Hugo boloss

June 20th, 2014

Nul n’est à l’abri d’un bad buzz. Victor Hugo (l’écrivain, pas le footballeur) l’a appris à ses dépens hier. Son community manager n’a toujours pas réagi, preuve d’une incompréhension manifeste des moyens de communication moderne. La réaction outrée des réseaux sociaux était d’ailleurs pour le moins méritée, puisque sous des dehors moirés, le fameux poème qui a fait couler tant d’ancres est tout de même une incitation à peine voilée à aller se dévoiler dans des cimetières, elle est belle la France, bravo la politique laxiste de la gauche !!! et sous des verts coudriers, encore bien.

Mais qui, au juste, est ce Victor Hugo, dont on connaît surtout les deux célèbres comédies musicales, Les Misérables et Notre-Dame de Paris (Notre-Dame de Paris parle des touristes qui accroche des cadenas partout et Les Misérables est une publicité pour le journal Causette) ?

Victor Hugo est né en 1802, alors que ce siècle avait deux ans, enfin, pas celui-ci, un autre, à Besançon, ce qui peut arriver à des gens très bien. Dans la maison natale de Victor Hugo, précise Wikipedia. Au lieu d’embrasser la profession d’horloger ou de frontalier, il opte pour l’écriture.

Victor Hugo écrit neuf romans selon la police et plus de 14 250 selon les participants à des jeux de culture générale en ligne, notamment 93, un roman sur la vie dans la téci, écrit non pas en pull, comme on l’a longtemps cru à tort, mais à Jersey. On lui doit également de nombreuses pièces de théâtre, une floppée de poèmes qu’on a dû apprendre à l’école et dont on ne se rappelle que la première strophe à l’heure où blanchit la campagne, “l’art d’être grand-père”, un ouvrage de coaching sur l’art d’être grand-père, une morne plaine et le retour de Karen Cheryl à la télé au début des années 90.

Il est également le fondateur de l’ordre des gens qui ont deux prénoms, où l’ont depuis rejoint Jacques Martin, Claude François, Frédéric François, Jean-Pierre François et Ségolène Royal.

Puis il meurt et ses funérailles sont suivies par des millions de gens alors que la télé n’est même pas encore inventée, ce qui est pas mal pour un écrivain.

Coupés du monde

June 20th, 2014

Je l’avoue sans jambages, le football est un sport que j’apprécie. Bien plus, par exemple, que le water-polo. Mais, parfois, alors qu’Inler vient de rater sa 58e passe consécutive, alors que la Roja l’est surtout de vergüenza, alors que dehors, l’été invite à la lascivité et à la plageation, il arrive parfois que l’on se demande, l’espace d’un instant : à quoi bon tout ça ?

Allons, ressaisissons-nous. La Coupe du monde de football a bien des utilités. Contrairement, par exemple, au couteau à pain, qui ne sert qu’à couper le pain.

Car le Mundial, comme on l’appelle parfois lorsqu’on est initié, peut servir à :

Réviser les noms des pays. On ne sait jamais, on n’est jamais à l’abri d’une finale régionale de Questions pour un champion ou d’une rencontre subite avec un Sphinx. Si, à brûle pourpoint, on vous demande : le Costa Rica est-il un pays, un bateau de plaisance ou une méthode de soin par les plantes ?, seul le football, ou cette pénible soirée diapositive, pourra vous permettre de répondre.

Trouver l’inspiration, grâce aux réseaux sociaux. Les hashtags tels que Gerpor, Anguru, Bramex ou Honecu feraient en effet d’excellents noms de médicaments.

Vérifier son klaxon, ce qui peut toujours être utile en temps de non-Coupe de Monde, par exemple pour effrayer un enfant.

Trouver l’inspiration, grâce aux réseaux sociaux. Quel plaisir d’être dans les 4700 premiers à s’exclamer Jean Neymar !! ou encore Jean Hulk !!

Assister à un spectacle plein de suspense, car qui aurait dit que la Suisse allait marquer à la 90e minute d’un pénible match contre l’Equateur ? Personne. Car personne n’avait lu le livre avant de voir le match : il était bien trop chiant.

Critiquer l’arbitre.

Avoir un sujet de conversation avec ses collègues (cf supra).

Rentabiliser
la redevance télé.

Perdre beaucoup d’argent sur les sites de pari en ligne.

Avoir un prétexte pour boire des bières.

Venir à bout de cette bizarrerie qu’on appelle le nationalisme, car vivement que la Suisse se fasse éliminer pour qu’on puisse enfin être pour les Pays-Bas, comme tout le monde.

Décider de plutôt lire un livre.

Comme une chanson populaire

May 6th, 2014

Wurgol était désemparé. Depuis des mois, en effet, il filait le parfait amour avec Hunta, une jeune fille charmante, à l’intelligence fuselée et à l’humour byzantin. En sa présence, il se sentait heureux et léger comme une tourterelle qui s’envole à tire d’aile en emportant des noix et, par ailleurs, ils franchissaient bien plus que régulièrement des ponts entre nous et le ciel, et ce parfois dans des positions dont il n’avait jamais soupçonné l’existence jusque là.
Qu’allait-il devenir ?, se demandait-il. Comment pourrait-il endurer une telle situation ? Qui a le droit de faire ça ?

Cet amour naissant nuisait fortement à sa carrière de star de la chanson contemporaine. Alors qu’il ne savait faire que chanter pour quelqu’un qui s’en va. Qui s’en va.

Comme il avait lu sur Internet qu’il était important de tout partager dans un couple, il décida de partager ses préoccupations au sein de son couple. Bien mal lui en prit ! Car Hunta fit preuve d’une nature étonnamment peu compréhensive.

– Tu comprends, je suis si heureux avec toi que je ne peux pas composer de nouvelles chansons ! »
– Mais enfin, je ne comprends pas ! », répondit Hunta, qui ne comprenait pas.
– La chanson, qu’est-ce que c’est ? C’est avant tout de l’émotion. Et l’émotion, c’est les ruptures.
– Mais enfin, voyons, il y a bien d’autres émotions. Est-ce que, comme nombre de chanteurs populaires, Calogero et Stromae, et puis un autre aussi, je crois, tu as connu la douleur de perdre un parent ?
– Ma foi, oui.
– Super.
– C’était au rayon des merguez.
– Un rayon entier rien que pour les merguez ? Waouh.
– C’était rayon des merguez / tu étais fort comme la braise / moi je portais un fez / je t’ai perdu, aux merguez.
– Sympa, mais je crois que ça va fonctionner moyen à cause de la censure. On peut pas dire que c’était aux surgelés ?
– Le public, aujourd’hui, recherche avant tout de l’authenticité.
– Donc le fez, c’est exact ?
– Ben oui.
– Ça alors.

