Amour, stupre et verrines

Clique sur chaque image pour l’agrandir, en attendant que j’aie trouvé un truc pour rendre le tout plus lisible



Voilà, ceci est la première planche d’une série sur le thème chatoyant des amours en lignes, dessinée par Luria. La suite, probablement sur un blog dédié, mais pas tout de suite : apparemment, la dessinateuse aurait un travail, d’autres trucs à faire, une vie, ce genre de choses qu’à titre personnel, je réprouve.

Buzzter Keaton

De toujours, l’internaute a rêvé d’être payé pour glander gérer sa communauté. Et de nombreuses régies proposent désormais de te transformer en panneau publicitaire pire que la caravane du tour de France monétiser tes espaces communautaires dans le respect de sa communauté, grâce à la publicité. Car cela prend beaucoup de temps et d’énergie, ça doit donc rapporter.

Et c’est vrai que dans le monde moderne, pratiquer une activité futile pour le simple plaisir est une hérésie digne de l’angélisme béat de dangereux communistes post-soixante-huitard, source de paupérisation et d’insécurité. Au moins.

Mais il y a d’autres activités tout aussi chronophages et prenantes que personne n’a jamais pris soin de monétiser, sans doute un moment de distraction des régies publicitaires.

Par exemple, tenez. Je passe quotidiennement deux heures dans ma voiture. Cela me demande du temps et de l’énergie. Je devrais donc pouvoir monétiser cette activité. Je pourrais, à chaque village traversé, crier : « Oh, que cette voiture est confortable ! Je l’ai achetée au garage Grognuz de Courchapoix ! Elle est super ! » De même, et ce serait, même si ma modestie souffre de cet aveu, une idée absolument géniale, le klaxon pourrait très bien être remplacé par une publicité sonore pour une assurance-vie.

J’aime les balades. Je ne suis pas un randonneur de l’extrême, mais j’aime à me promener à travers bois à la recherche de l’air pur et du calme. Sauf que j’habite en zone urbaine, je ne peux pas me perdre dans l’immensité d’une chênaie séculaire sans que des douzaines d’autres chalands ne viennent s’y perdre itou. Or, au lieu d’avoir des semelles rayées comme vous et moi, je pourrais très bien porter des chaussures publicitaires, qui indiquent aux personnes venues troubler la quiétude des lieux à grands coups de jogging où trouver la meilleure bièrerie de la ville pour récupérer bien vite les calories bêtement perdues au cours de leurs louches activités.

Et je ne vois pas pourquoi, quand je sers un cake à mes invités, ce qui me prend du temps et de l’énergie, je ne leur servirais pas un « cake à la farine Migros, aux trois poivrons bio de l’épicerie du Coin en Bas à Droite et au saumon d’Ecosse, un pays où on peut se rendre facilement grâce aux voyages Cuany »

Autre piste à explorer. J’ai un péché mignon. Depuis toujours. J’aime dormir. J’y consacre énormément de temps et pas mal d’énergie. Or, il m’arrive parfois de pratiquer cette activité en binôme. Entrecouper mes ronflements (c’est un exemple, évidemment, je ne ronfle pas) par des slogans publicitaires pour des somnifères, des boules quiès ou easydivorce.ch serait une source de revenus non négligeable.

Ce billet n’est pas sponsorisé, mais il vous est gracieusement offert par les poêles en laiton.

Arrive un assez beau jeune homme, l’air suspicieux

– Bonjour, je cherche un concept !
– Ça tombe bien, vous êtes justement dans une fabrique de concept !
– Oui, c’est pour ça que je suis là.
– Quel genre de concept souhaiteriez-vous ? Artistique ? Littéraire ? Chevalin ? Funéraire ? Professionnel ? Politique ? Vaseux ? Sémiologique ? Rouge ?
– Non mais c’est parce que j’ai un blog…
– La honte !
– Je ne vous ai pas interrompu alors ne m’interromp…
– Un blog ! Quel ringard !
– Ouais, je sais.
– Il parle de quoi ?
– C’est ça, le problème. Il ne parle de rien. Du coup, j’aimerais un concept de blog qui parle d’un truc. Parce que les gens aiment bien quand ça parle d’un truc précis, à cause de l’identification.
– Vous avez pensé à raconter votre quotidien avec ironie et décalage ?
– Mon quotidien n’est pas très intéressant.
– Justement, les gens peuvent s’identifier.
– Je préférerais pas. Surtout aujourd’hui, je me suis fait une tache de café alors s’ils s’identifient, ça va être moche.
– Une tache de café ! Excellent ! J’adore cette façon de raconter le quotidien de façon naïve et désinvolte. Une tache de café. mais où ils vont chercher tout ça ?
– Ben, dans la tasse. Mais bon, c’est une tache, j’ai frotté un peu et là… bon ben c’est pas parti, mais enfin, c’est pas non plus la peine d’en faire un roman-photo.
– Pourtant, le roman-photo, c’est un super concept. On appellerait ça Romand-Photo.
– Non.
– Ne soyez pas si impératif. Ça raconterait l’histoire d’un type avec un quotidien, désinvolture et des photos.
– Non mais j’avais pensé à un truc moins photographique.
– Des films ? Des films où vous raconteriez le quotidien avec humour et un montage particulièrement fin, et des mimiques pour que les gens comprennent que c’est drôle ?
– Pas mal, ça peut sûrement marcher, mais je pensais à quelque chose de moins filmographique.
– Des dialogues très longs entre des protagonistes ?
– Je sais pas trop, les gens n’aiment plus les protagonistes, de nos jours.
– Sauf si ce sont des protagonistes qui ont un quotidien décalé.
– Je ne sais pas, j’ai peur que ça fasse trop de décalage, j’ai déjà le sommeil léger.
– Mais avez-vous tenté les concepts à vocation instructive, comme par exemple parler d’une passion pour en faire profiter les autres ?
– Je n’ai, hélas, pas de passion.
– Ah, très bien, dans ce cas-là, vous n’avez qu’à donner votre avis sur la politique et un ton péremptoire.
– Je n’ai hélas pas d’avis et puis j’en ai marre des zeugmas.
– Dans ce cas-là, monsieur, je crois qu’il ne me reste qu’une seule chose à vous dire : …
– Bon. Je vais plutôt vous prendre un concept chevalin, finalement.

