Le contre-asocial

JJ Rousseau est né le 28 juin 1712 à Genève, et décédé le 2 juillet 1778 à Hémaisnonville, ou quelque chose comme ça. Malgré cette curieuse idée de quitter la ville la plus classe du monde pour aller dans un bled qu’on sait même pas où c’est, on peut dire de Jean-Jacques, philosophe, écrivain, musicien et grand amateur de badminton qu’il changeait la vie.

Dans la famille Rousseau, on est traditionnellement douaniers de père en fils. Pour échapper à ce cruel destin, Jean-Jacques fuit, très jeune, avec son amour du lycée, Carole, et part se planquer sur l’île Saint-Pierre qui, amusante anecdote, était à l’époque une île. Pour subvenir à leurs besoins, Carole, chanteuse émérite, se produit dans des estaminets louches des rives embourbées du Seeland sous le pseudonyme de LaRousseau. Pour ne plus l’entendre vocaliser, Rousseau a coutume de prendre des maîtresses sur l’autre rive. C’est à cette époque qu’il publie son célèbre roman « Comment elle s’appelle, déjà, la nouvelle ? Ah oui, Héloïse ! », dont son éditeur décidera de raccourcir un peu le titre.
Carole sera obligée d’interrompre sa carrière dans le show-business pour s’occuper d’Emile, leur premier enfant, ainsi nommé en hommage au célèbre footballeur Gianfranco Zola. Jean-Jacques n’a pas le temps de prêter main forte à sa sémillante compagne, tout occupé qu’il est à écrire son ouvrage sur l’éducation « Emile ou l’éducation », car il a entre-temps appris à raccourcir ses titres. C’est à cette époque également qu’il publiera son best-seller « Candide de Voltaire », un roman sentimental.

Alors que Carole lui reproche d’être toujours plus souvent absent du domicile conjugal, JJ lui répond « Non mais laisse, c’est pour le boulot, je dois aller perdre mon regard dans l’infini, c’est un truc d’écrivains, tu peux pas comprendre ». Pour lui prouver que si, c’est un truc d’écrivain, il rédigera les « Rêveries d’un promeneur solitaire », ouvrage bien connu de tous les amateurs de randonnée tant il décrit à merveille l’art d’avoir le regard perdu dans l’infini.

Puis ils se disent que c’est bien peu funky de vivre sur une île et partent ailleurs. Puis Rousseau explique à son épouse que « Non mais t’as vu, quoi, la femme et l’homme sont faits l’un pour l’autre, mais leur mutuelle dépendance n’est pas égale : les hommes dépendent des femmes par leurs désirs; les femmes dépendent des hommes et par leurs désirs et par leurs besoins ; nous subsisterions plutôt sans elles qu’elles sans nous, donc bon, je me casse, ciao, la bise aux gosses ! »

Ne vous faites pas de Biel

Bon. Pour une fois que la presse internationale parle de Bienne, capitale mondiale auto-proclamée de plein de choses dont on ne cause jamais, je suis bien obligé d’en faire un post, ou bien ?

Si tu ne vois pas du tout de quoi je parle, je te laisse avec ce résumé de 20minutes.fr et sa conclusion magique. Si tu sais de quoi je parle, peut-être n’as-tu pas suivi le dernier épisode de cette bien rocambolesque affaire. La police, donc, a eu une idée géniale : balancer des tracts par avion, en espérant que Le Forcené tombe dessus (enfin, techniquement, c’est le contraire, mais ne chipote pas), contenant cette lettre écrite par un de ses proches.

Je trouve ça chou. Probablement inutile, mais chou. Mais tant qu’à balancer du papier, on aurait pu étudier plus avant le contenu du tract. Par exemple, tenez :

– « Kikoo Peter ! Ici c’est la police ! Ecoute on a bien rigolé, sauf quand tu as tiré sur un de nos copains, ça c’était pas bien, mais maintenant on en a un peu assez, tout le monde se moque de nous, tu pourrais te rendre ? Merci ! Ta police qui t’aime. Bisous. »

– « Cher Peter, si tu es dans la forêt, pourrais-tu nous ramener quelques champignons ? Nous avons alerté Olivia Ruiz, elle est d’accord pour te faire des crêpes si tu reviens à la maison. Ta police qui t’aime. Bisous. »

