J’ai compris tous les mots et la chair est triste hélas

Les blogs nous permettent de nous poser en experts de sujets que nous ne maîtrisons pas, et c’est fort de cette force que je m’en vais vous expliquer aujourd’hui :

Comment devenir un écrivain

D’abord, il faut une idée. Ça n’a pas l’air important, comme ça, mais mine de rien, ça a une certaine importance.
Si tu n’as pas d’idée, tu peux raconter une histoire d’amour contrariée, quelqu’un qui plaque tout pour partir à l’aventure ou l’invasion de la Terre par des limaces de sept mètre de long, des classiques qui marchent toujours.
Si tu as trop d’idées et que ça fait onze ans que tu te demandes avec laquelle commencer au juste, je sais pas, prends la première à gauche, ou tire au sort, je sais pas. Ou celle avec les limaces, tiens, je l’aimais bien.
Ensuite, il faut des rebondissements, sinon tu risques de te retrouver avec un roman de 0,7 Nothomb d’épaisseur – ce qui montre toutefois une certaine compréhension des rythmes de lecture contemporaine. Exemple : « Soudain, des limaces de sept mètres de long envahirent la Terre. Ça alors, dit John, qu’allons nous faire. Puis il leur jeta du seul. » c’est trop court pour un roman.
Ensuite, quelques personnages auxquels on peut s’identifier : un héros jeune et souriant, très riche, dont tous les personnages féminins tombent sauvagement amoureux, mais quand même, il a des fêlures à cause de son enfance,
un ami du héros un peu gros mais très drôle,
des personnages féminins intelligents et espiègles, on est en 2014, que diable,
des limaces géantes.
Mais ce sont des exemples, tu peux aussi opter pour un savant très intelligent mais avec le sens de l’humour et des fêlures.

Ensuite, des adjectifs. Beaucoup. C’est très important. C’est même plus important que l’histoire, en fait. Les bonnes histoires, laissons ça aux anglo-saxons, qui sont vulgaires. Ce qui fait la littérature, c’est le style, et ce qui fait le style, ce sont les adjectifs. C’est connu. Je t’ai fait une liste d’adjectifs, mais tu peux aussi en prendre d’autres. Amphigourique, alambiqué, pestilentiel, dodelinant, atrabilaire, superfétatoire, astringent, elliptique, scrofuleux, épithète, cacochyme et gélinatoire.

Ensuite, il faut écrire. C’est la phase un peu chiante dans le processus d’écriture.

Puis il faut te relire. C’est la phase du processus d’écriture ou tu te dis que finalement, tu aurais mieux fait d’aller à la pêche. La phase où, tous les seize adjectifs, tu as un petit rire nerveux, la phase où phrase après phrase tu te dis mais qui a écrit une merde pareille ? ah ben oui, c’est moi, lol.

Puis ensuite, il faut faire relire par d’autres. Puis les tuer dans leur sommeil avant qu’ils n’aient eu le temps de te dire ce qu’ils en pensaient.

Puis il faut tout effacer et recommencer autre chose.

J’espère que ça t’a bien aidé ! La semaine prochaine, nous apprendrons la tarte aux fraises.

Dans de beaux draps

Alors que le monde retient son souffle en attendant un funeste Suisse-France, tentons, désespérément, de rapprocher les peuples. Car bien que voisines, France et Suisse ne se comprennent pas toujours, victimes qu’elles sont de l’incompréhension mutuelle.

C’est pourquoi j’ai décidé de vous expliquer l’une de nos coutumes locales traditionnelles, un élément indispensable pour bien saisir l’essence de la suissitude : la buanderie.

La buanderie et son fidèle corollaire : le jour de lessive.

Car voyez-vous, les caves des immeubles helvétiques sont généralement équipées d’une machine à laver destinée à laver le linge sale de toutes les familles, même les Gomez du 7e, qui sont un peu, comment dire, spéciaux. La buanderie, terreau de multiples interactions sociales, lieu où se nouent et se dénouent les passions, parce que le Schindelholz du 7b il a encore dépassé son tour, moi je m’en fous, la prochaine fois, je sors tout comme ça, sans le plier, je laisse tout goger, tant pis pour lui, il me connaît pas, je suis trop un fou, sérieux. La buanderie, lieu de tant d’échanges sociaux, bonjour, dites, la prochaine fois, vous pourriez nettoyer le tumbler ?

A cause de cette tradition, le Suisse est condamné au jour de lessive, le mardi, pourquoi diable ils m’ont collé le mardi ? alors que le petit à son entraînement de poney artistique, mais ça ils s’en foutent, ils peuvent pas comprendre, eux. Condamné à répondre non, désolé, je ne pourrais pas passer ce soir, j’ai jour de lessive, tu sais ce que c’est, oui, je comprends, c’est ton mariage mais jour de lessive, t’inquiète, je viendrai au prochain. Pire encore. A cause de cette tradition, le Suisse est condamné à cet acte désespéré, qu’il redoute parmi toute chose, ce geste d’une violence extrême, cette incroyable audace : aller sonner chez son voisin. Pour lui demander si ce serait pas possible d’échanger vu que là, mardi, on a prévu de repeindre le chat, si en échange on peut faire quelque chose pour vous… non pas sortir votre chien, il fait peur. Non, pas sortir vos gosses, non plus, ils mordent. Non… bon ok, du sel, on veut bien, mais vous nous lée rendez, déjà la dernière fois il en manquait seize grammes. Au fait, on a retrouvé cette culotte dans le tumbler, c’est à vous ? parce que c’est pas à nous. Sur moi, ça fait un peu vulgaire, à cause des dentelles.

