Paroles, paroles, paroles

Quand un nouveau truc est inventé, il y a d’abord une phase où personne ne sait trop à quoi ça sert, avant qu’il devienne indispensable ou sombre définitivement dans l’oubli non loin de la cassette digitale et du fil à couper les corn-flakes.

Par exemple, quand Jean-Louis Aubert a inventé le téléphone : au début, il était seul dans l’annuaire et songeait sérieusement à résilier son abonnement. Puis quelques personnes suivirent son exemple, malgré le regard suspicieux des sceptiques qui leur disaient « ah mais vous êtes encore à causer de téléphone, là ? Moi je pourrais pas, je préfère parler aux gens dans la vraie vie, en plus il paraît que ça peut donner des maladies de l’oreille. » Puis de plus en plus de monde s’y mit, à tel point que le pauvre Graham Bell se suicida juste après avoir envoyé « kif » par sms au 8 22 22 (cette anecdote est toutefois peu connue).

Autre exemple, l’invention de la parole par Grahumgruhr en deux flopées et demi avant JC. Au début, il fut confronté au scepticisme ambiant qui a de tout temps accompagné les avancées scientifiques :

– Hé les mecs, je viens d’inventer un truc génial, la parole, ça va complètement révolutionner notre façon de communiquer !
– Grunt ?
– Pardon, pardon, je vais un peu vite en besogne. C’est tout moi, ça, je m’emballe, je m’emballe… Bon, commençons par un exemple pratique… Ça, viande. Ça, manger. Ça… ça, attends un peu que j’aie inventé le concept de religion et tu pourras plus le faire en pleine caverne aux heures des repas, dégoutant !
– Grunt…
– Non mais ça a l’air compliqué comme ça mais vous verrez, la prise en main est simple et après c’est super.
– Graou
– Oui alors je sais, j’avais déjà inventé un système de communication révolutionnaire basé sur le jonglage, ça n’a pas marché, soit, je persiste à dire que c’était intéressant, mais ce système-là, vous allez voir, c’est génial.

Puis de plus de plus de gens s’y mirent, développèrent ensemble ce terrain où tout était encore tellement à explorer qu’on pouvait faire une faute d’accord sans que personne ne se sente personnellement insulté.

– Oh les mecs, je viens d’avoir une idée.
– Une quoi ?
– Ah oui, c’est un mot que je viens d’inventer pour désigner un truc qui existe pas mais qu’on pense que ça pourrait être bien…
– Mais ça se mange ?
– Ah ben non…
– Bon c’est nul, on oublie.

Et très vite, tout le monde s’y mit:

– Alors là, selon une étude, il paraît que 75% des paroles échangées servent à dire des banalités.
– Ah tiens ?
– Oui et seuls 25% concernent des choses importantes comme la bouffe, la météo et tripoter des filles
– C’est peu.
– Certes, mais plutôt que banalité, je préfère utiliser le terme de « personal branding », car les interactions sociales permettent de se situer quant au paradigme ascensionnel, comme le souligne la théorie communicationnelle de Grughrur.
– Grunt ?

Peur sur Philippe Lavil

En cette période de rentrée, c’est un peu la débâcle. La crise devait nous condamner à manger les cadavres des milliards de gens morts de la grippe cochonne. Or, des sources aussi fiables que le Matin nous informent que la première est en train de s’essouffler comme le premier footballeur suisse venu, tandis que la seconde semble n’être qu’un gros rhume. Pas de quoi fouetter un canard.

Oui mais voilà: de tous temps, l’homme a toujours trouvé de bonnes raisons d’avoir peur, le noir, l’orage, les araignées, les serpents, l’an mil, le communisme, le nouvel album de Gérald de Palmas. Et autant celui dont la phobie est rare, qu’il ait peur des chauves, de la crème brûlée ou des maracas, se sent isolé et un peu ridicule, autant rien de tel qu’une bonne hystérie collective pour relancer l’économie et parler d’autre chose que de météo avec son voisin de train. S’il ne faut plus être effrayé ni par la grippe ni de la crise A(H1N1), de quoi peut-on bien peur en cette fin d’année 2009 ?

