Archive for November, 2010

Heimweh to hell

Tuesday, November 30th, 2010

Dans le cadre des nouvelles mesures de sécurité helvètes, je suis dans l’obligation de vous faire passer ce petit test d’intégration afin de déterminer si vous représentez un danger envers notre beau réduit national.

Un bon étranger est un étranger
en étrangéristan
riche
chauve
Suisse allemand

Pour faire une bonne fondue, il faut
du Gruyère pas trop salé, du Vacherin, un bon vin blanc, du kirsch, de la maïzena et beaucoup d’ail
du Schabziger
beaucoup de chance
avoir perdu l’odorat dans un accident de cache-nez

Les quatre langues nationales sont
Le chtobirne, le français et puis… ah oui, l’italien et, ahem…
Le züridütsch, le bärndütsch, le baslerdütsch et l’anglais
Quatre langues ? Ça me paraît économiquement irresponsable
La langue de bois, la langue de boeuf, le langue de chat et l’Alinghi

Connaissez-vous l’hymne national ?
Non
Attends je crois que… non, en fait, non
C’est pas un truc avec des montagnes ?
Quoi, on a ça en Suisse ?

Citez un grand artiste suisse
Roger Federer
Henri Dès
L’architecte, là… Corbier ?
Oskar Freysinger

Tiens, puisqu’on parle de Federer, il devrait
être sanctifié
changer de métier
changer de coiffeur
changer de femme

Delon, Schumacher, Polanski et consort sont en Suisse pour
la vue
le calme
le joddle
les Lausannoises

Faut-il faire pique atout avec deux au nell ?
Ça dépend si tu peux repartir derrière avec des bocks
Pas si tu as chantourné un chasuble dans l’escabèche
Oh kottftammi vous les Welsches vous faites n’importe quoi
Ça dépend

Il paraît que dans les dossiers de Wikileaks y a des trucs qui concernent la Suisse
Probablement la recette de la fondue
Tu m’étonnes, le monde est tellement jaloux de la Suisse que les diplomates ont dû s’en donner à coeur joie
Wikileaks, ça a un rapport avec l’agriculture ?
Oh quelqu’un parle de nous ? Ils ont pas confondu avec la Suède ? Judihu !

L’armée suisse est
la plus efficace du monde
décorative
une sorte de grande 7e compagnie
quand même le meilleur moyen d’apprendre des gros mots en Suisse allemand

La devise nationale est
Si on fait une exception pour un, on doit en faire pour tous
So geil !
Dedieu ste cramine
Le franc suisse

Il n’y a pas plus de questions parce que
ça coûte cher
il est interdit de poster après 22 heures
ig ha mini Ovo no nid gha
c’est la crise

Maintenant, comptabilise tes réponses. Si tu as aimé comptabiliser, tu es probablement suisse. Si tu t’es trompé dans le décompte, tu es sûrement un welsche. Imprime tes réponses en huit exemplaires et envoie les par fax au Conseil fédéral. D’ici huit ans, tu devrais avoir les résultats.

Avec ma gueule de patrimoine

Friday, November 26th, 2010

Un samedi, la famille Chouffron, de Frambouhans (25), reçut à dîner des amis, les Planchaud. Catachrèse Chouffron, (qui avait grandi en Côte d’Or) prépara son fameux boeuf bourguignon, avec en entrée une terrine au poivre. Paul-François Chouffron s’était chargé du dessert, une tourte dont il disait détenir la recette d’une vieille tradition familiale, mais qu’il avait en réalité découverte sur marmiton, alors que les Planchaud avaient amené un petit vin d’Arbois et les fromages. Et c’est justement au moment du morbier que débarqua un car entier de touristes japonais venus immortaliser le repas gastronomique à la française, récemment inscrit au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO.

Pendant ce temps-là, des gens essayaient de faire inscrire Le Corbusier au même patrimoine mondial. Pas juste une de ses constructions les moins laides, non, tout son patrimoine architectural.
Puis ce fut la folle cavalcade. Tout le monde voulait voir ses spécificités culturelles reconnues. Les Italiens firent inscrire le farniente au patrimoine mondial de l’humanité, les Suisses les bacs de géraniums devant les fenêtres des chalets au gazon soigneusement tondu et orné de nains, les Espagnols tentèrent d’y faire inscrire le fait de gagner toutes les compétitions sportives, les Russes le petit verre de vodka d’avant 9 heures du matin et les Bretons leurs chapeaux ronds. Partout, dans le monde, il se formait des comités de soutien pour tout et n’importe quoi, le quadrille, la country, le ukulele, l’alpinisme, la viande en sauce.