La carrière de Wurgol n’avait démarré que récemment. Jusque là, accompagné de son fidèle orgue Bontempi, il était animateur de mariages et d’autres soirées festives, même qu’une fois il avait participé à une croisière sur la Nive (il avait compris le Nil, mais bon, c’est déjà ça, quand même). Il chantait tous les grands classiques de la chanson française et, parfois, en fin de soirée, quand tout le monde était ivre, se laissait aller à interpréter l’une de ses propres compositions (dont “Octavie”, composée après la fameuse croisière sur la Nive, et son fameux refrain “C’est pas parce que t’as Alzheimer / qu’il faut t’en aller comme une fougère”)
Il avait à son répertoire neuf chansons, une par rupture et il jalousait secrètement la vie sentimentale de Cali et de Génération Goldman.
Mais un soir, alors qu’il animait la soirée annuelle de l’entreprise d’électricité Strom AG, il fut victime d’une terrible méprise : au lieu d’appuyer sur la touche “valse” de son Bontempi, il appuya par mégarde sur “tango”. Un producteur qui passait là par hasard car il avait besoin de courant, je suppose, je ne sais pas, arrêtez de m’interrompre, trouva ce décalage entre le côté chaloupé de la musique et l’aspect suicidaire des paroles de “Ermelinda”, (“Pourquoi tu es partie comme ça ? / C’est pas sympa de partir comme ça”) délicieusement décalé.

La suite, vous la connaissez, 92 semaines numéro 1 au top 50 et 38 au top 47.

Mais cela commençait à dater et le public à s’impatienter.

Or, Wurgol ne parvenait plus à écrire car il filait le parfait amour avec Hunta, c’était au premier paragraphe, essayez de suivre.

– Mais des émotions, y en a plein, des émotions. Des adieux à un ami, le soleil qui se lève, un chat qui fait du vélo, le temps jadis qui plus jamais ne sera, mon collègue du boulot qui a probablement mangé un renard, tout cela, ce sont des émotions !
– Jamais cela ne vaudra l’émotion d’un adieu déchirant quand dans l’amour tout s’effondre. Ouah, tu vois ? Trop puissante, cette phrase !
– Mais attends… ton truc avec les merguez, là… en fait tu t’es perdu dans un supermarché ?
– Ouais.
– Mais c’est pas une émotion, ça.
– Si, parce que j’avais 32 ans quand ça m’est arrivé, trop la honte.

Malgré ces incessantes discussions, rien n’y faisait : l’amour entre Hunta et Wurgol continuait d’être beau comme un loup, comme un soldat. Mais un jour, lassée de ces incessantes discussions, Hunta s’en alla.
– Oh, merci, on n’a jamais rien fait d’aussi beau pour moi, tu es le soleil de ma vie ! Tu es le crédit de mes envies !
– Oh, c’est très beau ce que tu dis. Aimons-nous vivants !
– Super, je vais t’aimer comme on ne t’a jamais aimée, tu vas voir !
– Même quand l’amour sera mort ?
– Même à l’usure, j’y crois encore et en coeur.

Mais à chaque fois, c’était pareil, toujours la même ritournelle.
Hunta s’en allait et revenait, et ça ne s’arrêtait pas de tourner et à la fin, Wurgol se mit à faire du bateau dans son quartier, un truc terrible.

– Oh, je sais ! Une émotion, c’est par exemple quand on a un marteau !
– Mon pauvre, tu sais vraiment plus quoi inventer. Je me barre. Il n’y a plus d’espoir. Nous, c’est comme une illusion qui meurt.
– Tiens, tu as oublié tes perles de pluie la dernière fois, après le chat les bouffe et y en a partout.
– Ah ben voilà, un chat mort, ça c’est émouvant.
– Ah oui.

Run to the hills

April 22nd, 2014

C’était un mardi. L’ascenseur était en retard, tu as décidé d’y aller par les escaliers. Quelle ne fut pas ta surprise, une demi-volée de marches plus bas, de retrouver tes poumons gisant sur le sol, implorant ta pitié, rassemblant leur maigre dernier souffle pour clamer “plus jamais ça”.

Tu t’es alors dit : “Faudrait peut-être que je me mette au sport”. Et tu as choisi la course à pied. Tu en avais déjà fait, dans le temps, le jour où tu avais failli rater le bus et où tu l’avais finalement raté. Et puis c’est très à la mode, mais bon, ça, c’est pas de ta faute.

Tu t’es dit : la course à pied, c’est facile. Il suffit de déplacer ses pieds d’avant en arrière de manière cyclique et, si possible, rapide. C’est bien plus simple que le plongeon synchronisé ou que le surf des neiges. Première erreur.

Tu as aussi pensé : et puis c’est pas très cher. Des chaussures, un slip et vogue la galère. Deuxième erreur.

Jeune naïf. Tu as confondu le noble art de la course à pied avec le jogging du dimanche.

Tu es parti dans la forêt, les oiseaux gazouillaient, les rivières frétillaient, les chiens batifolaient, les jeunes se droguaient, c’est le problème des forêts urbaines. Alors que ton coeur battait la chamade et tes pieds la campagne, tu t’es dit que ce ne serait pas si facile que ça. De sa douce voix mélancolique, l’application que tu venais de télécharger afin de t’accompagner dans tes vélléités kenenisabekeleïennes annonça sans l’ombre d’un trémolo, “Time : 5 minutes. Distance : 5 meters. I call the ambulance.”

Comme tu es un garçon méthodique, tu t’es dit : de la méthode, de la méthode. De retour dans le confort de ton canapé, tu as enfourché ton navigateur internet et tu as googlé “astuces running” (car on ne dit plus course à pied mais running, de même qu’on ne dit plus auto-portrait mais selfie, mais avant de faire des selfies de ton running, attends d’arriver vivant au coin de l’immeuble, veux-tu?). Et là, drame, catastrophe, patatras: en réalité, c’est hyper compliqué. Il faut faire des fractionnés, des cotes, dire des choses comme j’étais à peine à 83% de mon cardio. Ca avait l’air tellement scientifique que même le curling t’apparaissait soudain moins nébuleux.

Il te fallait des chaussures adaptées à la courbure de ton pied, des chaussettes adaptées à la courbure de tes chaussures, un porte-téléphone-portable adapté à ton téléphone portable et comme, jeune rebelle, tu en possède un qui ne prend pas de i devant, tu as dû faire fabriquer l’objet sur mesure par des enfants aveugles, une casquette aérodynamique, des boissons isotoniques et une compilation de chants de l’armée rouge soigneusement étudiée pour épouser au mieux ta progression rythmique.

Une fois équipé, tu étais plus pauvre que si tu avais opté pour la voile, le golf ou le cheval. Mais tu pouvais enfin te remettre à galoper, libre et flamboyant, au milieu des oiseaux, des ruisseaux, des chiens et des jeunes.

