Nous sommes au Moyen-Âge, un mardi. Romoric est le chargé officiel aux excuses du vicomte de Bourg-en-Bresse. Son rôle: trouver des excuses, en cas de défaite de son seigneur lors des joutes (chose fréquente, ledit seigneur étant un loser (loser est un terme d’ancien français désignant les gens qui ont l’habitude de loser (loser est un terme d’ancien français, mais je ne sais pas trop ce que ça veut dire))), de levée de nouvel impôt (ce qui arrive souvent, le seigneur étant un fieffé déconneur) , de croisades (fait plus rare) ou de droit de cuissage mal négocié (ce qui arrive parfois, le spam n’ayant pas encore été inventé).
Romoric prend son boulot très à coeur. Un peu à cause de la fin tragique de son prédécesseur, (le vicomte avait super mal pris d’être devenu la risée du pays quand son fidèle serviteur lui avait fait déclarer: “Cestuy qui eut déjà goûté la pitance des Angloys ne s’attendra point à ce qu’ils organisassent oncques le Grand Tournoy de Poney que c’est nous qu’on veut l’organiser”) Mais surtout parce que Romoric est de ces gens qui ont l’amour du travail bien fait. Il aime quand ses excuses ont du succès. Et elles en ont, certaines sont encore en vogue aujourd’hui. On lui doit notamment: j’étais dans un jour sans, j’avais le soleil dans les yeux et, surtout, son plus grand succès, l’intemporel pas ce soir chéri, j’ai la migraine. La devise de Romoric est “les troubadours diffusent des messages, les mauvaises excuses bien faites démarrent des discussions”.
Mais un jour survient le drame. Après une cuisante défaite au premier tour des Joutes face à un jeune godelureau même pas classé tête de série, le Vicomte est en train de tenir conférence de presse. Il explique que c’est pas pour chercher à se justifier ou quoi, mais quand même, les contrôles antidopage n’ont pas encore été inventés et y a de quoi se poser des questions, ou bien? quand soudain tout à coup, une révolte de paysans éclate à cause de vagues problèmes de malnutrition.
Cela se passe alors que Romoric est en train d’enseigner à la vicomtesse une nouvelle excuse (“je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai cédé à une pulsion, j’ai honte, je ne le referai plus pardonne-moi… au fait, mercredi prochain, je dors chez ma grand-tante”). Pris au dépourvu, il lance: “c’est la faute à la récession”. Contre toute attente, cela fonctionnera. Les paysans s’en retournent dans leurs demeures pour y mourir de faim en se jurant de buter la gueule à cette connasse de récession.
Personne ne sait trop ce que c’est, au juste, la récession. Quelques années plus tard, Pierre, un modeste pêcheur, revient chez lui avec seulement quelques menus harengs (il a perdu les autres eu jeu). Devant l’ire de son épouse, il balbutie: “C’est pas ma faute, mes filets récessent”.
L’expression tombera ensuite en désuétude. Mais des années plus tard, un employé surpris à ne pas travailler au lieu de travailler répondra à son patron: c’est pas ma faute, mes filets récessent. Le patron comprendra de travers et depuis, le fil rss décrit un truc qu’on fait au boulot au lieu de travailler.