Chaque peuple a ses figures légendaires, plus ou moins réelles: Jeanne d’Arc pour les Français, je ne sais pas qui pour les Fidjiens, Zorba pour les Grecs, Gary Lineker pour les Anglais,…
En Suisse, nous avons Guillaume Tell, qui n’aimait pas trop qu’on mette des pommes sur la tête de son fils. Il a fait la carrière internationale que l’on sait, grâce à un opéra de Rossini (c’est toujours les Italiens qui font le sale boulot). Et nous avons Winkelried, qui est un peu comme un film suisse: il a beau être très connu chez nous, personne n’en a jamais entendu parler au-dehors.
Alors, pour toi, étranger qui aimerait te cultiver entre deux vols de pain: au Moyen-Âge, l’Autriche et la Suisse se battaient, les uns préférant les pommes en strudel et les autres en brochette. Depuis, les relations entre les deux pays se sont nettement améliorées, malgré quelques rechutes bien irritantes.
En 1386, Leopold III de Habsbourg décide de mettre la pâtée aux Confédérés, mais ça ne marche pas très bien. Les guerres, à l’époque, c’était pas aussi bien foutu que maintenant, on n’avait pas toutes ces bombes qui tuent plein de civils collatéraux, ça se faisait à la pique et à la hachette, un peu comme pour un barbecue mais sans les chips. Winkelried aurait, dit la légende, pris une pleine brassée de piques ennemies dans ses grands bras pour ouvrir une brèche dans les rangs ennemis (et, accessoirement, dans son sternum) et aurait eu cette phrase devenue aussi culte qu’une tirade d’Edouard Baer: « Prenez soin de ma femme et de mes enfants », se sacrifiant ainsi pour sa patrie et permettant aux Confédérés de tataner sévère les Autrichiens pourtant supérieurs en nombre, en équipement, en entraînement et en ski. Un geste héroïque (ou couillon, c’est selon).
On constate sur ce document que les Suisses allemands portaient déjà des chaussettes dans leurs sandales à l’époque
Les historiens se sont interrogés sur la véracité de cette histoire, et sur l’existence dudit Arnold. En exclusivité mondiale de l’univers, je suis aujourd’hui en mesure de vous révéler quelques extraits de son journal intime.
12 janvier 1356:
Aujourd’hui, madame Stauffenacher, la maîtresse, m’a dit que je n’arriverai à rien dans la vie si je ne travaillais pas. Quand je serai grand, je serai célèbre et elle s’en voudra bien de m’avoir dit ça. VDM*.
* Les historiens sont encore très partagés quant au sens de cette signature.
3 août 1362:
Aujourd’hui, j’ai rencontré une très jolie jeune fille avant-hier lors du brunch du 1er août. J’aimerais bien me marier avec elle, mais je ne peux pas car mon papa dit que les Zougois sont de sales étrangers du dehors qui font rien qu’à manger notre pain. VDM.
4 juillet 1364:
Aujourd’hui, je me suis marié avec Hulge von Graffenried, mon papa a dit que ce serait un très bon mariage parce que ses parents ont des terres très propices à la betterave. VDM.
17 novembre 1364:
Aujourd’hui, mon épouse vient d’accoucher de notre fille, Silke. J’espère que maintenant, elle acceptera enfin qu’on consomme notre mariage. VDM
17 janvier 1366:
Aujourd’hui, ma fille aînée a dit son premier mot, papa. Je n’étais pas là. VDM.
11 juin 1367:
Aujourd’hui, j’ai réussi mon test d’entrée dans l’armée. VDM.
8 juillet 1368:
Aujourd’hui, mon épouse est enceinte de notre cinquième enfant. VDM.
9 juillet 1386:
Aujourd’hui, on va se battre contre les Autrichiens. Je suis excité comme un foufou. VDM.