Tu n’avais jamais réalisé à quel point, quand ils construisent les villes, il ne réfléchissent pas au côté plat du truc. Ca monte, ça descend, ça remonte, franchement, c’est n’importe quoi.
Alors tu as pris ton courage à deux mains et ta voiture à propulsion mécanique pour aller au bord du lac. Comme exactement 17 932 autres coureurs, car le temps était maussade ce jour-là. Très bien ! Tu en as profité pour observer attentivement les autres athlètes dominicaux.
Il en existe plusieurs types : les vrais sportifs, que l’on reconnaît à leur foulée altière et régulière, les gens à qui leur médecin a ordonné de faire du sport dans les cinq minutes, que l’on reconnaît à leurs exhalations rauques et au regard désespéré qu’ils jettent à l’horizon, les Parisiens, que l’on reconnaît à leur équipement dernier cri, cuissettes hypothermiques et slip fuselé en titane, et au fait qu’ils pratiquent le running en petites grappes de 5000 sous les yeux étonnés de touristes étonnés.
Tu as attrapé au vol la foulée d’un membre éminent de la deuxième catégorie et tu t’es senti poussé des ailes quand tu l’as irrémédiablement lâché dans la première difficulté du jour, tel un Cancellara des grands jours, mais en plus modeste.
Tu as poursuivi ta folle chevauchée des sentiers de la gloire oh tiens un coin à ail des ours si je m’arrêtais un moment pour en ramasser un peu.

Puis il a plu sur cette plage et ton doux visage a disparu. Tu as fait une petite pause dans ton entraînement, à peine une semaine – huit mois. Quand tu as voulu t’y remettre, tout était à refaire. Je te propose donc de relire ce billet depuis le début pendant que je vais me faire un café.

Rusé, tu t’es dit, cette fois, je n’abandonnerai pas dès les premier frimas comme ces onze dernières années, et puis l’hiver a été doux alors ça va : tu t’es inscrit à une course. Une vraie, avec des podiums, mais ne t’inquiète pas, tu ne les verras que de loin, des dossards et un ravitaillement à mi-chemin, qui s’avèrera décevant, ni entrecôte, ni champagne millésimé, à peine un verre d’eau.

Tu t’es entraîné dur avec un objectif précis : ne pas finir dernier. Tu as observé attentivement les résultats des huit dernières années et tu t’es dit que cet exploit historique serait possible, à condition de te munir de petits clous rouillés à glisser dans les chaussures de tes contradicteurs. Puis, de fil en aiguille, ce fut le jour J. Tu es arrivé en avance sur le lieu de ton forfait, tu as eu le temps de t’échauffer et, surtout, de copieusment t’ennuyer. Puis ce fut le coup de feu signalant le départ, et tu pris tes jambes à ton cou, virevoltant comme un cabri malicieux dans le peloton effréné.
Très vite, tu trouvas ta juste place, loin derrière les Kenyans égarés et les vrais sportifs, loin derrière les gens venus là pour se dégourdir les jambes avant leurs seize marathons de la semaine prochaine, loin derrière pas mal de monde, mais tout de même pas derrière tout le monde, tu devançais fièrement de nombreux sportifs et tu feignis de ne pas voir que la plupart couraient dans la catégorie plus de 110 ans amputés des deux jambes et + de 7 paquets / jour.
Tu jouais des coudes pour te faufiler dans cette masse suante, tu remontais allègrement de la 913 à la 828e place, quand soudain, un panneau “1km”, ça alors, le temps passe vite, plus que 14, plus que cette montée qui se profile au loin, et les huit suivantes, putain, qu’est-ce que je fous là ?

Puis, perclus de crampes, un peu vexé d’avoir terminé 107 rangs plus loin que le dernier classé, tu t’es surpris à dire : bon, c’est quand, la prochaine ?

Et c’est pour ça que je voulais te prévenir : fais bien attention, petit, le sport, ils y mettent plein de saloperies pour que ça rende accro, et en plus c’est dangereux pour la santé, alors fais bien attention, c’était un message de prévention de l’association pour la prévention contre le sport.

C’est un Suisse, un kangourou et la statue de la Liberté qui entrent dans un bar.

March 24th, 2014

Dans l’humour, une des choses les plus importantes, c’est d’avoir les mêmes référents que ses interlocuteurs.

Imaginez, par exemple, que vous racontiez une excellente blague sur les chauves à quelqu’un, mais que cette personne ignore que les chauves sont des êtres malicieux et intransigeants. Il ne va pas la comprendre.

Prenons un autre exemple. Celui de la toute première personne au monde à avoir raconté cette excellente blague : “Que dit un Belge quand il voit une peau de banane par terre”.

– Hé, j’en ai une bonne ! Tu sais ce que dit un Belge quand il voit une peau de banane par terre ?
– Oui, il dit ça alors, quel laisser aller, les gens ne respectent plus rien, dans quel monde vit-on ?, ah mais voilà que j’aperçois une poubelle au loin, je vais y jeter cette peau de banane, mais en marquant ma désapprobation par un soupir sonore.
– Pas du tout. Il dit “zut, je vais encore tomber”.
– Ah bon ?
– Oui.
– Mais c’est un ami à toi ?
– Non, non, un Belge normal, enfin, n’importe lequel. C’est une blague.
– Mais pourquoi dit-il ça ? C’est bizarre, non ?
– Oui mais les Belges sont bêtes.
– Ah bon ?
– Oui.
– Tous ?
– Oui.
– Même à l’université de Louvain-la-Neuve ?
– Ohlala, ne m’en parle pas.
– Mais il y en a pas un qui a eu un prix Nobel ?
– Il y a un système très complexe de pénalités, comme au saut à ski.
– Tu sais pourquoi il n’y a pas de tremplins de saut à ski, en Belgique ?
– Non ?
– Moi non plus.
Puis, après une courte hésitation :
– Mais au fait, il y a un truc que je ne comprends pas avec ta blague…
– Oui ?
– Pourquoi il tomberait ?
– Les peaux de banane, ça glisse.
– Ah bon ?
– C’est connu. Des milliers d’accidents chaque année !