Voilà sans doute, pourquoi, ce soir même, sur le coup des 21 heures, les Suisses vont tellement hésiter à mouiller le maillot.

Hugo boloss

Nul n’est à l’abri d’un bad buzz. Victor Hugo (l’écrivain, pas le footballeur) l’a appris à ses dépens hier. Son community manager n’a toujours pas réagi, preuve d’une incompréhension manifeste des moyens de communication moderne. La réaction outrée des réseaux sociaux était d’ailleurs pour le moins méritée, puisque sous des dehors moirés, le fameux poème qui a fait couler tant d’ancres est tout de même une incitation à peine voilée à aller se dévoiler dans des cimetières, elle est belle la France, bravo la politique laxiste de la gauche !!! et sous des verts coudriers, encore bien.

Mais qui, au juste, est ce Victor Hugo, dont on connaît surtout les deux célèbres comédies musicales, Les Misérables et Notre-Dame de Paris (Notre-Dame de Paris parle des touristes qui accroche des cadenas partout et Les Misérables est une publicité pour le journal Causette) ?

Victor Hugo est né en 1802, alors que ce siècle avait deux ans, enfin, pas celui-ci, un autre, à Besançon, ce qui peut arriver à des gens très bien. Dans la maison natale de Victor Hugo, précise Wikipedia. Au lieu d’embrasser la profession d’horloger ou de frontalier, il opte pour l’écriture.

Victor Hugo écrit neuf romans selon la police et plus de 14 250 selon les participants à des jeux de culture générale en ligne, notamment 93, un roman sur la vie dans la téci, écrit non pas en pull, comme on l’a longtemps cru à tort, mais à Jersey. On lui doit également de nombreuses pièces de théâtre, une floppée de poèmes qu’on a dû apprendre à l’école et dont on ne se rappelle que la première strophe à l’heure où blanchit la campagne, « l’art d’être grand-père », un ouvrage de coaching sur l’art d’être grand-père, une morne plaine et le retour de Karen Cheryl à la télé au début des années 90.

Il est également le fondateur de l’ordre des gens qui ont deux prénoms, où l’ont depuis rejoint Jacques Martin, Claude François, Frédéric François, Jean-Pierre François et Ségolène Royal.

Puis il meurt et ses funérailles sont suivies par des millions de gens alors que la télé n’est même pas encore inventée, ce qui est pas mal pour un écrivain.

Coupés du monde

Je l’avoue sans jambages, le football est un sport que j’apprécie. Bien plus, par exemple, que le water-polo. Mais, parfois, alors qu’Inler vient de rater sa 58e passe consécutive, alors que la Roja l’est surtout de vergüenza, alors que dehors, l’été invite à la lascivité et à la plageation, il arrive parfois que l’on se demande, l’espace d’un instant : à quoi bon tout ça ?

Allons, ressaisissons-nous. La Coupe du monde de football a bien des utilités. Contrairement, par exemple, au couteau à pain, qui ne sert qu’à couper le pain.

Car le Mundial, comme on l’appelle parfois lorsqu’on est initié, peut servir à :

Réviser les noms des pays. On ne sait jamais, on n’est jamais à l’abri d’une finale régionale de Questions pour un champion ou d’une rencontre subite avec un Sphinx. Si, à brûle pourpoint, on vous demande : le Costa Rica est-il un pays, un bateau de plaisance ou une méthode de soin par les plantes ?, seul le football, ou cette pénible soirée diapositive, pourra vous permettre de répondre.

Trouver l’inspiration, grâce aux réseaux sociaux. Les hashtags tels que Gerpor, Anguru, Bramex ou Honecu feraient en effet d’excellents noms de médicaments.

Vérifier son klaxon, ce qui peut toujours être utile en temps de non-Coupe de Monde, par exemple pour effrayer un enfant.

Trouver l’inspiration, grâce aux réseaux sociaux. Quel plaisir d’être dans les 4700 premiers à s’exclamer Jean Neymar !! ou encore Jean Hulk !!

Assister à un spectacle plein de suspense, car qui aurait dit que la Suisse allait marquer à la 90e minute d’un pénible match contre l’Equateur ? Personne. Car personne n’avait lu le livre avant de voir le match : il était bien trop chiant.

Critiquer l’arbitre.

Avoir un sujet de conversation avec ses collègues (cf supra).

Rentabiliser
la redevance télé.

Perdre beaucoup d’argent sur les sites de pari en ligne.

Avoir un prétexte pour boire des bières.

Venir à bout de cette bizarrerie qu’on appelle le nationalisme, car vivement que la Suisse se fasse éliminer pour qu’on puisse enfin être pour les Pays-Bas, comme tout le monde.

Décider de plutôt lire un livre.

Comme une chanson populaire

Wurgol était désemparé. Depuis des mois, en effet, il filait le parfait amour avec Hunta, une jeune fille charmante, à l’intelligence fuselée et à l’humour byzantin. En sa présence, il se sentait heureux et léger comme une tourterelle qui s’envole à tire d’aile en emportant des noix et, par ailleurs, ils franchissaient bien plus que régulièrement des ponts entre nous et le ciel, et ce parfois dans des positions dont il n’avait jamais soupçonné l’existence jusque là.
Qu’allait-il devenir ?, se demandait-il. Comment pourrait-il endurer une telle situation ? Qui a le droit de faire ça ?

