John McEnroe de Noël

Il était une fois, il y a bien longtemps, un petit homard qui s’appelait Adhémar. Il aurait pu être heureux et faire des trucs de homard toute sa vie, genre faire le malin avec ses grosses pinces pour faire bisquer les copains. Mais il avait un souci : il détestait tout ce qui était natation. Son truc, c’était les sommets enneigés, le grand air. Dès qu’il eut atteint sa mue définitive, il décida donc de s’en venir en Suisse, à Gstaad, pour y mener une vie de bohème et d’alpinisme.

Adhémar arriva dans la station oberlandaise au début du mois de décembre. Mais quelle ne fut pas sa déception de voir que l’accueil, qu’il avait imaginé chaleureux, était au contraire aussi glacé que les frimas hivernaux qui frimaient hivernalement. Partout, les gens couraient, à la recherche frénétique qui du dernier cadeau pour tante Hiltrude, celle qui est chiante et critique toujours, qui d’un peu de chocolat noir pour la dinde vespérale. Personne n’avait le temps de se soucier de lui et, sans oser se l’avouer, Adhémar commençait à regretter un peu son pays natal et les Noël de son enfance. La larme au pédoncule, il repensait au soir où, alors qu’il était encore tout larve, son oncle Bergundo avait raconté l’histoire du bulot qui repeint sa conque. Las, ce temps était désormais révolu et le malheureux arthropode était contraint de passer ses nuits dans un vivier bon marché et surpeuplé, où les congénères qu’il côtoyait avaient autant de conversation que des anémones de mer.

Pour arrondir ses fins de mois, car le plancton coûtait cher dans cette station huppée, Adhémar avait mis au point un petit spectacle mêlant claquettes, jonglage et arithmétique, qui ne lui rapportait à vrai dire que quelques piécettes et de nombreuses insultes. Le journal local avait même consacré sa Une au danger représenté par ces crustacés peu intégrés qui viennent chez nous jongler, et bien des internautes avaient réagi en affirmant que si on laissait faire, bientôt, des hordes de gastéropodes même pas capables de s’adapter à nos moeurs viendraient voler nos chats pour les manger et convertir de force nos enfants à la sous-marinité. Mais, alors qu’Adhémar songeait sérieusement à entrer en dépression, le miracle de Noël se produisit. Une vieille femme chenue l’appréhenda, et jamais suisse allemand n’avait paru si mélodieux. « Dis donc, mon gaillard, lui dit-elle avec cet accent rocailleux si typique des femmes chenues, ça te dirait pas de passer ce soir à la baraque pour le réveillon ? Tu as l’air de grelotter, je te préparerai un bon bon bien chaud. Bouillant. Tu vas en rougir de plaisir. »

Et jamais homard ne se sentit si aimé que ce soir-là.

Moralité :

Titres de transport

Petit florilège des meilleurs films des années 00, qui resteront dans l’Histoire comme les années des titres à la con :

Ceux qui m’aiment prendront le train

Comédie romantique. L’émouvante histoire de jeunes membres d’un parti partis à  l’enterrement d’un vieux chanteur, en train. Et tout le monde de boire, tout le monde de trinquer, tout le monde de jouer au scrabble et d’exhiber son persil, si bien qu’à  la fin, ils ne sont plus que joie et exubérance, sauf Gilbert qui avait décidé de plutôt y aller en voiture.

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L’abondance de personnages secondaires rend parfois l’intrigue confuse, même quand ils décident de s’écrire leurs noms sur le front.

Je vais bien ne t’en fais pas

Comédie dramatique. L’histoire d’un chanteur que tout le monde croyait mort alors qu’en fait non. On le suit à  Gstaad, où il s’adonne aux joies du ski.


– Je crois que j’ai une ouverture, je vais rester une semaine de plus.

Y aura-t-il de la neige à  Noël ?

Documentaire. Un vibrant plaidoyer pour le réchauffement climatique.