Il a fallu des années pour qu’enfin, les gens sachent que les Belges étaient bêtes. Et pour que l’on puisse rire de bon c½ur aux blagues, des générations de courageux ont dû se sacrifier sur l’autel du bide. Jusqu’au jour où :

– Hé, super ta blague sur les bananes, là. J’en ai une autre. Combien de Belges pour changer une ampoule ?
– Un seul.
– Mais non, parce qu’ils sont bêtes.
– Non.
– Mais si, enfin, c’est toi qui me l’avais appris à la blague précédente.
– C’est fini, ça. Ils sont comme nous, maintenant. Ce sont désormais les blondes qui sont bêtes.
– Ça alors !
– Oui.
– Toutes ?
– Oui.
– Même celles qui enseignent à l’université de Louvain-la-Neuve ?
– Ohlala, ne m’en parle pas.
– Hé bien, ça alors.
– Oh, d’ailleurs, tu sais ce que dit une blonde qui voit une peau de banane ?
– Quel laisser aller, les gens ne respectent plus rien, dans quel monde vit-on ?, ah mais voilà que j’aperçois une poubelle au loin, je vais y jeter cette peau de banane, mais en marquant ma désapprobation par un soupir sonore.
– Non, ça, ce sont les Belges.
– Ah… alors je ne sais pas.
– Elle dit “oh zut, je vais encore tomber”.
– Ça alors, excellent ! Je connaissais la même blague, mais avec un Belge.
– C’est insultant.
Puis, après une courte pause:
– Au fait, combien de blondes pour changer une ampoule?
– 378
– Excellent !

Evidemment, tout cela demande de la coordination. On ne peut pas décider, tout seul, chez soi, un beau matin, de changer les référents humoristiques. Il faut d’abord faire un peu de lobbying auprès des autorités mondiales de la blague, mener des études de marché. C’est très compliqué. Il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.

Par exemple, prenez cette blague :
– Tu sais ce que dit un Suédois quand il va au bowling ?
– Non.
– Il dit : j’espère que je ne vais pas rater le bus, j’ai perdu ma montre.
– Ah bon ? Rien compris.
– C’est parce que les Suédois se font souvent voler leur montre et que leurs bus sont très ponctuels. Et qu’ils adorent le bowling.
– Je l’ignorais.
– Maintenant que tu le sais, je vais te raconter la blague à nouveau ! Tu sais ce que dit un Suédois quand il va au bowling ?
– J’espère qu’il n’y aura pas trop de peaux de bananes par terre, j’ai horreur de ça !
– Oui. C’est vrai. C’est ce qu’il dit.
– Quels cons, ces Suédois !
– Lol !

L’autre chose la plus importante, c’est d’avoir une bonne chute et oh, regardez ! une peau de banane !

Happy zut, à la fin

March 21st, 2014

Le vent s’engouffrait, indolent, dans ses cheveux auburn. La sueur coulait sur son front olympien comme au loin coulent les navires. La gueule béante de la grotte s’ouvrit soudain devant lui comme une gueule béante.

Le vieux sage l’attendait en vapotant sa cigarette électronique. Il lui offrit un rafraîchissement électronique et quelques saucisses apéritives électroniques.

– Bonjour, je recherche le secret du bonheur.
– Ah, non, c’est de l’autre côté de la vallée, ça. Ici, c’est le secret de la cuisson des pâtes.
– Ah… ben ça m’intéresse aussi.
– Mais on ne peut pas avoir les deux. Il faut en choisir un des deux.
– Oh, bon. J’étais venu pour le bonheur alors…

Le vent s’engouffrait, indolent, dans ses cheveux auburn. La sueur coulait sur son front olympien comme au loin coulent les navires. La gueule béante de la grotte s’ouvrit soudain devant lui comme une gueule béante.

– Bonjour, je recherche le secret du bonheur.
– Tu vois cet oiseau qui plane au loin ?
– C’est une métaphore ?
– Non, une buse. Ou un aigle. J’y connais rien en ornithologie, moi. Je pourrais regarder sur Wikipedia, mais ça capte pas, dans cette caverne à la con.
– Mais le secret du bonheur ?
– Tu vois cet oiseau qui plane au loin ?
– Oui.
– Moi non. Je n’ai pas mes lunettes. Tu comprends, maintenant ?
– Non. Ou alors vous voulez dire que la réponse est en moi et que ce n’est pas avec ses yeux qu’on voit ?
– Tu dois trouver la réponse dans ton c½ur.

Alors l’homme repartit, car il se dit qu’on l’avait bien roulé et qu’il allait se faire rembourser son forfait thalassothérapie, fromages et secret du bonheur.

En chemin, il rencontra un cheval, qui s’ébrouait joyeusement dans un champ au fier soleil de mars.

– Dis moi, quel est le secret du bonheur ?

Mais bon, les chevaux ne parlent pas.

Comme il commençait à faire faim, l’homme s’arrêta dans une bonne auberge.

– Bonjour, je recherche le secret du bonheur.
– Si vous prenez le menu de midi, avec un supplément de 14 francs 50, il vous est offert avec le café.
– Ça alors, on va parfois chercher bien loin ce qui était dans une bonne auberge. Mais dites-moi, vous même n’avez pas l’air de respirer le bonheur.
– C’est traditionnel, monsieur, c’est la Suisse, il ne faut pas que le client se sente trop confortable, sinon ça l’insécurise, alors on lui fait la gueule.

L’homme savoura ses pommes de terre à l’huile et sa Wienerschnitzel au carton comme jamais personne n’avait savouré car il savait que le secret du bonheur était là, à portée de mains. Enfin.

– Voilà, monsieur, votre “secret du bonheur”, lui dit alors le personnel de service en lui tendant une assiette avec dessus une petite portion de tarte Tatin, un mini moelleux au chocolat et une boule de glace vanille.
– Ah ?
– Ah oui et on m’a chargé de vous dire ceci : “N’engueulez pas le patron, la patronne s’en charge ! Un vieillard m’a dit et il avait raison si tu fais crédit tu perds ta maison ! ”
– Ça alors. C’est une métaphore ?
– Non, une buse.

L’estomac lourd et plein d’interrogations, l’homme repartit alors chercher le secret du bonheur. Ce qui commençait d’ailleurs à le rendre malheureux, ce qui était probablement une métaphore. Ou une buse.

Soudain, il rencontra un vieil homme, l’air guilleret.

– Dis-moi, vieil homme, quel est le secret du bonheur ?
– Acheter des tas d’objets. Plein. Toujours.
– Ah bon ?
– Oui.
– Ça alors.
– C’est prouvé.
– Mais le vrai bonheur n’est-il pas à l’intérieur de nos coeurs ?
– Non.
– Ne seriez-vous pas un vendeur d’objets désireux de me gruger ?
– Ah, oui. Acheter des tas d’objets et gruger.
– Merci pour ce beau secret.

Mais l’homme ne voulait pas se résoudre à accepter cette morale, car il avait une éthique protestante. Soudain, une jeune femme apparut devant lui.

– Dis, pourquoi c’est que des mecs, dans ton histoire ?, demanda-t-elle à brûle pourpoint.
– Non, la serveuse, c’était une femme.
– Oui, et le patron un homme.
– Bah oui mais tu crois que les gonzesses elles ont le temps de chercher le secret du bonheur, avec les gosses et la vaisselle ?
– C’est sexiste.
– Ben oui. Car vois-tu, quand on pense au racisme, au sexisme, à toutes les inégalités, à la pollution et aux bébés chiens torturés, on est malheureux. Alors que quand on s’en fout, ça va », répondit le jeune homme, qui commençait à ressentir un profond bonheur car son interlocutrice était pas mal gaulée.
– Tu ne peux pas dire ça », lui répondit-elle.