A l’ombre, des jeunes filles.

Cette année, c’est le 20e anniversaire du meilleur album de rock’n’roll de tous les temps (si, si, j’insiste). Mais ça fait aussi 20 ans que nous autres, francophones, préférons Nirvana en yaourt et n’avons jamais vraiment cherché à comprendre de quoi ça parlait. Hélas, je me propose de rerompre le charme.

In Bloom

En fleur

Sell the kids for food

Vends les enfants pour de la nourriture
Justement, parce que j’habite près d’une école, je me posais la question : est-ce que je peux vendre ceux des autres ? Et est-ce que ce ne serait pas plus économiquement responsable de supprimer les intermédiaires et, au lieu de les vendre pour de la nourriture, de les manger directement ?

weather changes moods

La météo change les humeurs
C’est vrai.

Spring is here again

Le printemps est de retour
C’est faux. Mais c’est parfois vrai.

reproductive glands

Glandes reproductives
Bien sûr, tout ça n’a pas l’air hyper cohérent. Mais quand on y réfléchit, si : cette chanson parle d’un jeune homme qui, à cause du retour du printemps, est d’humeur badine et démonstrative. A tel point que, quand la brise revient, il se retrouve affublé de nombreux enfants et de pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau pour les nourrir, alors il décide de les vendre pour se nourrir, et c’est bien légitime.

[Répétition 1] :

Hey – He’s the one
Who likes all our pretty songs

Hey c’est celui qui aime toutes nos jolies chansons
Le vendeur d’enfants est un fan de Nirvana, mais seulement des chansons jolies (genre celles qui parlent d’un enfant qui veut sa maman ou encore celles qui parlent de boire du thé, je suppose).

And he likes to sing along

Et il aime chanter tout le temps
Quelqu’un de très badin, de très joyeux, donc.

And he likes to shoot his gun

Et il aime tirer au pistolet
Et du coup, la vente de ses enfants est une très bonne chose, car ce n’est pas un loisir très familial, contrairement à la couture (par exemple).

But he knows not what it means
Don’t know what it means, when I say:

Mais il ne sait pas ce que ça veut dire, sait pas ce que ça veut dire quand je dis..
Suspense. On ne saura pas ce que le jeune homme ne sait pas. Je sais pas vous mais je suis impatient.

[Répétition 2] :

He’s the one
Who likes all our pretty songs
And he likes to sing along
And he likes to shoot his gun
But he knows not what it means
Knows not what it means when I say yeaahh …

Il est celui qui aime toutes nos jolies chansons et il aime chanter tout le temps et il aime tirer au pistolet, mais il ne sait pas ce que ça veut dire, sait pas ce que ça veut dire quand je dis ouais.
C’est souvent le problème des teasers : l’attente est meilleure que le verdict.

We can have some more – nature is a whore

Bruises on the fruit – tender age in bloom

Nous pouvons en avoir plus, la nature est une pute
Pourriture sur le fruit, âge tendre en fleurs.
Kurt Cobain, apparemment, a acheté les enfants de son fan qui voulait les vendre pour manger. Mais il constate que ces derniers souffrent d’acné juvénile et il est très énervé, et on peut le comprendre, quand on fait un achat important, on peut s’attendre à ce qu’il ne souffre pas d’acné.

C’est une très belle chanson, porteuse d’espoir et d’un message fort : quand vous achetez quelque chose à un marchand ambulant, vérifiez attentivement la marchandise, sinon vous ne pourrez pas vous plaindre ensuite.

Dothraki sonne le glas

Je sais pas si tu as remarqué, mais la fantasy, ça se passe un peu toujours dans des univers médiévaux, voire éventuellement post-apocalyptiques, mais où l’apocalypse a frappé tellement dru que l’univers en est devenu vachement médiéval. Alors qu’il n’y a pas tellement de raisons, c’est pas parce que tu te méfies des nains et des golems que tu n’as pas le droit d’être un véritable démocrate respectueux des droits de l’homme, de l’elfe, du kender et du troll. Ça pourrait très bien se passer dans un monde moderne où le héros, un trentenaire angoissé, serait avant tout à la recherche de lui-même. Et vaguement d’un moyen de sauver l’humanité, rapport à cette terrible prophétie.

– Je suis Thorghar, fils de Thorghur.
– Bien monsieur, il me faut trois fiches de salaire, une attestation de domicile, un extrait de casier judiciaire, une attestation de l’office des poursuites et le pedigree de votre labrador.
– Thorhar n’a pas de fiches de salaire, car il est libre comme le vent !
– Ah ben oui mais si vous êtes indépendant, c’est pas le même guichet, hein !

De même, dans la fantasy, quand tu fais un truc bien, ce n’est jamais tellement parce que tu t’es beaucoup entraîné, ou parce que tu es doué, ou parce que tu as eu un gros coup de bol. Non, c’est toujours parce que tu es le fils caché d’un mec qui lui-même était le fils d’un autre type, et ainsi de suite.


– Oh, regarde le type bizarre, là, en armure, il vient encore de faire un strike !
– Ne sais-tu donc pas que c’est Thorghar, fils de Thorghur, dont les records à Pacman et à Tetris dans la légendaire salle de jeux Atlantis n’ont jamais été vaincus ?

Et du coup, tu es parfois celui que chantent les anciennes prophéties.

– Ne serait-il pas celui que chantent les anciennes prophéties ?
– Tu crois ? Il faudrait que je lui prête ma plume pour écrire un mot ?
– Je ne parle pas de cette ancienne prophétie-là ! Je crois que nous avons devant nous le terrible Bali Balo !

Dans la fantasy, tu ne peux jamais aller tranquillement boire un pot avec des potes, il faut toujours que tu te retrouves dans une taverne mal famée où quelque chose de louche se trame.