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La neige en hiver, c’est quand même économiquement irresponsable

Ne le dis à personne

Espionnage. Alors que le secret bancaire sévit en Suisse, un courageux ministre français s’infiltre secrètement dans les coffres pour voler des listings, à l’aide d’un courageux et intrépide idéaliste (dont l’idéal est d’avoir plein de fric, certes, mais c’est déjà mieux que rien).


Eric Woerth, moyennement convaincant dans le rôle du super agent secret.

Ce soir je dors chez toi

Drame. Hans a un peu picolé alors il reste dormir sur le canapé.


Gönsstrü, très convaincant dans le rôle du canapé.

Je crois que je l’aime

Un film poignant où un mec rencontre une fille et il croit bien qu’il l’aime.

– Hi hi hi hi hi hi hi
– Ouais, pareil

Je préfère qu’on reste amis

Un film poignant où un mec rencontre une fille et il croit bien qu’il ne l’aime pas.


Là, je savais pas trop quoi mettre comme image du film

Je vous trouve très beau

Un film poignant où un mec rencontre une fille et elle le trouve très beau.


Un des derniers grands rôles de Sim

De battre mon coeur s’est arrêté

Drame social. Parce qu’elles sont musulmanes au coeur de ses sociétés vertigineuse qui tout à l’envers font une plongée, leur casquette à l’envers par exemple porter ou en verlan parler. S’adapter à la société le héros saura-t-il au parler avant Doliprane que les spectateurs besoin n’aient pour son dans une banque travail dont il est amoureux du directeur la fille derechef ?


Un musulman, reconnaissable à sa casquette à l’envers, essaie de prouver qu’il est bien intégré en faisant le mariolle avec sa raquette, mais on n’est pas dupe.

Pars vite et reviens tard

L’émouvante histoire de jeunes membres d’un parti partis à l’enterrement d’un vieux chanteur, en train. Mais comme le train est exceptionnellement à l’heure, ils le loupent. Ils partent donc tous dans la voiture de Gilbert.

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– Allez après tout le pire risque, c’est de ne pas en prendre, LOL.

How i met your modem : Bonus track

– Bonjour, que puis-je pour vous.
– Tu ne me reconnais pas ? Je suis le toi de 2009.
– Je me disais bien, y a une ressemblance. Tu viens me prévenir d’un imminent danger redoutable ?
– Ben non, c’est ton boulot, ça.
– Pas con.
– Je viens à cause de tes posts sur mon blog, là. Les gens ont bien aimé, je crois. Ils ont pas pris ça au sérieux, mais ils ont trouvé ça cool.
– Sérieux, plus personne ne disait cool en 2009.
– Non mais je venais te signaler un oubli.
– Qué oubli ?
– Tiens, tu prends l’accent du Sud, non ?
– Oh ben tout le monde en 2099. C’est à cause du réchauffement climatique. Ah oui, je sais de quoi tu parles. Par contre il va falloir attendre, Kaiwin est parti, il a un tournoi de watertricot à Canberra dans deux heures.
– C’est bizarre, ces noms qui changent d’orthographe d’un jour à l’autre, non ? Enfin, oublie, raconte-moi ça à moi.