Alors, penaud, l’homme s’en revint sur ses pas. Le vent s’engouffrait, indolent, dans ses cheveux auburn. La sueur coulait sur son front olympien comme au loin coulent les navires. La gueule béante de la grotte s’ouvrit soudain devant lui comme une gueule béante.

– Ah, je vois que tu es revenu. Ils reviennent tous. Alors le secret de la cuisson des pâtes, c’est qu’il faut les goûter.

(En réalité, mais ne le répétez pas, le secret du bonheur se trouve dans l’ouvrage “le Sens du Poil“, page 437)

Des salades

February 22nd, 2014

Bonjour, une fois n’est pas coutume, j’aimerais vous parler de quelque chose de sérieux. Car aujourd’hui, j’ai compris que ce besoin de faire rire, cette manie d’être souvent, je le reconnais aujourd’hui, désopilant, parfois même hilarant, cachait un mal-être profond, dissimulé sous un nappage d’ironie et de cynisme.

Un mal-être qui me venait, je vous le donne en mille, de mon alimentation. Je mangeais n’importe quoi, des steaks tartare, du brochet, parfois même, et c’est difficile pour moi de le reconnaître publiquement aujourd’hui, des frites de panais.

Bien entendu, je n’essaie pas de vous convaincre d’adopter le même régime que moi. Chacun fait ce qu’il veut de son corps. J’essaie juste de vous raconter quelle démarche j’ai entreprise, sans aucun prosélytisme. Faites comme vous voulez. Vous mourrez, mais après tout, c’est votre choix.

J’ai d’abord arrêté tous les aliments transformés. Je ne veux pas laisser à l’industrie agro-alimentaire le soin de décider ce que j’ingère ! Fini, donc, les lasagnes industrielles, les petits gâteaux, les saucisses. Finie la farine, car dieu sait quelles manipulations ont été nécessaires pour transformer ainsi d’innocentes céréales. Fini le miel. L’industrie agro-alimentaire aimerait nous faire croire qu’il est produit par des abeilles. Je vous rappelle que les abeilles meurent quand elles piquent, car elles laissent leur abdomen avec l’aiguillion. Et on aimerait nous faire croire que des insectes infoutus de concevoir un moyen de défense un peu plus cohérent que ça savent transformer des fleurs en miel et que nous non ? Bien sûr, bien sûr. Trop facile.

J’ai beaucoup entendu parler de l’alimentation vivante, et j’ai essayé de m’y mettre. Que des produits vivants. Des fruits à même l’arbre (ce n’est pas évident évident quand on habite au centre ville, mais avec un peu de volonté, tout est possible). Beaucoup de fleurs. De la viande à même l’animal (attention, toutefois, la plupart ne se laissent pas faire facilement). Car la Nature est bien faite : les fruits repoussent. Les fleurs aussi. La viande aussi, si on prend soin de ne pas toucher aux os.

Plus du tout de légumes, en revanche. Les légumes poussent dans la terre. Or, de quoi est-elle composée ? Végétaux en décomposition, déjections de ver de terre. Je ne voudrais pas manger de ça (j’ai essayé, j’ai été malade). Je ne vois donc pas je mangerai de quelque chose qui mange de ça.

Je bois beaucoup d’eau, également. De l’eau de source, uniquement, pure et naturelle. A même la rivière. Bien entendu, ce n’est pas toujours pratique, mais une alimentation saine vaut bien quelques efforts.

C’est amusant : au début, mon corps s’est rebellé contre ce régime. Il a réagi de façon très violente. J’ai compris que je n’avais pas été à son écoute. Je lui ai demandé ce qu’il voulait vraiment. Il m’a répondu “un bon gros steak saignant avec des tas de frites”, je lui ai dit “non mais vraiment, au fond de toi”, il m’a dit “une pizza onze fromages, avec un plateau de fromages”, je lui ai dit “écoute, si la Nature avait voulu que nous mangions du lait de vache, elle aurait fait de nous des vaches”, il m’a dit “ok, bon, je te laisse décider”. Puis l’infirmière est entrée et mon corps m’a dit “ah, y a bien un truc dont j’ai envie”, mais c’était atrocement sexiste. Mais comme je ne pouvais pas être à l’écoute de mon corps, apparemment lobotomisé par des années de propagande de l’industrie agro-alimentaire, j’ai demandé à l’infirmière si je pouvais être à l’écoute du sien et je me suis fait renvoyer de l’hôpital, le monde est cruel avec les rêveurs.

Il fallait donc que je revoie ma stratégie alimentaire. Et c’est là que j’ai entendu parler de cette boisson miracle. Elle est composée de graines germées, principalement de graines d’orge. Il n’y a rien de plus sain que les graines, car elles portent la vie en elles. Je vous passe les détails, mais on ajoute à ces graines germées de l’eau de source et des levures, afin d’optimiser le potentiel de vivacité du produit. Puis on laisse reposer, car quoi de plus important dans notre société que de savoir prendre son temps ?, afin de procéder à ce que l’on nomme la fermentation. Puis on met en bouteilles.

Depuis que je ne me nourris plus que de cette boisson, que vous trouverez dans tous les supermarchés sans que l’industrie agro-alimentaire, évidemment, ne vous prévienne de son haut potentiel, je me sens mieux dans mon corps, souvent très gai, parfois même sans raison. Je dors mieux, aussi. Il y a eu, au début, quelques effets secondaires fâcheux, mais j’ai su m’en accomoder, car le bien être de mon corps est à ce prix.

Bon et puis comme je suis bourré en permanence, je m’en fous un peu, aussi.

Retrouvez de nombreuses idées de recettes dans mon recueil richement illustré, « Le Sens du Poil »

La stratégie Gender

February 6th, 2014

Durant les prémices de la Préhistoire, l’humain exerçait assez unanimement le plus vieux métier du monde : chasseur-cueilleur.
On n’avait pas encore très bien compris comment ça marchait, la reproduction, mais on maîtrisait déjà assez bien la première partie, la plus rigolote, celle qui est à la base de la moitié de l’internet. Du coup, la part féminine de la population passait le plus clair de son temps à être enceinte ou jeune maman. Cela amena assez vite à comprendre un truc: si on veut assurer la survie de l’espèce, il faut garder en vie les femmes le plus longtemps possible, vu que c’est elles qui assurent. Alors tu me diras : mais pourquoi absolument vouloir que l’espèce survive alors qu’y a plus rien à manger ? Ça, c’est de la faute à Darwin. Ceux qui ne voulaient pas ont gardé leur bagage génétique pour eux.
A l’époque, donc, on envoyait les mecs faire les trucs dangereux, genre la chasse, un mammouth perdu est si vite arrivé, pendant que les femmes étaient occupées à essayer d’éviter de mourir en couches. Parfois, sur la trace de quelque troupeau d’aurochs, ils restaient absents jusqu’à plusieurs jours.

