Légende urbaine

Or, il advint qu’en ce temps-là, Procrastinator, Dieu de la Glande, des Travaux remis à demain, du Démineur et du Solitaire, fut combattu par la diabolique coalition de Burokrator, dieu de la paperasse, et Chefredaktor, fulminant et vociférant héros chargé de veiller sur les délais rédactionnels.

Mais alors qu’il avait un genou à terre, Procrastinator, la plus habile et la plus ingénieuse des divinités de son époque, inventa Internet.

Et l’on dit que depuis, il est le plus fort des Dieux du Panthéon. Car quand l’homme, naïf et docile, croit que cette invention lui facilite la tâche pour s’acquitter des nombreuses épreuves que mettent sous ses pas le cruel Burokrator et le perfide Chefredaktor, il ne se doute pas qu’il est déjà dans les filets du puissant Procrastinator.

Et au moment où il réalise qu’il est en train de regarder des vidéos de chaton plutôt que de terminer sa déclaration d’impôts en ligne, qu’il est en train de retwitter celle-là même qu’il avait pokée le matin même plutôt que de se documenter en ligne sur l’évolution du PIB du Kazakhstan au deuxième semestre, et quand il se dit que tout cela est blogable, alors il est déjà trop tard.

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Aucune fille au monde

La sortie cinéma de la semaine c’est évidemment G-Force, film d’action, de hamster et de Hoyt Yeatman.

Un film que je serais bien allé voir, tout ébahi que je suis d’apprendre que oui, Hoyt est un vrai prénom. Hélas, Benjamin-Constant, mon fils imaginaire, semble peu intéressé parce que, je cite « c’est naze ce truc, c’est pour les bébés ». Le problème des enfants imaginaires, c’est que leur âge évolue de façon totalement anarchique et B-C a hélas 13 ans cette semaine.

Par contre, le probable succès de ce film va probablement donner des idées aux réalisateurs. En ces temps de crise, en effet, faire jouer des rongeurs est une idée bankable, comme disent les jeunes.

The full cage, titre français de Like a squirrel in its wheel, film anglais
Dans une petite ville minière du nord de l’Angleterre rongée par le chômage et l’alcoolisme, des chinchillas trompent l’ennui en rongeant les barreaux de leur cage. Un jour, l’un d’entre eux décide de monter un spectacle d’acrobaties. Les autres chinchillas du village sont d’abord réticents, mais décident ensuite de l’aider, malgré les difficultés.

Gnavere karminrøde, film danois.
Hjørg, un cobaye de laboratoire amputé des pattes avant, réussit à s’échapper. Il est recueilli par une famille, qui l’apprivoise, mais le chat l’attaque et les enfants lui tirent les poils. Il sombre dans la dépression et passe des journées entières à tourner sur sa petite roue. Hélas, le film, tourné en caméra subjective, s’arrête là, le monteur s’étant suicidé après le troisième tour de roue.

J’aimerais que tu nettoies la cage plus souvent, film français
Bernardo et Blanche, deux souris se sont aimés follement. Mais la vie les a séparés. Bianca a quitté l’Italie pour refaire sa vie à Paris avec Jean-François, un furet. Aujourd’hui, Bernardo vit seul avec Moustaches, leur fils en proie aux troubles de l’adolescence. Bernardo et Blanche se revoient chaque année, à l’époque des vacances de Noël. Et si tout recommençait enfin comme avant ?

C’est pas moi, c’est Murphy

Il y a bien longtemps que ce blog, jadis haut lieu de l’effervescence scientifique et de l’émulation intellectuelle, n’a plus ouvert de véritable débat philosophique de fond. Or, un jeune lecteur de Melun me soumet cette intéressante question : Pourquoi diable, me demande-t-il, se fait-on trois fois plus draguer dès lors qu’on est casé ?