Cet amour naissant nuisait fortement à sa carrière de star de la chanson contemporaine. Alors qu’il ne savait faire que chanter pour quelqu’un qui s’en va. Qui s’en va.

Comme il avait lu sur Internet qu’il était important de tout partager dans un couple, il décida de partager ses préoccupations au sein de son couple. Bien mal lui en prit ! Car Hunta fit preuve d’une nature étonnamment peu compréhensive.

– Tu comprends, je suis si heureux avec toi que je ne peux pas composer de nouvelles chansons ! »
– Mais enfin, je ne comprends pas ! », répondit Hunta, qui ne comprenait pas.
– La chanson, qu’est-ce que c’est ? C’est avant tout de l’émotion. Et l’émotion, c’est les ruptures.
– Mais enfin, voyons, il y a bien d’autres émotions. Est-ce que, comme nombre de chanteurs populaires, Calogero et Stromae, et puis un autre aussi, je crois, tu as connu la douleur de perdre un parent ?
– Ma foi, oui.
– Super.
– C’était au rayon des merguez.
– Un rayon entier rien que pour les merguez ? Waouh.
– C’était rayon des merguez / tu étais fort comme la braise / moi je portais un fez / je t’ai perdu, aux merguez.
– Sympa, mais je crois que ça va fonctionner moyen à cause de la censure. On peut pas dire que c’était aux surgelés ?
– Le public, aujourd’hui, recherche avant tout de l’authenticité.
– Donc le fez, c’est exact ?
– Ben oui.
– Ça alors.

La carrière de Wurgol n’avait démarré que récemment. Jusque là, accompagné de son fidèle orgue Bontempi, il était animateur de mariages et d’autres soirées festives, même qu’une fois il avait participé à une croisière sur la Nive (il avait compris le Nil, mais bon, c’est déjà ça, quand même). Il chantait tous les grands classiques de la chanson française et, parfois, en fin de soirée, quand tout le monde était ivre, se laissait aller à interpréter l’une de ses propres compositions (dont « Octavie », composée après la fameuse croisière sur la Nive, et son fameux refrain « C’est pas parce que t’as Alzheimer / qu’il faut t’en aller comme une fougère »)
Il avait à son répertoire neuf chansons, une par rupture et il jalousait secrètement la vie sentimentale de Cali et de Génération Goldman.
Mais un soir, alors qu’il animait la soirée annuelle de l’entreprise d’électricité Strom AG, il fut victime d’une terrible méprise : au lieu d’appuyer sur la touche « valse » de son Bontempi, il appuya par mégarde sur « tango ». Un producteur qui passait là par hasard car il avait besoin de courant, je suppose, je ne sais pas, arrêtez de m’interrompre, trouva ce décalage entre le côté chaloupé de la musique et l’aspect suicidaire des paroles de « Ermelinda », (« Pourquoi tu es partie comme ça ? / C’est pas sympa de partir comme ça ») délicieusement décalé.

La suite, vous la connaissez, 92 semaines numéro 1 au top 50 et 38 au top 47.

Mais cela commençait à dater et le public à s’impatienter.

Or, Wurgol ne parvenait plus à écrire car il filait le parfait amour avec Hunta, c’était au premier paragraphe, essayez de suivre.

– Mais des émotions, y en a plein, des émotions. Des adieux à un ami, le soleil qui se lève, un chat qui fait du vélo, le temps jadis qui plus jamais ne sera, mon collègue du boulot qui a probablement mangé un renard, tout cela, ce sont des émotions !
– Jamais cela ne vaudra l’émotion d’un adieu déchirant quand dans l’amour tout s’effondre. Ouah, tu vois ? Trop puissante, cette phrase !
– Mais attends… ton truc avec les merguez, là… en fait tu t’es perdu dans un supermarché ?
– Ouais.
– Mais c’est pas une émotion, ça.
– Si, parce que j’avais 32 ans quand ça m’est arrivé, trop la honte.

Malgré ces incessantes discussions, rien n’y faisait : l’amour entre Hunta et Wurgol continuait d’être beau comme un loup, comme un soldat. Mais un jour, lassée de ces incessantes discussions, Hunta s’en alla.
– Oh, merci, on n’a jamais rien fait d’aussi beau pour moi, tu es le soleil de ma vie ! Tu es le crédit de mes envies !
– Oh, c’est très beau ce que tu dis. Aimons-nous vivants !
– Super, je vais t’aimer comme on ne t’a jamais aimée, tu vas voir !
– Même quand l’amour sera mort ?
– Même à l’usure, j’y crois encore et en coeur.

Mais à chaque fois, c’était pareil, toujours la même ritournelle.
Hunta s’en allait et revenait, et ça ne s’arrêtait pas de tourner et à la fin, Wurgol se mit à faire du bateau dans son quartier, un truc terrible.

