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chäschüechli

Wednesday, March 17th, 2004

Comme Bob Morane contre tout chacal, l’Aventurier contre tout guerrier, le brave journaliste a aussi ses ennemis intimes, ses prédateurs naturels.

Il y a bien sûr, l’artiste undergrounf. Il emploie des termes simples, mais réussit à les arranger en phrases qui ne veulent rien dire. Quand on lui pose des questions bêtes, du genre “depuis quand peignez-vous”, il éclate de rire, secoue la tête et raconte explique un truc à propos de substrat palimpsestique de l’exégète intrinsèque en tant qu’il est en puissance. Puis ajoute qu’il ne peint pas mais transpose la substantification transhumatoire à l’aide d’un canal pinceautistique. Il en profite également pour ajouter que le succès n’est pas important pour lui, que c’est l’oeuvre qui est importante, n’oubliez pas de donner les dates de mon exposition.

Il y a bien sûr les spécialistes du “ah mais pour ça, il faut pas voir avec moi mais avec monsieur Strunz”. Des gens redoutables, car ils s’arrangent toujours pour créer un mouvement perpétuel: au bout d’une petite vingt-troisaine d’appels, le malheureux pris dans leurs filets retombe invariablement sur son premier interlocuteur.

Mais le prédateur naturel le plus redoutable du scribouillard, c’est la secrétaire. Dont le rôle est, comme son nom l’indique de taire les secrets de son employeur et de le protéger des importuns brimborions. Son combo favori: “il est en séance, rappelez cet après-midi” le matin, “il est en déplacement, rappelez à 16 heures” en début d’après-midi, puis “il vient de partir, rappelez demain…non non, personne d’autre ne peut vous renseigner sur ce sujet”. Quand, 342 coups de fil plus tard, le malheureux gâche-papier triomphe enfin de la resistance secrétariale, son interlocuteur tant désiré lui assène ces propos interlocants: “j’allais justement vous rappeler…ah non, pour ça, faut voir avec monsieur Strunz”.
Acculée, la secrétaire utilise souvent son arme secrète. Elle dit, aimablement, “un instant, je regarde si il est là” et vous laisse seul, aux prises avec la musique de mise en attente. Hits du moment, morceaux classiques claydermanisés par un orgue Bontempi asthmatique, cris de mouettes newagisés, rien n’est épargné au jocrisse qui a eu la téméritude de braver le courroux de la gardienne du temple. Les plus lâches emploient l’usité mais efficace “veuillez patienter, nous recherchons votre correspondant” répété toutes les neuf secondes. Au bout de 12 minutes, histoire de prouver qu’elle l’a vraiment cherché, elle revient et assène le coup de grâce au clampin qui ne pourra pas dire qu’il ne l’avait pas cherché: “il est pas à sa place, rappelez un peu plus tard”

Et là, le journaliste, exsangue, n’a même plus la force de trouver une conclusion digne de ce nom.