Et il met là le doigt sur un sujet sensible. Prenez un jeune homme, avec ce qu’il faut de sémillance, installez-le dans un train dans l’indifférence générale. Envoyez-le dans le wagon adjacent trouver l’âme soeur, ou au moins l’âme cousine, laissez mijoter quelque temps, disons suffisamment pour l’apparition des premiers surnoms ridicules, puis remettez-le dans le wagon initial. Des rames entières de jeunes filles lascives et nubiennes accourront alors, l’oeil pétillant, la moue concupiscente et le genou aguichant, lui lançant sans vergogne aucune de compromettants « Excusez-moi, cette place est libre ? »

Comment expliquer ce mystérieux phénomène ?

Certains ont alors supposé que les femmes seraient des agents du FBI, connectées en permanence à un réseau secret appelé à remplacer facebook, où l’on peut découvrir par simple voisinage ferroviaire si une personne est in a complicated relationship, et engagées par une organisation para-catholique pour juger de notre capacité à résister à la tentation. Mais cette thèse semble légérement empreinte de paranoïa.

D’autres se sont simplement dit que les jeunes gens au coeur fraîchement conquis faisaient plus d’efforts pour repasser leurs chaussettes snoopy et/ou manger cinq fruits et légumes par jour, ce qui est bon pour le teint, mais cette déduction est quelque peu passéiste, puisque les études prouvent que l’homme moderne, ou post-néo-cyber-metro-über-dodo-sexuel, n’hésite plus à se nourrir de façon équilibrée, jusqu’au jour où il rencontre, en même temps qu’un individu du sexe dit féminin, le régime quinoa-épeautre.

Or, une autre explication semble tenir la corde. Nous l’avons vu précédemment, la passion des femmes pour les plantes vertes ne peut s’expliquer que d’une seule façon : elles sont nées à la campagne. Or, on le sait, à la campagne, tout le monde se connaît. Et c’est tout naturellement, par esprit critique, qu’elles veulent vérifier la véracité des propos qu’elles n’ont pas manqué d’entendre rapporter, non sans une légère exagération due à l’enivrement d’une histoire naissante, quant aux talents du jeune homme dans des domaines aussi variés que la tonte du rhododendron et la chasse à l’épagneul breton.

La musique. Oui, la musique.

Une amie m’a un jour demandé d’écrire des paroles de chanson pour un groupe de joddle hardcore qu’elle est en train de monter avec une sienne collègue.

Voyant dans cette demande l’occasion d’enfin percer dans l’art qui m’est le plus cher, la sieste (il suffira, ensuite, qu’elles vendent plusieurs de dizaines de milliards d’albums avant de partir en tournée triomphale à travers la Creuse pour que je devienne enfin riche comme Crésus), je me lançai à corps perdu dans cette voie quasi nouvelle pour moi.

Las, l’angoisse me faisait stresser, effrayé que j’étais de devenir à mon tour la risée des fans de Tokio Hotel, et ce n’est que quand je réalisai qu’ils n’étaient plus que cinq de par le monde que je pus me calmer un peu. Je décidai alors d’invoquer l’esprit du plus grand parolier de tous les temps, Pascal Obispo, pour me venir en aide. Sans succès.
Je me plongeai alors dans l’oeuvre complète de Didier Barbelivien, espérant y trouver quelque inspiration. A la lecture de « Je te survivrai », texte sublime magnifié par Jean-Pierre François, je commençai à comprendre. « Dans l’hiver et le vent, dans le froid des maisons, dans les sables mouvants où j’écrirai ton nom, dans la fièvre et le sang, dans les murs des prisons, je te survivrai » Fallait-il y voir un hommage à Paul Eluard ? « Je te survivrai d’un amour vivant je te survivrai dans des yeux d’enfants je te survivrai comme un revenant je te survivrai je te survivrai et tu m’entendra je te survivrai quelque part en toi je te survivrai je te survivrai au dela de moi je te survivrai ». Fallait-il y voir une allusion aux films de morts-vivants ?