– Oh, je sais ! Une émotion, c’est par exemple quand on a un marteau !
– Mon pauvre, tu sais vraiment plus quoi inventer. Je me barre. Il n’y a plus d’espoir. Nous, c’est comme une illusion qui meurt.
– Tiens, tu as oublié tes perles de pluie la dernière fois, après le chat les bouffe et y en a partout.
– Ah ben voilà, un chat mort, ça c’est émouvant.
– Ah oui.

Run to the hills

C’était un mardi. L’ascenseur était en retard, tu as décidé d’y aller par les escaliers. Quelle ne fut pas ta surprise, une demi-volée de marches plus bas, de retrouver tes poumons gisant sur le sol, implorant ta pitié, rassemblant leur maigre dernier souffle pour clamer « plus jamais ça ».

Tu t’es alors dit : « Faudrait peut-être que je me mette au sport ». Et tu as choisi la course à pied. Tu en avais déjà fait, dans le temps, le jour où tu avais failli rater le bus et où tu l’avais finalement raté. Et puis c’est très à la mode, mais bon, ça, c’est pas de ta faute.

Tu t’es dit : la course à pied, c’est facile. Il suffit de déplacer ses pieds d’avant en arrière de manière cyclique et, si possible, rapide. C’est bien plus simple que le plongeon synchronisé ou que le surf des neiges. Première erreur.

Tu as aussi pensé : et puis c’est pas très cher. Des chaussures, un slip et vogue la galère. Deuxième erreur.

Jeune naïf. Tu as confondu le noble art de la course à pied avec le jogging du dimanche.

Tu es parti dans la forêt, les oiseaux gazouillaient, les rivières frétillaient, les chiens batifolaient, les jeunes se droguaient, c’est le problème des forêts urbaines. Alors que ton coeur battait la chamade et tes pieds la campagne, tu t’es dit que ce ne serait pas si facile que ça. De sa douce voix mélancolique, l’application que tu venais de télécharger afin de t’accompagner dans tes vélléités kenenisabekeleïennes annonça sans l’ombre d’un trémolo, « Time : 5 minutes. Distance : 5 meters. I call the ambulance. »

Comme tu es un garçon méthodique, tu t’es dit : de la méthode, de la méthode. De retour dans le confort de ton canapé, tu as enfourché ton navigateur internet et tu as googlé « astuces running » (car on ne dit plus course à pied mais running, de même qu’on ne dit plus auto-portrait mais selfie, mais avant de faire des selfies de ton running, attends d’arriver vivant au coin de l’immeuble, veux-tu?). Et là, drame, catastrophe, patatras: en réalité, c’est hyper compliqué. Il faut faire des fractionnés, des cotes, dire des choses comme j’étais à peine à 83% de mon cardio. Ca avait l’air tellement scientifique que même le curling t’apparaissait soudain moins nébuleux.

Il te fallait des chaussures adaptées à la courbure de ton pied, des chaussettes adaptées à la courbure de tes chaussures, un porte-téléphone-portable adapté à ton téléphone portable et comme, jeune rebelle, tu en possède un qui ne prend pas de i devant, tu as dû faire fabriquer l’objet sur mesure par des enfants aveugles, une casquette aérodynamique, des boissons isotoniques et une compilation de chants de l’armée rouge soigneusement étudiée pour épouser au mieux ta progression rythmique.

Une fois équipé, tu étais plus pauvre que si tu avais opté pour la voile, le golf ou le cheval. Mais tu pouvais enfin te remettre à galoper, libre et flamboyant, au milieu des oiseaux, des ruisseaux, des chiens et des jeunes.

Tu n’avais jamais réalisé à quel point, quand ils construisent les villes, il ne réfléchissent pas au côté plat du truc. Ca monte, ça descend, ça remonte, franchement, c’est n’importe quoi.
Alors tu as pris ton courage à deux mains et ta voiture à propulsion mécanique pour aller au bord du lac. Comme exactement 17 932 autres coureurs, car le temps était maussade ce jour-là. Très bien ! Tu en as profité pour observer attentivement les autres athlètes dominicaux.
Il en existe plusieurs types : les vrais sportifs, que l’on reconnaît à leur foulée altière et régulière, les gens à qui leur médecin a ordonné de faire du sport dans les cinq minutes, que l’on reconnaît à leurs exhalations rauques et au regard désespéré qu’ils jettent à l’horizon, les Parisiens, que l’on reconnaît à leur équipement dernier cri, cuissettes hypothermiques et slip fuselé en titane, et au fait qu’ils pratiquent le running en petites grappes de 5000 sous les yeux étonnés de touristes étonnés.
Tu as attrapé au vol la foulée d’un membre éminent de la deuxième catégorie et tu t’es senti poussé des ailes quand tu l’as irrémédiablement lâché dans la première difficulté du jour, tel un Cancellara des grands jours, mais en plus modeste.
Tu as poursuivi ta folle chevauchée des sentiers de la gloire oh tiens un coin à ail des ours si je m’arrêtais un moment pour en ramasser un peu.

Puis il a plu sur cette plage et ton doux visage a disparu. Tu as fait une petite pause dans ton entraînement, à peine une semaine – huit mois. Quand tu as voulu t’y remettre, tout était à refaire. Je te propose donc de relire ce billet depuis le début pendant que je vais me faire un café.