10
Des Irlandais. Cette information est passée inaperçue, preuve que les médias tentent une fois de plus de nous cacher la vérité, mais les Irlandais ont enregistré l’an dernier une forte hausse de la natalité. Selon un rapide calcul basé sur les méthodes mathématiques de l’UDC, d’ici à 15-20 ans, 97% de la population européenne devrait être irlandaise, boire de la bière, jouer au rugby et parler une langue bizarre avec les cheveux roux et, pire encore, s’appeler Patrick.

9
Des Jamaïcains. Selon la même méthode de calcul, Usain Bolt et Asafa Powell devraient passer sous les 9 secondes sur 100 mètres avant la fin de l’année, sous les 7 secondes avant les JO de 2012 et, d’ici à ceux de 2016, ils devraient être en mesure de dépasser la vitesse de la lumière et donc de remonter dans le temps. Pas besoin de vous expliquer à quel point ceci est dangereux.

8
Des vidéos de chaton sur internet, manifestement placées là pour détourner notre attention des complots qui se trament en douce.

7
Des chevaux. Après l’encéphalite spongiforme bovine, la grippe aviaire et la grippe porcine, tout semble indiquer qu’ils préparent le coup de grâce.

6
De Laurent Romejko. Ce mec qui n’a pas changé de tête depuis 132 ans et qui présente Des Chiffres et des Lettres et la météo avec le sourire mijote forcément quelque chose.

5
De la rentrée littéraire. Savoir que Beigbeder a écrit un nouveau livre, ça me colle des frissons.

4
Des titres de films français, probablement placés là pour faire passer un message mystérieux à une puissance extra-terrestre en observation qui n’attend que « Les clés sont sur la commode du salon » pour lancer son offensive finale.

3
Des jeunes, qui vont forcément devenir vieux plus tard et forcer le monde entier à écrire en sms et à se taguer sur facebook.

2
Des vaches.

1
Des top 10. Il y en a partout, dans les magazines, sur les blogs, et le prochain passage à l’an 2010 ne va faire qu’augmenter cette tendance. Si l’on n’y prend garde, ils seront bientôt partout et ce sera terrible. Et en plus, y a toujours un moment où tu galères pour finir.

Mon dragon est garé en double file

Si tu lis attentivement ce blog, tu auras peut-être noté mon intérêt marqué pour la fantasy et ma complicated relationship avec la randonnée.

Le truc bien avec la fantasy c’est qu’en général, il se passe un peu toujours la même chose. Tu prends un groupe d’aventuriers, avec quelques guerriers et mages pour buter la gueule des méchants, un nain pour l’élément comique, une meuf pour l’élément romantique, tu leur colles une quête et tu les envoies la résoudre à l’autre bout du pays, dont tu as pris soin de mettre une carte en page 5. A pied, en général.

Puis tu décris sur un minimum de 900 pages comment ils chassent les méchants gobelins, trolls et autres trucs chelou au service des forces du Mal. 900 pages, à pied, et jamais, jamais, tu ne vois un de tes héros se plaindre d’avoir des cloques alors qu’il n’a probablement pas pensé à emporter les chaussettes spéciales pour la marche chaudement recommandées par le vendeur d’un magasin de sport.

De même, jamais ils se trompent de chemin. Les associations de tourisme pédestre doivent être sacrément plus efficaces dans les mondes mal dessinés en page 5 que par chez nous parce que jamais tu ne vois de conversation du genre :
– Méfions-nous, hardis compagnons, dès lors que nous aurons franchi ce champ, nous entrerons dans le pays de Khandi.
– Aurait-il basculé du côté du Mal ? Je ne puis y croire.
– Non, fort heureusement. Mais la signalisation là-bas, c’est une horreur, pire qu’en France, chaque fois que j’y vais je me paume.
– Mais notre puissant mage n’a-t-il pas quelque artefact pour nous guider ?
– Ouais, mais il peut pas s’en servir dans le coin, il a pas pris un abonnement international.