***

Les lapins
Paroles Raphaël Chabloz
Musique Guido Bontempi
12 semaines numéro 1 du top 50 scandinave

Ecrire des chansons c’est pas facile
Il faut trouver des tas de rimes
Des métaphore pas trop futiles
Un peu comme dans un conte de Grimm

Parler d’amour c’est toujours bien
Parce que les gens aiment bien l’amour
Et que ça fait pleurer comme un chien
Et que ça rime avec tambour

Refrain:
I should rather write in english
Nobody would know what i say
But i speak it like a quiche
And i don’t know what i say
Oh yeah baby
All people sings in Shakespeare’s tongue
As easily than on a beach wih tongs
But maybe they are bluffing
Or something

Ou sinon, on peut dénoncer
Des injustices ou son voisin
Et on finit aux Enfoirés
Chez Ruquier ou dans un sapin

Le truc sympa c’est l’name dropping
Audrey Tautou, Melvil Poupaud
L’autre truc sympa c’est le camping
En forêt, mais en chanson pas trop

Refrain

Moi j’aime bien les chansons françaises
Qui parlent de trucs du quotidien
La recette de la mayonnaise
Ou celle des trucs du quotidien

Ecrire des chansons c’est pas facile
En attendant de faire fortune
J’vais agiter ma grosse sébile
Et demander à la lune

Bande passante

Walburge était revenue positivement impressionnée du cinéma de sa petite ville, où elle se rendait dévôtement chaque vendredi soir. Le film projeté cette semaine-là, Julie&Julia, avait été pour elle comme une révélation. Enfin, elle avait trouvé sa voie : elle allait ouvrir un nouveau blog, se faire adapter au cinéma et, accessoirement, gagner des pétées de thunes.

Ne lui restait donc qu’à trouver un livre de cuisine, à en tester, jour après jour, toutes les recettes et à devenir célèbre. Elle ne s’arrêta pas sur « la Franche-Comté en 200 saucisses », ignora superbement « la cuisine suisse facile » car elle digérait mal la papet, se dit que le temps qu’elle arrive au bout de « 13 312 macarons pour épater les copains », la mode serait passée, ne jeta même pas un regard à « kougloffs et autres trucs pâteux », le best-seller de la rentrée culinaire.
Il faut dire qu’elle était aussi douée pour la cuisine qu’un journaliste sportif du Matin pour le… français. Elle pensait qu’une duxelle était une ville de Belgique, que le salpicon était une maladie honteuse, que la julienne était la femelle du Julien et que faire revenir des oignons, c’était toujours mourir un peu. Tant est si bien que la réputation de son blog, où elle testait chaque jour une page du livre « l’oeuf au plat facile », ne dépassa qu’à peine les frontières de son cercle familial, à l’exception notable de quelques membres du club de cuisine de Chaumont en mal d’expériences nouvelles et de quelques pervers, car une statistique récente prouve que quoi que tu foutes sur internet, quelqu’un trouvera le moyen de tomber dessus en cherchant des trucs cochons.

C’est justement en constatant ce fait que Walburge eut l’idée géniale : ouvrir un blog sur lequel elle testerait chaque soir une page du kama sutra. Une idée couronnée de succès, qui prouve une fois de plus que l’internet est un merveilleux média qui permet à chacun de s’exprimer et de faire connaître ses talents pourvu qu’il y mette un peu du sien.

Lance et compte

C’était par un de ces jours de début d’automne où la grisaille ambiante incite à la mélancolie et à acheter des tas de trucs peu diététiques pour mettre un peu de gras pour l’hiver. Tout naturellement, je me suis donc rendu en Franche-Comté voisine, paradis de la saucisse, Nirvana du fromage (je sais pas si tu te rends compte, ils font de la Morteau au Comté (quand j’ai découvert ça, j’ai failli devenir croyant)). Je me rendis chez un charcutier traditionnel du lieu, un certain monsieur Leclerc, lequel vendait également, c’est cocasse, des billets de concerts.
Et c’est là que je réalisai que, contrairement à tant d’autres en ce mordoré septembre, Roch Voisine n’était pas mort, même si certaines mauvaises langues prétendront qu’artistiquement parlant, se produire à Montbéliard y ressemble beaucoup.
Roch Voisine qui lui aussi s’était fait connaître en se penchant sur cette période vaporeuse où l’été s’achève avec une chanson qui en dérange certains, mais je n’ai pas peur :

Roch Voisine – Hélène

Seul sur le sable les yeux dans l’eau

Ce qui est une position pour le moins inconfortable, surtout à marée montante.

