Lune d’hiver: six thés.

Ce billet est un hommage à tous les malheureux qui ont du interrompre aujourd’hui leurs vacances d’été alors que l’automne n’est pas encore terminé, qui devront supporter d’harassantes semaines (jusqu’à douze heures de cours pour certains!!) et qui n’auront plus de vacances pendant au moins un mois.

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La nouvelle émission qui va faire fureur:

Fac academy

350 candidats dans un amphi de 100 places. A la fin, il n’en restera plus que trois ou quatre (des candidats, pas des places, faudrait essayer de suivre).

Les candidats (enfin quelques-uns parmi les plus typiques):

Marie-Germaine:
Elle met des circonflexes dans tous ses mots. Elle est persuadée de faire partie d’une sorte d’élite et parle souvent de son ami d’enfance Jean-Robert: « il est mécanicien, maintenant, le pauvre ». Elle a failli défaillir le jour où elle a appris qu’un de ses voisins d’amphi était fils d’agriculteurs.

Paul-Marcel:
Il en est à sa douzième première année d’uni. Il est très pratique, parce qu’il connaît tous les couloirs par coeur. Surtout celui qui mène vers le bistrot du coin.

Sophie-Cunégonde:
Elle porte des sandales un poncho et un keffieh qu’elle a acheté chez H&M. Au début de chaque cours, elle récolte des signatures. Elle a déjà initié douze mouvements de grève. Celui qui a fait le plus de bruit, c’est quand on avait augmenté le prix des cafés du distributeur, c’est trop une violation des droits de l’homme, t’vois. En général, elle dépiquette le jeudi matin parce que y a TP de biologie chromatique.

René-Raymond:
Il a découvert la vie estudiantine: la colloc’, les concerts, les bistrots, les fêtes. Il envisage de visiter l’uni prochainement.

Clémence-Lucette:
Toute sa scolarité, elle a appliqué la même technique: elle s’asseyait au premier rang, elle répondait à toutes les questions des profs, leur faisait leurs photocopies et leur disait quand Kevin il faisait rien qu’à tricher. Maintenant, elle fait pareil.

Honoré-Ladislas:
Il est passionné par les cours. A tel point qu’après chaque heure d’historiographie algébrique, il se lance dans de longues diatribes avec l’assistant (un type qui porte des jeans trop courts mais qui est quand même sympa). Pendant ce temps, les autres se rappellent de leur scolarité passée et font des boulettes de papier.

fasciculture

Il n’y a pas de sot métier, dit le dicton.

En général, le dicton dit ça pour mettre fin au silence de mort qui s’abat comme le vol d’une mouche frappée en plein vol par un commissaire de police quand sa cadette Gremione lui présente son nouveau fiancé Léandre et annonce qu’il est agent du fisc/policier/chasseur de zébus/défenseur au FC Servette/parolier de comédies musicales.

Il n’y pas de sot métier, mais certains boulots sont quand même plus trépidants que d’autres.

Il y a ainsi un boulot encore plus classe que chef-décorateur chez Ikea, plus passionnant que comptable dans une entreprise de mise en boîte de pois sauteurs, plus trendy qu’accordeur de réverbères:

Quelque part, dans le monde, quelqu’un décide des prochaines collections exclusives des éditions Atlas (aucun lien, quoique), avec leur fascicule, chez votre marchand de journaux.

Quelqu’un qui se réveille en sueur, au milieu de la nuit, et qui hurle « Eureka, on va leur vendre une collection de boules à neige, des fiches sur le crochet, un squelette en kit (1m10), des figurines de la guerre moldoslovaque, une collection spéciale « les joueurs de banjo légendaires », des contes hongrois lus par Isabelle Charles, et ainsi contribuer à leur apporter savoir et connaissances et surtout des tas de fiches à monter soi-même, gnahahahahaha, un jour les fascicules domineront le monde et alors là je serai bien vengé de tous ceux qui se moquaient de moi à l’école, gnahahahahahahaha, quand je pense que pif gadget a pas voulu de moi, c’est bien fait, gnahaha, je serai maître du monde et j’obligerai tout le monde à lire les fiches sur les fleurs sauvages des sous-bois (159 tomes, le premier pour 1 euro seulement chez ton marchand de journaux) »

Ca fait rêver

Lapon de garenne

Ikea, donc.