Et même s’ils doivent affronter kobolds, gobelins et autre trolls, jamais ils ne sont aux prises avec les terribles bêtes qui jalonnent régulièrement le chemin de tout promeneur qui se respecte et encore, je ne te parle même pas des vicieuses et sournoises tiques qui s’installent n’importe où et peuvent te coller des tas de maladies.
– Hardis compagnons, nous allons être obligés de faire un périlleux détour.
– Auriez-vous détecté la présence de quelque diablerie magique ?
– Bien pis, bien pis ! regardez ce panneau !
– « Attention, vaches allaitantes. » Est-ce là ce qui vous effraie ?
– C’est super dangereux quand elles sont avec leurs veaux, je connais un mec dont le cousin a failli se faire charger. Nous ne pouvons prendre le risque de passer.

Grimm et châtiment

Il était une fois, il y a bien longtemps, dans un royaume genre super loin, un prince, pas des masses charmant. Comme, de plus, il était le futur roi d’un royaume de moins de 40 mètres carrés, sa seule chance pour se dégotter une princesse était de venir à bout d’une quête.

Il se rendit donc à l’Agence Nationale de Placement des Princes afin de s’enquérir des possibilités de sauver de l’héritière de trône en détresse sans trop se fatiguer, car il était un peu feignasse sur les bords.

– Ah y a bien un truc, lui dit le comte chargé de répartir les missions, une meuf qui pionce depuis cent ans.
– Et faut la réveiller ? Ça me tente, mon père regardait l’inspecteur Derrick donc je sais bien réveiller les gens plongés dans un sommeil éternel.
– Oui alors je te cache pas qu’il y a aussi une mission, hein, c’est pas que ça, faut qu’on vende les droits à Disney et en ces temps de crise ça devient compliqué.
– Un maléfice ? J’aime pas trop ça les maléfices. Une méchante sorcière qui l’a endormie pour se venger ?
– Non non elle s’est endormie après une fête un peu trop arrosée et là on peut pas la réveiller.
– Un dragon alors ? Non parce que moi les dragons je fais pas.
– Non, non, pire.
– Non mais parce que les dragons, ça tache et après c’est tout un bordel pour nettoyer.
– Oui non mais là c’est pas ça. Non mais tu vois, la meuf, elle dort depuis un siècle.
– Ouais c’est cool, toutes ces histoires de libération de la femme elle connaît pas, elle risque pas de se barrer pour enregistrer un disque avec un poissonnier.
– La ferme. Donc je te cache pas que chez elle, c’est un peu les écuries d’Augias…
– Des écuries ? Non mais les chevaux je fais pas, c’est super dangereux !
– …le bordel…
– Un bordel ? Ça non plus je fais pas, hein !
– … le chenit quoi.
– Ah ouais mais les communes de la Vallée de Joux je fais pas !
– Non mais arrête, on est en train de perdre tous nos lecteurs, là. Bref, elle s’est endormie, y a un siècle…
– Jusque là j’avais suivi ouais.
– Et du coup y a de la mite alimentaire dans tous les placards, une horreur, le service de nettoyage est passé parce que les princes charmants aiment pas trop les insectes en général, ça nuit à leur image, mais pas moyen, ça revient toujours ces saloperies de bêtes là.
– Bah moi je suis pas charmant, ça marche, je prends !

Alors le prince s’en fut vers son tragique destin mais là, il y est toujours.
(et je vous laisse méditer une semaine ou deux sur ce conte très beau et porteur d’espoir)

Plein le ddos

L’autre jour, twitter, facebook et tout ce genre de trucs ont été ralentis, voire paralysés, entraînant de terribles conséquences économiques. Des millions de gens de par le monde ont en effet été obligés de travailler, ce qui a entraîné des surcharges de trafic à la machine à café et à la pause clope.

La cause, un attaque DDoS ou attaque par déni de service, à ne pas confondre avec attaque par Denis la Malice, qui est un mauvais dessin animé des années 80. En quoi cela consiste-t-il ?

