Je crois que c’est Clerc

La sémillante Leïleï m’a un jour demandé de lui expliquer le coup des coquilles de noix dans la chanson « ce n’est rien » de Julien Clerc. Depuis, le temps a passé et j’ai eu tout loisir de bien réfléchir au sens caché de cette chanson. Si toi aussi, tu aimerais passer commande, choisis une chanson qui ne reste pas autant dans la tête, merci.

Si tu veux réécouter la chanson en lisant ce post, je te laisse le choix entre cette vidéo à la chorégraphie ébouriffante et ce splendide montage réalisé par un internaute (un jour, il faudra m’expliquer calmement pourquoi les gens font ça).

Ce n’est rien, Etienne Roda-Gil, Julien Clerc

Ce n’est rien

Du coup, on aurait pu s’arrêter là.

Tu le sais bien
Le temps passe
Ce n’est rien

C’est vrai. Le temps qui passe, c’est parfois un peu embêtant, genre quand tu as oublié un truc en 2006 tu peux difficilement aller le récupérer, mais si tu commences à le prendre trop personnellement, à t’attacher tellement à chaque seconde qu’il te faut une semaine de deuil pour te remettre de sa mort, c’est vite gênant.

Tu sais bien

TMTC. Bestah. Pardon. Je reprends.

Elles s’en vont comme les bateaux

Un bateau ça s’en va assez lentement, en dérivant, après qu’on a dénoué la corde qui le retenait à la rive. Je sais pas qui est le elles de la métaphore mais Julien Clerc a l’air de pas les aimer

Et soudain
Ça revient

C’est plutôt un bateau de ligne, donc, pas un paquebot, qui revient après avoir emmené des vieux en croisière au large des îles, animation avec Roger et son accordéon. Peut-être le MS Siesta ou le Ville de Morges qui revient les bras chargés de pendulaires frontaliers. Ou alors une barque de pêcheurs, ou un pédalo.

Pour un bateau qui s’en va
Et revient

On comprend bien l’idée: c’est une chanson de marins.

II y a mille coquilles de noix
Sur ton chemin
Qui coulent et c’est très bien

Des marins qui, à chaque fois qu’un bateau s’en va, sont très nerveux et mangent des noix toute la journée pour se détendre un peu. Il faut pas, ça file des aphtes. Ils mangent des noix, ils balancent les coquilles à la flotte, du coup, à la fin de la journée, ils se disent “Ouh fan de chichoune, on y a été un peu fort sur les noix, ça m’escagasse, le patron va encore faire tout un pastis, comme le jour où on en avait mangé tellement que le Vieux Port était bloqué” mais heureusement, certaines coquilles finissent par couler et c’est très bien.

Et c’est comme une tourterelle
Qui s’éloigne à tire d’aile
En emportant le duvet
Qu’était ton lit
Un beau matin

Je vois pas bien ce que ça vient faire là, on parlait bateaux, laissons les oiseaux en dehors de tout ça, sauf éventuellement les mouettes qui suivent un chalutier. Toutefois, Julien Clerc fait bien de mettre en garde contre les dangers des tourterelles. On les nourrit et, paf !, un beau matin, ces saletés, non contentes de faire leurs besoins sur ta voiture pile au moment où tu viens de la laver, elles te piquent ton duvet (ça ne m’est jamais arrivé, probablement parce qu’on a plus de moineaux, de pigeons, dans mon coin, mais ça fout la trouille).

Et ce n’est qu’une fleur nouvelle

C’est à la fois un bateau, une tourterelle et une fleur, donc. Je ne comprends plus du tout de quoi on parle, mais je refuse de monter dedans.

Et qui s’en va vers la grêle

Une fleur qui s’en va ? Probablement un hommage à Pokémon, Chetiflor préfère fuir face à l’attaque grêle de son adversaire. Et c’est très bien.

Comme un petit radeau frêle
Sur l’océan

Alors pardon, je ne suis pas spécialiste en navigation, mais s’en aller vers la grêle en radeau, c’est pas un peu con ?

Ce n’est rien

Je commence à me le dire, oui.

Tu le sais bien
Le temps passe
Ce n’est rien
Tu sais bien
Elles s’en vont comme les bateaux
Et soudain
Ça prévient

Quand elles se barrent, c’est elles, mais quand elles reviennent c’est ça. Pas très classe.

Comme un bateau qui revient

Ok en même temps, je comprends, on a pas envie d’être poli avec des gens qui balancent un coup de corne de brume en revenant.

Et soudain
Il y a mille sirènes de joie

Eh beh, ça doit en faire, un boucan.

Sur ton chemin
Qui résonnent et c’est très bien

Très bien, faut le dire vite, si à chaque fois qu’un bateau revient dans ton port y a autant de bruit, attends-toi à pas mal de réclamations, tu sais comment sont les gens.