Rusé, tu t’es dit, cette fois, je n’abandonnerai pas dès les premier frimas comme ces onze dernières années, et puis l’hiver a été doux alors ça va : tu t’es inscrit à une course. Une vraie, avec des podiums, mais ne t’inquiète pas, tu ne les verras que de loin, des dossards et un ravitaillement à mi-chemin, qui s’avèrera décevant, ni entrecôte, ni champagne millésimé, à peine un verre d’eau.

Tu t’es entraîné dur avec un objectif précis : ne pas finir dernier. Tu as observé attentivement les résultats des huit dernières années et tu t’es dit que cet exploit historique serait possible, à condition de te munir de petits clous rouillés à glisser dans les chaussures de tes contradicteurs. Puis, de fil en aiguille, ce fut le jour J. Tu es arrivé en avance sur le lieu de ton forfait, tu as eu le temps de t’échauffer et, surtout, de copieusment t’ennuyer. Puis ce fut le coup de feu signalant le départ, et tu pris tes jambes à ton cou, virevoltant comme un cabri malicieux dans le peloton effréné.
Très vite, tu trouvas ta juste place, loin derrière les Kenyans égarés et les vrais sportifs, loin derrière les gens venus là pour se dégourdir les jambes avant leurs seize marathons de la semaine prochaine, loin derrière pas mal de monde, mais tout de même pas derrière tout le monde, tu devançais fièrement de nombreux sportifs et tu feignis de ne pas voir que la plupart couraient dans la catégorie plus de 110 ans amputés des deux jambes et + de 7 paquets / jour.
Tu jouais des coudes pour te faufiler dans cette masse suante, tu remontais allègrement de la 913 à la 828e place, quand soudain, un panneau « 1km », ça alors, le temps passe vite, plus que 14, plus que cette montée qui se profile au loin, et les huit suivantes, putain, qu’est-ce que je fous là ?

Puis, perclus de crampes, un peu vexé d’avoir terminé 107 rangs plus loin que le dernier classé, tu t’es surpris à dire : bon, c’est quand, la prochaine ?

Et c’est pour ça que je voulais te prévenir : fais bien attention, petit, le sport, ils y mettent plein de saloperies pour que ça rende accro, et en plus c’est dangereux pour la santé, alors fais bien attention, c’était un message de prévention de l’association pour la prévention contre le sport.

C’est un Suisse, un kangourou et la statue de la Liberté qui entrent dans un bar.

Dans l’humour, une des choses les plus importantes, c’est d’avoir les mêmes référents que ses interlocuteurs.

Imaginez, par exemple, que vous racontiez une excellente blague sur les chauves à quelqu’un, mais que cette personne ignore que les chauves sont des êtres malicieux et intransigeants. Il ne va pas la comprendre.

Prenons un autre exemple. Celui de la toute première personne au monde à avoir raconté cette excellente blague : “Que dit un Belge quand il voit une peau de banane par terre ».

– Hé, j’en ai une bonne ! Tu sais ce que dit un Belge quand il voit une peau de banane par terre ?
– Oui, il dit ça alors, quel laisser aller, les gens ne respectent plus rien, dans quel monde vit-on ?, ah mais voilà que j’aperçois une poubelle au loin, je vais y jeter cette peau de banane, mais en marquant ma désapprobation par un soupir sonore.
– Pas du tout. Il dit « zut, je vais encore tomber ».
– Ah bon ?
– Oui.
– Mais c’est un ami à toi ?
– Non, non, un Belge normal, enfin, n’importe lequel. C’est une blague.
– Mais pourquoi dit-il ça ? C’est bizarre, non ?
– Oui mais les Belges sont bêtes.
– Ah bon ?
– Oui.
– Tous ?
– Oui.
– Même à l’université de Louvain-la-Neuve ?
– Ohlala, ne m’en parle pas.
– Mais il y en a pas un qui a eu un prix Nobel ?
– Il y a un système très complexe de pénalités, comme au saut à ski.
– Tu sais pourquoi il n’y a pas de tremplins de saut à ski, en Belgique ?
– Non ?
– Moi non plus.
Puis, après une courte hésitation :
– Mais au fait, il y a un truc que je ne comprends pas avec ta blague…
– Oui ?
– Pourquoi il tomberait ?
– Les peaux de banane, ça glisse.
– Ah bon ?
– C’est connu. Des milliers d’accidents chaque année !

Il a fallu des années pour qu’enfin, les gens sachent que les Belges étaient bêtes. Et pour que l’on puisse rire de bon c½ur aux blagues, des générations de courageux ont dû se sacrifier sur l’autel du bide. Jusqu’au jour où :

– Hé, super ta blague sur les bananes, là. J’en ai une autre. Combien de Belges pour changer une ampoule ?
– Un seul.
– Mais non, parce qu’ils sont bêtes.
– Non.
– Mais si, enfin, c’est toi qui me l’avais appris à la blague précédente.
– C’est fini, ça. Ils sont comme nous, maintenant. Ce sont désormais les blondes qui sont bêtes.
– Ça alors !
– Oui.
– Toutes ?
– Oui.
– Même celles qui enseignent à l’université de Louvain-la-Neuve ?
– Ohlala, ne m’en parle pas.
– Hé bien, ça alors.
– Oh, d’ailleurs, tu sais ce que dit une blonde qui voit une peau de banane ?
– Quel laisser aller, les gens ne respectent plus rien, dans quel monde vit-on ?, ah mais voilà que j’aperçois une poubelle au loin, je vais y jeter cette peau de banane, mais en marquant ma désapprobation par un soupir sonore.
– Non, ça, ce sont les Belges.
– Ah… alors je ne sais pas.
– Elle dit « oh zut, je vais encore tomber ».
– Ça alors, excellent ! Je connaissais la même blague, mais avec un Belge.
– C’est insultant.
Puis, après une courte pause:
– Au fait, combien de blondes pour changer une ampoule?
– 378
– Excellent !