Que se passe-t-il en général quand quelqu’un nous lance « Dis, tu peux me rendre un service ? » En général, bien sûr, on répond par un oui franc et massif que l’on regrettes, quelques heures plus tard, un piano sur le deux, quand le même quelqu’un ajoute « je t’avais pas dit que c’était au huitième sans ascenseur ? » Plus rarement, on répond « ok, je te rends ta fourchette en porcelaine » : il faut, pour cela, soit avoir volé une fourchette au mandant du service, ce qui ne se fait pas, soit que les deux protagonistes disposent d’un sens de l’humour particulièrement fin et sophistiqué, ce qui est de plus en plus rare en cette période d’individualisme et de consumérisme. Mais rares sont les gens osant dire à brûle pourpoint « Non », sauf après la huitième fois qu’on te fait le coup de « non mais ce sera pas long t’inquiète, y a que 82320 pages à corriger. Non j’avais pas dit 500 francs, mais une photo de Camille Saint-Saëns… Non mais t’inquiète si je peux faire un truc pour toi… ah non pas mardi, je dois nettoyer mon panda. Jeudi aussi, c’est gros un panda. Non la semaine prochaine je peux pas je dois réparer mon générateur automatique d’excuses. »

Or, les gens qui travaillent dans les ordinateurs sont souvent appelés à rendre des services. Selon un récent sondage que je viens tout juste d’inventer pour les besoins de la cause, ce serait la catégorie socio-professionnelle à qui on dirait le plus souvent « dis, toi qui t’y connais, tu pourrais pas regarder un truc, là ? », juste devant les garagistes, les comptables et les trapézistes. Et le fait qu’ils répondent « Non mais j’ai juste suivi des cours du soirs sur Excel, et j’ai envoyé un mail une fois » n’y change souvent rien. Les malheureux se retrouvent à dépiauter le PC familial qui ne redémarre plus depuis que le petit dernier a tenté d’y introduire un CD de Florent Pagny, et quand ils disent des trucs du genre « ah tiens, y a bien beaucoup de fourbi là-dedans », ladite famille émerveillée note le mot « fourbi » dans son grand dictionnaire des mots bizarres qu’il faut utiliser pour briller quand on parle d’ordinateurs.

Que se passerait-il si tous les informaticiens du monde arrêtaient de rendre des services en même temps ? On ne peut pas savoir, personne ne comprend vraiment ce qu’ils font, ces gens. L’attaque DDoS n’a probablement rien à voir avec ça, mais je n’ai pas compris l’explication que m’a fournie le pote à qui j’ai demandé, il travaille dans les ordinateurs je crois.

Une dent contre toi

Il n’y a pas de sot métier, dit la sagesse populaire.

Mais il est des professions injustement décriées. Combien de fois, par exemple, entend-on dire qu’il faut être sadique pour devenir dentiste ? Comme les éboueurs, les flics, les papes et les roadies de Christophe Maé, ces gens exercent pourtant une profession certes mal vue, mais nécessaire.

Sauf qu’ils sont mieux payés.

Et qu’ils sont clairement sadiques.

Probablement, quand ils étaient gosses, ils ont dit « Moi, plus tard, j’aimerais faire du mal à des gens. J’aimerais agresser des petites vieilles dans la rue. », ce à quoi on leur a répondu « Oui ben rate ton bac, d’abord. » Mais comme ils ne pouvaient s’empêcher de suivre en classe, ils ont dû se rabattre sur une solution de rechange : le dentisme.

Ça commence dès la salle d’attente. Pourquoi tu penses qu’ils sont toujours en retard ? Et qu’ils n’ont que quelques vieux journaux inintéressants ? Pour savourer le moment où tu attends, pensant à ce qui va te tomber sur la tête. De même, si leur accorte assistante te sourit de toutes ses dents, ce n’est pas parce qu’elle a instantanément succombé à ton charme latin de carié. Ni même par politesse. C’est pour mieux te narguer, te montrer à quel point son émail resplendit (le sourire qu’elle t’adresse émaille). Puis on t’installe dans une chaise forcément inconfortable, une ridicule bavette bleue autour du cou, la tête plus proche du sol que les talons, et on te laisse attendre là que le bourreau arrive. Ce serait tout à fait possible de ne t’attirer dans ce piège infernal qu’au dernier moment mais non, il faut que tu gamberges. Ils sentent ton angoisse et s’en repaissent.