Thorghar gara son fier destrier devant le bar PMU « au Lutrin Malin », où son mystérieux contact lui avait donné rendez-vous parce qu’il n’y a pas grand chose d’ouvert le dimanche dans la banlieue de Besançon. Il entra dans ce bouge sombre et enfumé et entreprit de feuilleter L’est Républicain du jour pour voir si par hasard, de terribles événements ne se trameraient pas dans le coin. Il ne put s’empêcher d’entendre la conversation du patron, Julot fils de René : « Non mais je suis pas raciste, moi, d’ailleurs, des elfes, y en a des bien, je dis juste qu’ils sont pas comme nous, et puis que je sache, dans leurs pays, le dépeçage traditionnel des ennemis est interdit, alors c’est pareil, ils viennent pas jouer de la lyre dans mon bar, c’est tout.

voire :

Thorghar entra dans le salon de thé « Chez Swann ». « Hola, manant, une verveine et deux madeleines, et prestement, où tu tâteras de Rondoudou, ma fidèle épée », demanda-t-il au serveur, car il avait revu pour la 20e fois « Les Visiteurs » la veille. Et que son épée s’appelait Rondoudou.
– Il me reste plus que des madeleines de Proust », répondit le serveur qui en avait vu d’autres et à qui il ne restait plus que des madeleines de Proust.
– Qu’est-ce à dire ?
– Eh bien c’est comme des madeleines normales, sauf qu’en plus elles te font revivre des souvenirs.
– Super, j’en prends dix-huit.
(Quelques chapitres plus tard)
– Halte-là, manant, c’est quoi cette arnaque ? J’ai revécu des souvenirs que je n’avais jamais vécus avant !
– Ah bah oui, on ne revit pas les siens, sinon ça sert un peu à rien.
– Mais là en plus ils étaient tout nuls !
– Ah bah oui, c’est des souvenirs de Olgor fils de Olga, notre pâtissier, il a un peu une vie de merde, mais il est super bon à WOW.
– Ah c’est pour ça, les dragons et tout ? je trouvais ça idiot, tout le monde sait qu’ils se sont éteints y a longtemps et tout.

Et surtout, dans la fantasy, y a toujours une carte, au début, que tu consultes désespérément à chaque nouveau nom de lieu (sept par page en moyenne), et qui ne te sert à rien.

– Tu t’avanceras par delà les plaines ténébreuses de Fontfroide, puis les contreforts de la montagne Noire se dresseront, fiers et nébuleux, face à toi.
– Oh, il est classe, ton nouveau GPS !
– Oui, c’est TomTom, fils de Nana. Classe, mais pas pratique, je comprends jamais rien à ses explications. Et encore, aujourd’hui, ça va, d’habitude, il chante.

Knacki sonne le glas

Disclaimer : cette nouvelle n’a aucun lien avec une activité cinématographique aussi récente que navrante

Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de faire des cachotteries dans une famille de cinq enfants, mais je vous le déconseille. Quand mon petit frère Yvon s’est mis à hurler « Isa elle planque des saucisses sous son lit, elle planque des saucisses sous son lit ! », je n’ai pas été étonnée outre mesure.
« Tu n’as pas de troubles alimentaires, au moins ? », m’a demandé maman, pour qui la nourriture est le truc avec lequel il ne faut pas plaisanter. « Non parce que les gens me posent des questions, tu sais. » J’ai éclaté de rire, forcément. Ça revient souvent sur le tapis. Je ne suis pas anorexique. Même selon les critères de ma mère, qui situe ça autour d’un cheval par jour. C’est un peu comme si on demandait à DSK s’il avait fait voeu de chasteté. Mais, depuis toujours, les gens s’inquiètent pour moi. Du moins, disent d’inquiéter pour moi pour le plaisir de coller leur nez dans les affaires des autres. Parce que je suis, disons, fluette. Maigre, auriez-vous dit, mais c’est moi qui raconte. C’est un truc de famille. Mes quatre frères sont bâtis pareils que moi, des estomacs sur pattes larges comme des Somaliens. Eux, on leur demande s’ils mangent à leur faim, on se dit qu’avec cinq gamins, mes pauvres parents doivent avoir de la peine à acheter suffisamment. Les parents de leurs amis les ont toujours resservis en douce. Moi, je suis une fille alors c’est un peu différent. On ne me demande pas, sur un ton inquiet, « Mais tu manges à ta faim ? », non, on m’engueule : « Mange ! » ou alors « Tu sais, les garçons aiment les filles qui ont des formes. »
Les gens me voyaient manger comme quatre, mais ils continuaient de me croire anorexique, de s’inquiéter pour moi, de coller l’oreille à la porte des WC pour être sûrs que je ne me faisais pas vomir. Ça m’a énervée, inquiétée, déprimée puis, un jour, j’ai compris que, ma foi, je n’aurais jamais de seins, que j’étais fabriquée comme ça et que je ne pouvais changer ni ma constitution, ni le regard des autres. Que maman, régulièrement, à force d’entendre ses copines chuchoter, me pose la question, ça m’a toujours ébahie parce qu’elle devrait se rendre compte que ce n’est pas vraiment dans ce domaine-là qu’il faut s’inquiéter pour moi. Mais j’ai l’habitude. »