Mon rêve était trop beau
L’été qui s’achève tu partiras

C’est l’histoire d’un amour de vacances, d’une histoire sans lendemain, mais à laquelle on repense les yeux plein de chagrin.

A cent mille lieues de moi

Là je m’excuse, mais il va falloir être un peu technique. Vous n’êtes pas sans savoir que Roch Voisine est québécois. On peut donc déduire qu’il parle de la lieue nord-américaine, soit 4,828032 kilomètres, et non de la lieue postale ou de la lieue marine, ni des bâtonnets de lieu du Cap’tain Igloo.
100 000 lieues équivalent donc à 482 803,2 kilomètres, soit 12 fois le tour de la terre et environ 2800 kilomètres, si vous me permettez d’arrondir, ce qui fait quand même pas mal. Si l’on admet que la plage dont on parle est située au Québec, car oui, il y a des plages au Québec, 2800 kilomètres ça fait soit plein d’endroits qu’on ne connaît pas aux Etats-Unis, soit quelque part à Cuba, nous dit cet outil de calcul de distance (qu’est-ce que tu crois, y a de la recherche, dans mes posts). Alors de là à se demander ce qu’elle peut bien venir foutre à la plage dans un pays qui n’est pas un pays mais l’hiver, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas parce qu’on risque de commencer à s’égarer.

Comment oublier ton sourire
Et tellement de souvenirs

Là, la réponse est assez simple, oublier un souvenir, par définition, on ne peut pas.

Nos jeux dans les vagues près du quai

Car ce n’est pas parce qu’on batifole fougueusement avec une accorte touriste qu’il faut oublier les règles élémentaires de sécurité. C’est un bien bel exemple que nous donne Roch Voisine.

Je n’ai vu le temps passer

Oui, là, je n’ai pas grand chose à ajouter, c’est sûr que s’il s’était ennuyé comme un rat mort, il n’en aurait peut-être pas fait une chanson.

L’amour sur la plage désertée

Là encore, bel exemple de civisme. Si vous aussi, chez vous, vous tenez absolument à faire l’amour sur la plage, attendez que les gens soient partis. Il y a tellement de monde en général qu’on risque de se rouler par mégarde sur le linge de bain d’un voisin. Et, dans ces moments-là, se retrouver nez à nez avec des dauphins qui s’ébrouent devant un coucher de soleil ou des chatons espiègles sous un parasol Ricard peut avoir des conséquences psychologiques irréversibles.

Nos corps brûlés enlacés

Par contre, là, on ne le répète jamais assez, protégez-vous, mettez de la crème solaire, sinon on meurt.

Comment t’aimer si tu t’en vas
Dans ton pays loin là-bas babababa

Skype, msn, voire twitter, mais c’est sûr que ça enlève assez vite le côté roulades sur la plage de la relation.

Hélène things you do make me crazy about you

Comme il est très énervé, limite nervous breakdown, il se met soudain à parler anglais sans crier station. Pour les non-anglophones, il dit Hélène les choses que tu fais me rendent fou de toi, ce qui est joli.

Pourquoi tu pars reste ici j’ai tant besoin d’une amie

Elle part parce que l’été s’achève, tu l’as dit au début de la chanson. En plus, vu la nature de vos jeux de plage, lier une relation d’amitié va s’avérer des plus délicats.

Hélène things you do make me crazy about you
Pourquoi tu pars si loin de moi
Là où le vent te porte loin de mon coeur qui bat

Alors moi je dis ça je dis rien, mais lui, s’il y mettait un peu de bonne volonté, il pourrait se faire engager comme gardien de hockey au CP La Havane et il serait plus si loin d’elle.

Hélène things you do make me crazy about you
Pourquoi tu pars reste ici reste encore juste une nuit

Et là tout s’explique, il veut lui faire rater l’avion juste pour une ou douze galipettes de plus. De là à dire ahlala c’est bien les mecs, il n’y a qu’un pas que je ne me refuse à franchir que par solidarité masculine.