« Dans les années 2000, la mode était à la paranoïa. Il faut dire que tout avait mal commencé, avec les attentats du 11 septembre 2001. Immédiatement, les paranoïaques de tout bord en profitèrent pour réclamer les mesures de sécurité dont ils rêvaient depuis des décennies.
Les caméras de surveillance fleurirent un peu partout, sous les yeux désespérés des quelques gauchistes encore survivants qui citaient 1984. Quatre ans plus tard, les sites internet spécialisés dans les photos de soirée allaient envahir la toile, suivis de près par les réseaux sociaux et comment veux-tu dire à un jeune qui passe 92% de son temps à se faire prendre en photo et 7,8% à se recoiffer que les caméras de surveillance sont une entrave à sa liberté ?
Les mesures de sécurité dans les aéroports se renforcèrent et il était désormais interdit de transporter du fromage. Ah tiens, d’ailleurs, puisque tu viens me voir du passé, tu m’en as pas ramené pour l’apéro ? On fait l’apéro huit fois par jour, maintenant, ça va avec l’accent… Non parce que je veux pas jouer les mecs qui disent c’était mieux avant, hein, mais quand même, le fromage synthétique, c’est pas pareil. Quand les vaches ont disparu, on a bien tenté de faire du fromage de lama, mais c’est pas aussi bien.
D’un côté, il y avait les paranoïaques qui avaient peur de l’Islam, des chinois, des roux, de l’autre ceux qui prétendaient que le gouvernement et les médias alimentaient la peur. Les théories du complot les plus folles gagnaient leurs lettres de noblesse grâce à internet – tu sais qu’en 2017, quelqu’un a réussi à prouver que les tours jumelles avaient en fait été détruites par des furets ? Enfin, ses preuves n’ont pas tenu le coup très longtemps. N’empêche, à cette époque-là, personne ne se serait douté que la prochaine guerre mondiale opposerait les fidèles de deux forums internet…

– Oui non pardon, je t’arrête tout de suite, c’est pas de ça que je voulais parler, mais d’une autre mode des années 00, dont j’ai, enfin tu as, enfin nous avons été parmi les premiers adeptes, d’ailleurs.
– Je vois pas… Ah si ! Les poneys, pardon ! Tu sais que c’est un des seuls animaux qui ont survécu à la catastrophe de 2073 ?

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« Ah tiens, je t’ai raconté des bêtises. Il y avait encore des journalistes en 2009. Je le sais, c’était mon métier. Je suis devenu peintre sur chinchillas plus tard, en 2012. Il y avait encore des journalistes, mais ça commençait à sentir le sapin… C’est une expression qu’on utilisait pour dire que quelque chose touchait à sa fin. Le sapin, c’était un arbre qui… ben qui devait sentir une odeur particulière, je suppose.
Il me semble pourtant qu’en 2000, alors que j’étais un étudiant fringant et consciencieux, c’était encore classe, comme métier. Bien sûr, des gens nous reprochaient déjà de ne parler plus que de people et de faits divers, mais en général, c’étaient les mêmes qui ne lisaient que ces deux rubriques-là.
Puis les sources d’information se sont multipliées comme des lapins OGM sous une pluie d’été, il a fallu aller toujours plus vite, plus loin, plus fort, être le premier à publier l’info ou, à défaut d’info, quelque chose, sous les yeux des blogueurs qui jouaient leur rôle de quatrième pouvoir et demi en hurlant LOL FAIL sitôt qu’ils trouvaient une faute d’orthographe, mais poussaient à la consommation en se jetant comme des morts de faim sur la moindre dépêche histoire d’avoir quelque chose à commenter.
Puis les médias ont commencé à ouvrir leurs commentaires et le village global est devenu le plus grand café du commerce de l’Histoire. Et comme ça faisait des pages vues sur les sites des médias, ceux-ci préféraient rallumer le feu plutôt que de tenter de faire un peu d’information. Et tout ça s’auto-alimentait : les journalistes publiaient des articles, les internautes les commentaient, les journalistes faisaient un article sur les réactions des internautes. Et comme ça faisait de la page vue, ceux-ci se dépêchaient d’être les premiers à réagir sur les premières infos publiées, histoire d’optimiser leurs chances d’être de la revue. En 2014, année de lancement du GoogleNewsDigest, les infos qui « buzzaient » comme on disait à l’époque, je crois que ça venait du bzz de ces insectes qui font beaucoup de bruit pour une bien petite piqûre, étaient évincées en moyenne 34 minutes plus tard. 34 minutes pendant lesquelles il fallait absolument faire un mot d’esprit ou une parodie, voire enregistrer un nom de domaine rigolo.
En 2016, quand un journaliste s’est fait agresser en pleine rue par un ministre pour avoir révélé que celui-ci avait bu du café en public malgré l’interdiction, ses confrères ont commencé à cacher leurs cartes de presse. Comme de toutes façons, leur boulot consistait le plus souvent à trouver des vidéos youtube amusantes en rapport avec les articles qu’ils publiaient, cela ne dérangeait personne.