Ensuite, on t’endort la bouche pour que ça fasse moins mal. Pour cela, il faut te planter au moins 45 aiguilles dans le gras de la mâchoire. Attends, la technologie actuelle ne permet pas d’endormir la bouche d’un coup sec derrière la nuque ? Pareil pour les instruments de torture, le plus bruyants possibles, comme ça même si tu n’as pas mal, tu peux bien imaginer la souffrance qu’on inflige à des dents auxquelles tu étais attaché et que la petite souris n’a même pas fini de payer. Pendant ce temps-là, la susdite assistante te passe l’aspirateur dans la bouche. Alors là, pareil que pour le dentiste : tu crois vraiment qu’un jour elle s’est dit « moi, plus tard, je veux passer l’aspirateur entre des dents pleines de tartre ? » Non, bien sûr, c’est juste qu’elle avait envie de voir des gens souffrir, je ne vois pas d’autre explication plausible.

Tu ressors de l’opération charcuterie la bave aux lèvres et le cirage dans la bouche. Pendant les prochaine heures, alors que tu aurais justement besoin de réconfort, oublie toute idée de glace au saumon, de bière fraîche, ou de quoi que ce soit de rigolo qui nécessite la langue (genre, je sais pas, un concours de grimaces). Mais ce n’est pas fini. Le dentiste, qui pousse le vice jusqu’à avoir l’air sympa, passe maintenant à la torture psychologique : « Je serais vous, j’enlèverais cette dent de sagesse. Enfin, c’est comme vous voulez… », assène-t-il, te forçant à prendre l’initiative des souffrances prochaines.

Et ce n’est qu’au moment où, quelques semaines plus tard, tu relèves ton courrier, que tu te rends compte, alors que la logique voudrait tout de même que ce soit le contraire, que c’est lui qui te réclame de l’argent à toi pour cette séance de sm.

Ce post est recommandé par l’Union française pour la santé bucco-dentaire

Djian comme la pluie

Bon ben puisqu’on parle de ça :

Des hauts, des bas
(Philippe Djian / Stephan Eicher)

Le jour où j’ai appris que Stephan Eicher se faisait écrire ses textes par un vrai écrivain connu, je me suis dit que finalement, je m’étais pas fait tellement rouler que ça quand j’avais acheté ce poncho 30 livres estoniennes après trois heures de marchandage.

La pluie venait du nord
Le vent passait sous ma porte

Tout de même, on sent la patte de l’écrivain, qui réussit à créer en deux phrases une impression de froidure à peine ternie par l’impression que le chanteur est en train de dire « le faon passait sous ma pote ».

Je comptais vivre fort
Et que le diable m’emporte

Il fait froid, mais le chanteur se dit je vais pas me laisser abattre, place à la fête.

J’allais a la fenêtre
Enroulé dans un drap

Il va regarder quand même s’il pleut pas trop. Il est vêtu d’un drap, ce qui est original, normalement, en Suisse, on se promène plutôt enroulé dans une couverture. Ou dans un peignoir Mickey.

Je secouais la tête

Et quand même, il fait très très moche, du coup il secoue la tête de dépit, y a plus de saisons ma brave dame.

J’en écartais les bras

Il secoue la tête tellement fort que ses bras s’écartent. C’est symptôme d’une maladie nerveuse très rare. Mais du coup, te dis-tu, car tu es sagace, il se retrouve tout nu devant sa fenêtre, vraiment, les jeunes, de nos jours, ils sont un peu trop olé olé ! Et bien, attends-toi à être surpris à la phrase suivante.

J’avais des hauts
J’avais des bas

En fait, sous son drap, il est tout habillé. Il porte même des bas, c’est dire.

J’avais plus ou moins chaud

Suivant si le drap est enroulé ou non

Et toute la vie devant moi

Finalement il décide de pas sortir, mais de rester à la maison à faire le con avec ses fringues et ses draps.

J’avais des hauts
J’avais des bas
Je crois que j’en voulais trop

Il se rend compte qu’il est un peu compulsif de l’achat d’habits.

J’ai même eu ce que je n’voulais pas

Il garde même les linges de bain à fleurs qu’on lui offre pour 200 francs d’achat.

Je restais enfermé
Ou errais pendant des jours

Il fait ses achats soit dans des catalogues, soit dans les magasins.