Très touchante, ton histoire, mais enfin, ça n’a rien à voir avec la raison pour laquelle tu es là. »
Attendez, attendez, je contextualise.
Petit à petit, donc, je me suis mise à cultiver ce qui faisait ma différence. Je mange beaucoup et, seule fille perdue au milieu d’une famille de goinfres, je mange vite. Question de survie. Et un jour, je suis tombée sur un article sur Takeru Kobayashi, « The Tsunami », l’homme qui avale 63 hot-dogs en 12 minutes. Ça m’a fascinée. J’ai jamais été sportive, jamais été très scolaire, je ne suis la plus forte en rien, mais voilà enfin une compétition dans laquelle je pouvais cartonner. M’empiffrer, c’est dans mes cordes. J’ai lu tout ce que je trouvais sur lui sur Internet, j’ai regardé plein de vidéos pour m’inspirer de sa technique et, enfin, j’ai acheté de quoi m’entraîner, une cinquantaine de pains à hot dog et tout autant de Wienerli. Je pensais garder ça pour moi, parce que les gens me trouvent déjà assez bizarre comme ça, je ne suis pas sûre de vouloir en rajouter.
La famille a nettement mieux réagi que ce que je pensais. Ils ont adoré. Ils ne se sont pas du tout moqué de moi, comme je l’avais imaginé, peut-être bien espéré. Le clan a pris mon entraînement en mains.
Mais il n’y a pas que pour la bouffe ou la procréation qu’ils sont dans l’excès. En faire des tonnes, c’est une marque de fabrique. Enfin, sauf au sens propre, il n’y a guère que pour le tour de taille que nous savons nous maîtriser, et encore, ce n’est pas tellement volontaire. Mon grand frère Corentin s’est mis en tête de trouver la technique ultime. Yvon, le numéro 4, un an de moins que moi et seize ans passés à vouloir toujours faire mieux que moi, a décidé qu’il pouvait se lancer lui aussi dans les compétitions. Papa a téléchargé des tonnes d’articles et a même demandé à un client japonais de lui traduire les articles de presse sur Kobayashi. C’était devenu l’unique sujet de conversation à la maison. Seule maman restait un peu imperméable à l’enthousiasme général : elle secouait la tête et répétait, en boucle : « Mon dieu, mon dieu, mais vous n’aurez plus faim pour le rôti !»
Le pire, là-dedans, c’est que je suis nulle. S’il y avait des compétitions type 24 heures de la fondue chinoise, je les remporterais haut la main. Mais le hot-dog, ça ne passe pas. Je m’étouffe, j’en recrache la moitié, je m’en mets dans le nez, une horreur.
Sauf que je ne pouvais plus faire machine arrière. Pour calmer un peu ces messieurs, j’ai rappelé que je ne savais même pas s’il y avait des compétitions en dehors des Etats-Unis. L’erreur fatale. Papa s’est mis en tête de mettre sur pied un grand événement sur sol helvétique. « Il pourrait même y avoir une épreuve de fondue », a-t-il ajouté. Et il était sérieux, bien sûr. Je me sentais complètement obligée de persévérer, pour eux. »
Ah oui, j’avais lu quelque chose sur cette compétition… Et donc, inconsciemment, tu t’es imaginée que ce Japonais, là, était la cause de tes problèmes et c’est pour ça que tu l’as agressé. »
C’est un peu plus compliqué que ça. Laissez-moi terminer. La compétition approchait, Corentin s’était improvisé chef de presse et avait rameuté les médias, on ne pouvait plus faire machine arrière. Même si, en réalité, nous n’avons jamais eu droit à plus qu’à la rubrique « Insolites » des journaux locaux.
Moi, entre temps, j’étais complètement écoeurée. Je rêvais de hot dog toutes les nuits. Je repensais en permanence à cette planche des Schtroumpfs, vous connaissez les Schtroumpfs ?, où l’un d’eux se retrouve transformé en saucisse. J’avais l’impression qu’il allait m’arriver la même chose, que moi aussi, j’allais courir partout en répétant « Je suis une saucisse, je suis une saucisse. »
Tu as d’étranges lectures. »
Je peux finir ?
Un jour, mon père est arrivé à la maison excité comme un gamin avant Noël. « J’ai une surprise pour toi », a-t-il hurlé. Je l’avais rarement vu aussi survolté et pourtant, il n’est pas du genre calme. Il est reparti en trombe et est revenu une demi-heure plus tard avec un invité. Takeru Kobayashi. Il y a six mois, j’aurais été folle de joie. Là, j’ai repensé à cette vidéo où il tente d’avaler sa pitance plus vite qu’un ours et j’ai eu un haut le coeur. Je me suis dit qu’à la place de la bête, je serais repartie me cacher dans mes montagnes en grognant. Ou alors que je serais passée me plaindre auprès de la SPA locale. Papa, lui, dansait sur place. « Va chercher ton cahier, fais lui signer un autographe, voyons ! » Je ne sais pas du tout de quel cahier il parlait mais, dans le doute, pour ne pas lui casser ses illusions, j’ai attrapé la première chose qui y ressemblait dans ma chambre. Kobayashi a signé, me l’a rendu et… »
Tu l’as attaqué. »
J’ai cru qu’il me tendait des saucisses ! »
Pardon ? »
Je devenais folle avec toute cette histoire. Ma vision s’est brouillée, je ne sais pas, je me disais bien qu’il y aurait dû y avoir ses doigts à cet endroit-là, mais j’ai vu cinq saucisses, alors j’ai mordu. »
Tu me prends pour un idiot ? »
Mais non. Des Knackis. Et ne pointez pas votre index comme ça ! »
Ne me donne pas d’ordres ! »
Ce n’est pas un ordre. C’est un conseil. »
Ne me donne pas de cons…. aïe ! Mais elle m’a mordu ! »

Saucisse de franc fort

L’euro n’en finit pas de s’effondrer, le franc suisse n’en finit pas de s’envoler. Une situation catastrophique pour nos entreprises exportatrices. En bon patriote, tu as donc décidé de profiter de l’été pour aller dépenser le plus de sous possible à l’étranger, afin d’enrichir les pays de la zone Euro et ainsi contribuer à la normalisation de la situation. C’est bien. Mais voilà, tu ne connais pas trop bien ces pays tous plus ou moins barbares, et tu ne sais donc pas quel souvenir en ramener. Pas de panique, Internet est là pour t’aider.

L’Allemagne est un pays de type germanique connu pour le côté sérieux et travailleur de ses ressortissants, pour sa rigueur défensive, pour ses saucisses, ses autoroutes et son passé tumultueux. Seulement, rien de tout ça ne s’achète, rabats-toi donc, comme tout le monde, sur un mug aux couleurs de l’Ampelmann.

L’Autriche est un pays de type germanique dont on a loué les compositeurs, les valses de Vienne, le beau Danube bleu, les tyroliennes mais aussi les viennoiseries, profites-en donc pour ramener des croissants, merci.

