S’il t’arrive un malheur, accident de tabouret, défaite contre le FC Bâle (non, mais c’est empirique, hein, je sais bien qu’en réalité ça n’arrive jamais), crise financière, problèmes gastronomiques, retour de l’être aimé, la première chose à faire est de prendre les mesures qui s’imposent.
La deuxième chose à faire, c’est d’accuser quelqu’un de tous les maux: « C’est Henri, il a mis un virus d’internet dans l’imprimante ! », « c’est Estelle, elle est suédoise ». Dans ce domaine et en ce moment, le truc à la mode, c’est d’accuser son voisin de faire du paradis fiscal, et donc d’être responsable de la crise, ce à quoi le voisin répondra outré « même pas vrai d’abord et j’te ferais dire que mon papa il est plus fort que le tien, si les gens ils mettent leurs sous chez nous c’est parce qu’on est gentils avec les étrangers (enfin, sauf avec les pauvres, hein, faut pas déconner non plus) ».
Mais donc, qu’est-ce qu’un paradis fiscal ? A priori, le terme est plutôt contradictoire. Le Paradis est un endroit super bien où tu peux te balader à poil et parler aux animaux toute la journée, tant que tu ne manges pas du fruit de la connaissance du bien et du mal©. La fiscalité est forcément une invention démoniaque: trois plombes à t’arracher les cheveux sur une déclaration d’impôts pour ensuite devoir payer, c’est clairement une idée du Malin. Tu remarqueras par contre que les paradis fiscaux, ou les pays suspectés de l’être sont plein de banquiers, des gens qui n’ont visiblement jamais croqué dans l’arbre de la connaissance du bien et du mal© et de traders, des gens qui n’ont encore pas été pendus à la plus haute branche de l’arbre de la connaissance du bien et du mal©.
Les paradis fiscaux ont été inventés aux îles Caïman, des îles dont la population est exclusivement composée de crocodiles, de quelques gavials, d’un ou deux alligators. Ces bêtes étant, par essence, bien trop incultes pour inventer des principes raffinés et sophistiqués tels que la taxe sur le revenu, on n’y paie pas d’impôts. Par l’odeur alléchés, les investisseurs du monde entier ont décidé de créer des entreprises dans cette riante contrée. Mais comme ils avaient un peu peur, je sais pas si tu t’es déjà fait charger par un troupeau de reptiles au galop, ceux qui l’ont vécu ne sont plus là pour en parler (ils sont en vacances au Mexique), ils ont créé des sociétés en mer, plus communément appelées offshore, l’anglais étant la langue officielle des crocodiliens.
Or, le crocodile est un animal fermement attaché aux valeurs du communisme: attristés par cet afflux massif de requins, ils ont perdu leur sang-froid et sur les bords du Nil ils sont partis, n’en parlons plus.
A la lumière de ce qui précède, on peut définitivement réconcilier Micheline Calmy-Rey et Peer Steinbrück et convoquer l’ambassadeur d’Allemagne pour lui dire que à mon avis, la Suisse n’est pas un paradis fiscal, je vois pas comment il pourrait faire si froid dans un paradis.