Un village fit inscrire son architecture particulièrement banale, un autre ses toits particulièrement rouge, un troisième son bar PMU particulièrement fermé le lundi, un dernier son allée de platanes, une des seules au monde à compter 17 platanes. Les demandes ne cessaient d’arriver et cette année-là, l’UNESCO embaucha des centaines de nouveaux spécialistes en inscriptions.

C’est à ce moment-là que quelqu’un demanda “mais à quoi ça sert, au juste, un patrimoine ?”, mais il se fit très vite rappeler à l’ordre.

Une twitteuse jusque là méconnue demanda officiellement à l’UNESCO d’inscrire ses seins au patrimoine mondial de l’humanité. L’idée fit débat: de notes de blogs en vidéos youtube et en groupes de soutien sur Facebook, le buzz fut énorme. Les journaux s’emparèrent de son histoire, déclenchant des centaines de commentaires (tout ça, c’est pour détourner l’attention des vrais problèmes de la société que sont l’islamisation rampante et la construction européenne (Le Figaro) / tout ça, c’est de la faute à Sarkozy (Libération)). Puis, au bout de six mois, quelqu’un demanda “au fait, on les a vus, les nichons de la meuf” et comme tel n’était pas le cas, on passa à autre chose.

Puis un groupe de militants postnéoalterhippies proposèrent d’inscrire l’humanité au patrimoine mondial de l’humanité. Ce fut accepté, ce qui provoqua immédiatement une fissure dans l’espace-temps et, à terme, l’invasion du monde par des créatures ressemblant un peu à des kangourous mais pas trop.

Quant à Paul-François Chouffron, il aurait bien repris un peu de salade.

Est-ce PQR ?

Thursday, November 25th, 2010

Des nuages noirs s’amoncelaient. Le vent se faisait plus mordant, tout droit venu des régions arctiques. Le premier flocon n’allait plus tarder à tomber.

Pierre-Pascal sortit de son bureau et demanda au premier quidam venu ce qu’il pensait de la neige. Réflexe pavlovien. Cela faisait pourtant des années qu’il avait arrêté le journalisme, sa famille le pressant de se consacrer à une activité sérieuse. Mais, chaque hiver, c’était la même chose : le jour des premières chutes de neige de l’année, il ressortait sa vieille caméra et s’en allait interviewer Olaf, automobiliste en train de changer ses pneus, Hojt, employé communal très affairé à déneiger les rues, et la célèbre météorologue Maria Mettral qui lui disait que il n’y a plus de saisons, mon bon monsieur, ces enfants heureux de jouer dans la neige mais bien conscients que leur bonhomme ne tiendrait pas la nuit, mince de mine, ça vaut bien la peine, on perd une carotte à chaque fois.

De tous les marronniers, la première neige avait toujours été son préféré. La journée mondiale de l’alcoolisme, la journée mondiale de la salpingite, la journée mondiale de la jupe, il s’en passait volontiers. La baisse des réservations de vacances, la hausse du prix de l’essence, la rentrée scolaire, l’anniversaire du siège de Sébastopol et l’émergence des blogs de mode, il n’y avait jamais plus repensé.

En revanche, il se souvenait avec effroi d’un hiver terrible. Le premier flocon, timide, avait attendu janvier pour se montrer. Quand, enfin, il avait touché terre, Pierre-Pascal avait brandi sa caméra pour s’en aller glaner de précieux témoignages glacés. Las. Ce jour-là, un cruel destin avait fait coïncider le fait d’hiver avec tant d’événements si importants que l’agression d’un rottweiler par une vieille et un nouveau rebondissement dans l’affaire du type qui faisait la grève de la faim depuis six mois que le reportage sur les premières chutes de neige avait été réduit au minimum, 15 secondes d’images en musique en fin de journal.

Mais où sont les neiges d’antan ?, se demandait Pierre-Pascal, qui officiait aujourd’hui comme Community Manager pour une grande entreprises de saucisses.

Mais soudain, il vit foncer sur lui Plectruda, la jeune stagiaire qui l’avait remplacé lorsqu’il avait quitté Goumoens-Télé. « Monsieur, je vous prie, pourriez-vous me dire ce que vous pensez de la neige ? » « Mais, ma pauvre enfant », répondit-il avec ce souci de didactisme qui l’avait toujours caractérisé, « c’est complètement con, comme question. »

XY

Tuesday, November 23rd, 2010

Aujourd’hui, nimbé de mystère, un anonyme m’a demandé sans brûler son pourpoint d’analyser Génération TEXTO, l’hymne générationnel des Be Wiz’U.