Trop de chemins s’ouvraient
Trop de questions en retour

A chaque fois il hésite beaucoup, C&A, H&M, D&G, M&M’s, la noire, la rouge, ok la rouge mais ira-t-elle avec mes bottes en velours?

Je n’avais pas tué mon pere

Alors là, il faut le prendre dans le sens métaphorique, comme quand on dit ohlala je tuerais mon père et ma mère pour ces cache-rotules en osier inoxydable Gucci. Sauf que là, il a décidé de finalement pas les acheter.

Mais je ne me souvenais pas
Ce qu’il me disait de faire
Ou ce qu’il ne disait pas

Et là il se rappelle que son père lui avait une fois donné un bon conseil. Ou ne lui a pas donné de bon conseil. D’ailleurs c’était peut-être sa mère, il confond souvent. Ou le voisin. Ou pas un conseil, mais le la.

Refrain

Chaque jour je me tenais prêt
Je guettais l’heure et la page

C’est une vieille chanson, de l’époque où on commandait encore ses habits dans des catalogues et qu’il fallait téléphoner pendant les heures d’ouverture pour passer sa commande.

Où les eaux s’ouvriraient
Me laisseraient un passage

Encore une métaphore pour dire qu’il a finalement choisi la rouge.

L’espoir me faisait vivre
L’attente me rendait nerveux

Entre le moment où il passe sa commande et celui où il la reçoit, il a des réactions un brin excessives.

Je trouvais dans les livres
De quoi patienter un peu

Pour se calmer, il feuillette des catalogues, ce qui est aussi vicieux qu’un cercle.

J’avais des hauts
J’avais des bas
J’avais plus ou moins chaud
Et toute la vie devant moi
J’avais des hauts
J’avais des bas
Je crois que j’en voulais trop
J’ai meme eu ce que je n’voulais pas

Et faut pas s’étonner si tu te retrouves au final avec n’importe quoi.

C’est donc une très belle chanson qui dénonce le consumérisme de notre société de consommation.

Le clip est , mais à cause des Inconnus, ces sacripants, il fait un peu rire.

Donne-moi ton cor des Alpes baby

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de la Suisse. Or, comme nous l’avons vu dans certains épisodes précédents, la Suisse est un concept mystérieux pour nombre de français, et peut-être même de belges. Je vous ai donc préparé une petite FAQ, parce qu’une FAQ vaut mieux que deux tu l’auras.

Bonjour, je suis un célèbre dirigeant libyen. L’autre jour, j’ai dit qu’il faudrait démanteler la Suisse parce que c’était un état mafieux. Ça a tellement bien marché que j’aimerais lancer un truc qui ferait encore plus chouiner les malheureux journalistes en mal de sujets estivaux, mais j’avoue coincer un peu.
C’est très simple, je te suggère la phrase suivante : « Il faudrait démanteler la Suisse, mais le problème, c’est que personne ne voudra jamais du Locle.

Mais s’ils ont réagi autant à cette provocation, les gens, c’est qu’il y a un fond de vérité, non ?
Pas du tout, il ne faut pas démanteler la Suisse, personne ne voudrait du Locle.

Je suis un journaliste français en reportage en Suisse, et j’aimerais savoir comment prononcer Gstaad.
Mal, si possible.

Par ailleurs, je suis arrivé depuis plus de 17 minutes, et je n’ai entendu aucune mention de votre président. Qu’est-ce à dire ?
Cette année, notre président, c’est Hans-Rudolf Merz. Il est tout petit, tout nerveux et tout cardiaque. On préfère le cacher.

Pourriez-vous me raconter le secret bancaire ? Je vous jure que je ne le dirai à personne.
Les derniers qui ont fait ça, ils sont au bord du démantèlement, là. Je ne peux courir ce risque, personne ne voudrait de mes genoux.

L’autre jour, à la radio, ils ont dit que Federer représentait bien les valeurs de la Suisse car il était modeste et travailleur. Je ne savais pas que vous aviez un ministère de la propagande, chez vous ?
Ah non mais nos journalistes font ça spontanément, attention !