Et ce n’est qu’une tourterelle
Qui revient à tire d’aile
En rapportant le duvet
Qu’était ton lit
Un beau matin

Ouais, elle a eu des remords, c’est bien, mais elle aurait pu nettoyer un peu parce qu’il est tout salopé, là, mon duvet qui était mon lit parce qu’à cause de la crise j’ai même plus les moyens de m’acheter un matelas.

Et ce n’est qu’une fleur nouvelle
Et qui s’en va vers la grêle
Comme un petit radeau frêle
Sur l’océan

Ça prévient
Comme un bateau qui revient
Et soudain
Il y a mille sirènes de joie
Sur ton chemin
Qui résonnent et c’est très bien

Et ce n’est qu’une tourterelle
Qui r’viendra à tire d’aile
En rapportant le duvet
Qu’était son nid
Un beau matin

Et ce n’est qu’une fleur nouvelle
Et qui s’en va vers la grêle
Comme un petit radeau frêle
Sur l’océan

Ah, ça y est, je sais. J’ai compris le “elles” du début. Elles s’en vont comme des bateaux, elles reviennent comme des radeaux, ce sont, les métaphores, c’est évident. Les métaphores qui peuvent être à la fois des bateaux, des tourtes et des fleurs, même si à force de trop emmêler leurs fils on se prend les pieds dans le tapis.
C’est une très belle chanson porteuse d’espoir, surtout pour les vendeurs de noix et de sirènes.

32 Responses to “Je crois que c’est Clerc”

  1. mané says:

    prem’s

  2. raph says:

    Ouééééé j’ai de nouveau un blog à prem’s !

  3. luria says:

    Ah yes, enfin une explication de chanson que je connais (et que j’aime bien en plus) (wé j’aime bien les chansons de Juju oldschool) (enfin sauf “la Californie”, là faut pas pousser). Faut dire l’espoir des sirènes à la noix, c’est tout moi.

  4. Isabelle says:

    Le splendide montage que tu nous as mis en lien au début, c’est juste un artiste autoproclamé qui cherche à vendre ses tableaux ? Sinon, je ne vois pas ….

  5. Jean Meyran says:

    Môsieur Raph, votre pitoyable tentative d’imitation de l’accent méridional est pourtant interdit aux suisses depuis le pacte Bryan-Kellog, cheval donc vous signaler à Twitter où l’on sait ce que respect veut dire…

    Je ne vous salue pas
    @jmeyran

  6. mlle-cassis says:

    Ahlala, mais <3 <3 <3 au capileux et voletant Julien! (spécial coup de coeur pour le mime des tourterelles pilleuses de duvet vers '51)

  7. Dan says:

    Je pense que sur ce coup là tu es moins pertinent mais ce n’est que mon avis qui n’est pas totalement objectif car j’aime cette chanson. Néanmoins c’est toujours intéressant quand quelqu’un vient “démonter” une texte ou une oeuvre que l’on n’aurait pas l’idée de critiquer. Merci donc…A+

  8. Leïleï says:

    Après 10h de studio cet aprem, je viens de rentrer, il est 2h48, je pense aller me coucher en pleurant de joie du tournant que vient de prendre ma vie puisqu’enfin je comprends les coquilles de noix.
    Sans toi rien n’eût été possible. Et ce n’est pas rien.
    <3

  9. hurluberlulu says:

    Oui, mais non !

    Car il me semble que le meilleur exégète de cette chanson fut Eric Cantona qui, dans sa fameuse tirade des mouettes et des chalutiers, essayait déjà de dire que ce n’était rien et que ça revenait.
    D’un autre coté, peut-être parlait-il de la chanson de Claude François, “ça s’en va et ça revient”.
    Ou alors, c’est l’inverse.

    Je sais pas mais en tout cas, bravo.

  10. raph says:

    Dan : ah moi les textes que je trouve le plus réussi sont justement ceux de chansons que j’aime. Et le but c’est pas de démonter, hein, juste de proposer une explication.

  11. Algayani says:

    Moi c’est mon boulot d’essayer d’aller récupérer un truc qu’on a oublié en 2006…

  12. Leïleï says:

    Dan : moi qui aime cette chanson (c’est pour ça que je voulais autant la comprendre) je ne la trouve pas démontée… Un peu d’humour n’a jamais fait de mal à personne pas même à une chanson. Et ce n’est rien. ^^

  13. mlle-cassis says:

    Fais gaffe Leïleï, tu risques encore de te prendre des coquilles de noix dans la gueule!

  14. mmepastel says:

    Top cool. Tu le fais aussi pour des chansons en anglais ??? Ça m’arrangerait grave. Je souhaite depuis longtemps comprendre le sens de : 1/ Life is Life (la la la la la) et 2/ Emily de Joanna Newsom (album Ys). Attention, le degré de difficulté n’est pas le même. Je suis prête à te rémunérer en GIF de poney tant ça m’intéresse. Tiens-moi au courant, s’il te plaît.

