Des fois, dans la vie, des gens déménagent. Des fois, c’est dieu, mais il a les moyens d’engager des pros. Des fois, c’est tes parents, et t’as beau les chambrer, tu te demandes un peu ce que tu vas garder de ta vieille chambre, les cd que t’assumes plus et les bd que tu liras plus jamais mais quand même, faut-il les garder ou les donner aux petits enfants aveugles? Et des fois, c’est des potes, trop proches pour que tu puisses dire “ouhlala j’ai justement la finale des championnats du monde de tchouckball ce jour-là” mais pas assez pour que tu dises “bon, prenez des déménageurs, c’est ma tournée”.
L’avantage, quand, pour une fois, c’est des potes qui déménagent et pas toi, c’est qu’il te reste que la partie technique. Tu peux assumer la part autiste de ta personnalité, porter des cartons, demander “je le mets où”, le poser n’importe où parce qu’ils sont en train de s’engueuler pour savoir si faut directement les amener à la cave ou plutôt les mettre dans le séchoir et que mine de rien, ça pèse un âne mort et même faire la super blague “vous avez amené vos enclumes ou quoi?” cinq fois dans la journée.
Par contre, y a tous les inconvénients d’un déménagement. Y a toujours le moment où tu te rends compte que tous les gens qui avaient promis d’arriver à 9 heures 23 parlaient en fait en anciennes heures, mais c’est pas grave, viens nous aider à finir d’emballer les fourchettes précieuses en les attendant. Et le moment où tu constates amèrement que les gens qui déménagent ne vivent jamais dans des immeubles avec ascenseur. C’est une espèce de loi naturelle. Les appartements avec ascenseurs se meublent par génération spontanée. Jamais tu pourras tranquillement entasser des cartons dans la cabine et les envoyer au neuvième. Il faudra te taper les 423 marches en colimaçon avec le canapé huit places, le piano et la collection d’enclumes qu’ils pensent ne pas garder mais ils l’emmènent quand même en attendant, va donc les mettre au grenier, je te tiens l’échelle.
Y a toujours un type qui vient, mais qui doit se casser à midi, obligé. Y a aussi toujours un pote qui arrive quasi à l’heure mais qui a fait la fête jusqu’à six heures du matin, du coup il est serviable, il porte tous les cartons de moins de 500 grammes, mais bon, faut bien avouer qu’à force de s’arrêter pour vomir il ralentit un peu la manoeuvre. Mais comme il est super gentil, il comprend pas que “non mais tu devrais rentrer, on est assez”, c’est un synonyme subtil de “bon, non mais là casse-toi”.
Mais ce n’est pas lui, le principal obstacle. Car il est des gens spécialement entraînés pour faire durer les déménagements. Des gens fourbes au service d’une association secrète, ou alors juste fourbes. Des gens qui connaissent la faiblesse de l’autiste moderne et qui finissent toujours par dire: “Vous voulez pas faire une pause? J’ai fait des tourtes!”, ou “je vais conduire le camion, je te dis que ça passe”.
Tout ça pour te dire que ma conclusion est restée dans un carton.