Bref, je me demandais si vous pourriez faire la même chose avec Le Corbusier, Marc Rosset, le Gruyère, Henri Dès et Stephan Eicher ?
Alors Le Corbusier représente bien les valeurs de la Suisse car il arrive à vendre très cher des trucs pourris en prétendant qu’ils sont radieux, Marc Rosset sait allier tradition nationale (absinthe, Cardinal, etc.) et ouverture vers l’étranger (vodka, whisky, etc.), le Gruyère n’a pas de trous, Henri Dès représente bien les valeurs de la Suisse car il a une moustache et Stephan Eicher représente bien les valeurs de la Suisse parce que c’est un Suisse allemand persuadé de savoir parler français alors qu’il raconte n’importe quoi (en plus il a des hauts et des bas, comme le premier indice boursier venu).

Tiens d’ailleurs c’est marrant, vous avez plein de tennismans connus et pas des masses de gens connus dans d’autres sports.
Je ne vous permets pas de dire ça, nous avons aussi des tennismans totalement inconnus.

Mais au fait, pourquoi les Français connaissent-ils si mal la Suisse ?
J’ai bien réfléchi à la question, je pense que leurs profs de géographie veulent se venger d’un camp de ski à Verbier.

Pourriez-vous me résumer brièvement le système politique suisse ?
Non.

Pourriez-vous me chanter l’hymne national suisse ?
Non.

Poni hoax

Beaucoup de gens se sont déjà demandé : que deviennent les valses de Vienne comptes facebook quand on est mort ? (oui je sais, c’est un vieil article, mais je faisais du ménage dans mes brouillons, là, ce serait dommage de les abandonner dans la forêt)

Etonamment, très peu de gens se sont interrogés sur un problème bien plus grave : que deviendront les comptes facebook après la disparition de la race humaine ?

Comme tu le sais si tu suis attentivement l’actualité, en septembre, nous allons tous mourir de la grippe cochonne et les furets vont prendre le contrôle de la planète. Il leur faudra un peu de temps pour s’organiser une chouette civilisation. Ensuite, ils vont commencer à s’interroger sur le passé. Pas forcément par souci de ne pas répéter les mêmes erreurs, mais surtout parce qu’ils sont très curieux : ne dit-on pas fouineur comme un furet ? Donc ils vont s’intéresser à tout ce qui nous concerne (et qui ne se ronge pas), un peu comme tu ne pourrais pas t’empêcher de mettre ton nez dans les affaires qu’un ancien locataire aurait oublié dans ton nouvel appartement. Un jour, ils découvriront l’usage des ordinateurs et, pour peu qu’il y ait un accès wifi non sécurisé non loin de leur tanière, internet. Ok, il leur faudra quelques années pour réussir à déchiffrer nos langues, avant qu’il ne se demande qui est ce Me Marc Bonnant qui a deux fois plus de fans que le célèbre blog Bon pour ton poil. Et c’est justement là que le bât blesse : pendant ce laps de temps, ils se marreront bien en regardant les 425 photos de la soirée d’anniversaire de Robert Pilchard, ils ont dû bien s’amuser à cette soirée, enfin pendant les 9 minutes 21 où personne ne prenait de pose. Tout facebook s’offusque parce qu’une pub pour des chips au fromage pourrait théoriquement utiliser insidieusement la photo de Boris Bouchelot, ton pote de 2e primaire que tu n’as plus revu depuis, alors que tout le monde sait qu’il est allergique au fromage, mais personne, personne, ne réclame une option pour protéger nos photos contre ces salauds de furets.

Bambouléééééé

Quand ils ont inventé les saisons, ils ont fait un peu n’importe quoi : l’hiver ne sert strictement à rien alors que tous les trucs sympa, apéros, pédalo et Paléo, ont lieu en été.

Cela dit, les trois saisons dites inutiles peuvent être mises à profit. Pour s’entraîner. Car le festival est un sport de combat.

L’épreuve printanière de l’achat des billets, plus la musique est au bord du gouffre plus les gens vont à des concerts, histoire peut-être de se souvenir comment c’était bien le rock’n’roll quand, à cause de toi, Matteo, qui télécharge à tour de bras l’intégrale de Maxime Le Forestier, toutes les majors auront fait faillite et que la seule musique que l’on pourra entendre sera celle des sanglots longs de Jean-Côme Vivendi-Universal le soir au fond des bars, n’est qu’un échauffement.