  15. Papillote says:

    quand j’étais petite, je comprenais
    “ce n’est qu’une tourterelle
    qui s’en va faire la grève
    comme un petit rat d’eau frais”
    pourquoi pas ? on dit bien rat d’égouts ou des champs, et pourquoi il serait pas frais mon rat, comme du bon poisson hein ?

  16. raph says:

    “qui s’en va faire la grève” hihi c’est mignon
    (
    Mme pastel : oui oui, en anglais, en allemand, (just browse the archives looking for James Blunt and Tokio Hotel). Pour life is life, nanananana, toute ma jeunesse, par contre l’autre, je connaissais pas tellement

  17. Isabelle says:

    On peut commencer doucement avec :
    “Da da da ich lieb dich nicht du liebst mich nicht aha aha aha” de Trio (une de ces merveilles des années 80)

  18. Isabelle says:

    Danke, mein liebchen.
    C’est touyours un vrai plaisir de te relire …
    Ma suggestion de “da da da” était en prélude au “Life is life na na na na na”, pour commencer par des paroles moins ardues à appréhender dans toute leur complexité.
    Pendant que je suis là, pour cette année c’est trop tard mais l’an prochain il faudra que tu t’inscrives aux Golden Blog Awards, catégorie culture. A mon humble avis, et compte tenu de tes efforts méritoires pour le rayonnement de la chanson francophone et, au-delà, européenne, tu as toutes tes chances.

  19. Leïleï says:

    C’est qui décortiques des chansons qui restent en tête, rien que d’y penser là j’ai Coeur de Pirate en tête (et donc je voudrais me tirer une balle dans la tête…)
    ça fait trois fois tête.

  20. Chickenbaby says:

    N’est-il pas plutôt question d’un lupanar maritime et bien achalandé, quand il parle des mille sirènes de joie ? Bon on est loin de la douce tourterelle (la chasse est ouverte, bang !)… mais je me demande s’il n’y a pas là une métaphore un peu coquine…

  21. raph says:

    des trucs coquins avec des sirènes ? ça va se finir en queue de poisson
    Isabelle : merci, mais j’essaie d’arrêter les concours de blog

  22. Leïleï says:

    “C’est que tu décortiques” sinon ça veut rien dire.

  23. Fennec says:

    J’étais au supermarché tout à l’heure (oui, j’ai une vie passionnante), et à un moment, la musique d’ambiance bascule sur un vieux tube des années 90. En passant dans les rayons, je me rends alors compte avec une sincère stupéfaction que la plupart des clients chantent ou fredonnent (il y a même un mec au rayon gâteaux apéro qui tapotait en rythme). Et pourtant c’était une de ces chansons dont on ne comprend même pas le titre… qu’hélas j’ai déjà oublié ! Tout ça pour dire qu’il n’est point besoin de comprendre pour apprécier (et même parfois il est préférable de ne rien comprendre)

  24. raph says:

    Don’t worry be happy

  25. Fennec says:

    hah ! j’avais lancé une recherche en tâche de fond dans mon cerveau, et ça vient d’aboutir. La chanson incriminée était de Gerald De Palmas http://www.youtube.com/watch?v=NNOokkRiY4A
    Encore une histoire d’amour…

  26. raph says:

    son corps à lui dans ton corps ouuuh j’en crève encore encore ENCOOORE

  27. Fennec says:

    En fait il dit exactement “j’en crève encore, encore, encore, encore”. C’est là un basculement total, une révolution sémantique, une révélation transcendante, tel le marmot dont les parents tentent de faire prononcer le premier mot et qui se décide enfin à lâcher au bout de long mois de mépris silencieux un ironique “Allo ?” au lieu du “Maman” tant espéré.

    Les mauvaises langues argueront que faire rimer “encore” avec “encore”, on a connu mieux. Mais par cette redondance volontaire, l’auteur ne nous apprend rien de moins qu’il est mort plusieurs fois de suite !!! Donc Gerald De Palmas est Dieu qui peut ressusciter 4 fois. Ou alors c’est un chat et il lui reste 5 vies.

  28. raph says:

    J’ai toujours pensé qu’il était décédé et que sa réincarnation s’appelait Christophe Maé

  29. misssfw says:

    C’est donc Julien Clerc qui faisait la doublure-chorégraphies de John Travolta dans La fièvre du samedi soir ? C’est dur d’apprendre ça après toutes ces années.

  30. Nekkonezumi says:

    Bon, avant de dormir ce soir je me sens moins idiote car grâce à toi je sais que les tourterelles ne font pas que chier partout, elles piquent aussi la couette de leur conjoint (ou conne jointe) en partant le matin, et ça c’est mal. Je les hais, je suis heureuse, merci, merci ! Le bonheur c’est simple, finalement !

  31. rumeur says:

    Sémillante, sémillante, est-ce que j’ai une gueule de sémillante ?