J’ai commencé par décliner poliment, car à trop tirer sur les ambulances, on finit par faire pin-pon sur le chihuahua. Puis l’esprit de Mylène Farmer m’est apparu en songe et m’a dit qu’il fallait voir le deuxième sens qui se cachait derrière le premier sens qui apparaît en premier (c’était peut-être l’esprit de Nicola Sirkis, finalement). Et c’est là que j’ai compris que cette chanson était bien plus subtile qu’on ne le croit de prime abord.

(Je te signale au passage, jeune googlisateur égaré, que ce site est le premier de tous les internets à proposer les paroles de cette chanson, moins une strophe, dans une orthographe approchant plus ou moins celle préconisée par la génération Larousse)(merci à balbinus de m’avoir aidé à reconstituer les paroles)

TEXTO Géneration texto

Il y a un terrible malentendu quant à cette chanson : comme elle est chantée par des enfants, on s’imagine qu’elle parle d’enfants. Comme si, en raison de leur jeune âge, ils ne pouvaient se mettre dans la peau d’un autre, tenter de comprendre les attentes et les espérances des générations qui les ont précédés et, de ce fait, créer un pont intergénérationnel entre nous et le ciel.
Or, qui est la génération Texto ? Et bien, c’est nous, bien sûr ! Nous, les presque digital native, qui avons appris les balbutiements de la révolution informatique avec Donkey Kong, qui avons été les tout derniers à dire “moi en tout cas, j’aurai jamais de téléphone portable” et les tout premiers à en acheter, vingt minutes après les premières offres “si tu t’engages à t’abonner pour les quatre prochaines années et à nous donner ton fils aîné, on t’offre un rabais substantiel de 2 francs 50 sur l’achat de ton superbe Nokia 4210 (avec le compositeur et le jeu du serpent pour t’amuser pendant des heures)”. Nous qui avons inventé le langage sms et qui, aujourd’hui, refusant de reconnaître le monstre que nous avons créé, nous en moquons.
Il ne s’agit donc pas d’une chanson sur les dérives d’une jeunesse perdue, mais au contraire, et c’est un thème original et jamais traité jusque là, du moins pas avec une telle acuité, d’une oeuvre évoquant la nostalgie des trentenaires.

Nous on s’aime et on s’le dit sur msn

Une génération, donc, qui est arrivée sur le marché du travail plus ou moins en même temps que l’internet et qui, pendant que Madame Gomez de la compta n’y comprenait rien à tous ces e-mails, installait en douce msn pour pouvoir wizzer des meufs discretos pendant ses heures de boulot.

TEXTO Génération texto
Et on soigne notre look en photo sur facebook

Et qui, aujourd’hui, à l’heure du premier cheveu blanc, retrouve Gisela, son amour de primaire, sur Facebook et remplace donc sa photo de profil en slip à Eurodisney par une autre, en noir et blanc avec le regard perdu dans l’infini.

Communiquer est maintenant si facile

Dame, oui. Avant, il fallait faire des simagrées pour faire comprendre à Gisela qu’elle nous plaisait, maintenant, un poke et c’est réglé.

On se passe des appels utiles ou futiles.

Alors que du temps de notre enfance dorée, impossible de se passer des appels futiles, on n’avait pas le temps pour le badinage, il fallait d’abord aller travailler à la mine et combattre les rhinocéros laineux. (En plus, quand on appelait Gisela, c’est sa maman qui répondait et elle faisait un peu peur)

On s’envoie des photo c’est instantané

Et, miracle de la technologie, on peut même lui demander une photo de ses seins sans que les développateurs ne nous regardent avec leur air égrillard.

En prenant soin de ne pas éclater son forfait

Car la génération TEXTO sait mieux que quiconque l’importance d’économiser, ça fait trente ans qu’on lui fout savamment la trouille à grands coups de crises et de chômage.

Quel est ton pseudo et ton numéro ?

Alors c’est le 079 473
non pardon, je suis con
lol
mdr
Oui donc ce passage illustre brillamment la schizophrénie croissante dont sont victimes les utilisateurs des nouveaux vecteurs de communication, obligés de constamment jongler entre sms, tweet, statut facebook, billet de blog sur son blog perso, sur son blog corporate, sur le blog de son club de frisbee, de jongler entre toutes ces identités numériques sans s’y perdre, de se rappeler que bogoss du 2740 sur msn, Jean-Pierre Frouchard sur Facebook et “le mec chelou qui me stalke, je sais plus d’où je le connais” dans le répertoire téléphonique de Gisela ne font qu’un.