Une fois à Nyon, Benicassim, Belfort, Reading, Adenau, Düdigen ou Landresse, il te faudra affronter de terribles épreuves à côté desquelles Fort Boyard à l’air d’un camp de vacances pour nains.

Tout d’abord l’épreuve d’endurance, seul dans ta voiture, sous le cagnard, pile au milieu de 23 kilomètres de bouchon (pour votre santé, ne sortez pas de l’autoroute à Morges), à écouter le début du concert du type qui joue en ouverture de soirée parce que c’est pas très connu, mais un peu bien quand même.

Puis le téléphone synchronisé : dès ta sortie du parking, tu tenteras de retrouver Hojt, qui arrive un peu plus tard parce qu’il bosse, Gwendoline, qui arrive un peu plus tard parce qu’elle a pris un raccourci et Wienceslas, qui arrive un peu plus tard, parce qu’il est déjà sur place, au camping, et que le seul moment où il peut dormir c’est pendant les concerts. Autour de toi, plusieurs milliers de gens tenteront de retrouver Piotr, Bérénice, voire Esculape, saturant joyeusement 900 réseaux de téléphonie mobile différents.

Ensuite, le slalom géant parallèle. Avant, en festival, tu connaissais une tête d’affiche. Tu allais l’écouter et le reste de la soirée était consacrée aux découvertes musicales, en général celles passées à la radio du bar de l’Amicale du Foot de Pompaples, où tu finissais par passer la moitié de la soirée. Aujourd’hui, à cause de Matteo qui t’a entraîné dans la spirale infernale du téléchargement illégal qui, je te le rappelle, est en train de tuer la malheureuse industrie du disque, déjà morte dans d’atroces souffrances le jour de l’invention de la cassette puis celui de celle du graveur de CD, sur les 20 groupes à l’affiche, il y en a 22 que tu as envie de découvrir (il paraît que la radio du bar de l’Amicale du Foot de Pompaples est bien, et tu as un copain qui joue Stairway to Heaven à 22 heures sur Guitar Heroe au stand de l’Amicale des Geek qui vont en festival jour à Guitar Heroe).

Cette déplorable habitude de ne pas aimer que la musique mainstream est très dangereuse pour l’industrie du kebab, puisque à cause de ce comportement indécent tu n’auras pas le temps de flâner des heures durant entre les stands de bouffe. De même, tu risques de passer une soirée au Paléo sans passer acheter de t-shirts ni signer de pétition contre la guerre et la famine, faute de temps. Cela dit, il faudra bien, à un moment donné, te nourrir et c’est là que ton entraînement hivernal s’avérera de prime importance. En effet, il ne faut pas s’aventurer en festival sans auparavant avoir soigneusement testé ta résistance au régime merguez chantilly – gaufre mayonnaise et sinon, je vais chercher des bières, tu en reprends une ?

Foule

N’oublions pas la redoutable épreuve du lever de bras. Parce que le chanteur t’a dit de la faire et que tu es docile, ou parce que tu tentes de prendre des photos floues, voire de faire des enregistrements inaudibles qui iront rejoindre des milliers d’autres enregistrements inaudibles sur youtube. Dis-toi que grâce à la mode du téléphone portable, tu échappes à la bien plus terrible épreuve du secoué de briquet qui, en plus de coller des crampes, brûlait les doigts et, surtout, te laissait fort dépourvu quand tu voulais donner du feu à ta jolie voisine. Ne passons pas sous silence la toujours périlleuse immersion dans la foule parce que tu viens de recevoir un sms de Hojt, il est vers le huitième rang, un peu sur la gauche (tu le vois qui agite le bras, là)(enfin tu vois 432 bras qui s’agitent, l’un d’eux lui appartient probablement).

Bras

Une fois tous ces obstacles surmontés avec succès, il ne te restera plus que l’affrontement final, seul face à l’immensité du parking boueux, tentant de retrouver ta voiture, encerclé par plusieurs milliers de personnes qui ont eu la même idée géniale que toi, tenter la feinte de l’ouverture à distance, c’est joli toutes ces voitures qui s’illuminent dans la nuit, ça fait très ambiance disco.