Seul sur le sable les yeux dans l’eau
Mon rêve était trop beau
L’été qui s’achève tu partiras
A cent mille lieues de moi
Comment t’aimer si tu t’en vas
Dans ton pays loin là-bas
Dans ton pays loin là-bas
Dans ton pays loin de moi

Et là, j’aimerais citer le philosophe qui disait « La distance est à l’amour ce que le vent est au feu: Elle éteint le petit. Elle attise le grand. » Le même philosophe qui d’ailleurs disait »Je n’aime que deux choses, la rose pour un jour et toi pour toujours », voire « J’aimerais être une larme pour naître dans tes yeux et mourir dans un vieux mouchoir sale. »

Paroles, paroles, paroles

Quand un nouveau truc est inventé, il y a d’abord une phase où personne ne sait trop à quoi ça sert, avant qu’il devienne indispensable ou sombre définitivement dans l’oubli non loin de la cassette digitale et du fil à couper les corn-flakes.

Par exemple, quand Jean-Louis Aubert a inventé le téléphone : au début, il était seul dans l’annuaire et songeait sérieusement à résilier son abonnement. Puis quelques personnes suivirent son exemple, malgré le regard suspicieux des sceptiques qui leur disaient « ah mais vous êtes encore à causer de téléphone, là ? Moi je pourrais pas, je préfère parler aux gens dans la vraie vie, en plus il paraît que ça peut donner des maladies de l’oreille. » Puis de plus en plus de monde s’y mit, à tel point que le pauvre Graham Bell se suicida juste après avoir envoyé « kif » par sms au 8 22 22 (cette anecdote est toutefois peu connue).

Autre exemple, l’invention de la parole par Grahumgruhr en deux flopées et demi avant JC. Au début, il fut confronté au scepticisme ambiant qui a de tout temps accompagné les avancées scientifiques :

– Hé les mecs, je viens d’inventer un truc génial, la parole, ça va complètement révolutionner notre façon de communiquer !
– Grunt ?
– Pardon, pardon, je vais un peu vite en besogne. C’est tout moi, ça, je m’emballe, je m’emballe… Bon, commençons par un exemple pratique… Ça, viande. Ça, manger. Ça… ça, attends un peu que j’aie inventé le concept de religion et tu pourras plus le faire en pleine caverne aux heures des repas, dégoutant !
– Grunt…
– Non mais ça a l’air compliqué comme ça mais vous verrez, la prise en main est simple et après c’est super.
– Graou
– Oui alors je sais, j’avais déjà inventé un système de communication révolutionnaire basé sur le jonglage, ça n’a pas marché, soit, je persiste à dire que c’était intéressant, mais ce système-là, vous allez voir, c’est génial.

Puis de plus de plus de gens s’y mirent, développèrent ensemble ce terrain où tout était encore tellement à explorer qu’on pouvait faire une faute d’accord sans que personne ne se sente personnellement insulté.

– Oh les mecs, je viens d’avoir une idée.
– Une quoi ?
– Ah oui, c’est un mot que je viens d’inventer pour désigner un truc qui existe pas mais qu’on pense que ça pourrait être bien…
– Mais ça se mange ?
– Ah ben non…
– Bon c’est nul, on oublie.

Et très vite, tout le monde s’y mit:

– Alors là, selon une étude, il paraît que 75% des paroles échangées servent à dire des banalités.
– Ah tiens ?
– Oui et seuls 25% concernent des choses importantes comme la bouffe, la météo et tripoter des filles
– C’est peu.
– Certes, mais plutôt que banalité, je préfère utiliser le terme de « personal branding », car les interactions sociales permettent de se situer quant au paradigme ascensionnel, comme le souligne la théorie communicationnelle de Grughrur.
– Grunt ?

Peur sur Philippe Lavil

En cette période de rentrée, c’est un peu la débâcle. La crise devait nous condamner à manger les cadavres des milliards de gens morts de la grippe cochonne. Or, des sources aussi fiables que le Matin nous informent que la première est en train de s’essouffler comme le premier footballeur suisse venu, tandis que la seconde semble n’être qu’un gros rhume. Pas de quoi fouetter un canard.

