Archive for May, 2012

TV on the radio

Wednesday, May 30th, 2012

Soudain, je me suis dit que ça ne pouvait plus durer, que je ne pouvais plus continuer à avoir « Friends » comme référence culturelle.

J’ai donc décidé de rallumer ma télé. Ça n’a pas été chose facile (on a mis un joli napperon en velours dessus et je ne sais pas trop où le poser).

Attention, je ne suis pas un de ces bobos qui refusent de regarder la télé car ils y voient une aliénation. Enfin si, mais je suis plutôt pour tout ce qui est aliénation, en général, sauf peut-être le travail. D’ailleurs, je la regarde même de temps en temps, mais ce n’est plus pareil, je n’ai plus dans le regard la lueur d’autrefois. Je crois que la télé et moi, nous nous sommes un peu lassés (et puis surtout, à chaque fois que je refais une tentative, y a les Experts)(sérieusement, il faudra arrêter avec ça, un jour)(les méchants de série sont des gens bien trop importants pour qu’on les laisse se faire prendre parce qu’ils ont connement marché dans une terre spéciale qui ne pousse que dans un seul endroit dans le monde encore 50 ans)

Donc, pour la culture, j’ai rallumé ma télé. Sur RTL9, y avait Friends. Sur W9, les Simpson. Sur TF1, une soirée spéciale « Experts ». Sur Canal +, Omar se plaignait de l’absence de Fred aux soirées et lui chantait Doudou Ronron et les Guignols se moquaient de Bayrou. J’ai cru que mon poste était cassé et bloqué sur 2007, du coup j’en ai racheté un autre, plus grand, mais moins pratique pour le napperon.

J’ai rallumé ma télé et c’était bien, j’avais environ 300 chaînes dans plein de langues, dont plein que je ne parle pas, mais tout de même. J’ai commencé par regarder Eurosport, j’avais 8 minutes devant moi, ça me laissait le temps de regarder le match de Djokovic à Roland Garros. Manque de bol, ils passaient une sorte de bêtisier du foot, mais au ralenti, je n’ai pas très bien compris pourquoi. Heureusement, les télévisions modernes sont très polies, on peut leur demander ce qu’on est en train de regarder : c’était la rediffusion de France-Islande. J’ai zappé sur Eurosport 2, ils passaient les championnats de Pologne junior de fléchettes synchronisées (catégorie moins de 60 kilos). Sur France 2, ils avaient préféré passer le match du français Jean-Pierre Froucheteaux, 548e mondial, au bénéfice d’une wild card, qui affrontait le qualifié ouzbek Bogdor Polichtenkov, match commencé depuis 6 heures à peine, Froucheteaux avait trois balles de 15-40 alors on ne pouvait pas rater ça. Sauf les commentateurs qui se racontaient leurs vacances, il y en a un qui a fait du vélo. Puis après ce match, ils passeraient la fin du double mixte des anciennes gloires, Lendl et Navratilova contre Yannick Noah et Zaz. J’ai zappé.

TF1 rediffusait l’épisode-culte où les Experts Tallahassee rencontrent les Experts Lons-le-Saunier. Sur M6, il y avait une émission de cuisine où il fallait préparer un b½uf mayonnaise en moins de trois minutes les mains attachées dans le dos. J’ai donc décidé de jouer la préférence nationale parce que c’est quand même à cause de tous ces gens qui zappent sur les chaînes étrangères que Migrop est au bord de la faillite, Jean-Marc Richard très énervé présentait une émission de variétés autrichiennes où des Heidi cochonnes cocaïnées tentaient de faire passer Hans-Gunther et son accordéon pour du trash metal. J’ai éteint cinq minutes pour me remettre de mes émotions.

Quand j’ai rallumé, il y avait, sur une chaîne du câble, une improbable télé-réalité où des gens dont même Closer n’a jamais fait sa une disaient du mal d’autres gens dont même NRJ12 n’a jamais voulu pour présenter le télé-achat.

Alors j’ai téléchargé des séries, et je suis tombé sur l’épisode de How I Met your Mother où on croit que Ross et Rachel vont se remettre ensemble, mais en fait non.

To be frites

Monday, May 28th, 2012

Je sais pas vous, mais je reviens de vacances dans l’Hérault. Pile au moment où Jean-Marc Ayrault est nommé premier ministre de la France, je sais bien que c’est une coïncidence, mais je vais quand même soigneusement éviter Coppet ces prochaines semaines. Pile au moment où Montpellier devient champion de France de football, je sais bien que c’est une coïncidence, mais je pense prendre mes prochaines vacances rue de la Servette (ça va être super).

Mais je m’égare, et depuis qu’on ne peut plus dire “bref” tranquillement, j’essaie d’arrêter.

Une des particularités des vacances, c’est que tu bouffes beaucoup au resto. J’ai d’ailleurs pris au moins trois kilos, j’ai décidé de les appeler Pancrace, Uther et Géronimo. Mais ce n’est pas d’eux dont je voulais te parler.