– « Le professeur Karamba résout tout. Désenvoûtement, sentiment de persécution, retour de l’être aimé, traques policières, vente aux enchères, chance au jeu, mauvais sort, examens, permis de conduire, monnaie pour la lessive. Contacter la police cantonale qui transmettra. »

– « Hello Peter, on voudrait racheter les droits de ta fuite pour en faire un film, mais comme ce sera un film suisse, est-ce que tu pourrais fuir de manière plus immobile, une sorte de fuite intérieure ? et on voulait confier un rôle à Jessica Biel, est-ce que tu pourrais t’arranger pour prendre une otage qui tomberait secrètement amoureuse de toi ? Merci, Steven. Non pas Steven Spielberg, Steven Chompard, je suis en deuxième année à l’ECAL, lol, bisous. »

– « Penser à ramener du pain. »

– « Salut Peter ! Tu pourrais m’expliquer comment tu as fait pour disparaître au milieu de cent policiers ? C’est pour relancer ma carrière. Merci, bisous. Sylvain Mirouf »

Dès Métal

Je déambulais, l’autre jour, dans les verdoyantes rues de Lausanne, quand je suis tombé nez à nez avec une affiche, annonçant le nouveau spectacle du chanteur suisse le plus cool, loin devant Franz Treichler et Christian Wicky.

Mon âme d’enfant se mit alors à chanter des histoires de petite Charlotte pas foutue d’avoir du matériel chez elle et à faire de la musique dans la salle de bains. Mais mon regard, soudain, se porta vers l’affiche de droite et là, mon âme d’enfant, terrifiée, décida de partir six mois en vacances aux îles Fidji. Car je venais de voir la nouvelle campagne d’affichage des assureurs-maladie suisses. Un homme à la mine patibulaire me demandait, comme si j’y étais pour quelque chose, « qui n’a pas le droit de faire du profit ? » « Zaz », j’ai répondu. Mais en fait il s’agissait des assureurs suisses, ces Robins des Bois modernes (le mec de la forêt de Sherwood, pas la troupe comique) et de leur nouvelle campagne de pub.

Si tu n’es pas Suisse, je t’explique. Si tu es Suisse, tu peux directement passer au paragraphe suivant en grignotant une cuchaule de ma part. Chez nous, donc, il n’y a pas de Sécu mais plein d’assureurs. Chacun d’entre nous est obligé d’être assuré chez l’un d’entre eux. Chaque année, les primes augmentent mais ce n’est pas de la faute des assureurs, qui se sentent tout de même mal aimés. Ils sont malheureux, ils se sentent rejetés. Et du coup, pour qu’on les aime, au lieu d’offrir des fleurs ou des balades à poney comme vous et moi, ils se paient une campagne de pub. Sauf qu’ils s’y prennent assez mal, les pauvres : bien sûr, on comprend bien qu’ils ont pris des mannequins low-cost pour pas que leurs affiches coûtent trop des sous de la prochaine augmentation. Mais tout de même, était-ce nécessaire de faire peur aux enfants pour se réconcilier ?

Bref, en voyant ces affiches côte à côte, je me suis dit que les assureurs auraient simplement dû confier leurs soucis à Henri Dès, il aurait su nous les rendre sympathique.

Assureur, assureur,
pourquoi tu pleures, pourquoi tu pleures ?

On dit que j’aime l’argent,
C’est rageant, c’est rageant

Que je ne pense qu’aux sous,
Ça m’rend fou, ça m’rend fou !

Les gens ne m’aiment pas,
J’en dors pas, j’en dors pas,

J’en fais une maladie,
Du lundi, au samedi

Chaque fois qu’j’augmente tes primes
Ça m’déprime, ça m’déprime

Pourtant en toute franchise,
T’y laisseras ta chemise !

Licorne d’abondance

David Chicotte n’avait pas immédiatement saisi la portée de sa découverte. Et il n’avait pas hésité une seule seconde à la dévoiler : après tout, n’avait-Elle pas dit, dans Son infinie sagesse : « La vérité toujours tu chériras, sauf si cela doit blesser des petits lapins ou des bébés animaux mignons en général » ? Car David était croyant. Jamais il n’avait manqué la Grande Chevauchée du samedi après-midi. De même qu’il respectait Ses principes, le repos du lundi matin, les trois siestes sacrées quotidiennes, l’émerveillement rituel face aux doubles arcs-en-ciel.