Oui mais voilà: de tous temps, l’homme a toujours trouvé de bonnes raisons d’avoir peur, le noir, l’orage, les araignées, les serpents, l’an mil, le communisme, le nouvel album de Gérald de Palmas. Et autant celui dont la phobie est rare, qu’il ait peur des chauves, de la crème brûlée ou des maracas, se sent isolé et un peu ridicule, autant rien de tel qu’une bonne hystérie collective pour relancer l’économie et parler d’autre chose que de météo avec son voisin de train. S’il ne faut plus être effrayé ni par la grippe ni de la crise A(H1N1), de quoi peut-on bien peur en cette fin d’année 2009 ?

10
Des Irlandais. Cette information est passée inaperçue, preuve que les médias tentent une fois de plus de nous cacher la vérité, mais les Irlandais ont enregistré l’an dernier une forte hausse de la natalité. Selon un rapide calcul basé sur les méthodes mathématiques de l’UDC, d’ici à 15-20 ans, 97% de la population européenne devrait être irlandaise, boire de la bière, jouer au rugby et parler une langue bizarre avec les cheveux roux et, pire encore, s’appeler Patrick.

9
Des Jamaïcains. Selon la même méthode de calcul, Usain Bolt et Asafa Powell devraient passer sous les 9 secondes sur 100 mètres avant la fin de l’année, sous les 7 secondes avant les JO de 2012 et, d’ici à ceux de 2016, ils devraient être en mesure de dépasser la vitesse de la lumière et donc de remonter dans le temps. Pas besoin de vous expliquer à quel point ceci est dangereux.

8
Des vidéos de chaton sur internet, manifestement placées là pour détourner notre attention des complots qui se trament en douce.

7
Des chevaux. Après l’encéphalite spongiforme bovine, la grippe aviaire et la grippe porcine, tout semble indiquer qu’ils préparent le coup de grâce.

6
De Laurent Romejko. Ce mec qui n’a pas changé de tête depuis 132 ans et qui présente Des Chiffres et des Lettres et la météo avec le sourire mijote forcément quelque chose.

5
De la rentrée littéraire. Savoir que Beigbeder a écrit un nouveau livre, ça me colle des frissons.

4
Des titres de films français, probablement placés là pour faire passer un message mystérieux à une puissance extra-terrestre en observation qui n’attend que « Les clés sont sur la commode du salon » pour lancer son offensive finale.

3
Des jeunes, qui vont forcément devenir vieux plus tard et forcer le monde entier à écrire en sms et à se taguer sur facebook.

2
Des vaches.

1
Des top 10. Il y en a partout, dans les magazines, sur les blogs, et le prochain passage à l’an 2010 ne va faire qu’augmenter cette tendance. Si l’on n’y prend garde, ils seront bientôt partout et ce sera terrible. Et en plus, y a toujours un moment où tu galères pour finir.

Mon dragon est garé en double file

Si tu lis attentivement ce blog, tu auras peut-être noté mon intérêt marqué pour la fantasy et ma complicated relationship avec la randonnée.

Le truc bien avec la fantasy c’est qu’en général, il se passe un peu toujours la même chose. Tu prends un groupe d’aventuriers, avec quelques guerriers et mages pour buter la gueule des méchants, un nain pour l’élément comique, une meuf pour l’élément romantique, tu leur colles une quête et tu les envoies la résoudre à l’autre bout du pays, dont tu as pris soin de mettre une carte en page 5. A pied, en général.

Puis tu décris sur un minimum de 900 pages comment ils chassent les méchants gobelins, trolls et autres trucs chelou au service des forces du Mal. 900 pages, à pied, et jamais, jamais, tu ne vois un de tes héros se plaindre d’avoir des cloques alors qu’il n’a probablement pas pensé à emporter les chaussettes spéciales pour la marche chaudement recommandées par le vendeur d’un magasin de sport.