A cinq ans, le sentiment est mitigé: on sait que, pour avoir droit à la piscine de boules, va falloir arpenter (même si à cinq ans, on dit pas forcément arpenter) les rayons pendant des heures et vaguement écouter ses parents se poser des questions existentielles genre « est-ce que cette table basse Öfenstrüe irait bien avec le chandelier blanc Louis XII? » Des heures de souffrance pour quelques minutes de plaisir: et si le vrai but d’Ikea c’était de préparer mentalement les enfants au calvinisme?

Des années plus tard, c’est pareil. Sans les boules.

D’abord, il faut accéder au magasin, souvent faire la file au parking, chercher une place de parc. L’humain est masochiste. Puis se promener dans les rayons, s’extasier devant les abat-jour en bois massif, les porte-cendrier en rotin incarné et les sous-verre en fonte sans serif et se dire: faudrait que j’arrête avec les mots composés, là.

Tout ça en supportant les cris des gosses qui aimeraient retourner dans les bulles, des parents qui hurlent pour que leurs enfants se taisent, de la belle-mère attachée dans un placard Skrüttüfü.
Mais y a quand même des compensations: soucieux des détails, les décorateurs-ikeaistes ne laissent jamais une étagère vide. Donc quand on en a marre de regarder les canapés saumon, on peut feuilleter un peu les best-sellers décoratifs. En général, c’est des trucs en suédois avec des titres super drôles genre Här kan du läsa. En France, les jeunes auteurs rêvent de passer chez Pivot (ou Ruquier, c’est selon), en Suède, ils doivent rêver de passer chez Ikea.

Une fois le tour du magasin fini, faut entasser les 112 meubles choisis sur un chariot fait pour en contenir 111, se battre pour les faire entrer dans la voiture et se les coltiner sur quatre étages si on habite au quatrième étage.

Puis vient le grand moment. Les Danois ont inventé les Lego, les Suédois Ikea. La Scandinavie, ça doit vraiment pas être drôle tous les jours. Quand on paume un Lego sous un tiroir, dans l’aspirateur ou dans son estomac, y a toujours moyen d’improviser. Mais quand la dernière vis de l’étagère Sztrf file sous l’armoire Gudrun qu’on venait justement de remplir avec la collection d’enclumes anciennes du petit, tout devient plus difficile.

Par contre, y a quand même un point commun avec Lego: y a toujours un moment ou on se rend compte que la pièce qu’on avait employée en bas à gauche, en fait, elle allait en haut à droite et qu’on l’a confondue avec une pièce qui lui ressemble un peu, mais qui fait 3 millimètres de plus et que maintenant va falloir tout recommencer sinon on risque de créer une faille spatio-temporelle qui va plonger le monde dans dix-mille ans de domination Elisabeth-Teissier-ienne.

aïe bibaque

Tout le monde le sait: les Américains sont des types obèses qui roulent en 4×4 et décident pour qui ils vont voter en fonction des blagues racontées par les candidats lors des débats télévisés. Et qui confondent la Suisse et la Suède.

Evidemment, on peut les comprendre. La Suisse et la Suède ont d’innombrables points communs: on y joue au hockey, il y a des arbres, plusieurs églises et des fontaines. Et des fjörds, sauf en Suisse.

La Suède est un pays où les gens sont blonds, portent des prénoms rigolos et se nourrissent de poisson et de biscottes. Comme il y fait très froid, les Suédois fabriquent des allumettes et des téléphones portables.

Mais les suédois sont surtout réputés pour ce qu’ils ont amené au monde qui ne leur avait rien demandé: les meubles IKEA.

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(Comme on dit en suédois: to be continued)