C’est dans ce contexte-là qu’un jour, un certain Ugggruhr le chenu lança :
– Vous trouvez pas, quand même, que les gonzesses elles font chier ?

Il venait d’inventer le sexisme.

– Non, ça va », lui répondit-on tout de go.

Vexé, Ugggruhr tenta d’argumenter.

– Non mais par exemple, elles disent toujours : « c’est ton tour d’aller faire la vaisselle ».
– Ben non, seulement quand c’est ton tour.
– Ouais mais quand même, moi j’aime pas trop, ça abîme les mains, j’ai des doigts fragiles et gracieux.
– C’est pour ça que tu viens de rater un okapi musqué ?
– Oh et puis, par exemple, leur invention du feu !
– Ben quoi, c’est super, le feu. Sacré progrès. Je sais plus comment on faisait pour s’en passer.
– Ouais mais bon, passer trois heures à frotter deux bâtons l’un contre l’autre pour voir ce qui se passe, c’est pas un peu bizarre, comme idée ? Faut pas être super normale, quand même, pour faire ça.
– Je m’étais jamais trop posé la question, mais bon, c’est hyper pratique pour faire cuire l’antilope.
– Ugrurrrrra elle la cuit toujours trop.
– C’est vrai.
– Quoi ? Tu critiques la cuisine de ma meuf ?
– Ta quoi ?
– Ugrurrrrra c’est ma meuf. Ça veut dire qu’on ne pratique l’accouplement que les deux, surtout elle, sinon je lui casse la gueule.
– Quoi ? Que les deux ? Mais c’est vraiment pervers, ton truc.

Inutile de dire qu’Ugggruhr se sentait incompris. Un jour, il lâcha donc ces paroles historiques : « Ouais ben de toutes façons je m’en fous, personne ne m’aime alors je vais fuguer ! »

Mais partout où il débarquait, on finissait par dire « Oh purée, le nouveau avec ses idées de fada, il serait pas un peu zimboum ? » Car les idées novatrices mettent du temps à s’implanter. Il fallut de nombreux siècles pour qu’un jour, alors que les anciens racontaient en riant l’histoire tragique d’Ugggruhr le zimboum, l’on commence à se dise « Oh ben tiens, je sauterais bien mon tour de vaisselle, ce soir, tiens, et j’ai bien envie d’inventer le zeugma dans la foulée », puis, de fil en aiguille, que l’on repense de fond en comble l’organisation sociale et, enfin, que l’on invente la jupe à froufrous, le gloss extrême brillance et le harcèlement de rue.

It’s complicated

February 4th, 2014

Aujourd’hui, Facebook a dix ans. Beaucoup plus que, par exemple, Caramail, voyages-sncf.fr ou exhibamateur.com, le réseau social de Marc Montagnedesucre a durablement changé la face du monde depuis sa création. A titre de comparaison, tout ce que Bon pour ton poil a réussi à accomplir, en presque onze ans, c’est un bouquin auto-édité.

Car Facebook a considérablement modifié la vie de ses utilisateurs, comme nous allons le voir avec les témoignages suivants.

Ignazia Fonjallaz, misanthrope
« Mon arrivée sur Facebook a été un grand moment. Autrefois, j’avais le sentiment, l’intuition, que les gens étaient des cons. Désormais, j’en avais la certitude. Je passe encore sur les parents qui, soudain, se sentent obligés de s’exprimer comme s’ils avaient le même âge que leur nouveau-né. On peut leur pardonner. Le manque de sommeil. Mais les autres. Ceux qui sont en représentation permanente. Ceux qui s’indignent vingt fois par jour. Ceux qui se sentent obligés de venir commenter le moindre statut avec une blague désopilante. Ceux qui relaient la moindre rumeur, sans jamais user de leur cerveau. Ceux qui, une fois la rumeur démentie, accusent les médias d’être responsables de leur absence total de sens critique. Les lanceurs de moutons, les acharnés de Candy Crush. Tous. Je les haïssais cordialement. Et puis, un jour, j’ai découvert que ce sentiment était partagée. Quelle joie ! J’ai découvert un groupe secret, havre de haine, où d’autres misanthropes se réunissaient pour déverser leur bile. Nous avons commencé à organiser des rencontres, régulières. C’est là que j’ai fait la connaissance de Predrag, mon époux. Nous avons tant de choses en commun. Nous allons régulièrement dans des restaurants dégueulasses, pour pouvoir ensuite les descendre en flamme sur TripAdvisor. Nous n’allons voir que des films français. Nous avons trois enfants, d’une laideur abyssale. »

Egoyan Chobaz, employé de bureau
« Avant Facebook, je m’emmerdais. Je faisais des petites statuettes en trombones. Heureusement, ce temps-là est bien fini. Je ne m’ennuie plus jamais au travail. Ni dans le bus. Ni en voiture. Ni quand je me lève au milieu de la nuit pour aller aux toilettes. Chaque instant, je peux le mettre à profit pour poker, liker. Parfois même pour lire un article. Quel progrès ! »

Marcella Ramirez, preneuse d’otages
« Vous savez, mon métier est encore trop mal considéré. Surtout pour une femme ! Peu de gens savent reconnaître une belle prise d’otages artisanale. Les médias, il faut le dire, sont souvent de parti pris quand ils parlent de nous. Et du coup, souvent, je doute, je me demande si c’était un bon choix de carrière.
Le rapport avec Facebook ? Bien, voyez-vous, je lisais, l’autre jour, cet article qui critiquait les réseaux sociaux, il paraît que selon une étude américaine, ça rend bête et allergique au ketchup. Toute la journée, des gens l’ont partagé. C’est amusant, parce que ces gens, je venais de les prendre en otage et on s’était ajoutés en amis, mais je sentais qu’ils étaient un peu distants vis à vis de moi. Et justement, le fait que plus les gens passent leur temps sur Facebook, plus ils aiment en dire du mal, ça m’a redonné pas mal de foi en ma profession. Parce que rien, dans la prise d’otage traditionnelle, n’est plus beau qu’un beau syndrome de Stockholm ! »

Hjjrun Dubey, narcissique
« Facebook ? C’est ringard. C’était bien en 2009, quand ils ont ajouté le bouton like. Désormais, je vais sur Instagram. Vous avez vu ce coucher de soleil ? 143 personnes l’ont <3é. Moi, je ne suis pas du genre à me vanter, mais quand même, ce n'est pas tout le monde qui voit des aussi beaux couchers de soleil. »