Voilà, je me suis un peu égaré en route, mais tu devrais avoir de la matière pour ton exposé… »

– Boah zargla koss omagh, de toutes façons, les exposés, c’est limité à 140 caractères.

– Ah, oui, tu vas devoir résumer beaucoup là.

– Non mais c’est bon, blinka, chabawong, j’ai fini, là.

– Fais-voir ? « Lé vie, sa parl bokou. LOL ».

How i met (ro Godwin-Meier) your modem S01E04

« Ça va peut-être te sembler amusant, mais à cette époque, la technologie s’est emballée. Et nos parents étaient persuadés d’être complètement dépassés. Du coup, les gens de ma génération, on a passé plein de temps à leur expliquer plein d’appareils, tout en feignant de ne pas se rendre compte que nos petits neveux de 7 ans maîtrisaient tout ça encore mieux que nous. Et tous ces appareils révolutionnaires finissaient par disparaître comme ils étaient apparus, en général au moment où nos parents commençaient à oser s’en approcher : le fax, le magnétoscope, le lecteur CD, la machine à gaufres programmables. Et les ordinateurs, bien sûr… enfin ça ça existe encore, mais la forme n’a plus grand chose à voir. Les mails, par exemple, on devait les taper à la main. Et le jour où nos parents ont commencé à réussir à en envoyer sans devoir nous appeler huit fois, on a eu droit à 18 chaînes de l’amitié et à 843 ;-) en moins de 24 heures.

Parmi tous les objets qui ont disparu, il y en a un qu’on croyait éternel, c’est la télévision. Quand j’avais ton âge, c’était un peu un objet-culte – Tiens, d’ailleurs, je suis passé voir ton grand-oncle dans son home pour vieux, ça fait quand même bizarre, une quinzaine de retraités en train de chanter des génériques de dessins animés.

A l’époque, donc, on avait le choix entre quelques programmes, quatre au début, un peu plus ensuite, et basta. Les films étaient encore réalisés et joués, GoogleMovieGenerator n’existait pas encore, même si, quand je revois certaines productions de l’époque, je me demande s’ils ne l’expérimentaient pas en secret.

Puis sont arrivées les chaînes thématiques, les chaînes musicales, la chaîne pour les enfants, la chaîne pour les personnes âgées, la chaîne pour les chevaux, la chaîne avec uniquement des jeux, la chaîne avec uniquement des films dont tu es trop jeune pour entendre parler, celles consacrées à la cuisine, à l’humour, aux fruits de mer…
Dans les années 2000, il s’est passé deux trucs étranges : on ne regardait toujours les programmes pour en parler à la machine à café, comme au siècle dernier, mais la machine à café s’appelait twitter et ne servait pas du très bon café et, surtout, on ne regardait la télé plus que pour s’en moquer. En 2001, sur une chaîne qui s’appelait M6, on a pu se passionner pendant des mois pour une quinzaine de gens qui ne faisaient rien. Plus les émissions de télé-réalité étaient affligeantes et plus on se pressait autour du poste pour pouvoir se moquer.
Le reste du temps, la télé restait éteinte : on avait déjà vu les séries et les films, on était déjà au courant des infos, les blagues désopilantes sur l’actualité des émissions satiriques avaient déjà été faites 420 fois dans la journée sur les réseaux sociaux, les matches de foot étaient ennuyants (enfin ça, ça vaut surtout pour la Suisse, dont je t’ai déjà parlé).
Du coup, en 2013, il n’y avait pratiquement plus que des émissions de coaching à la télé. Les télé-crochets avaient été interdits le jour où un candidat, inconsolable de s’être fait refouler dès la première semaine, avait tenté une action désespérée, reprendre l’intégrale de Johnny Hallyday en direct, ce qui était formellement prohibé. On pouvait voir des gens se faire conseiller pour leur ménage, leur déco, la cuisine, le jonglage, le tricot, qui commençait doucement à prendre son essor et même pour certaines activités dont tu es trop jeune pour entendre parler. Quand la moitié de la population fut passée à la télé, les chaînes se mirent à engager des acteurs. Mais comme les web-fictions se multipliaient, et payaient encore bien à l’époque, très peu de monde acceptait de jouer des rôles si peu gratifiants, et le public finit par se rendre compte, malgré les progrès remarquables de la retouche d’images, que les sept mêmes personnes passaient dans toutes les émissions.
Et en 2015, il n’y avait plus, en Europe francophone, que deux chaînes, qui ne vivaient plus que de subventions puisque les publicitaires s’étaient complètement désintéressés des 437 personnes qui disposaient encore d’un téléviseur. »