Mais les révélations de David avaient été très mal acceptées et les sages du Grand Haras Céleste l’avaient voué à la plus terrible des punitions : la Grande Bouderie. Ceux qui le croisaient devaient détourner le regard en affichant une moue réprobatrice. Et, surtout, lui interdire l’accès des bâtiments officiels, notamment ceux distribuant de la nourriture. David avait été forcé de pourvoir lui-même à ses besoins, et avait même mangé de la viande non-artificielle à plusieurs reprises.

Il y a dix ans, David avait décidé de se consacrer à l’histoire. Ses amis, ne comprenaient pas ce choix, « à quoi ça sert, le passé, de toutes façons c’est tout des gens qui sont morts », disaient-ils. Ses parents auraient préféré qu’il choisisse une voie d’étude sérieuse, comme la Palefrenerie ou le Vétérinarisme. Mais il n’en avait fait qu’à sa tête. Et pis encore, il avait décidé de s’intéresser aux temps anciens, ceux d’avant Son retour.
Car des savants venaient de retrouver comment accéder aux internets, une grande base de donnée où les humains d’avant avaient stocké de nombreuses connaissances et des photos de chats. « Ouais bah, si on a oublié comment s’en servir, c’est que ça devait pas trop en valoir la peine », lui répétaient inlassablement ses professeurs d’histoire, qui auraient préféré le voir retracer l’arbre généalogique de Bingo, l’Etalon sacré. (En réalité, si on avait oublié comment s’en servir, c’est que pendant les quatre guerres mondiales consécutives, on n’avait pas tellement eu le temps de s’occuper de poker, mais les gens n’aimaient pas trop qu’on leur reparle de cette période)(d’ailleurs pas complètement révolue puisque quelque part, dans le grand désert bourguignon, deux armées de robots capables de s’autorégénérer s’affrontaient encore pour la conquête du village de La Galopine, pourtant rayé de la carte depuis plus de 13 siècles).

L’étude des internets avait passionné David Chicotte, surtout celle de l’étrange rapport à la nudité qu’avaient les anciens. Et c’est là qu’il avait fait cette terrible découverte, qu’il aurait peut-être dû ne jamais révéler : en réalité, la Licorne Rose Invisible, Loués soient ses divins sabots, n’avait probablement pas créé le monde et n’était même probablement qu’une blague de potaches.

Cornify

Je veux du silence

Et si je ne crois plus en la technologie c’est parce que Juliette, mon GPS, a délibérément essayé de me perdre en rase campagne française, quelque part entre une centrale nucléaire, des zones inondables et une inquiétante ferme où on élève des crocodiles. Des contrées hostiles, où les rares habitants lancent des ceps de vigne à l’étranger de passage et où, surtout, on ne capte pas des millions de chaînes de radio. Autant te dire qu’entre RCF, Autoroutes FM, Chemins Vicinaux FM et Radio Virage (sic), j’ai pas mal entendu ceci :

ZAZ – Je Veux

Zaz, au début, je pensais que c’était la moitié de Zazie.

Donnez moi une suite au Ritz, je n’en veux pas !

Les plus attentifs d’entre vous auront noté la tournure de la phrase : la jeune Zaz n’aime pas le Ritz, mais ne refuse pas qu’on lui y donne une suite, bien au contraire. Peut-être pour se convaincre qu’elle n’aime pas ça, c’est une attitude noble, il ne faut pas cracher sur ce qu’on n’a jamais gouté, comme je le disais encore récemment à cette sémillante étudiante norvégienne alors qu’elle refusait de venir dans ma tente de camping avec vue sur le Ritz dans laquelle je venais de lui dire que je ne voulais pas l’inviter.

Des bijoux de chez Chanel, je n’en veux pas !

Par contre un parfum, ou un tailleur, mais c’est vraiment pour dépanner, hein…

Donnez moi une limousine, j’en ferais quoi ?

C’est sûr que pour peu qu’on habite en ville, une limousine, c’est vite contraignant.

Offrez moi du personnel, j’en ferais quoi ?

La jeune Zaz, tout à son souci de refuser bruyamment la société consumériste, ne devrait pas ainsi vouer au chômage ce majordome guindé (j’ai aussi un peu lu de Agatha Christie, dans les bouchons, pendant les vacances) que de mystérieux donateurs voulaient lui offrir car peut-être James aimerait-il s’offrir, de temps à autres, une suite au Formule 1 et une Smart sans forcément en faire tout un foin.