Je t’envoie des fichiers pièce jointes en dossier

Et c’est là qu’on comprend, soudain, que la chanson ne parle pas des jeunes, qui ne se laisseraient jamais aller à dire des choses pareilles. Elle évoque le drame de ces gens, qui restent nos amis même s’ils n’ont jamais tellement été fans de tous ces ordinateurs, et nous disent tu pourrais pas venir regarder, toi qui es trop un djik, pourquoi quand j’envoie des pièces jointes en dossier ça passe pas est-ce que c’est à cause de mon firework ou bien parce que j’ai pas mis à jour l’antivirus d’internet explorer ?

Je t’envoie un sms, tu le reçois express
Tu me réponds par courriel sur mon adresse mail.

On retrouve l’idée forte du jonglage entre les médias.

Refrain

on aimerait tous un phone customisé en logo

On retrouve l’idée de la personne qui aimerait utiliser les mots juste mais a visiblement de la peine. Et qui aimerait apporter un peu d’humanité à ce monde technologique en personnalisant le logo de son téléphone.

blindé en unités,

Une petite métaphore guerrière assez saugrenue, peut-être pour rappeler que nos premiers téléphones ressemblaient à des chars d’assauts.

non-stop en réseau

et qu’aujourd’hui, on peut être connectés en permanence

Avoir un abonnement tout illimité
Bien plus pratique pour ne pas éclater ton forfait

Ça c’est vrai, on ne le dit pas assez souvent, mais ne pas avoir de forfait est un assez bon moyen de ne pas l’éclater. Pensez-y, chez vous.

Attrape mon pseudo
prends mon numéro
J’ai des trucs à t’envoyer on va bien se marrer

Loin d’isoler, ce dont on l’accuse souvent, cette prolifération de médias permet de partager ses plus belles créations de pps de chats.

Je suis en forme de lol
DJ à la mode

(je ne suis pas sûr d’avoir retranscrit ce passage correctement… c’est gentil de faire chanter les jeunes porteurs d’appareils, minorité visible opprimée certes, mais enfin, j’ai rien compris et je n’ose plus redemander à mes facebook friends de peur de ne plus me faire poker aussi souvent)(enfin, il s’agit d’exemples de trucs qu’on peut s’envoyer, probablement, donc remplacez ça dans votre tête par “pps de chats” et ça passera)

Trop fort je l’ai écouté
et téléchargé

On sent dans cette dernière phrase un plaidoyer, vibrant et courageux, en faveur le téléchargement, ce qui est assez rare de la part d’artistes francophones.

France Moisir

Wednesday, November 17th, 2010

Il y a eu ce moment fatidique où les mots qui sortaient de ta bouche t’ont estomaqué toi-même. Dans une BD franco-belge, il y aurait eu une scène avec ta bonne et ta mauvaise conscience en train de se battre. Sauf que celle qui a gagné à la fin, ce n’est pas ta bonne conscience et pas plus ta mauvaise, c’est ta conscience employée d’état. Celle qui, pour qu’on lui foute la paix, finit par accepter n’importe quoi.
C’est ta faute, en plus. Quand tu l’as vue approcher, tu aurais dû baisser la tête, regarder ailleurs, passer ton chemin. Mais non, jovial et naïf, tu l’as laissée te baratiner jusqu’au bout. Elle était jolie, bien sûr, mais quand même, tu aurais pu lui dire que tu avais un truc sur le feu (oui, ça se passait au salon du livre, et alors ?), un rendez-vous garé en double-file, je ne sais pas, fais travailler ton imagination ! Tu t’es douté que quelque chose clochait quand elle t’a conseillé, sans sourciller, un bouquin qui te plairait probablement. Elle t’a demandé ce que tu lisais en ce moment, tu lui as répondu « J’adore Pratchett… ah vous connaissez pas ? c’est de la fantasy parodique, disons » et elle t’a conseillé « Je l’aimais pourtant parce que c’était vrai, vous verrez, c’est plein de fantaisie. »

Et depuis, tu dois commander un livre. Tous les trois mois. Depuis trente ans. Au début, naïvement, tu t’es dit que ce n’était pas si grave de commander un livre, c’est bien, les livres. Puis tu as été sur leur site. Rayon littérature, y avait le dernier Musso et le nouveau Placid et Muzo. Tu t’es dit que tu allais y réfléchir encore un peu. Quand tu as reçu un sms, un mail, un coup de fil, un coup de fax et un message écrit au canif sur le cartable de ton aîné Benjamin, te prévenant que « attention, si vous ne commandez pas dans les 5 minutes, un châtiment terrible vous attend : notre sélection du mois », tu t’es dit que bon, ok, faudrait quand même voir pour commander un truc. Tu t’es rabattu sur « la cuisine ayurvédique expliquée à mon chien », un best-seller très bien. Il est toujours dans son emballage.