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New Morges, décembre 2099.

«Dis, j’y pense, pendant que je suis là, tu pourrais m’aider avec un truc ? En venant ici, je m’arrête un moment pour écouter un merle ou un pinson je sais pas, je n’en avais plus entendu en ville depuis des années, ça m’a fait drôle… Là, mon GoogleMusicStore s’enclenche tout seul, me dit « Vous êtes en train d’écouter Oiseaux d’Europe Volume 3, les personnes qui ont aimé ça ont aussi aimé Les animaux de la ferme et Petits insectes vaguement repoussants », le temps que je réagisse, il m’avait déjà téléchargé 4 TeraBytes de cris de bestioles en tous genres. C’était peut-être une mésange d’ailleurs. Ça m’a coûté 400 GoogleUnités ! Le montant de ma retraite (enfin, comme ils veulent la faire passer à 135 ans, je suis tranquille encore un moment) ! Quand je pense qu’à la fin des années 2000, tout le monde pensait que les grandes maisons de disques allaient disparaître… Bon ça a failli être le cas, d’ailleurs, mais pas tellement à cause du téléchargement illégal, juste parce qu’elles se sont mises à faire vraiment n’importe quoi. Dans les années 2000, il y a eu un revival des années 70, un revival des années 80 et même un revival des années 50. Du coup, dans les années 10, les producteurs de musique se sont dit qu’au lieu de rechercher de nouveaux artistes, ils allaient revivaliser discrètement quelques chanteurs oubliés et en 2017, il était devenu totalement impossible d’enregistrer un nouvel album dans une major si on n’était pas en possession d’un certificat prouvant qu’on était décédés depuis au moins 20 ans.
Enfin, tout ça n’a pas empêché quelques artistes de survivre à cette époque, j’ai entendu dire que les Strokes entamaient leur septième tournée d’adieux et qu’Amy Winehouse allait jouer les guest stars sur « Oiseaux d’Europe volume 6 ». »