Je voulais te parler de ce phénomène étrange : dans plusieurs restaurants, j’ai vu, sur la carte, des frites “maison”. Cela m’a plongé dans des abîmes de perplexité. Pourquoi ces guillemets ? Qu’est-ce que ces restaurateurs essaient de nous dire par là ?

La première hypothèse, c’est que l’on veut préciser qu’il s’agit bien de frites maison et non de frites-maisons, au cas où certains clients particulièrement sensibles à l’évolution du marché immobilier, mais également un peu naïfs, penseraient qu’il s’agit de frites dans lesquels des lutins particulièrement peu perspicaces auraient élu domicile.

Dans la même veine, peut-être que frites “maison” signifie : « Nos frites sont tellement dures que vous pourrez vous en servir pour fabriquer des murs originaux, colorés, à l’épreuve des intempéries et des jets d’huile bouillante. » Possible, mais ça ne marchera jamais, ne dit-on pas « les murs s’effritent » ?

Ou alors au contraire, il s’agit justement d’éviter que des personnes ayant essayé d’habiter dans leurs frites ne portent plainte contre le restaurant. Ou que des clients très pointilleux ne leur retournent le plat, sous prétexte que les frites n’ont pas été élaborées dans une maison, mais dans un restaurant, quel scandale, jamais vu des choses pareilles !

Il s’agit peut-être d’une citation : Nos plats sont accompagnés de frites. « Maison », ajouta, dans un rire tonitruant, Pacôme, le fils du patron, à qui l’on demandait souvent d’inscrire sur l’ardoise le menu du jour, car il avait une écriture charmante et savait correctement orthographier le nom de plusieurs poissons. Mais dans ce cas-là, il faudrait le préciser, l’ellipse narrative est un peu exagérée, j’estime.

Si c’est un hommage à « Friends », ce serait bien de le préciser, au cas où des gens seraient tentés de commander un diplomate pour le dessert.

Ou alors peut-être s’agit-il simplement de bien se distancer de tous ces restaurants qui te servent des “frites” maison.

Enfin, dernière possibilité, me direz-vous : il s’agit tout simplement de gens qui ne maîtrisent pas bien la grammaire et posent des guillemets n’importe où, “au hasard”. J’y ai songé.

Mayday, mayday !

Wednesday, May 16th, 2012

On ne m’ôtera pas de l’idée que le lobby des dictons essaie, pour je ne sais quelle raison commerciale, voire politique, de nous survendre le mois de mai. Parce que quand tu y penses, le mois de mai, le joli mois de mai, celui où tu fais ce qu’il te plaît, c’est les saints de glace au milieu, où tu fais ce qu’il te plaît mais emmitouflé sous dix-sept couches de couvertures parce que la gérance a déjà coupé le chauffage, lol, et deux fêtes de concepts terribles et terrifiants bien fichées à chaque bout pour bien planter le décor, la fête du travail au début et la fête des voisins à la fin.

Alors tu vas me dire “ah mais pas du tout, les miens, de voisins, ils sont très bien !”, probablement parce que tu habites dans les steppes canadiennes et que le prochain voisin est à trois jours de raquette à neige. Mais la réalité, c’est qu’un bon voisin, ça n’existe pas vraiment. Au moins, un collègue, tu peux te dire que si, comme toi, il a choisi de s’orienter vers la couture analytique, c’est qu’il a probablement un bon fond. Alors qu’un voisin, faut pas se leurrer, s’il est dans le même immeuble que toi c’est au mieux par hasard, au pire pour te piquer tes jours de lessive.

Non seulement un bon voisin, ça n’existe pas, mais en réalité, les mauvais voisins sont les plus recommandables. Car ils jouent franc jeu. Ils utilisent un charbon spécial fumée pour leurs grillades tri-hebdomadaires, ne se nourrissent que de hareng, cultivent une bonne demi-douzaine de gosses qui semblent passer leurs soirées à s’entraîner pour le 32 mètres des prochains jeux olympiques, ont une notion très convexe du parking, n’ont jamais de sel ni le temps d’échanger le jour de lessive, et la fois où ils ont accepté de nourrir les plantes, tu es revenu, la fougère avait mangé le chat, organisent régulièrement des soirées bilboquet et appellent la police quand tu éternues à 22 heures 01. Mais au moins, tu le sais.

Alors que le voisin qui a l’air sympa, il faut t’en méfier comme d’une guigne. Et encore, une guigne, sous nos latitudes, ça va, c’est rare. Le voisin sympa, au début tu lui parles et très vite, tu te rends compte que grâce à ses pouvoirs magiques, il sort de chez lui à chaque fois que tu reviens les bras chargés de courses, pressé de rentrer parce que tu ne voudrais pas manquer l’épisode 5588 des feux de l’amour mais lui il te parle de sa femme qui est toujours aussi décédée et ça commence à l’inquiéter un peu et de la bronchite du petit et des voisins du quatrième qui sont sympa mais un peu bruyants mais très sympa surtout elle, toi bon tu ne les a jamais vus, mais tu acquiesces parce que ça risque de se prolonger sinon. Du coup, tu te retrouves à développer des stratégies d’évitement assez fugaces, comme la fois où tu avais installé un trampoline en bas de chez toi pour pouvoir rentrer par le balcon, tu sors justement de l’hôpital à l’instant.