Kundun Beuchat, humoriste
« Fessebouc ? Je déteste ! Regardez, ce matin. J’apprends la mort de Philip Seymour Hofmann. Un acteur, je crois, ou un footballeur. Vite, je poste “Philipe, C’est mort !!!” Quelqu’un l’avait déjà faite. »

Testuya Apothéloz, community manager en recherche d’emploi
« Je fais un métier qui n’existait pas il y a dix ans. Tous les jours, je gère ma communauté. C’est énormément de travail. Un like pour montrer que je suis réactif. Un commentaire pour faire preuve de rebondivité. Très important. Je ne manque jamais d’y ajouter trois hashtags. Je suis d’ailleurs l’inventeur du hashtag #parfoislesoirjemangedesfruitsmaispastoujours. Alors vous allez me dire, le hashtag, c’est plus twitter. Mais il faut savoir faire preuve d’interconnectivité multiplateformiale. A ce propos, je ne manque jamais un “apéro”, ces événements sociaux où des utilisateurs des réseaux sociaux se retrouvent IRL pour faire du networking et parfois des interactions interpersonnelles intergénitales. Très important, pour le branding, quelqu’un qui n’a pas couché avec au moins huit personnes de sa communauté n’existe pas, il faut le savoir. Il y a dix ans, on appelait ça glander et se bourrer la gueule. C’était le Moyen-Âge. »

Bonaventure Perretgentil, titreur
« Ah, ça, je m’en souviens, comme on me moquait, jadis ! « Les titres, c’est un détail, l’important, c’est le contenu ! » Je leur répondais « un jour, vous verrez, plus personne ne s’intéressera au contenu ! Plus personne ! Plus personne ! Gnahahaha ! Bien fait ! » Ils me riaient au nez, ils me traitaient de fou. Vous avez vu passer cet article, la semaine dernière, « Ivre, une femme nue maltraite des bébés chiots sous les yeux de Justin Bieber, temps de lecture estimé trois minutes » ? Ça parlait des championnats d’Auvergne d’haltérophilie, une bête erreur de typo. »

Athanagor Mudry, météorologue
« Ça, ma petite dame, on peut dire que les réseaux sociaux ont fait beaucoup pour la reconnaissance de la profession… Oh ! Attention, derrière toi ! L’anticyclone des Açores ! »

Evarista Berlincourt, philosophe et graphiste amatrice
« Nous faisons ça de père en fille. Regardez, c’est un chaton qui dit « un sourire ne coûte rien mais il enrichit beaucoup ». Mon grand-père l’a réalisé sur carte postale. Ça n’a jamais vraiment marché. Il fallait renvoyer la carte postale à dix de ses amis, c’était compliqué. Mon père, lui, créait du pps traditionnel, avec les animations. On se les envoyait par mail. C’était le bon temps. Il est aussi un pionnier du gif animé traditionnel français. Mais cet art avait bien failli se perdre. Heureusement, Facebook a bien relancé nos affaires. 99 personnes sur 100 n’auront pas le courage de partager ça sur leur mur !!! Et toi ? »

Horst Dévanthéry, timide
« Jadis, pour moi, la séduction était une chose difficile. Je me souviens, par exemple de cette fille pour qui j’avais eu un petit coup de foudre sur Caramail: kikinou72. En trois mois d’utilisation de ce chat, puisqu’il faut appeler un chat un chat, c’était la première personne à ne pas m’ignorer ! Je me souviens encore de notre conversation : je lui avais dit “salut” et elle m’avait répondu “cc sa va”. Jamais je n’oublierai ces mots. Car ce furent les derniers que nous échangeâmes : je ne la connaissais pas, elle ne me connaissait pas, je ne savais pas trop quoi lui dire. Son profil, sous une très belle photo d’ange devant un clair de lune, m’indiquait qu’elle aimait les amis, les sorties et la musique, et qu’elle n’aimait pas les hypocrites, la pluie et la tristesse. Je me sentais en phase avec elle. Je réfléchissais encore à la façon de bien entamer la conversation avec cette jeune fille sensible et sophistiquée, quand je reçus cette notification : kikinou72 vous a ignoré(e).
Lorsque je découvris Facebook, un beau jour d’automne 2007, il en alla tout autrement. A l’époque, nous n’étions pas si nombreux que ça à être connectés sur le fameux réseau social. Je décidai d’ajouter à mes amis tous mes anciens camarades de classe: ils n’avaient pas de compte. Je décidai alors d’ajouter à mes amis toutes mes ex: je n’en avais pas. Je décidai alors d’ajouter à mes amis un peu n’importe qui que je connaîtrais un peu, même vaguement. Par exemple Isaline Creuteuf, la fille d’une amie des cousins de mes parents, que j’avais rencontré une fois à un enterrement. Elle refusa ma demande. Pendant de longs mois, je passai mon temps à lancer des moutons à Fiodor Dévanthéry, mon chat, pour lequel j’avais créé un compte. Puis un jour arriva la superbe Semilia Frouchaux, dont j’avais longtemps été amoureux, en 6e primaire on avait été en classe verte et on avait joué à action ou vérité, elle m’avait dit qu’elle était amoureuse d’un garçon de la classe et je n’avais pas osé lui demander si c’était moi et j’avais bien fait, ce n’était pas moi. Et voilà qu’aujourd’hui, c’est elle qui me demande en amitié, après toutes ces années ! Sept ans plus tard, je n’ai pas encore osé lui parler de mes sentiments, mais je ne manque jamais de liker ses changements de situation amoureuse. »

Nadal surf

January 26th, 2014

Ce dimanche, Stanislas Wawrinka a remporté le premier tournoi du Grand Chelem de sa carrière, entrant ainsi dans le cercle très fermé des joueurs ayant remporté le premier tournoi du Grand Chelem de leur carrière ce dimanche. Avant ce succès, Stan est longtemps resté dans l’ombre du meilleur joueur de tennis de Suisse, du monde et de tous les temps, Roger Federer. Une rivalité mêlée d’admiration à laquelle Eminem avait consacré une émouvante chanson, Stan.

Eminem ft. Dildo – Stan

My tea’s gone cold, I’m wondering why I got out of bed at all

Mon thé est froid, je me demande pourquoi je suis sortie du lit
Parce que c’est vrai qu’une finale à 9h30, un dimanche, c’est un peu tôt.

