donner de la longueur dans sa maison.

(Malheureusement, les cours de comprenage des règles des sports commentés ont du être supprimés, mais c’est pas grave, les spectateurs n’y verront que du feu, sauf en hockey sur glace où c’est dangereux de voir du feu, rapport à la glace)

Cours d’enthousiasme juvénile
Il est parfois difficile d’hurler de joie pendant toute la prestation du candidat de le pays que vous vous devez par contrat de soutenir, quelles que soit les circonstances: essayez un peu de hurler “C’est merveilleux, Roger, ahlalala, quelle performance extraordinaire, c’est incroyable, il mériterait de monter sur le podium aujourd’hui, magnifique, on n’a jamais vu ça, en même temps c’est la première fois qu’on assiste à une compétition de tir à l’arc, et c’est vrai que c’est chiant, mais tout de même, c’est incroyable, quelle performance majestueuse”, pour voir. De même, il est souvent difficile de se réjouir de la victoire de son protégé si, au hasard, une concurrente est en train de sortir de la piste sur une civière ou si deux-trois gamins qui n’avaient pas demandé grand chose se sont fait écraser pendant l’épreuve. Grâce à la Nelson Academy, vous saurez enfin distinguer l’important (la glorieuse incertitude du sport, surtout quand c’est nous qu’on a gagné) du futile.

Cours de langues
Malheureusement indispensables pour les futurs commentateurs suisses, les médaillés helvètes ayant la sale manie d’être oberlandais.

Cours de généalogie
Vous devez commenter une épreuve où les gens de le pays que vous vous devez par contrat de soutenir sont mauvais? Pas de problèmes, nos professeurs de généalogie vous apprendront d’habiles subterfuges, tels que “Shi-Yung Kee qui est d’ailleurs un petit peu français, puisque sa grand-mère avait passé les vacances de Noël à Megève en 1913”

Cours de mauvaise foi
Vous apprendrez à justifier n’importe quel revers du candidat de le pays que vous vous devez par contrat de soutenir, quelles que soient les circonstances. Des météorologues viendront vous expliquer comment le vent peut déstabiliser le candidat français, mais pas le norvégien. Des théoriciens du complot américain vous apprendront pourquoi le juge moldave tient absolument à ce que Brian finisse douzième, ceci à cause de la situation politique actuelle. Vous apprendrez à affirmer des opinions aussi tranchées que “bon, on ne veut pas accuser ou quoi, mais quand même, quand on voit les performances de l’américain, sans rien vouloir insinuer, tout de même, on est en droit de se poser quelques questions.”
Des professeurs d’histoire du sport vous aideront également à affirmer que “si on avait utilisé les règles de 1912, Maurice n’aurait jamais été disqualifié”.

étroits héros

Wednesday, April 14th, 2004

Parmi les traditions en Helvétie, il en est une qui est très traditionnelle: en Suisse francophone, il est de coutume de trouver les français énervants.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas à cause de leur façon amusante d’appréhender la conduite automobile que les citoyens de l’Hexagone irritent ceux du pays du Gruyère sans trou. (Quoique.)

En fait, si les français agacent, c’est à cause de la télé. Parce que en Helvétie, les choix qui s’offrent à nous sont: l’abstinence télévisuelle, mais dans ce cas comment se tenir au courant des nouvelles offres sur le marché des machines à faire des muscles?, le regardage de la tsr, qui rend dépressif à court terme, ou le regardage de chaînes françaises.

Alors bon, nous passerons sur le cas de m6, qui caste trois suisses histoire de pouvoir vendre ses chanteurs sur catalogue mais situe Lausanne au coeur des Alpes, ce cas n’étant là que pour me permettre de placer un jeu de mot idiot.

Car c’est de la plus noble conquête de la télévision que je veux parler: la retransmission sportive. De ce côté du Jura, on invente le concept énervant de défaite honorable, on est prudent, on hésite à crier vistoire quand on pourrait crier un autre prénom rigolo, même quand un joueur est capable de fédérer les foules confédérées: “Bien sûr, Rodgeure a encore 12 balles de match, mais il ne évidemment, il ne faut jamais tuer la peau de l’ours avant d’avoir tué la cremière.”

Outre-Doubs, le commentateur sportif est tellement persuadé que son équipe est la plus forte que ça finit par être vrai. Et quand ça ne l’est pas, il a recours a d’habiles subterfuges: le criticage arbitral ou temporel (“bien sûr, les anglais nous ont mis minables, mais sans quelques décisions contestables et le vent qui soufflait que quand c’est nous qu’on avait la balle, on aurait pu gagner”) ou l’appropriage (“cette victoire est tout de même un peu la nôtre, puisque la grand-mère du voisin du propriétaire du chat dont les boyaus ont servi à faire la raquette de Roger Feudeureure possède une magnifique boule à neige tour eiffel”)

Du coup, quand y a des matches France-Suisse, on espère toujours. En coupe des vices, on s’est planté parce que le vent soufflait trop fort, en football on va probablement se prendre une tatanée mais cette victoire sera un peu la nôtre parce que la grand-mère de Zizou connaît un bien un type qui va des fois à la piscine à Renens. Reste plus que le hockey (mais ça intéresse que les suisses et en général on perd quand même) et le curling.