Plus agréable, le voisin invisible, six mois que tu habites ici et la première fois que tu l’as croisé, c’est le jour où il t’a croisé pour la première fois et appelé les flics parce qu’il trouvait bizarre cet individu à l’air suspicieux qui tentait de rentrer chez les nouveaux voisins du deuxième à l’aide d’une clé.

Alors bon, le mois de mai, moi, je suis plutôt contre.

Normales saisonnières

Monday, May 14th, 2012

Cette année-là, les Français avaient élu un type qui se présentaient comme “le président normal”.

Son élection provoqua une incroyable vague de normalitude. Aux Jeux olympiques de Londres, par exemple, il n’y eut pas une seule surprise, tous les résultats étaient très normaux, la Suisse ne devint pas championne olympique de foot, la France rafla les médailles en tir moins de 50 mètres couché au moyen calibre et en fleuret moucheté. Douze scandales de dopage éclatèrent de façon absolument normale.

“La Normal Attitude”, une chanson hyper normale avec couplet, refrain, pont, et paroles consternantes, devint le tube de l’été et son interprète, DJ Jean, popularisa la coupe de cheveux normale. Les gens s’habillaient de façon normale. Le pantalon coupe normale fit un retour fracassant.

A Paris, les brasseries normales, où on te servait des plats classiques mais un peu ratés en te faisant la gueule, étaient les endroits branchés du moment. Même la météo, cette année-là, était particulièrement normale, et les gens râlaient de façon extrêmement normale qu’il n’y avait plus de saison.

Le mouvement pictural normal était un genre assez intéressant, de la peinture réalisée par des gens normaux, ce que l’on aurait appelé, en d’autres temps, “des paysages, mais un peu ratés, quoi”. La littérature normale se caractérisait quant à elle par ses rebondissements complètement attendus et ses personnages caricaturaux.

En Suisse, les 163 partis politiques du centre, ainsi que tous ceux qui prétendaient être du centre, fusionnèrent et se renommèrent “Mouvement Extrême-Normal”.

Barack Obama s’inspira de ce que l’on appelait désormais le mouvement normaliste et remporta un succès pas colossal, mais quand même un succès bien, finalement assez normal, quoi, grâce à son nouveau slogan, “Perhaps we can, who knows ?”

Puis soudain, quelqu’un se souvint que si on avait voté pour “le président normal”, à la base, c’était avant tout pour se débarrasser du président, qui ne l’était pas du tout, et du coup on se remit à faire des trucs bizarres, la mode normale n’avait tenu qu’un été ce qui, pour une mode, est extrêmement normal.

L’important, c’est le jambon

Wednesday, May 2nd, 2012

Il était une fois un pays très joli avec, pour compenser, un système politique qui ne l’était pas toujours : la faitdiversocratie.

La faitdiversocratie reposait sur un constat très simple. Il vaut mieux régler les situations après qu’elles sont arrivées plutôt qu’avant, sinon comment veux-tu qu’on voie qu’elles ont été réglées, hein ?

Tous les jours, le Conseil des Ministres lisait les journaux et créait des lois. Quand un homme assassina sa maîtresse à coups de hachoir à viande, ils interdirent la viande hachée. Quand un jeune fan de jeux vidéos violents et de musique du diable décida soudain d’abattre 33 personnes dans la rue avant de se donner la mort, ils interdirent le suicide (parce que c’est un peu trop facile, sinon). Quand un homme assassina son épouse à coups de poing, ils interdirent le mariage. Mais comme il n’y a pas que des faits divers sordides, dans la vie, et qu’on s’ennuie parfois entre deux meurtres sanglants, ils légiféraient aussi quand personne ne mourait à la fin. Quand le jeune Flouki, un berger allemand nain, parcourut 320 kilomètres pour retrouver ses maîtres qui l’avaient abandonné sur une aire d’autoroute, ils offrirent des sandales à tous les bergers allemands nains du pays. Quand le match nul 2-2 de Montpellier face au FC Evian-Thonon-Gaillard relança les chances du Paris Saint-Germain, ils décidèrent d’interdire les équipes de foot avec trois noms dedans. Quand on les accusa de ne légiférer que sur des faits divers, ils édictèrent la déclaration des droits du fait, qui commence (et se termine, il n’y a qu’un article) ainsi : “Tous les faits sont libres et égaux, et il est interdit d’en considérer certains comme divers, sauf s’ils se passent à l’étranger, là, ok, on s’en fout, LOL”

Il existait, dans ce pays, 942 310 lois différentes, dont certaines se contredisaient, mais ce n’était pas grave car tout le monde était heureux et dansait la ronde de l’amitié, vu qu’on avait interdit d’être malheureux suite aux derniers sondages.