Evidemment, tout cela demande de la coordination. On ne peut pas décider, tout seul, chez soi, un beau matin, de changer les référents humoristiques. Il faut d’abord faire un peu de lobbying auprès des autorités mondiales de la blague, mener des études de marché. C’est très compliqué. Il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.

Par exemple, prenez cette blague :
– Tu sais ce que dit un Suédois quand il va au bowling ?
– Non.
– Il dit : j’espère que je ne vais pas rater le bus, j’ai perdu ma montre.
– Ah bon ? Rien compris.
– C’est parce que les Suédois se font souvent voler leur montre et que leurs bus sont très ponctuels. Et qu’ils adorent le bowling.
– Je l’ignorais.
– Maintenant que tu le sais, je vais te raconter la blague à nouveau ! Tu sais ce que dit un Suédois quand il va au bowling ?
– J’espère qu’il n’y aura pas trop de peaux de bananes par terre, j’ai horreur de ça !
– Oui. C’est vrai. C’est ce qu’il dit.
– Quels cons, ces Suédois !
– Lol !

L’autre chose la plus importante, c’est d’avoir une bonne chute et oh, regardez ! une peau de banane !

Happy zut, à la fin

Le vent s’engouffrait, indolent, dans ses cheveux auburn. La sueur coulait sur son front olympien comme au loin coulent les navires. La gueule béante de la grotte s’ouvrit soudain devant lui comme une gueule béante.

Le vieux sage l’attendait en vapotant sa cigarette électronique. Il lui offrit un rafraîchissement électronique et quelques saucisses apéritives électroniques.

– Bonjour, je recherche le secret du bonheur.
– Ah, non, c’est de l’autre côté de la vallée, ça. Ici, c’est le secret de la cuisson des pâtes.
– Ah… ben ça m’intéresse aussi.
– Mais on ne peut pas avoir les deux. Il faut en choisir un des deux.
– Oh, bon. J’étais venu pour le bonheur alors…

Le vent s’engouffrait, indolent, dans ses cheveux auburn. La sueur coulait sur son front olympien comme au loin coulent les navires. La gueule béante de la grotte s’ouvrit soudain devant lui comme une gueule béante.

– Bonjour, je recherche le secret du bonheur.
– Tu vois cet oiseau qui plane au loin ?
– C’est une métaphore ?
– Non, une buse. Ou un aigle. J’y connais rien en ornithologie, moi. Je pourrais regarder sur Wikipedia, mais ça capte pas, dans cette caverne à la con.
– Mais le secret du bonheur ?
– Tu vois cet oiseau qui plane au loin ?
– Oui.
– Moi non. Je n’ai pas mes lunettes. Tu comprends, maintenant ?
– Non. Ou alors vous voulez dire que la réponse est en moi et que ce n’est pas avec ses yeux qu’on voit ?
– Tu dois trouver la réponse dans ton c½ur.

Alors l’homme repartit, car il se dit qu’on l’avait bien roulé et qu’il allait se faire rembourser son forfait thalassothérapie, fromages et secret du bonheur.

En chemin, il rencontra un cheval, qui s’ébrouait joyeusement dans un champ au fier soleil de mars.

– Dis moi, quel est le secret du bonheur ?

Mais bon, les chevaux ne parlent pas.

Comme il commençait à faire faim, l’homme s’arrêta dans une bonne auberge.

– Bonjour, je recherche le secret du bonheur.
– Si vous prenez le menu de midi, avec un supplément de 14 francs 50, il vous est offert avec le café.
– Ça alors, on va parfois chercher bien loin ce qui était dans une bonne auberge. Mais dites-moi, vous même n’avez pas l’air de respirer le bonheur.
– C’est traditionnel, monsieur, c’est la Suisse, il ne faut pas que le client se sente trop confortable, sinon ça l’insécurise, alors on lui fait la gueule.

L’homme savoura ses pommes de terre à l’huile et sa Wienerschnitzel au carton comme jamais personne n’avait savouré car il savait que le secret du bonheur était là, à portée de mains. Enfin.

– Voilà, monsieur, votre « secret du bonheur », lui dit alors le personnel de service en lui tendant une assiette avec dessus une petite portion de tarte Tatin, un mini moelleux au chocolat et une boule de glace vanille.
– Ah ?
– Ah oui et on m’a chargé de vous dire ceci : « N’engueulez pas le patron, la patronne s’en charge ! Un vieillard m’a dit et il avait raison si tu fais crédit tu perds ta maison !  »
– Ça alors. C’est une métaphore ?
– Non, une buse.

L’estomac lourd et plein d’interrogations, l’homme repartit alors chercher le secret du bonheur. Ce qui commençait d’ailleurs à le rendre malheureux, ce qui était probablement une métaphore. Ou une buse.

Soudain, il rencontra un vieil homme, l’air guilleret.