Trois mois plus tard, tu as opté pour un roman historique qui te plonge dans une fabuleuse histoire au coeur des sentiments humains. Il est très pratique pour caler ta cheminée.

Trois mois plus tard, tu as pas fait gaffe et paf, tu as reçu la grande sélection du mois. Dans un moment de désespoir, tu l’as lue. Depuis, tu ne vois plus le monde de la même manière. Tu as de la peine à t’endormir le soir, il paraît que tu hurles souvent « non, pas la sélection, pas la sélection », ce qui a grandement nui à ta carrière footballistique. Tu as décidé de te lancer dans un grand roman sur les retrouvailles d’un boucher-charpentier avec son amour de jeunesse qu’il croyait décédé, tu as ajouté des métaphores filasses et des descriptions à l’érotisme si intense que même ton épouse, mère de tes huit enfants, t’a cru vierge en les relisant. Juste pour te venger. Juste pour que ça devienne un jour la sélection du mois et que des gens souffrent comme tu as souffert.

Et ce n’est pas le pire. Dans un instant de faiblesse, tu leur as donné ton numéro de portable. Ils t’appellent tout le temps. Pour t’offrir des trucs. Tu ne peux quand même pas insulter des gens qui t’appellent pour t’offrir des trucs, si ? Si. Après 17 appels anonymes en absence, tu te sentais important : « J’ai un stalker, les mecs, j’ai un stalker ! » Tu as quand même fini par décrocher, de guerre lasse. Ton stalker t’a parlé d’une grande promo sur les DVD de Michel Boujenah. Très vite, sans respirer. Le fait que tu lui dises que ça ne t’intéresse pas l’a à peine ébranlé. Le fait que tu lui dises « partez où j’appelle la police » guère plus. A qui tu vas les refourguer, ces DVD, maintenant ?

Puis ils ont recommencé, 32 appels en absence, des fax, des signaux de fumée puis, finalement, un message attaché à la patte d’un corbeau mort retrouvé devant la porte de ta résidence secondaire dans l’Oberland sarthois : « Prends garde, car un grand danger te menace. -50% sur tous les ouvrages de Marc Lévy. Bisous. »

Beurre remanié

Monday, November 15th, 2010

Ce dimanche, nos amis français, en plus de la Formule 1, du rôti et de Drucker, ils ont eu droit à un remaniement ministériel.

C’est une spécialité locale. Chez nous, on laisse les ministres prendre la poussière pendant seize ans aux transports, pour pas gâcher. Probablement un héritage calviniste. Chez eux, la durée de vie est de six mois, probablement pour bien montrer que les ministres, ça sert pas à grand chose. Ici, tout le monde s’énerve quand les départements sont tous détenus par des jeunots qui ont moins de cinq ans de fonction, en France, on commence à s’agiter quand il y a pas eu de rumeurs de remaniement depuis plus de six semaines. Ici, quand on vire un ministre, on en parle encore dix ans plus tard, outre-Doubs, quand on vire un ministre, on en profite pour faire un paquet de douze. Ici, pour être ministre si t’es socialiste, faut plaire à la droite et donc être un socialiste pas trop marqué à gauche et… ah non, ça c’est pareil, tiens. Et chez nous, pour créer un nouveau sous-département, ça prend environ 120 ans de discussions alors qu’en Sarkozye, à chaque remaniement, y a douze nouveautés. Ce coup-ci, c’est les ministères auprès des ministères, qui servent avant tout à dire, si j’ai bien compris, “ah mais si, regardez, on a des femmes dans notre gouvernement, la ministre auprès du ministre en charge de la campagne et des oiseaux, c’est pas une femme, peut-être ? En plus elle est noire, arabe, rousse, gauchère, extrême-centriste et fan du FC Arles-Avignon, toutes les minorités sont représentées au sein de ce gouvernement !”

Et de temps en temps, on trace un ancien ministère, et c’est de ça que je voulais te parler : la France n’a déjà plus de ministère de l’identité nationale. Comment vont-ils vivre sans ? Vont-ils finir comme nous, malheureux hérétiques qui, dès que Federer est éliminé et les étrangers criminels expulsés, oublions fissa toute notion d’identité nationale et nous laissons aller sans vergogne aux blagues sur les Valaisans ?

Je te laisse y réfléchir, tu viendras me dire. Parce que de toutes façons je n’ai jamais tellement compris l’utilité de l’identité nationale pour des pays qui existent déjà. Ça te force à te passionner pour le ski de fond ou l’escrime en fauteuil roulant, c’est une vraie saloperie.

Par contre, si tu veux déclarer indépendant ton quartier, ton immeuble, ta région ou ton groupe facebook, ça devient très utile. Mais il te faudra la fabriquer. Et c’est comme la mayonnaise, la recette a l’air simple mais si tu fais pas un tantinet gaffe, ça prend pas.