Un manoir a Neuchâtel, ce n’est pas pour moi.

Pourtant c’est joli, Neuchâtel. Mais c’est sûr que sans personnel, un manoir, ça fait vite pas mal de boulot pour le ménage.

Offrez moi la Tour Eiffel, j’en ferais quoi ?

De toutes façons, sans personnel pour le transport ni manoir pour l’entreposer (dans le jardin), la tour Eiffel, à mon avis, c’est même pas la peine d’y penser. Ou alors à la rigueur dans une jolie boule à neige.

Refrain:

Je veux d’l’amour, d’la joie, de la bonne humeur,

A mon avis, on peut très bien avoir ça dans une limousine, surtout si le bar est bien achalandé, mais bon, je veux pas contrarier, c’est pas mon genre.

c’n’est pas votre argent qui f’ra mon bonheur,

Le mien, non, ça c’est sûr

moi j’veux crever la main sur le c½ur

Je trouve que quand on aime la joie et la bonne humeur, c’est pas très sain de vouloir crever, la main sur le c½ur, au panier ou n’importe où.

allons ensemble, découvrir ma liberté,

On est obligés de tous venir ? Parce que moi je préférerais la regarder de loin.

oubliez donc tous vos clichés,

Puisque Zaz n’aime pas trop les dépenses inutiles, je peux me permettre de critiquer gratuitement : je me demande tout à coup si elle s’y est bien prise pour venir parler de clichés

Bienvenue dans ma réalité.

Merci. Mais j’aimais bien la mienne, je peux la garder un peu ? (Les gens y écoutent essentiellement du rock anglais)(et y passent leurs journées à cuisiner nus, mais on s’éloigne du sujet principal)

J’en ai marre d’vos bonnes manières, c’est trop pour moi !

A tous les coups, quelqu’un lui a dit « on ne dit pas je veux mais j’aimerais s’il vous plaît » et nous l’a énervée !

Moi je mange avec les mains et j’suis comme ça !

J’étais sur le site du Ritz (tu crois quoi, je me documente, c’est du travail, blogueur)(d’ailleurs, je trouve que votre argent ferait bien mon bonheur parce que merde, quoi, parfois je passe plus de dix minutes sur le même post !)(je vais passer parmi vous avec un chapeau dès la fin de la lecture, merci), j’ai regardé le menu du brunch du dimanche, y a de la salade de maïs, du hommos et du filet de veau, elle fait bien de pas vouloir y aller. Tout ça avec les doigts, c’est embêtant. Par contre, y a un service, ils te proposent de te téléphoner gratuitement ! Voilà qui procure de la joie et de la bonne humeur !

J’parle fort et je suis franche, excusez moi !

Ah mais on n’a aucun souci avec ça ! le seul problème, c’est que tu chantes aussi un peu fort…

Finie l’hypocrisie moi, j’me casse de là !

Je trouve que c’est peut-être un peu excessif, comme réaction. Je sais pas, on m’offre rarement des suites et des bijoux, mais je pense que ça part d’une bonne intention, à la base.

J’en ai marre des langues de bois !

Ah, ça, les langues de bois, c’est un coup à se coller des échardes.

Regardez moi, toute manière j’vous en veux pas

Tu m’étonnes ! On t’a quand même offert toutes nos limousines, on va devoir rentrer à pieds, on se fait engueuler, manquerait plus qu’en plus tu fasses la gueule.

et j’suis comme ça (j’suis comme ça)

et c’est tout à ton honneur, les gens sont de moins en moins comme ça dans le monde d’aujourd’hui.

Refrain x4

Je propose donc que, chacun, chez vous, vous rendiez ce petit service à cette brave Zaz, si généreuse mais un peu vive : au lieu de lui donner votre argent, ce qu’elle déteste au plus haut point, achetez plutôt de la bonne musique.

I want to believe

Ce soir, Zilina reçoit le Sparta Prague. Je peux concevoir que tu n’en aies rien à foutre. Moi même, encore récemment, peu m’en aurait challu. Mais depuis cet été, j’ai rejoint les rangs obscurs des mecs qui parient sur les matches, facilement reconnaissables au fait que, justement, ils se passionnent pour les tours préliminaires de la Ligue des Champions, pour la 2e division estonienne voire, dans les cas les plus graves, pour les résultats des joueurs de tennis.

