Vous le savez, facebook est un réseau social qui vend votre vie privée au plus offrant, organise des apéros géants sous vos fenêtres et mange des bébés pandas. Mais c’est aussi un gigantesque réseau social qui vous offre sur un plateau des heures et des heures de procrastination heureuse.
Or, il en va des réseaux sociaux comme des combats pokémon : pour réussir, l’essentiel est de savoir bien s’entourer.
Quels sont les amis indispensables à une procrastination réussie ?
Le joueur
Il répond dans les trois secondes à chacun de tes coups au Lexulous. Il fertilise tes champs avec le sourire dans Mafia Wars et t’aide à venir à bout de l’affreux mouton à antennes violettes dans FarmVille, tout en inversant le sens de ton fluctoire dans PenguinsAcademy. Et, surtout, il découvre sans cesse de nouveaux jeux, tellement que tu le soupçonne de bosser en secret pour les concepteurs (et d’être de ce fait un traître à la cause procrastinatrice). Mais attention, le choix de l’ami joueur est compliqué : il doit être un peu plus fort que toi, mais pas trop. S’il gagne chaque partie de scrabble de 8400 points et a fait plus de 2 mètres au dernier jeu de kek, tu vas vite renoncer à le battre, te décourager et te remettre au dossier Alexander Pokrischkine.
L’exhibitionniste
Nouveau copain de ta copine Pernilla, il la couvre de mots doux et d’allusions aussi discrètes qu’un éléphant dans un magasin de chatons et aussi fines que de la pâte à pancake. Pour le moment, il est un peu contre-productif : tant de graveleuse guimauve te donne envie de quitter facebook et d’enterrer ton ordinateur sous un socle de 42 mètres de béton. Mais c’est un investissement pour l’avenir : si leur rupture est à la hauteur de leur amour, les vols d’assiettes risquent d’être spectaculaires.
Le jeune
Si décrié, le langage sms est un laboratoire en constante évolution, témoin de la richesse d’une angue qui ne cesse de se réinventer au fur et à mesure que l’écrit devient support de l’instantané. Se familiariser avec les étonnantes mutations de cette nouvelle langue est un fascinant défi. Et, surtout, le moindre de ses statuts t’occupera pendant un bon quart d’heure. Comme en plus il a 683 amis, toute publication, de « oojoorduuyy aa laa kaanhteen céé poouulaayy » à « Fulbert a fait le test Kelle janre de kich aitte-vou et voudrait que vous le fassiez aussi » donnera lieu à d’intenses débats. Des heures de déchiffrage en perspective ! Attention toutefois, il existe bien des jeunes qui s’expriment dans un français tout à fait correct. Certains sont même capables de faire plusieurs phrases de suite sans ♥. A éviter.
Le fan
Il aime 25 nouvelles pages par jour et défend des causes aussi juste que « Les filles avec deux c dans leur prénom font une excellente tarte aux pommes », « Deviens fan pour connaître cette blague qui n’était déjà pas drôle la première fois qu’elle a fait le tour d’internet en 1983 », « Je peux pas aller à la piscine, j’ai prêté les clefs de mon poney à un roux », « Si toi aussi tu aimes ce qui est bien » ou « Justin Bieber ». Chacune de ces nouvelles découvertes pourra t’apporter plusieurs heures de ravissement (ainsi que treize nouveaux liens vers ce site qui te permet de gagner des milliards depuis chez toi, ce qui n’est jamais négligeable en fin de mois)
Le parano
Grâce à lui, tu passeras plusieurs heures par jour à éditer tes options de confidentialité pour éviter que quelqu’un n’apprenne par inadvertance que tu aimes « Tout ceux qui jouent de l’harmonica et ont peur des chevreuils »
Le syndicaliste
Grâce à lui, tu verras passer 32 causes de juste indignation quotidienne : la disparition du thon rouge, une douzaine de guerres et un scandale politique effroyable dans un village français dont tu n’avais jamais entendu parler, mettant en cause des politiciens dont tu n’avais jamais entendu parler. Si vraiment tout cela ne suffit pas à détourner ton attention de cette fichue page 17 que tu dois rendre pour avant-hier, contredis-le sur un point : ses réponses, ainsi que celles de ses amis, devraient t’occuper pendant des heures.