La Belgique est un pays de type en voie d’extinction. Dépêche-toi donc d’en ramener des groupes de rock belges avant que les Wallons ne demandent leur adhésion à la Suisse romande, les Flamands à la Camargue et Bruxelles au Belgistan.

L’Espagne est un pays de type ibérique, qui s’est récemment spécialisé dans la fabrication intensive de champions sportifs. A l’instar du sémillant Bulat Chagaev, tu peux donc en ramener deux ou trois footballeurs pour faire joli au milieu de ta pelouse artificielle.

Réputé pour son gratin d’eau, ses skieurs de fond et ses doubles voyelles, la Finlande est un pays de type nordique. On y fabrique aussi des sports insolites, tels que le lancer de Nokia et les championnats de sauna. Autant de loisirs qui feront, j’en suis certain, le succès de tes apéros dînatoires.

La France, pays de type gaulois, est mondialement connue pour sa gastronomie. Tu y achèteras donc tripoux, tablier de sapeur, pieds paquets et bougnette qui feront le succès de tes apéros dînatoires.

L’Irlande est un pays de type gaellique, à ne pas confondre avec l’Islande, qui n’est pas du tout au même endroit, ni avec l’Iglande, qui n’est pas un pays, mais la description de mon rythme de vie, je te prierais de bien vouloir me laisser en dehors de tout ça. On y fabrique des équipes de rugby au trèfle, ce qui est moins drôle qu’au poireau, des roux et des chansons de Michel Sardou, qui feront le succès de tes apéros dînatoires.

L’Italie est un pays péninsulaire, actuellement plus connu pour ses bunga-bunga que pour ses indéniables qualités culturelles et culinaires. Le bunga-bunga est une sorte de jeu de société particulièrement ludique qui fera à coup sûr le succès de tes apéros dînatoires.

Le Luxembourg est un pays de type bancaire, réputé pour ses jardins et ses grands-ducs. Le grand-duc est un hibou, un peu chevêche de prime abord mais qui fera un compagnon de jeu idéal pour tes enfants.

Les Pays-Bas ne sont en réalité qu’un seul pays, mais bas. Le souvenir typique le plus prisé des jeunes modernes urbains cool est François Hollande.

Le Portugal est un pays sur lequel on fait trop souvent de mauvaises blagues pour que je m’abaisse à ça. Ce n’est pas mon genre. Je laisse ça aux autres. Tu peux en ramener des morues, de la crème épilatoire ou des porcs tout gais, lol.

La Grèce est un pays bientôt en faillite. Le meilleur souvenir à ramener de Grèce est donc la Grèce, qu’on devrait te céder pour un drachme symbolique. Profites-en pour leur piquer leur titre de champion d’Europe de foot 2004, ça ne passe toujours pas, merci.

Chypre est un pays insulaire, alors que l’Angleterre en a deux, mais j’ai piqué cette blague à Eric et Ramzy, c’est dire le désarroi dans lequel je me trouve. Contrairement à l’Angleterre, Chypre est séparée en deux parties. Au Nord, on y boit du raki, au Sud de l’ouzo: pas de quoi en faire tout un pastis (j’avais aussi au Nord on y mange du kebab, au Sud de la pita, pas de quoi en faire tout un sandwich, mais ça fonctionne moins bien). La ville la plus prisée des touristes est Larnaca, d’où l’on ramènera quelques objets traditionnels typiques.

La Slovénie est réputée pour ses ours et ses loups qu’elle exporte fièrement dans toute l’Europe. Les loups et les ours sont des animaux bien pratiques puisqu’ils nous débarrassent des moutons qui, comme on le sait bien en Suisse grâce à l’UDC, sont des animaux terrifiants.

Malte est un pays de type maltais. On y fabrique de ravissants produits maltais : l’Ovomaltine, les Maltesers, les aventures de Corto Maltese et la bière.

L’Estonie est un pays de type balte. On y fabrique de ravissants produits baltiques : l’Ovobaltine, les Baltesers, les aventures de Corto Baltese et la mière.

Tic et tac, Rangers du risque

Il y a des jours, comme ça, où je me sens un peu dépassé par ce monde moderne. Par exemple, sans les commentaires Facebook de Pétronille, j’ignorerais toujours l’existence de la chanson « L’horloge tourne » de Mickael Miro. Et sans cette chanson, je n’aurais jamais découvert l’existence de la song-fic. Et j’aurais préféré.

Mickael Miro est un immense parolier. La preuve, il a été interviewé par un site internet sur Jean-Jacques Goldman, la consécration ultime dans le monde des grands paroliers (enfin, la consécration pénultime, puisque la vraie consécration ultime pour les grands paroliers c’est écrire une chanson pour Johnny, mais je crois qu’il est décédé).

Mickael Miro – L’horloge tourne

Ça va parler du temps qui passe, je suppose, pas d’une horloge possédée par le démon et qui tourne sur elle-même.

Un SMS vient d’arriver,

Ah ouais, moi aussi, ça m’est arrivé, une fois. (Je m’en souviens, c’était mon opérateur téléphonique qui me prévenait de ses tarifs à l’étranger car il pensait que j’étais à l’étranger et en fait j’étais à 7 kilomètres de la frontière, c’est une anecdote particulièrement intéressante que je n’hésite pas à replacer quand la conversation le permet).

j’ai 18 ans,

Tu fais plus, sérieux.

Envolée ma virginité, j’suis plus un enfant.

Ah non mais par SMS, ça compte pas vraiment, hein !

L’horloge tourne, les minutes sont torrides
Et moi je rêve d’accélérer le temps.

C’est marrant, parce que le jour où cette passionnante aventure m’est arrivée (la perte de la virginité, je veux dire, je ne parle plus du coup du SMS)(même si c’est vrai que c’est particulièrement savoureux, comme anecdote), j’aurais plutôt rêvé de ralentir le temps, tant la minute était torride.

[Refrain]
Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh.

Ouh, bien comme refrain, mais ça me rappelle un truc.