Tout ça à cause d’un poulpe. A la base, je ne voulais parier que pendant la coupe du monde. Mais, pour ne pas avoir voulu suivre Paul, j’ai perdu presque toutes les pépettes que j’avais initialement placées. Et là, donc, je compte sur la vigueur slave des attaquants Zilinois et Pragoulottes pour me refaire un brin. J’y peux rien, les céphalopodes, y a guère qu’à la plancha que je leur fais confiance. Un poulpe devin, et pourquoi pas une taupe en tête des ventes de musique, aussi ?

Et sérieusement, comment veux-tu croire un poulpe quand tu ne crois plus en rien ?

C’est un truc générationnel, ça, de ne croire en rien : quand tu as vu tes parents, de retour du camping des possibles, où ils couraient pieds et je ne veux pas savoir quoi d’autre nus en récitant des mantras, remettre leur cravate et filer comme si de rien n’était apprendre les ordinateurs pour pouvoir faire toujours plus de présentations powerpoint, ça calme un peu les utopies. Mais bon, les suivants ne sont pas mieux lotis : les mecs de la génération Y, ou numérique, ont dû perdre une bonne partie de leurs illusions quelque part entre le premier exposé repompé sur un mauvais article wikipedia et l’émission spéciale « artistes connus grâce aux internets » avec Lorie, Kamini et Grégoire. Ceux d’après, ceux de la Z (je viens de perdre la foi dans les mecs qui nomment les générations) ou kikoolol, sont désemparés depuis que bestah et sistah sont devenues bff sur facebook avec l’autre biatch qui a osé envoyer des dauphins à chiwi.

Bon, quand je dis en rien, j’exagère un peu. Je ne crois plus ni en dieu, ni en Steve Jobs (pour les mêmes raisons, plus ou moins, des mises à jour douteuses), ni que l’internationale sera le genre humain, ni au régime Dukan, ni aux promesses électorales, ni au point G, ni au complot mondial visant à nier que Jésus serait en fait devenu chanteur de bal dans le Morbihan, ni à la reprise, ni à la crise, ni que je peux voler, que je peux toucher le ciel, mais il y a des trucs dignes de foi. La souris des dents, par exemple. Attends, dans notre monde ultra-matérialiste, tu crois vraiment que les parents se livreraient à mille simagrées pour pouvoir coller de l’argent sous les oreillers à chaque chute de dent ? Ça ne tient pas la route cinq minutes.

Y a des côtés sympa à ne plus croire en rien : par exemple quand le même jour tu reçois l’enveloppe des impôts, une mauvaise nouvelle et un coup de genou par inadvertance, ce n’est pas ton karma qui est mauvais, ce n’est pas ta divinité préférée qui tente de te faire passer un message, ce n’est pas le Destin, parce que s’ils existaient, les divinités, le Destin, le karma, ils auraient autre chose à foutre qu’à te harceler, et donc tu peux partir du principe que le reste de la journée ne va pas être du même acabit (et là, si en plus le menu de midi à la cantine c’est blanquette, tu hésites à reprendre une petite croyance comme ça, sur le pouce, pour quelques heures). Mais y a aussi pas mal d’inconvénients. Par exemple, tu ne regardes plus jamais une équipe suisse jouer en Champion’s League, et tu es obligé de parier pour t’intéresser un peu.

Perception

Don Codd était le plus doué des Terminceptors, des gens chargés de remonter dans le temps, s’infiltrer dans le subconscient des gens pour les empêcher de faire des rêves à la con dont ils s’inspireront pour en tirer des romans ou des films pourris. Bien sûr, c’était facile pour lui d’être le plus doué, car il était le seul à pratiquer ce métier rare et dangereux.

Don avait toujours été ce qu’il est convenu d’appeler un gros nolife. Sa seule ambition, lorsqu’il était entré dans la profession, avait été de pouvoir gagner sa vie en pionçant. Il avait été deux ans testeur de qualité chez Bicoflex, trois ans commentateur de l’Eurovision à la télé suisse romande, cinq ans fonctionnaire et cent ans doublure clavicules de la Belle au bois dormant avant de passer le brevet de Terminceptor. Mais il avait un talent certain pour faire de rêves fantasmagoriques avec moult licornes fluorescentes des terres brûlées plus arides que les steppes par un jour de finale de coupe du monde. Il se souvenait avec une fierté peut-être mêlée d’une once de regrets d’un rêve érotique particulièrement débridé lors duquel il avait réussi à faire s’endormir et le rêveur et les délicieuses créatures ô combien mamelues que l’esprit mameliphile du susdit avait convoqué pour diverses réjouissances sur lesquelles nous ne nous étalerons pas ici, mais lors desquelles il était notamment question de s’étaler et d’étaler de la pâte à crêpes.