– Dis-moi, vieil homme, quel est le secret du bonheur ?
– Acheter des tas d’objets. Plein. Toujours.
– Ah bon ?
– Oui.
– Ça alors.
– C’est prouvé.
– Mais le vrai bonheur n’est-il pas à l’intérieur de nos coeurs ?
– Non.
– Ne seriez-vous pas un vendeur d’objets désireux de me gruger ?
– Ah, oui. Acheter des tas d’objets et gruger.
– Merci pour ce beau secret.

Mais l’homme ne voulait pas se résoudre à accepter cette morale, car il avait une éthique protestante. Soudain, une jeune femme apparut devant lui.

– Dis, pourquoi c’est que des mecs, dans ton histoire ?, demanda-t-elle à brûle pourpoint.
– Non, la serveuse, c’était une femme.
– Oui, et le patron un homme.
– Bah oui mais tu crois que les gonzesses elles ont le temps de chercher le secret du bonheur, avec les gosses et la vaisselle ?
– C’est sexiste.
– Ben oui. Car vois-tu, quand on pense au racisme, au sexisme, à toutes les inégalités, à la pollution et aux bébés chiens torturés, on est malheureux. Alors que quand on s’en fout, ça va », répondit le jeune homme, qui commençait à ressentir un profond bonheur car son interlocutrice était pas mal gaulée.
– Tu ne peux pas dire ça », lui répondit-elle.

Alors, penaud, l’homme s’en revint sur ses pas. Le vent s’engouffrait, indolent, dans ses cheveux auburn. La sueur coulait sur son front olympien comme au loin coulent les navires. La gueule béante de la grotte s’ouvrit soudain devant lui comme une gueule béante.

– Ah, je vois que tu es revenu. Ils reviennent tous. Alors le secret de la cuisson des pâtes, c’est qu’il faut les goûter.

(En réalité, mais ne le répétez pas, le secret du bonheur se trouve dans l’ouvrage « le Sens du Poil« , page 437)

Des salades

Bonjour, une fois n’est pas coutume, j’aimerais vous parler de quelque chose de sérieux. Car aujourd’hui, j’ai compris que ce besoin de faire rire, cette manie d’être souvent, je le reconnais aujourd’hui, désopilant, parfois même hilarant, cachait un mal-être profond, dissimulé sous un nappage d’ironie et de cynisme.

Un mal-être qui me venait, je vous le donne en mille, de mon alimentation. Je mangeais n’importe quoi, des steaks tartare, du brochet, parfois même, et c’est difficile pour moi de le reconnaître publiquement aujourd’hui, des frites de panais.

Bien entendu, je n’essaie pas de vous convaincre d’adopter le même régime que moi. Chacun fait ce qu’il veut de son corps. J’essaie juste de vous raconter quelle démarche j’ai entreprise, sans aucun prosélytisme. Faites comme vous voulez. Vous mourrez, mais après tout, c’est votre choix.

J’ai d’abord arrêté tous les aliments transformés. Je ne veux pas laisser à l’industrie agro-alimentaire le soin de décider ce que j’ingère ! Fini, donc, les lasagnes industrielles, les petits gâteaux, les saucisses. Finie la farine, car dieu sait quelles manipulations ont été nécessaires pour transformer ainsi d’innocentes céréales. Fini le miel. L’industrie agro-alimentaire aimerait nous faire croire qu’il est produit par des abeilles. Je vous rappelle que les abeilles meurent quand elles piquent, car elles laissent leur abdomen avec l’aiguillion. Et on aimerait nous faire croire que des insectes infoutus de concevoir un moyen de défense un peu plus cohérent que ça savent transformer des fleurs en miel et que nous non ? Bien sûr, bien sûr. Trop facile.

J’ai beaucoup entendu parler de l’alimentation vivante, et j’ai essayé de m’y mettre. Que des produits vivants. Des fruits à même l’arbre (ce n’est pas évident évident quand on habite au centre ville, mais avec un peu de volonté, tout est possible). Beaucoup de fleurs. De la viande à même l’animal (attention, toutefois, la plupart ne se laissent pas faire facilement). Car la Nature est bien faite : les fruits repoussent. Les fleurs aussi. La viande aussi, si on prend soin de ne pas toucher aux os.

Plus du tout de légumes, en revanche. Les légumes poussent dans la terre. Or, de quoi est-elle composée ? Végétaux en décomposition, déjections de ver de terre. Je ne voudrais pas manger de ça (j’ai essayé, j’ai été malade). Je ne vois donc pas je mangerai de quelque chose qui mange de ça.

Je bois beaucoup d’eau, également. De l’eau de source, uniquement, pure et naturelle. A même la rivière. Bien entendu, ce n’est pas toujours pratique, mais une alimentation saine vaut bien quelques efforts.

C’est amusant : au début, mon corps s’est rebellé contre ce régime. Il a réagi de façon très violente. J’ai compris que je n’avais pas été à son écoute. Je lui ai demandé ce qu’il voulait vraiment. Il m’a répondu « un bon gros steak saignant avec des tas de frites », je lui ai dit « non mais vraiment, au fond de toi », il m’a dit « une pizza onze fromages, avec un plateau de fromages », je lui ai dit « écoute, si la Nature avait voulu que nous mangions du lait de vache, elle aurait fait de nous des vaches », il m’a dit « ok, bon, je te laisse décider ». Puis l’infirmière est entrée et mon corps m’a dit « ah, y a bien un truc dont j’ai envie », mais c’était atrocement sexiste. Mais comme je ne pouvais pas être à l’écoute de mon corps, apparemment lobotomisé par des années de propagande de l’industrie agro-alimentaire, j’ai demandé à l’infirmière si je pouvais être à l’écoute du sien et je me suis fait renvoyer de l’hôpital, le monde est cruel avec les rêveurs.