Pour fabriquer toi même ta propre identité nationale, il te faudra d’abord une peuplade, si possible pré-romaine ou à la rigueur médiévale, qui a vécu plus ou moins dans le coin. Avec un héros. Genre un mec qui, deux semaines avant que la peuplade ne se soit fait rétamer la gueule par César comme vous et moi, aurait déclaré « Moi les Romains, tu sais ce que je leur dis ? De toutes façons c’est des truites ». Tant pis si, en fait, ladite tribu a passé à peine deux semaines dans le coin et pratiquait le sacrifice félin, le but c’est que tu aies des mythes fondateurs. Après tu te démerdes pour métaphorer tout ça, montrer à quel point ça illustre le combat actuel contre l’oppresseur. Parce que forcément, il te faudra un oppresseur, sinon ça risque de moins marcher.
Mais pour ça, c’est facile, tu trouves un vieux qui parle un peu patois, ou alors qui radote et qui a perdu son dentier, et tu expliques que c’est à cause de l’oppresseur qu’on a perdu notre langue et si on n’y prend pas garde, demain, ils nous empêcheront de danser nos danses traditionnelles (il te faudra une danse traditionnelle, du coup. Essaie de demander au même vieux, ça peut marcher). Après tu trouves un graphiste au chômage pour te faire un beau drapeau avec du rouge pour la résistance contre l’oppresseur, du fuchsia pour le poids des traditions et une licorne parce que c’est classe, et un chanteur au chômage pour composer l’hymne national et, grâce à la danse traditionnelle, remporter le prochain Eurovision et le tour est joué, tu as ton identité nationale et tu pourras occuper tes ministres au chômage. Il te faut aussi une devise nationale, que tu trouveras facilement sur evene.fr, et une équipe de foot. Ensuite, tu fais comme tu veux mais le mieux c’est encore de lancer une guerre.

Ensuite, tu te souviens que c’est un peu comme la mayonnaise et que ça va pas être possible, tu es au régime, et tu jettes.

équivalent, paraphrase, pareil, semblable

Thursday, November 11th, 2010

Parmi les objets super dangereux et pourtant en vente libre, que fait le gouvernement ?, il y a le dictionnaire des synonymes.

Prends un exemple. Au hasard. Si tu dis “les expatriés ont su conserver leur identité” ou “les immigrés refusent de s’intégrer”, tu décris exactement la même situation, tu changes juste les mots. Et pourtant. Dans un cas, tu vois tout de suite le danger, tout le monde sait bien qu’une intégration ratée augmente l’insécurité. Alors que dans l’autre cas, le seul danger que tu redoutes, c’est une indigestion après une fête traditionnelle au centre culturel.

Insécurité, tiens, c’est bien, aussi, comme exemple. C’est synonyme d’appréhension, crainte, inquiétude. Par exemple, des enfants pourraient dire : “Je ne puis me joindre à ce camp de poney, en raison de la terrible insécurité que provoquent en moi ces créatures démoniaques.” Ou alors leurs parents, au contraire, pourraient affirmer : “Nous avons décidé d’installer une veilleuse dans la chambre de Toni, il souffrait d’un sentiment d’insécurité face aux monstres clandestins cachés sous son lit pour profiter de notre système”. Attention aux faux amis, “combattre le sentiment d’insécurité” n’est absolument pas synonyme de “coller tous les méchants du monde au trou une bonne fois pour toute qu’on n’en parle plus” mais juste de “mettre des veilleuses à tous les coins de rue pour que les gens aient l’impression d’avoir un peu moins peur (mais pas trop, quand même, ils seraient encore foutus de ne plus voter pour nous après, ces cons)”

Mais il y a d’autres synonymes nettement plus sympathiques. Par exemple, au lieu de “on m’a invité à un apéro, je vais aller boire des coups et raconter des conneries aux potes”, tu peux très bien dire “on m’a invité à une verrée, je dois y aller pour faire du réseautage”. Ou pour “j’ai encore passé l’après-midi à glander sur Facebook (j’ai vu une super vidéo de chat)”, “mon expertise en networking ferait de moi un redoutable community manager (ou alors, un expert ès félidés)”
Et plutôt que “je ne sais pas du tout quelle chute apporter à ce post”, on préférera “j’aime laisser le lecteur sur une fin ouverte”

Paint it black

Thursday, November 4th, 2010

Aujourd’hui, répondons à cette question existentielle et capitale:

Peut-on se plaindre des gens qui se plaignent tout le temps ?