Là où Don Codd passait, les idées ne repassaient jamais. Dans les meilleurs des cas, ses victimes abandonnaient toute envie de faire subir au monde les fruits de leur imagination et se lançaient dans l’agriculture biologique, dans la politique ou dans le vide. Dans le pire des cas, ils faisaient quand même leur film, leur roman, leur disque, mais il était si ennuyeux qu’il passait totalement inaperçu, et Don aimait à souligner qu’il était à l’origine des flops de « Inception » et de « The Suburbs »

Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve. Mais imbriqué dans un autre rêve. Quelle idée géniale !
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla, poursuivi par Walburge, sa chauve-souris géante adoptive qu’il avait oublié de nourrir.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.

Jour de repos

Nouveau scandale du dopage : Jean-François Bouchard a été contrôlé positif à la caféine. La contre-expertise a confirmé ce résultat. « Je ne comprends pas, je suis propre », a déclaré l’intéressé. « Quelqu’un m’a probablement tendu un piège ou un bonbon au moka. »

Cette affaire est déjà la septième à la WFTW depuis le début de l’année. Le président de la société a tenté de minimiser : « Caféine ? Ah, ouf, j’avais compris cocaïne, hihihi » Il n’empêche, la fédération internationale des entreprises exige que des mesures sévères soient prises contre la WFTW.
Le syndicat national des comptables est venu au secours de Jean-François Bouchard, pincé alors qu’il venait de réussir un bouclement particulièrement remarqué dans le milieu. « Ça commence à bien faire, à la fin, ou bien ? On parle beaucoup du dopage dans le milieu de la comptabilité, mais les gars du marketing, vous croyez sérieusement qu’ils sont nets ? Tout ça, c’est magouille et compagnie ! » Présent, jean-François Bouchard a ajouté « ou alors c’est la machine à café du deuxième qui est déréglée, j’avais commandé un bouillon mais je trouvais bien qu’il avait un goût bizarre. »

Depuis que l’introduction des contrôles anti-dopages systématiques au sein du monde de l’entreprise, pas un jour ne se passe sans une nouvelle affaire. Les domaines du journalisme, de la publicité et, chez nos amis français, de l’enseignement, semblent particulièrement touchés. Mais la demande des syndicats de retirer au moins la caféine et le pastis de la liste des produits interdits a été refusée par la fédération internationale des entreprises, « parce que bon, si on commence à faire des exceptions, faudra en faire pour tout ».

30 millions d’amis

Je ne peux plus me taire. Je sais que je prends des risques. D’autres avant moi ont essayé et ont disparu dans les limbes éternelles de l’erreur 404. Coïncidence ?

Donc je le crie haut et fort : Paul le Poulpe est un putain d’imposteur. Ce céphalopode n’a pas plus de pouvoirs occultes que vous et moi. Il ne peut rien prédire du tout. Non. Ses phénoménaux pouvoirs de prédiction ont une raison plus simple : il est un chaînon essentiel d’un complot mondial visant à la prise du pouvoir par les animaux.