Il fallait donc que je revoie ma stratégie alimentaire. Et c’est là que j’ai entendu parler de cette boisson miracle. Elle est composée de graines germées, principalement de graines d’orge. Il n’y a rien de plus sain que les graines, car elles portent la vie en elles. Je vous passe les détails, mais on ajoute à ces graines germées de l’eau de source et des levures, afin d’optimiser le potentiel de vivacité du produit. Puis on laisse reposer, car quoi de plus important dans notre société que de savoir prendre son temps ?, afin de procéder à ce que l’on nomme la fermentation. Puis on met en bouteilles.

Depuis que je ne me nourris plus que de cette boisson, que vous trouverez dans tous les supermarchés sans que l’industrie agro-alimentaire, évidemment, ne vous prévienne de son haut potentiel, je me sens mieux dans mon corps, souvent très gai, parfois même sans raison. Je dors mieux, aussi. Il y a eu, au début, quelques effets secondaires fâcheux, mais j’ai su m’en accomoder, car le bien être de mon corps est à ce prix.

Bon et puis comme je suis bourré en permanence, je m’en fous un peu, aussi.

Retrouvez de nombreuses idées de recettes dans mon recueil richement illustré, « Le Sens du Poil »

La stratégie Gender

Durant les prémices de la Préhistoire, l’humain exerçait assez unanimement le plus vieux métier du monde : chasseur-cueilleur.
On n’avait pas encore très bien compris comment ça marchait, la reproduction, mais on maîtrisait déjà assez bien la première partie, la plus rigolote, celle qui est à la base de la moitié de l’internet. Du coup, la part féminine de la population passait le plus clair de son temps à être enceinte ou jeune maman. Cela amena assez vite à comprendre un truc: si on veut assurer la survie de l’espèce, il faut garder en vie les femmes le plus longtemps possible, vu que c’est elles qui assurent. Alors tu me diras : mais pourquoi absolument vouloir que l’espèce survive alors qu’y a plus rien à manger ? Ça, c’est de la faute à Darwin. Ceux qui ne voulaient pas ont gardé leur bagage génétique pour eux.
A l’époque, donc, on envoyait les mecs faire les trucs dangereux, genre la chasse, un mammouth perdu est si vite arrivé, pendant que les femmes étaient occupées à essayer d’éviter de mourir en couches. Parfois, sur la trace de quelque troupeau d’aurochs, ils restaient absents jusqu’à plusieurs jours.

C’est dans ce contexte-là qu’un jour, un certain Ugggruhr le chenu lança :
– Vous trouvez pas, quand même, que les gonzesses elles font chier ?

Il venait d’inventer le sexisme.

– Non, ça va », lui répondit-on tout de go.

Vexé, Ugggruhr tenta d’argumenter.

– Non mais par exemple, elles disent toujours : « c’est ton tour d’aller faire la vaisselle ».
– Ben non, seulement quand c’est ton tour.
– Ouais mais quand même, moi j’aime pas trop, ça abîme les mains, j’ai des doigts fragiles et gracieux.
– C’est pour ça que tu viens de rater un okapi musqué ?
– Oh et puis, par exemple, leur invention du feu !
– Ben quoi, c’est super, le feu. Sacré progrès. Je sais plus comment on faisait pour s’en passer.
– Ouais mais bon, passer trois heures à frotter deux bâtons l’un contre l’autre pour voir ce qui se passe, c’est pas un peu bizarre, comme idée ? Faut pas être super normale, quand même, pour faire ça.
– Je m’étais jamais trop posé la question, mais bon, c’est hyper pratique pour faire cuire l’antilope.
– Ugrurrrrra elle la cuit toujours trop.
– C’est vrai.
– Quoi ? Tu critiques la cuisine de ma meuf ?
– Ta quoi ?
– Ugrurrrrra c’est ma meuf. Ça veut dire qu’on ne pratique l’accouplement que les deux, surtout elle, sinon je lui casse la gueule.
– Quoi ? Que les deux ? Mais c’est vraiment pervers, ton truc.

Inutile de dire qu’Ugggruhr se sentait incompris. Un jour, il lâcha donc ces paroles historiques : « Ouais ben de toutes façons je m’en fous, personne ne m’aime alors je vais fuguer ! »

Mais partout où il débarquait, on finissait par dire « Oh purée, le nouveau avec ses idées de fada, il serait pas un peu zimboum ? » Car les idées novatrices mettent du temps à s’implanter. Il fallut de nombreux siècles pour qu’un jour, alors que les anciens racontaient en riant l’histoire tragique d’Ugggruhr le zimboum, l’on commence à se dise « Oh ben tiens, je sauterais bien mon tour de vaisselle, ce soir, tiens, et j’ai bien envie d’inventer le zeugma dans la foulée », puis, de fil en aiguille, que l’on repense de fond en comble l’organisation sociale et, enfin, que l’on invente la jupe à froufrous, le gloss extrême brillance et le harcèlement de rue.