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New Morges, décembre 2099

Bonjour Quehwinn. Ta mère me dit que tu sèches sur ton exposé d’Histoire sur les années 00 et que tu as besoin d’aide ? C’est marrant, ça, tiens, vous avez encore des leçons d’Histoire ? J’ai entendu dire que la direction des Schoogle® voulait la supprimer parce que ça aide pas à trouver un métier et que de toutes façons, tout est trouvable facilement sur Google… Ah, pardon, j’avais mal compris. Un exposé pour ton cours de dialogue avec les vieux, tu dis ? On n’avait pas ça, tiens, quand j’avais ton âge.
Quand j’avais ton âge… Mon pauvre Quehwinn, j’ai 123 ans. Ça fait une paie. Je me souviens qu’on imaginait que tout serait différent en l’an 2000. Des voitures volantes, la paix dans le monde, ou alors une guerre mondiale contre les communistes (désolé, ça va être difficile de t’expliquer ce que c’est maintenant que les termes jugés trop compliqués sont interdits). Plus ça approchait, plus on sentait que finalement, ça allait être très pareil aux années 90, alors on a été un peu déçus. Ça ne nous a pas empêchés de faire la fête, surtout qu’à l’époque, la consommation d’alcool en public et les activités de plein air par températures inférieures à 10 degrés étaient encore autorisées.
Et pendant la première décennie 2000, les voitures ne se sont pas mises à voler. A parler si, un peu, mais elles n’avaient pas une conversation très intéressante. Qu’est-ce qui a changé… La principale innovation, ça a été l’arrivée d’internet. Ça existait déjà avant, hein, mais seuls quelques personnes s’en servaient et on n’y trouvait rien. Dix ans après, il fallait absolument y être présent pour avoir l’air cool. Cool, c’est un mot qu’on n’employait déjà plus à l’époque… comment vous dites, déjà ? Ah oui, bonnard.
Tout le monde s’est mis à utiliser internet. En 2009, les timides et les moches pouvaient enfin draguer tranquille. En 2009, plus personne ne faisait de rencontre autrement que par internet, sauf les timides et les moches qui avaient dû se rabattre sur des soirées célibataires à la discothèque « le poney d’argent ». En 2000, tous les gens qui pensaient avoir un truc intelligent à dire envoyaient des lettres de lecteur aux journaux ou allaient au PMU du coin, en 2009, ils créaient un groupe sur facebook. Et tous ceux qui se croyaient drôles, au lieu de se faire lancer des cailloux dessus par leurs amis, ouvraient un blog, mais assez parlé de moi.

(to be continued)

Faute de main, de main, toujours de main (uchronie amère)

Ce jour là, la FIFA avait décidé de faire rejouer le match France-Eire, créant ainsi un précédent salutaire. Dans la foulée, l’attaquant français confessa une palanquée de hors-jeu, de tirages de maillots et de plongeons non sanctionnés au cours des dix-sept dernières années.

Le fair-play devint à la mode, les confessions se succédèrent. Peut-être par jalousie, peut-être soulagés d’enfin pouvoir ouvrir leur coeur, de nombreux joueurs confessèrent avoir eux aussi triché et demandèrent de rejouer des matches. En janvier 2010, 7400 matches internationaux de rattrapage furent organisés. Les championnats nationaux prirent un retard considérable et, en France, on décida finalement de donner le titre à Grenoble 38, seule équipe à avoir réussi à terminer trois matches cette saison-là.

Mais cette vague d’honnêteté ne s’arrêta pas là. Cyclistes, hockeyeurs et même quelques curleurs confessèrent des péchés passés. Puis ce furent des ex-étudiants qui demandèrent spontanément, des années après, l’autorisation de repasser leur bac car ils avaient triché à l’épreuve d’allemand. « Quel exemple on a donné aux enfants », ajoutèrent-ils. Par souci d’équité, ils exigèrent des conditions identiques, mais leur demande fut rejetée, car où veux-tu trouver une machine à stencils en cette saison ?

Moi-même, d’ailleurs, je décidai d’appeler mon ami Jean-Hans, retrouvé grâce à facebook. « Tu te souviens, en 1997, dans le train, le jass ? J’avais coupé sur la dame de Périclès, puis retiré à coeur ? Bon ben je savais que c’est toi qui avait le 8, à cause du reflet dans la vitre. J’aimerais qu’on rejoue cette partie. Quand je pense que des enfants nous regardaient peut-être ! »

Puis ce furent des chefs d’entreprise, qui concédèrent avoir faussé les résultats du troisième trimestre 2007, allez, on se refait un troisième trimestre ! on peut pas ? bon ben l’intention y est, allez, pour la peine, on se vire avec une toute petite indemnité de licenciement, 2-3 millions à peine, de quoi s’acheter un sandwich. Puis des comptables, qui refirent le bilan de leurs clients mais sans rien dissimuler, ce coup-ci. Des politiciens qui avouèrent avoir raconté n’importe quoi pour se faire élire. « Quand on pense que des enfants ont peut-être voté pour nous ! Allez, on va refaire cette élection. »

Le monde méaculpait comme jamais il n’avait méaculpé.