Un SMS vient d’arriver, j’ai 20 ans,

Ah ouais. Tu n’as pas une vie sociale super épanouie, on dirait.

On l’a fait sans se protéger

De quoi, envoyer un SMS ? Ça ira, c’est pas grave.

mais je veux pas d’un enfant,

Ah, non, d’accord, tu étais toujours sur l’histoire du dépucelage ! Je te trouve bien catégorique, un enfant, ça te ferait un super joli fond d’écran pour ton portable.

L’horloge tourne, les minutes infanticides
Et moi je rêve de remonter le temps.

Avec des aiguilles à tricoter.

[Refrain]
Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh.

Un conseil, si la jeune personne complice de ta perte de virginité t’écrit « jkroi ke je suis ensainte lol je vé me faire intaficidé ou chez pakoi », évite quand même de lui répondre « Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh ». Ça fait un tout petit peu désinvolte. Elle pourrait même mal le prendre : « Koi sé koi le pb ak mon déo lol tu retir sa ou je te kit »

Un SMS vient d’arriver, j’ai 21 ans,

Trois SMS en trois ans, je pense que c’est un genre de record du monde négatif. Tu devrais au moins activer les accusés de réception.

9 mois se sont écoulés

Y a pas la fonction calculatrice, sur ton téléphone ?

et toujours pas d’enfants.

Si quelqu’un a le numéro de ce jeune homme, il y a peut-être deux trois notions de base de contraception qu’il faudrait lui envoyer.

L’horloge tourne, les minutes se dérident

Tu veux dire que tu comprends seulement maintenant que la jeune fille n’était finalement pas enceinte ? Dis-moi, tu lui as déjà parlé autrement que par SMS ?

Et moi je rêve, tranquille je prends mon temps.

Ça, on peut pas dire le contraire.

[Refrain]
Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh.
Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh.

Ouh, ça fait quatre fois dam dam déo, quelle fougue !

Un SMS vient d’arriver, j’ai 25 ans,

Ça faisait longtemps !

Un tsunami a tout emporté, même les jeux d’enfants,

Super. Ton téléphone n’a plus sonné depuis 4 ans, tu reconnais même plus la sonnerie, ça te fiche une trouille terrible. En plus, forcément, t’étais pas sur silencieux et les gens de l’enterrement te regardent un peu de travers. Tu espères qu’on t’a dérangé pour un truc de ouf genre une ancienne amante qui aimerait se réconcilier, c’était le bon vieux temps quand elle croyait qu’elle était enceinte dam dam déo, ou alors au moins un pote qui voudrait aller boire un verre, quatre ans que tu n’as plus parlé à personne, tu te sens un peu déshydraté et là, tu lis : « Tavu ce unagi ou chez pakoi en inde aux nazis ou chez pa ou ? lol sé afre ils ont montré sur la télé ke sa a kc 1 jenr de bak a sabl lol alé bizoo »

L’horloge tourne, les minutes sont acides
Et moi je rêve que passe le mauvais temps

Oh ben fais comme tout le monde après un tsunami : tu envoies 20 francs à l’aide aux sinistrés et tu attends que ça passe. En plus, de nos jours, on peut même faire des dons par SMS.

[Refrain]
Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh.

Je vois que ça va déjà mieux.

Un SMS vient d’arriver, j’ai 28 ans,
Mamie est bien fatiguée

Je ne ferai aucun commentaire sur cette strophe, la famille, c’est sacré. Cela dit, si ça arrivait, j’aimerais pas qu’on me prévienne par SMS. Soit parce que ma grand-mère est bien fatiguée, elle est sortie danser toute la nuit, ensuite elle a eu un peu de mal à dormir, heureusement que le monsieur qu’elle avait rencontré au thé dansant a veillé sur elle si tard et franchement, je ne veux pas être prévenu du tout. Soit c’est un euphémisme pour dire qu’elle est vraiment très fatiguée, mais je veux dire très très fatiguée et là, à la limite, un coup de fil peut être bien, à la rigueur un fax, mais pas un sms.

mais j’suis plus un enfant,

« Ta grand-mère est bien fatiguée, on l’a emmenée dans une ferme où elle pourra se reposer, bisoux, ta maman qui t’aime » « LOL srx maman je suis plus un enfant maintenant, arrête de dire bisoux ça me fout la honte »

L’horloge tourne mais son coeur se suicide
Et moi je rêve, je rêve du bon vieux temps

Non, pardon, je me moque mais sincères condoléances quand même, hein.

[Refrain]
Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh.
Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh.

Quand même, je le trouve super positif, depuis le début de la chanson.« Mémé est morte, mais bon, j’en avais une autre, des milliers de Chinois sont morts dans un tsunami en Indonésie, mais bon, y en a des autres, ma meuf a dû se faire avorter ou je sais pas quoi, mais bon, elle était nulle en sexto, et puis la vie continue, dam dam déo », j’ai envie de dire que c’est une belle leçon de courage.

Un SMS va arriver,

Oui enfin ça, c’est pas encore gagné.

j’aurai 30 ans,

C’est un peu triste, non, à 30 ans, d’en être à se dire « super, ça va être mon anniversaire, je vais sûrement recevoir un SMS, genre de cette ex, là, comment elle s’appelait, déjà ? je me rappelle, on croyait qu’elle était enceinte, qu’est-ce qu’on s’était marrés ! » ?

30 ans de liberté et soudain le bilan,

De liberté et d’avortements.

L’horloge tourne, les minutes sont des rides

Des rides à 30 ans ? Sérieusement, faut changer de crème de jour.

Et moi je rêve , je rêve d’arrêter le temps

C’est sûr qu’avec tes six SMS en douze ans, tu dois plus avoir le temps de suivre.

[Refrain]
Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh.
Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh.
Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh.

Dam dam dam di doo dam dam dam, comme disait Karen Cheryl.

Voilà, tu auras déjà compris que c’est une très belle chanson porteuse d’espoir : l’espoir qu’après 30 ans, il arrive un âge où tu peux complètement passer à côté des tubes du moment sans même t’en rendre compte.