Popularisés par les réseaux sociaux, un terrain qu’ils affectionnent et où ils se reproduisent comme des grille-pains, les gens qui se plaignent tout le temps ont pourtant toujours existé. Des archéologues ont récemment découvert le crâne d’un homme abattu à grands coups d’os de tigre à dents de sabre il y a plus de 18 212 ans, très probablement parce qu’il se plaignait encore que mais c’est pas vrai, y a encore du mammouth à la cantine ?

Ils sont là, partout (mais surtout à la buanderie et à la poste), prêts à maculer de noir les murs de la vie. Ils trouvent que rien n’est comme avant, les jeunes, les vieux, la nouvelle version de Facebook, ils ont cette particularité magique qui les rend si unique de ne jamais voir le verre à moitié plein. Et si le verre est plein, ils se disent qu’ils n’ont pas soif et qu’ils auront la gueule de bois demain et qui c’est qui va devoir le laver, ce verre ?

Pour les reconnaître, c’est facile, il suffit de leur tendre des pièges en leur annonçant des bonnes nouvelles.
« Tu vas être augmenté. »
« Pfff, je vais devoir payer plus d’impôts. »
« En plus ils annoncent du beau demain. »
« Aïe, je vais encore prendre des coups de soleil. »
« C’est demain que Scarlett Johansson vient te cuisiner une fondue nue, non ? »
« Pff, m’en parle pas, je digère jamais la fondue, et puis c’est pas un temps à fondue, et en plus je sais jamais écrire son nom… »
« Non mais demain ils annoncent du moche ! »
« Ça m’étonne pas ! Y a plus de saisons ! Ça pouvait pas durer, ce beau ! »

Une fois reconnus, n’essayez pas de les convaincre que la vie est belle (« Clair… ça va pas durer longtemps ») que les oiseaux chantent (« ça m’empêche de dormir ») et qu’ils avaient écrit Scarlett Johansson juste (« de toutes façons, je n’aime qu’Hélène Segara »). Parce qu’au mieux, c’est eux qui finiront par vous convaincre que la vie n’est qu’une truite (« Pfff… comment tu veux que je continue à utiliser cette expression maintenant que Cali me l’a piquée »).

Et donc, excédé, vous n’aurez plus qu’une solution : trouver quelqu’un d’autre à qui vous plaindre de l’autre qui se plaint. Oui parce que bon : si cette personne vous a choisi vous comme réceptacle de ces pleurs, c’est pour une bonne raison. Comme par hasard, c’est toujours sur vous que ça tombe. Parce que vous êtes trop bonne poire. On vous y reprendra, tiens, à vouloir rendre service. Et pourquoi ils passent leur temps à se plaindre, d’abord ? Probablement pour vous faire chier, non (tu vois, ça commence à prendre, là) ?
Et de fil en aiguille, vous entraînerez le monde entier dans une grande ronde macabre de l’amitié venimeuse, alors que si vous vous étiez contenté d’un coup de maillet dès le début (« Oh mais t’es chiant, tu sais bien que je préfère les battes ! »)

Je crois que c’est Clerc

Monday, November 1st, 2010

La sémillante Leïleï m’a un jour demandé de lui expliquer le coup des coquilles de noix dans la chanson « ce n’est rien » de Julien Clerc. Depuis, le temps a passé et j’ai eu tout loisir de bien réfléchir au sens caché de cette chanson. Si toi aussi, tu aimerais passer commande, choisis une chanson qui ne reste pas autant dans la tête, merci.

Si tu veux réécouter la chanson en lisant ce post, je te laisse le choix entre cette vidéo à la chorégraphie ébouriffante et ce splendide montage réalisé par un internaute (un jour, il faudra m’expliquer calmement pourquoi les gens font ça).

Ce n’est rien, Etienne Roda-Gil, Julien Clerc

Ce n’est rien

Du coup, on aurait pu s’arrêter là.

Tu le sais bien
Le temps passe
Ce n’est rien

C’est vrai. Le temps qui passe, c’est parfois un peu embêtant, genre quand tu as oublié un truc en 2006 tu peux difficilement aller le récupérer, mais si tu commences à le prendre trop personnellement, à t’attacher tellement à chaque seconde qu’il te faut une semaine de deuil pour te remettre de sa mort, c’est vite gênant.

Tu sais bien

TMTC. Bestah. Pardon. Je reprends.

Elles s’en vont comme les bateaux

Un bateau ça s’en va assez lentement, en dérivant, après qu’on a dénoué la corde qui le retenait à la rive. Je sais pas qui est le elles de la métaphore mais Julien Clerc a l’air de pas les aimer

Et soudain
Ça revient

C’est plutôt un bateau de ligne, donc, pas un paquebot, qui revient après avoir emmené des vieux en croisière au large des îles, animation avec Roger et son accordéon. Peut-être le MS Siesta ou le Ville de Morges qui revient les bras chargés de pendulaires frontaliers. Ou alors une barque de pêcheurs, ou un pédalo.