De même, jamais ils se trompent de chemin. Les associations de tourisme pédestre doivent être sacrément plus efficaces dans les mondes mal dessinés en page 5 que par chez nous parce que jamais tu ne vois de conversation du genre :
– Méfions-nous, hardis compagnons, dès lors que nous aurons franchi ce champ, nous entrerons dans le pays de Khandi.
– Aurait-il basculé du côté du Mal ? Je ne puis y croire.
– Non, fort heureusement. Mais la signalisation là-bas, c’est une horreur, pire qu’en France, chaque fois que j’y vais je me paume.
– Mais notre puissant mage n’a-t-il pas quelque artefact pour nous guider ?
– Ouais, mais il peut pas s’en servir dans le coin, il a pas pris un abonnement international.

Et même s’ils doivent affronter kobolds, gobelins et autre trolls, jamais ils ne sont aux prises avec les terribles bêtes qui jalonnent régulièrement le chemin de tout promeneur qui se respecte et encore, je ne te parle même pas des vicieuses et sournoises tiques qui s’installent n’importe où et peuvent te coller des tas de maladies.
– Hardis compagnons, nous allons être obligés de faire un périlleux détour.
– Auriez-vous détecté la présence de quelque diablerie magique ?
– Bien pis, bien pis ! regardez ce panneau !
– « Attention, vaches allaitantes. » Est-ce là ce qui vous effraie ?
– C’est super dangereux quand elles sont avec leurs veaux, je connais un mec dont le cousin a failli se faire charger. Nous ne pouvons prendre le risque de passer.

Grimm et châtiment

Il était une fois, il y a bien longtemps, dans un royaume genre super loin, un prince, pas des masses charmant. Comme, de plus, il était le futur roi d’un royaume de moins de 40 mètres carrés, sa seule chance pour se dégotter une princesse était de venir à bout d’une quête.

Il se rendit donc à l’Agence Nationale de Placement des Princes afin de s’enquérir des possibilités de sauver de l’héritière de trône en détresse sans trop se fatiguer, car il était un peu feignasse sur les bords.

– Ah y a bien un truc, lui dit le comte chargé de répartir les missions, une meuf qui pionce depuis cent ans.
– Et faut la réveiller ? Ça me tente, mon père regardait l’inspecteur Derrick donc je sais bien réveiller les gens plongés dans un sommeil éternel.
– Oui alors je te cache pas qu’il y a aussi une mission, hein, c’est pas que ça, faut qu’on vende les droits à Disney et en ces temps de crise ça devient compliqué.
– Un maléfice ? J’aime pas trop ça les maléfices. Une méchante sorcière qui l’a endormie pour se venger ?
– Non non elle s’est endormie après une fête un peu trop arrosée et là on peut pas la réveiller.
– Un dragon alors ? Non parce que moi les dragons je fais pas.
– Non, non, pire.
– Non mais parce que les dragons, ça tache et après c’est tout un bordel pour nettoyer.
– Oui non mais là c’est pas ça. Non mais tu vois, la meuf, elle dort depuis un siècle.
– Ouais c’est cool, toutes ces histoires de libération de la femme elle connaît pas, elle risque pas de se barrer pour enregistrer un disque avec un poissonnier.
– La ferme. Donc je te cache pas que chez elle, c’est un peu les écuries d’Augias…
– Des écuries ? Non mais les chevaux je fais pas, c’est super dangereux !
– …le bordel…
– Un bordel ? Ça non plus je fais pas, hein !
– … le chenit quoi.
– Ah ouais mais les communes de la Vallée de Joux je fais pas !
– Non mais arrête, on est en train de perdre tous nos lecteurs, là. Bref, elle s’est endormie, y a un siècle…
– Jusque là j’avais suivi ouais.
– Et du coup y a de la mite alimentaire dans tous les placards, une horreur, le service de nettoyage est passé parce que les princes charmants aiment pas trop les insectes en général, ça nuit à leur image, mais pas moyen, ça revient toujours ces saloperies de bêtes là.
– Bah moi je suis pas charmant, ça marche, je prends !

Alors le prince s’en fut vers son tragique destin mais là, il y est toujours.
(et je vous laisse méditer une semaine ou deux sur ce conte très beau et porteur d’espoir)