Y a plus de coursiers en cette saison

Internet ne sert pas qu’à taguer contre leur gré des millions d’innocents grâce à la reconnaissance faciale de Facebook, à tuer sans vergogne des artistes grâce au téléchargement illégal ou à mettre à genoux l’économie mondiale et tweetant pendant ses heures de travail, bien que ces activités soient plaisantes et ludiques. Non.
Internet permet aussi de partager des expériences. Ainsi, aujourd’hui, j’aimerais te donner quelques astuces utiles en cas de déménagement.

– Tout d’abord, dresse une liste. Une liste des choses à faire pour le déménagement, pas une liste des personnes avec qui tu as participé à la lutte pour le féminisme au cours des années écoulées.

– Oui bon ben maintenant que la liste est faite, n’oublie pas que tu devais leur rendre leur dvd du Gendarme à St-Tropez.

– Divise la liste par le nombre de jours restants et constate qu’en fait, y a grave le temps. Attends deux jours. Panique parce que tu n’y arriveras jamais. Puis recalcule. Puis repanique. Ainsi de suite jusqu’à J-1.

– Durant ce laps de temps, casser des trucs est une astuce efficace pur diminuer le poids total du déménagement, d’autant que ce jour-là, il fera soit 60 degrés, soit tempête de neige. Vise quand même les verres moches plutôt que la télévision en acajou héritée de ta grand-mère.

– Profite quand même de l’intervalle pour constater que les cartons habilement entassés à la cave lors du précédent déménagement sont à peu près aussi utilisables qu’un suprême de lentilles comme apéritif lors des assises de la première internationale carnivore. Trouve des cartons. Astuce : Arpenter la plage et demander à des quidams « Salut, t’aurais pas un bout de carton » est une très mauvaise façon de faire.

– Profite également de l’intervalle pour les joyeusetés administratives, arme-toi de patience et d’un knout. Si tu habites une commune de moyenne importance, tu y rencontreras une administration efficace et motivée, tous les mardi de 14 heures à 16 heures. Si tu habites un petit village, le secrétariat communal est ouvert de 19 heures à 19 heures 07, mais la secrétaire communale, qui est aussi présidente de l’amicale des femmes paysannes, caissière du choeur mixte, gardien de but du FC, toiletteuse pour chiens et la maman de ton ami d’enfance Jocrisse se fera un plaisir de noter sur un bout de papier la date de ton déménagement, de te demander « mais c’est définitif ? tu reviens quand ? sais-tu que personne n’a jamais quitté le village depuis le XIe siècle, et bien il en est mort ? », avant de complètement oublier de faire le nécessaire. Si tu habites en ville, n’oublie pas de demander huit mois de congé.

– Je sais que tu aimes bien démonter des trucs. Tu es un garçon, c’est normal. Je sais bien qu’Ikea t’as frustré, parce qu’ils font des meubles que même toi tu sais démonter. Mais cette vis, là, à ta place, je l’aurais pas enlevée.

– Le déménagement te permet de faire du tri. Par exemple entre tes vrais amis (ceux qui, dans la seconde, acceptent de venir t’aider à porter le canapé en marbre), tes amis incapables de dire non (malgré leur récente amputation du dos) et, enfin, tout le reste. Les premiers, il faut savoir les ménager : invite les directement à la pendaison de crémière. Les derniers te seront très utiles pour parfaire ta collection d’excuses bidons, indispensables quand les seconds auront l’idée de déménager.

– Le déménagement te permet également de faire du tri dans ta bibliothèque, ta cdthèque, ta bordélothèque et ton armoire. Ça fait cinq ans que tu comptes relire prochainement cet ouvrage sur l’élevage des pucerons en milieu urbain. Tu ne le feras jamais. De même que tu ne réécouteras jamais Kula Shaker. Le passé doit parfois rester le passé, surtout si c’est Kula Shaker. Ça fait huit ans que tu n’as pas porté ce pashmina en poils de mocassin sauvage. Depuis, tu as arrêté le foot et repris une bière. Même avec un chausse-pied, tu n’entreras plus dedans, n’insiste pas. Tous ces objets feront la joie des enfants aveugles de ton quartier. Astuce : quand tu tries et que tu te demandes si tu dois garder ou non, il y a un moment où tu finis par te dire « Oh, et puis merde » et par tout jeter, les CD, le bureau en rotin que tu tenais de ton grand-oncle, le bébé avec l’eau du bain, les clés. J’ai appelé ce moment le « point Oh et puis merde », car j’ai des lettres. Ne commence jamais à trier avant d’avoir atteint ce point.

– Grâce à Internet, tu peux essayer de donner les objets dont tu ne veux plus. Si ça ne marche pas, vends-les. Si ça ne marche toujours pas, augmente le prix.

– Non, ça ne peut pas toujours servir.

– J’espère que tu as prévu l’accessoire indispensable pour un déménagement harmonieux : la bière.

– Ah ben non, ça non plus, ça ne peut pas toujours servir. Je ne vois même pas ce que c’est. Ah si, pardon, je le tenais à l’envers.

– Inutile de caser autant de choses dans le même carton, d’autant plus que les copains qui ont finalement accepté de venir t’aider sont tous membres du Backgammon club du Rouergue.

– Sache que quoi qu’il arrive, même si ta liste a été préparée avec une minutie à faire pâlir d’envie le vérificateur des comptes de la confrérie des mecs qui fabriquent des pièces qu’on comprend pas dans l’horlogerie, élu maniaque de l’année par un jury de spécialistes après seize mois de délibérations, il y a un moment où tu vas devoir retrouver de toute urgence et dans le noir pile le tournevis qui est au fond du carton qui est au fond du camion qui est au fond d’un gouffre, je t’avais dit de pas prendre à gauche.

– Hé, le chat, le chat, quelqu’un a vu le chat ? Il est dans le carton des livres ou dans celui des ustensiles de cuisine ?

This is the rythm of the night

C’est bien connu : Coldplay est le plus grand groupe de rock du monde, à l’exception de tous les autres. Il nous revient, en ce début d’été, avec un nouvel hymne, « Every teardrop is a waterfall ».