Pendant ce temps-là, les enfants, eux, jouaient aux billes. Et trichaient.

Au pays de l’Empereur Tomato Ketchup

Lectrice lecteur, belge, québécois, français, parisien, ouzbek : il est un évènement historique dont tu n’as probablement pas entendu parler. Heureusement que je suis là. Le week-end dernier, pendant que tu regardais je ne sais quelle rediffusion des Experts ou télé-réalité calamiteuse sur M6, la Suisse devenait championne du monde.
Et attention, pas de culring, de tchouckball ou de cracher de noyau de cerise. Non. De football.

Alors oui, bien sûr, tu vas me dire, les moins de 17 ans, ça compte pas vraiment. Mais premièrement, pour une fois qu’on est champions du monde d’un truc, on va pas bouder notre plaisir. Et deuxièmement, le dernier à avoir dit ça, « les moins de 17 ans ça compte pas vraiment », il a eu des gros problèmes à son arrivée à Zurich. En tous cas, en Suisse, tout le monde pardonne à ces jeunes d’être jeunes, sauf éventuellement deux-trois joueurs de la vraie équipe qui auraient déclaré « Ouais mais évidemment, c’est un peu facile, nous aussi, si on voulait, on pourrait donner des passes dans les pieds, cadrer un tir de temps en temps et jouer nonante minutes par match, mais ce serait un peu facile ! »

Même si tu n’es pas au courant des choses du football, tu sais probablement que pour gagner des matches, il faut être bon en récupération. Et c’est désormais un sport national en Suisse, la récupération. En moins de temps qu’il n’en faut pour tourner un spot de pub pour des rasoirs, de partout, oubliant au passage qu’on n’est pas sérieux quand on est M17, on se rue sur cette victoire. Les nouveaux héros nationaux n’ont encore pas l’âge de se laisser pousser une belle barbe à la Guillaume Tell que déjà, on veut s’assurer qu’ils n’aillent pas voir ailleurs si l’herbe est plus verte et moins couverte de nains de jardins.
Alors que se demander, sans le demander aux intéressés, si cette victoire est une aubaine pour les partisans de la naturalisation facilitée, c’est un peu comme se demander si elle l’est pour les coiffeurs, pour les partisans du droit à porter des prénoms à la con.
Parce que vois-tu, nos M17 sont, en grande majorité, double-nationaux. Ce qui est normal : Les valeurs de la Suisse étant précision, ponctualité, géraniums et peur de l’autre, difficile de faire une équipe junior dans un pays où les nouveaux nés ont, en moyenne, 50 ans.

Cette longue introduction pour te dire que moi aussi, j’ai décidé de récupérer l’évènement. Mais pas à cause de la binationalité, on s’en fout de ça, je suis d’ailleurs moi-même moldavo-togolais et le vis très bien. A cause de l’autre particularité de ces jeunes footballeurs : leur jeunesse. Pour une fois qu’en Suisse, on cause d’adolescents sans qu’ils aient poignardé quiconque ou mis le feu autrement que métaphoriquement, profitons-en. Nos moins de 17 ans savent jouer alors que seuls les insomniaques tentent encore de regarder des matches de l’équipe A. Très bien. Commençons par envoyer le petit choeur de Murist-Vuissens au prochain concours de l’Eurovision, puis remplaçons nos indétrônables présentateurs télé par des ados. Puis nos conseillers fédéraux. Au lieu de prétendre, sans rire, être la plus ancienne démocratie au monde, devenons la 1re kikocraci o mond. LOL.