Pour un bateau qui s’en va
Et revient

On comprend bien l’idée: c’est une chanson de marins.

II y a mille coquilles de noix
Sur ton chemin
Qui coulent et c’est très bien

Des marins qui, à chaque fois qu’un bateau s’en va, sont très nerveux et mangent des noix toute la journée pour se détendre un peu. Il faut pas, ça file des aphtes. Ils mangent des noix, ils balancent les coquilles à la flotte, du coup, à la fin de la journée, ils se disent “Ouh fan de chichoune, on y a été un peu fort sur les noix, ça m’escagasse, le patron va encore faire tout un pastis, comme le jour où on en avait mangé tellement que le Vieux Port était bloqué” mais heureusement, certaines coquilles finissent par couler et c’est très bien.

Et c’est comme une tourterelle
Qui s’éloigne à tire d’aile
En emportant le duvet
Qu’était ton lit
Un beau matin

Je vois pas bien ce que ça vient faire là, on parlait bateaux, laissons les oiseaux en dehors de tout ça, sauf éventuellement les mouettes qui suivent un chalutier. Toutefois, Julien Clerc fait bien de mettre en garde contre les dangers des tourterelles. On les nourrit et, paf !, un beau matin, ces saletés, non contentes de faire leurs besoins sur ta voiture pile au moment où tu viens de la laver, elles te piquent ton duvet (ça ne m’est jamais arrivé, probablement parce qu’on a plus de moineaux, de pigeons, dans mon coin, mais ça fout la trouille).

Et ce n’est qu’une fleur nouvelle

C’est à la fois un bateau, une tourterelle et une fleur, donc. Je ne comprends plus du tout de quoi on parle, mais je refuse de monter dedans.

Et qui s’en va vers la grêle

Une fleur qui s’en va ? Probablement un hommage à Pokémon, Chetiflor préfère fuir face à l’attaque grêle de son adversaire. Et c’est très bien.

Comme un petit radeau frêle
Sur l’océan

Alors pardon, je ne suis pas spécialiste en navigation, mais s’en aller vers la grêle en radeau, c’est pas un peu con ?

Ce n’est rien

Je commence à me le dire, oui.

Tu le sais bien
Le temps passe
Ce n’est rien
Tu sais bien
Elles s’en vont comme les bateaux
Et soudain
Ça prévient

Quand elles se barrent, c’est elles, mais quand elles reviennent c’est ça. Pas très classe.

Comme un bateau qui revient

Ok en même temps, je comprends, on a pas envie d’être poli avec des gens qui balancent un coup de corne de brume en revenant.

Et soudain
Il y a mille sirènes de joie

Eh beh, ça doit en faire, un boucan.

Sur ton chemin
Qui résonnent et c’est très bien

Très bien, faut le dire vite, si à chaque fois qu’un bateau revient dans ton port y a autant de bruit, attends-toi à pas mal de réclamations, tu sais comment sont les gens.

Et ce n’est qu’une tourterelle
Qui revient à tire d’aile
En rapportant le duvet
Qu’était ton lit
Un beau matin

Ouais, elle a eu des remords, c’est bien, mais elle aurait pu nettoyer un peu parce qu’il est tout salopé, là, mon duvet qui était mon lit parce qu’à cause de la crise j’ai même plus les moyens de m’acheter un matelas.

Et ce n’est qu’une fleur nouvelle
Et qui s’en va vers la grêle
Comme un petit radeau frêle
Sur l’océan

Ça prévient
Comme un bateau qui revient
Et soudain
Il y a mille sirènes de joie
Sur ton chemin
Qui résonnent et c’est très bien

Et ce n’est qu’une tourterelle
Qui r’viendra à tire d’aile
En rapportant le duvet
Qu’était son nid
Un beau matin

Et ce n’est qu’une fleur nouvelle
Et qui s’en va vers la grêle
Comme un petit radeau frêle
Sur l’océan

Ah, ça y est, je sais. J’ai compris le “elles” du début. Elles s’en vont comme des bateaux, elles reviennent comme des radeaux, ce sont, les métaphores, c’est évident. Les métaphores qui peuvent être à la fois des bateaux, des tourtes et des fleurs, même si à force de trop emmêler leurs fils on se prend les pieds dans le tapis.
C’est une très belle chanson porteuse d’espoir, surtout pour les vendeurs de noix et de sirènes.