Quand un nouveau truc est inventé, il y a d’abord une phase où personne ne sait trop à quoi ça sert, avant qu’il devienne indispensable ou sombre définitivement dans l’oubli non loin de la cassette digitale et du fil à couper les corn-flakes.
Par exemple, quand Jean-Louis Aubert a inventé le téléphone : au début, il était seul dans l’annuaire et songeait sérieusement à résilier son abonnement. Puis quelques personnes suivirent son exemple, malgré le regard suspicieux des sceptiques qui leur disaient « ah mais vous êtes encore à causer de téléphone, là ? Moi je pourrais pas, je préfère parler aux gens dans la vraie vie, en plus il paraît que ça peut donner des maladies de l’oreille. » Puis de plus en plus de monde s’y mit, à tel point que le pauvre Graham Bell se suicida juste après avoir envoyé « kif » par sms au 8 22 22 (cette anecdote est toutefois peu connue).
Autre exemple, l’invention de la parole par Grahumgruhr en deux flopées et demi avant JC. Au début, il fut confronté au scepticisme ambiant qui a de tout temps accompagné les avancées scientifiques :
– Hé les mecs, je viens d’inventer un truc génial, la parole, ça va complètement révolutionner notre façon de communiquer !
– Grunt ?
– Pardon, pardon, je vais un peu vite en besogne. C’est tout moi, ça, je m’emballe, je m’emballe… Bon, commençons par un exemple pratique… Ça, viande. Ça, manger. Ça… ça, attends un peu que j’aie inventé le concept de religion et tu pourras plus le faire en pleine caverne aux heures des repas, dégoutant !
– Grunt…
– Non mais ça a l’air compliqué comme ça mais vous verrez, la prise en main est simple et après c’est super.
– Graou
– Oui alors je sais, j’avais déjà inventé un système de communication révolutionnaire basé sur le jonglage, ça n’a pas marché, soit, je persiste à dire que c’était intéressant, mais ce système-là, vous allez voir, c’est génial.
Puis de plus de plus de gens s’y mirent, développèrent ensemble ce terrain où tout était encore tellement à explorer qu’on pouvait faire une faute d’accord sans que personne ne se sente personnellement insulté.
– Oh les mecs, je viens d’avoir une idée.
– Une quoi ?
– Ah oui, c’est un mot que je viens d’inventer pour désigner un truc qui existe pas mais qu’on pense que ça pourrait être bien…
– Mais ça se mange ?
– Ah ben non…
– Bon c’est nul, on oublie.
Et très vite, tout le monde s’y mit:
– Alors là, selon une étude, il paraît que 75% des paroles échangées servent à dire des banalités.
– Ah tiens ?
– Oui et seuls 25% concernent des choses importantes comme la bouffe, la météo et tripoter des filles
– C’est peu.
– Certes, mais plutôt que banalité, je préfère utiliser le terme de « personal branding », car les interactions sociales permettent de se situer quant au paradigme ascensionnel, comme le souligne la théorie communicationnelle de Grughrur.
– Grunt ?