Coldplay – Every teardrop is a waterfall

La traduction est de coldplayfrance.com, c’est l’été, je fais ma feignasse, y a pas de raisons.

I turn the music up, I got my records on

Je mets la musique, je fais tourner mes disques
Chris Martin a trouvé un emploi de DJ.

I shut the world outside until the lights come on

J’enferme le monde dehors jusqu’à ce que la lumière vienne
Seulement, comme il débute, il ne laisse entrer personne dans la discothèque, c’est plus sûr.

Maybe the streets alight, maybe the trees are gone

Peut-être que les rues sont éclairées, peut-être que les arbres ont disparu
D’où l’expression « de la musique de bûcheron ». Qui ne s’applique pas super bien à Coldplay, on dirait plutôt « cette musique m’a fait scier du bois ».

I feel my heart start beating to my favourite song

Je sens mon c½ur commencer à battre pour ma chanson préférée
Ritmo de la noche, probablement, d’où une très très légère à peine perceptible ressemblance musicale entre les deux chansons.

And all the kids they dance, all the kids all night

Et tous les enfants dansent, tous les enfants toute la nuit
Un malentendu historique est dissipé: Coldplay est en fait un groupe pour les enfants. Du coup, ça explique cette étrange reprise de tube de l’été: c’est un hommage à Henri Dès.

Until Monday morning feels another life

Jusqu’à ce que le lundi matin sente une autre vie
Tu noteras qu’en Albionnie, on laisse les enfants sortir le dimanche soir. Un laisser-aller qui explique bien des choses.

I turn the music up
I’m on a roll this time

Je mets la musique
Je suis sur un rouleau cette fois

Là, je pense qu’on aurait pu traduire par « Je suis en veine », mais ça ne change pas grand chose.

and heaven is in sight

Et le paradis est visible
Il aime vraiment beaucoup Ritmo de la noche

I turn the music up, i got my records on
From underneath the rubble

Je mets la musique, je fais tourner mes disques
Sous les décombres

Apparemment, les enfants danseurs ont très mal pris de devoir rester dehors de la discothèque, c’est normal, c’est l’Angleterre, il pleut, ils ont froid, du coup ils ont tout cassé.

sing a rebel song

je chante une chanson rebelle
Apparemment, Chris Martin parle super mal espagnol.

Don’t wanna see another generation drop

Je ne veux pas voir une autre chute de génération
Ben oui, mais à force de laisser les enfants danser sur n’importe quoi toute la nuit au lieu de faire leurs devoirs, c’est ce qui arrive.

I’d rather be a comma than a full stop

Je préfère être une virgule qu’un point final
D’où peut-être cette chanson tout juste bonne à illustrer des virgules publicitaires.

Maybe I’m in the black, maybe I’m on my knees

Peut-être que je suis dans le noir, peut-être que je suis à genoux
Peut-être que les patrons de la discothèque ont coupé l’électricité, ça faisait 42 heures que tu passais des mauvais tubes des années 90.

Maybe I’m in the gap between two trapezes

Peut-être que je suis dans l’intervalle entre deux trapèzes
C’est une autre hypothèse, mais nettement moins réaliste.

But my heart is beating

Mais mon c½ur bat
Ecoute, ça m’arrive assez souvent, je me sens pas obligé d’en faire une chanson à chaque fois.

and my pulses start
Cathedrals in my heart

et mon pouls s’accélère
Des cathédrales dans mon c½ur

Accélérer comme une cathédrale, une expression trop peu utilisée. Même par les gothiques, qui s’y connaissent en cathédrales.

And we saw oh this light i swear you, emerge blinking into

Et nous voyons oh cette lumière je te jure, émerger clignotante à l’intérieur
Ça va, pas besoin de jurer, j’ai déjà vu de la lumière s’allumer. Ça surprend la première fois, c’est clair, mais on s’y habitue.

to tell me it’s alright

Pour me dire que tout va bien
Non, à mon avis, c’est l’équipe de nettoyage qui voudrait nettoyer

As we soar walls, every siren is a symphony

Puisque nous grimpons sur les murs, chaque sirène est une symphonie
Comme Chris Martin ne veut toujours pas arrêter de passer sa musique, on lui envoie la police, pour tapage diurne. Il décide de fuir mais, un peu excédé, se trompe de chemin et essaie de passer par un mur. Les sirènes lui rappellent un autre grand succès des disco-mobiles de sa jeunesse, « Alexandrie, Alexandra ».

and every tear’s a waterfall
Is a waterfall
Oh
Is a waterfall
Oh Oh Oh
Is a is a waterfall
Every Tear
Is a waterfall
Oh Oh Oh

Et chaque larme est une cascade
Est une cascade
Oh
Est une cascade
Oh oh oh
Est une est une cascade
Chaque larme
Est une cascade
Oh oh oh

Je pense qu’il surréagit un peu.

So you can hurt, hurt me bad

Donc tu peux me blesser, me blesser gravement
Mais non, personne ne te veut de mal. Enfin, sauf peut-être quand tu chantes, à la limite.

But still i’ll raise the flag

Mais je brandirai encore le drapeau
Ça, c’est parce qu’ils auraient été choisis pour faire l’ouverture des JO de Londres 2012, je crois, je ne vois pas d’autre explication. Non mais ça aurait pu être pire, Paris aurait pu les avoir, c’est Zaz qui aurait fait la chanson, ou Calogero.

Oh
It was a wa wa wa wa wa-aterfall
A wa wa wa wa wa-aterfall

Every tear
Every tear
Every taerdrop is a waterfall

Every tear
Every tear
Every taerdrop is a waterfall

Oh
C’était une cascade
Une cascade

Chaque larme
Chaque larme
Chaque larme est une cascade

Chaque larme
Chaque larme
Chaque larme est une cascade

C’est une très belle chanson, porteuse d’espoir : l’espoir que Coldplay, apparemment trop vieux pour passer des disques toute la nuit sans faire une dépression nerveuse, décide de ne plus jouer de musique non plus.