« je comprends pas j’veux dire LE SENS des paroles de la chanson ‘Belle demoiselle’ de Christophe Maé » clamait récemment sur Facebook une amie de Facebook. Toujours serviable avec ceux qui connaissent personnellement Maïtena Biraben, je décidai d’empoigner le taureau par les cornes et le Maé par les cordes.
Du fond de ma rue une silhouette comme un bruit aigu
Une silhouette comme un bruit aigu, de prime abord, on ne comprend pas, il faut connaître un peu le monde de la poésie pour pouvoir analyser ça correctement. Et celui de la bande dessinée franco-belge. Un bruit aigu, tous les lecteurs de Tintin vous le diront, ça peut casser du verre. Cette silhouette est en train de casser du verre.
Se rapproche à hauteur de mes yeux nus
Même celui des lunettes de Christophe Maé, dis donc ! Ou alors il les a simplement oubliées à la maison. Ou alors il n’en porte pas, mais il avait besoin d’une rime en u (il y avait aussi tordu et seppuku, mais on y aurait perdu en intensité poétique).
La silhouette c’est une fille jour de fête nationale
Ça explique bien des choses. Déjà, la raison d’être de la chanson. Depuis que j’ai inauguré cette rubrique, je me suis penché sur les textes d’environ plusieurs chansons et j’ai remarqué une chose : personne n’écrit jamais de ballade déchirante quand il aperçoit, au loin, la silhouette d’un dugong ou des éboueurs municipaux. A la limite, un mec qui croise des loups ou Marine Le Pen dans Paris, il peut essayer d’en faire quelque chose mais la plupart du temps, les silhouettes, c’est des filles. Comme dans cette magnifique histoire, souviens-toi.
Et le fait que ça se passe un 14 juillet explique pourquoi elle est en train de péter des bouteilles, c’est probablement une jeune issue des quartiers qui exprime sa colère et son désarroi face à une société dont elle s’estime exclue. Ou alors elle est juste bourrée.
Ronflante comme une escadrille qui domine mon moral
Christophe Maé déteste le défilé, ce qui explique qu’il ne soit pas là pour le voir mais se trouve dans une ruelle à mater des silhouettes, surtout les parades aériennes, trop bruyantes. Bien que sémillante et accorte, la jeune fille est également très bruyante, on peut imaginer qu’elle chante des chansons paillardes, ce qui tend à accréditer la thèse de l’alcool.
Je la regarde
me sourire
Je baisse la garde
J’aime pas critiquer, vraiment, mais jusque là, je la trouvais déjà pas très très haute, ta garde. Je veux dire, t’as commencé à t’affoler, on savait même pas encore si c’était une ivrogne ou l’ombre de ton chien qui allait débarquer.
et les yeux pour me dire…
Les amateurs de zeugma sauront apprécier.
[Refrain] :
Belle demoiselle,
qui se presse dans l’allée
sa démarche lui donne des ailes
mais j’ose pas m’emballer, yeahéhé
Si jamais je m’approche d’elle
Aucun doute elle s’envole comme une hirondelle
Alors que la jeune fille a une démarche bien altière malgré son état d’ébriété, Christophe Maé fait son timide.
Du milieu de ma rue la silhouette comme un nuage
S’éloigne sans un bruit alors c’est grave
Terrible retournement de situation : jusque là, on pensait que Christophe Maé et la silhouette étaient chacun à un bout différent de la même rue, celle du chanteur (celle où il habite, (un village, dans le Sud de la France, d’après ce site spécialisé) je suppose, il n’y a probablement nulle part de rue Christophe Maé). Là, on apprend que quand elle atteint le milieu, elle s’éloigne. Donc qu’ils étaient les deux au fond de la rue. Quelqu’un a une plage pour que je dessine un schéma sur le sable ?
Ça s’bouscule dans ma tête
Dopé à l’effet de plaire
Les amateurs de jeux de mots apprécieront. Je pense qu’il essaie de dire que plus elle est loin, moins le bruit est aigu, mais je suis nul en physique.
C’est pas vraiment la fête
Pourtant j’ai l’air de lui plaire
Elle te sourit mais quand même, elle file à l’autre bout de la rue : J’aime pas trop casser les illusions des amoureux transis, mais où tu vois que tu lui plais ?
Qu’ai-je fait
au bon dieu
pour être fidèle
à cet aveu
Christophe Maé est en fait prêtre. Il a fait aveu de chasteté. D’où, probablement, sa timidité.
[Refrain]
La belle demoiselle qui se presse dans l’allée
Sa démarche lui donne des ailes
mais j’ose pas m’emballer, yeahéhé
Si jamais je m’approche d’elle
Aucun doute elle s’envole comme une hirondelle
Qui s’envole à tire d’aile et c’est très bien, avec ses coquilles de noix et tout, mais on y reviendra un autre jour.
inaccessible comme une hirondelle
Inaccessible comme une hirondelle, c’est une expression peu courante. Je connaissais désuet comme un buffle et intransigeant comme une crevette, mais pas inaccessible comme une hirondelle.
Je calcule dans ma tête
L’air de rien, Christophe Maé glisse qu’il est fort en calcul mental, on sait jamais, y a des filles que ça impressionne.
dopé à l’effet de plaire
Il relance discrètement le jeu de mots histoire d’être sûr que tout le monde l’a bien compris.
C’est quand même la fête
Le fantasme qui peut distraire
Je n’suis pas parfait (je n’suis pas parfait)
Merci mon dieu
Mais je tire un trait
Sur cet aveu
Là, Christophe Maé se dit « oh et puis allez, qu’à cela ne tienne, c’est la fête » et tombe la soutane.
[Refrain]
La belle demoiselle disparaît dans l’allée
Sa démarche lui donne des ailes
mais j’ose pas m’emballer, yeahé
Si jamais je m’approche d’elle
Aucun doute elle s’envole (elle s’envole !!!)
Mais trop tard, la meuf s’est cassée. Toi aussi, si tu croises une bombasse dans la rue, au lieu de passer une petite annonce dans « Transports amoureux », écris une chanson, tes chances de la toucher sont plus grandes. Inutile, donc, de préciser que c’est une très belle chanson porteuse d’espoir.