Nous sommes en 1292, un mardi. Uri, Schwyz et Unterwald ont quitté l’empire des Habsbourg pour fonder ce qui ne s’appelle pas encore la Confédération Helvétique. Mais la période est dure économiquement et dans la région, il pousse surtout des cailloux.
– Faudrait qu’on trouve un truc pour arrondir un peu les fins de mois, un genre de spécificité culturelle à nous.
– Y a bien les pommes…
– Non, le Guillaume a ruiné toute la récolte en s’entraînant avec ses flèches,
se dirent les responsables cantonaux des finances lors de leur réunion annuelle.
Or, il advint qu’à cette époque, un vieux sorcier vivait caché dans la montagne. La rumeur disait qu’il détenait un terrible secret: le secret bancaire, qui rend riche, heureux et fort en tennis celui qui le possède. Trois hommes choisis parmi les plus robustes du pays partirent alors à sa recherche. Bien que très courageux, ils étaient un peu effrayés, car on disait que le sorcier transformait tout ceux qui l’approchaient en chamois. « Cette rencontre, je la redoute », dit même l’un des trois suisses. « Ah tiens, nous arrivons près de die Quelle, la source », ajouta-t-il, inventant ainsi le concept du bilinguisme qui ferait, des siècles plus tard, de l’administration fédérale un endroit où c’est la rigole toutes les jours. Pour marquer l’événement, il décida alors de graver son nom dans l’écorce d’un épicéa en bois, se servant pour cela de son couteau suisse (ou camif).
« Ah, ils arrivent enfin, les petits comiques », s’exclama alors le sorcier, qui était caché derrière le susmentionné épicéa et les observait depuis des heures. « C’en est trop, rétorquèrent alors comme un seul homme les trois hommes, nous ne nous laisserons pas cataloguer ainsi », inventant ainsi l’humour un peu lourd. « On pourrait peut-être négocier », ajoutèrent-ils, inventant ainsi la neutralité et le compromis. Mais le sorcier n’était pas homme de dialogue. « Négocier, mon cul », répondit-il avec à propos.
Les trois hommes s’en retournèrent donc la queue entre les jambes. Mais ils ne pouvaient se résoudre à avouer leur échec, ils auraient été la risée de tout le village. « Alors le secret bancaire, c’est un truc vraiment classe, hein. Ça rend super riche et tout. Si un jour on nous le pique, on est foutus. Par contre, bon, faut que personne s’en approche, sinon, on est morts, grave », inventant ainsi la paranoïa et le repli sur soi-même qui font, aujourd’hui encore, la joie et la fierté du peuple helvétique.