Le photographe
Quand tu perds ton temps en te perdant dans facebook, il y a forcément un moment où tu vas te retrouver à contempler des photos de soirées où tu n’étais pas, où l’on voit clairement des inconnus parler à d’autres inconnus, des photos de fêtes de familles qui ne sont pas la tienne, et des photos de chats. Essaie donc de dégotter un ami artiste ou une amie qui aime les bikinis : les commentaires n’en seront que plus nombreux.
Le cryptique
Ses statuts sont autant d’énigmes, propices à faire travailler ton imagination. Attention, reste curieux et ne lis pas les commentaires. Bien souvent, quand tu auras compris que « Jean-Raoul hésite », suivi de « Jean-Raoul, a fait son choix » (3 people like this), « Jean-Raoul ne sait pas s’il a fait le bon choix » faisaient en fait référence à un parfum de glace, hier il a pris rhubarbe et c’était bon, mais il aimerait changer, tu seras déçu.
La fille
Comme pour le jeune, il ne faut pas suivre n’importe quelle fille sur facebook (dans la rue non plus, mais c’est un autre débat). Mais certaines d’entre elles contribuent activement au programme secret d’amélioration de l’internet, en ne manquant pas de participer à toutes ces fabuleuses chaînes où il faut mettre en statut la couleur de son soutien-gorge, le poids de son âne, la valeur marchande de son cendrier en rotin, le tout sans le dire aux garçons sinon le monde explose. Perds des heures à te perdre en d’incessantes conjectures : tu feras au moins une heureuse. Là aussi, en général, ce que tu auras imaginé sera nettement plus intéressant que la vraie réponse, évite donc de faire des recherches, même si cela te ferait perdre 43 secondes supplémentaires de précieux travail.
Le blogueur populaire
Idéal pour les longues soirées d’hiver, surtout depuis que le nouveau système de notification évite de te prévenir toutes les 5 minutes que quelqu’un a répondu à une question sur toi ou mangé un kebab en ton honneur et que ça fait longtemps que tu n’as plus dépoussiéré ton yucca. Chacun de ses nouveaux statuts suscitera pléthore de commentaires dithyrambiques. Un simple « like » te permettra donc de voir les nouvelles notifications se multiplier comme des amibes au soleil de janvier.
Le parent
Si, si. Souviens-toi du premier ordinateur de tes parents : il était resté huit ans éteint dans le salon, recouvert par un napperon et plusieurs plantes vertes. Puis un jour, tu as réveillé la bête. Tu leur as naïvement cuisiné une recette marmiton. Trois jours plus tard, tu recevais un e-mail vide. Une semaine plus tard, une blague en pps. Un mois plus tard, tu formatais leur disque dur et leur installais dix-huit antivirus et leur certifiais au passage que non, cette petite fille n’a pas besoin que vous envoyiez ce mail à tous vos amis, elle a probablement 32 ans à l’heure qu’il est. Aujourd’hui, tu reçois tous les deux jours un courriel avec force smileys clignotants, et un coup de téléphone inquiet si tu n’y réponds pas dans l’heure.
Sur facebook, tu as attendu trois semaines avant d’accepter leur demande d’amitié, le temps d’effacer toutes les photos de la soirée chez Fulrad-Kévin. Puis comme tu ne les y voyais jamais, tu as oublié leur présence, jusqu’à ce fameux dimanche où, entre la poire et le fromage, ils t’ont demandé si ça allait mieux. Tu as répondu que non mais ça va, c’est juste cette idée bizarre de faire des poires pour le dessert et de les servir avant le fromage, ça me rend chafouin, avant de réaliser qu’ils parlaient de ton statut d’il y a trois semaines (« Jean-Raoul ne sait pas s’il a fait le bon choix », ils ont cru que tu avais repris le macramé, ils se sont inquiétés). Du coup, tu as passé des jours à trifouiller dans les options de confidentialité : beaucoup de temps consacré à ne pas travailler. Et bientôt, tu verras ces gens qui t’avaient appris à ne pas mettre les doigts dans la prise mon petit lapin cliquer partout comme des forcenés, t’envoyer des bisous, des dauphins, des points cool.
Et si avec tout ça tu trouves encore le temps de bosser, je sais pas, lâche tes comms, lol.