Mis en confiance par les talents exceptionnels de la bête, les humains devraient, ces prochains mois, faire de plus en plus confiance aux poulpes (ainsi qu’aux pieuvres, aux seiches et même aux calmars, car bon, je suis pas raciste mais ils se ressemblent un peu tous) et leur confient des tâches toujours plus élevées : prédire la météo pour commencer puis jouer en bourse, devenir responsable du budget de l’UMP et entraîneur de l’équipe de France de football et, en moins de temps qu’il n’en faut pour dire Wjfhsgthb (laisse tomber, c’est du poulpe), un céphalopode sera engagé comme conseiller spécial à la Maison Blanche : S’il mange les moules de gauche, on déclare la guerre à l’Iran, s’il mange celles de droite, on attaque le Venezuela, s’il baffre tout, on s’en prend à la Suisse, s’il jette l’encre on envahit Amsterdam et s’il sort de son aquarium pour réclamer plutôt un bon steak, pour changer, on reste tranquille à la maison et on fout la paix à tout le monde.
C’est un plan simple, simpliste, même, mais bon je te rappelle qu’on parle d’animaux. S’ils étaient malins ils auraient inventé le feu, la roue, la télé et les heures supplémentaires, tu crois pas ? D’ailleurs, il ne faut pas les sous-estimer. Pour que Paul le Poulpe réussisse son sans faute, il a fallu observer finement le jeu des 32 qualifiés, ce que tu aurais le temps de faire si tu vivais au fond de l’océan où, franchement, les distractions sont encore plus rare qu’à Lure un dimanche soir. Mais pas seulement. Tu as sans doute remarqué le niveau étrangement déplorable de l’arbitrage pendant cette coupe du monde ? C’est une preuve évidente que des poulpes ont tenté d’influencer les résultats. Grâce aux excellents pronostics de Paul il y a deux ans, ils disposent de richesses considérables et ont ainsi pu graisser quelques pattes. Grâce à l’excellent boulot de complices hollywoodiens bien placés, ils disposent d’une image inquiétante et n’ont eu aucun mal à faire peur aux quelques officiels qui ont tenté de rentrer dans leur jeu.

Et les poulpes ne sont probablement pas seuls dans leur terrible entreprise. Les exploits de Paul le Poulpe n’auraient pas retenti aussi loin à la ronde sans l’apport d’Internet. Or, qui a inventé internet ? Les chats, qui connaissent mieux que personne le comportement humain et se servent largement de leur invention pour faire passer pour cools leurs complices loutres, furets, poneys, pademelons, ratels et même ornithorynques. Je ne serais d’ailleurs pas étonné que ces derniers jouent un rôle bien plus important dans toute cette sordide affaire.

Pardon, je reviens, on frappe à la porte. Tiens, un coati, à cette heure-ci ?

Twilight: Public

Jean-Werner était de ces jeunes gens qui sont sur la photo de classe que tu as retrouvée en allant fouiller des vieux cartons chez tes parents l’été dernier, mais dont tu as totalement oublié le nom. Du genre transparent ou, en tout cas, d’un blanc très pâle.

Il faut dire qu’il cachait un terrible secret. Jean-Werner était, selon une vieille tradition familiale, un vampire. Il aurait préféré être un loup-garou : évidemment, une fois par mois, tu passes ta nuit à hurler dans les bois, ce qui n’est pas pratique quand tu habites en plein centre-ville, mais le reste du temps tu es peinard. Et tu n’as pas ce teint pâlot et ces yeux vitreux qui font de toi la risée de tes petits camarades. Ou alors troll, c’est sympa, ça troll. Il suffit de manger quelques cailloux et d’aller pourrir quelques discussions sur internet, c’est à la portée de tout le monde.

Doté d’un estomac fragile, Jean-Werner digérait très mal le sang et était obligé de s’astreindre à un régime constitué d’aliments riches en fer, algues, fèves, pois chiches, palourdes, ce qui fait que la plupart de ses camarades le prenaient pour un genre de hippie breton.

Puis un jour, Jean-Werner décida de se faire passer pour un geek, ces derniers étant à la mode cette année-là. Il apprit par coeur quelques répliques de films avec des super-héros dedans et se força à lire tout un thread sur 4 chan. Pour des raisons qui lui échappaient, personne ne nota qu’il n’était en réalité pas plus geek que vous trompettiste : Jean-Werner se désintéressait pourtant totalement de tout ce qui est programmation, sa seule passion était l’élevage de la palourde. Mais assez rapidement, il se rendit compte qu’être populaire, finalement, c’était assez peu intéressant, même si ça permettait de se faire un boudin de temps en temps, en sympathisant avec Pernilla, la fille du boucher local.

Puis les geeks cessèrent d’être à la mode et Pernilla cessa d’offrir ses meilleures saucisses à Jean-Werner, qui décida alors de se lancer dans la politique, branche dans laquelle il fit une brillante carrière. Quant il fut élu vice-empereur, Pernilla tenta d’ailleurs de le recontacter sur facebook pour prendre des nouvelles, car c’était une jeune fille vénale. Jean-Werner accepta de la retrouver car, entre temps, il avait consulté quelques docteurs et était redevenu, pour la plus grande joie de sa famille, un jeune homme veinal.