The morning rain clouds up my window and I can’t see at all

La pluie du matin embue ma fenêtre et je ne peux rien voir

And even if I could it’ll all be gray but your picture on my wall

Et même si je pouvais, tout serait gris mais ta photo sur mon mur

It reminds me, that it’s not so bad, it’s not so bad

me rappelle que tout ne va pas si mal, tout ne va pas si mal
Dans ce “sample”,comme disent nos amis les rappeurs, on entend une jeune fan de Federer, inconsolable après la défaite de Roger Federer en demi-finales contre Nadal, alors qu’elle devrait commencer à avoir l’habitude, mais bon, vous savez ce que c’est, on se dit « cette fois, ça va passer » et en fait, ça passe pas, en plus il fait gris, il fait froid. Mais elle se souvient de ce type, là, elle l’avait vu une fois à une manifestation de Swiss Tennis, Federer avait pas pu venir, comment il s’appelait, déjà ? Wowronec ? Bon, il était sympa, il lui avait offert une photo dédicacée. Ben apparemment, il serait en finale. Donc c’est pas si mal, pas si mal. Enfin, mieux que rien, quoi.

[Verse 1]

Dear Slim, I wrote you but you still ain’t callin’

Cher Maigre, je t’écris mais tu ne m’appelles pas
Il s’agit d’un document exclusif, mis en musique par Eminem : une lettre écrite par Wawrinka à son idole Federer. Il essaie de ne pas faire preuve de trop de déférence, alors il se moque un peu du physique, mais tout de même on sent une légère, très légère, adulation.

I left my cell, my pager and my home phone at the bottom

J’ai laissé mon numéro de portable, mon page et mon numéro de téléphone à domicile en bas
On apprend également, au passage, l’identité de la seule personne à avoir jamais acquis un pager.

I sent two letters back in autumn, you must not’ve got em
There probably was a problem at the post office or something
Sometimes I scribble addresses too sloppy when I jot em

J’ai écrit deux lettres en automne, tu ne dois pas les avoir reçues, il y a probablement eu un problème avec la Poste ou quoi, des fois j’écris pas très très bien les adresses
Non mais ça arrive, les problèmes avec la Poste, une fois, j’avais écrit un poème à une fille (non mais ça va, c’était y a longtemps), elle avait jamais répondu, salope de Poste.

But anyways, fuck it, what’s been up man, how’s your daughter
My girlfriend’s pregnant too, I’m bout to be a father

Mais bon, on s’en fout, ça va mec ? Et ta fille ? Ma copine est enceinte aussi, je vais être papa.
Apprenant la paternité de Federer, Wawrinka se dit tiens, bon, tennistiquement, je suis encore loin de lui mais là, au moins, je peux rivaliser. Mais là où le maître avait une paire de jumelles, son disciple n’a qu’un monocle.

If I have a daughter, guess what Imma call her, Imma name her Bonnie

Si j’ai une fille, devine comment je vais l’appeler ? Je vais l’appeler Bonnie !
En hommage à la célèbre joueuse de tennis Bonnie Gadusek.

I read about your Uncle Ronnie too, I’m sorry
I had a friend kill himself over some bitch who didn’t want him

J’ai entendu parler de ton oncle Ronnie, je suis désolé, j’ai un ami qui s’est suicidé à cause d’une désillusion amoureuse
Stan idolâtre Federer, d’accord, mais il le confond probablement avec quelqu’un d’autre

I know you probably hear this every day, but I’m your biggest fan
I even got the underground shit that you did with Skam
I got a room full of your posters and your pictures, man
I like the shit you did with Rawkus too, that shit was phat
Anyways, I hope you get this man, hit me back
Just to chat, truly yours, your biggest fan, this is Stan

Je sais que tu entends ça tous les jours, mais je suis ton plus grand fan, j’ai même cette merde underground que tu as faite avec Skam, j’ai une pièce pleine de tes posters et photos, mec, j’aime aussi la merde que tu as faite avec Rawkus, c’était trop bien, bref, j’espère que tu auras ça, rappelle-moi, juste pour causer, sincèrement, ton plus grand fan, c’est Stan
Stan est tellement fan de Roger qu’il est même au courant pour ce tournoi exhibition de double mixte avec une haltérophile lituanienne à Pattaya.

[Hook]

Crochet

[Verse 2]
Dear Slim, you still ain’t called or wrote; I hope you have a chance
I ain’t mad, I just think it’s fucked up you don’t answer fans
If you didn’t wanna talk to me outside the concert
You didn’t have to, but you coulda signed an autograph for Matthew
That’s my little brother man, he’s only six years old
We waited in the blistering cold for you for four hours and you just said no
That’s pretty shitty man, you’re like his fucking idol
He wants to be just like you man, he likes you more than I do
I ain’t that mad though, I just don’t like being lied to

Cher Maigre, tu n’as ni appelé, ni écrit, je ne suis pas en colère, je trouve juste que ce n’est pas très sympa de ne pas répondre aux fans, si tu ne veux pas me parler après le concert, tu ne dois pas mais tu pourrais au moins signer un autographe pour Matteo, c’est mon petit frère, mec, nous t’avons attendu dans le froid pendant des heures et tu as dit non, c’est fort peu civil, mon gars, tu es son idole, il veut être comme toi, il t’aime encore plus que je t’aime, je ne suis pas en colère, mais j’aime pas trop trop qu’on me mente, t’as vu
Stan devient alors incohérent : il confond matches et concert et surtout, il ne se rappelle plus très bien des noms des membres de sa famille.

Remember when we met in Denver
You said if I’d write you, you would write back

Tu te souviens, quand nous nous étions rencontrés à Denver, tu m’avait dit que si je t’écrivais tu me répondrais
Au deuxième tour du tournoi de Denver, Federer avait battu Wawrinka en deux sets, c’était le bon vieux temps. Puis, à l’heure du serrage de mains, il lui avait dit : « Ouais, ouais, écris-moi, je pourrai t’arranger un cours de tennis ou au moins un DVD de mes meilleurs coups. »

See, I’m just like you in a way
I never knew my father neither
He used to always cheat on my Mom and beat her

Tu vois, je suis un peu comme toi, je n’ai jamais connu mon père, il trompait ma mère et la battait
Mais enfin, c’est parfaitement faux ! il s’appelle Wolfram, il était dans l’Illustré !

I can relate to what you’re saying in your songs

Je peux m’identifier à ce que tu dis dans tes chansons
Car Federer, on le sait peu, adore chanter sous la douche

So when I have a shitty day, I drift away and put ’em on
Cause I don’t really got shit else, so that shit helps when I’m depressed
I even got a tattoo of your name across the chest

Alors quand je passe une mauvaise journée, je les écoute, le reste m’importe peu alors ça m’aide en cas de déprime. J’ai même ton nom tatoué sur la poitrine
Mais enfin, Stanislas, vous perdez la raison ! Ton tatouage, c’est sur le bras et ça dit « Ever tried. Ever failed. No matter. Try again. Fail again. Fail better », c’est pas hyper sympa de prétendre que Fail better, ça veut dire Federer.

Sometimes I even cut myself to see how much it bleeds
It’s like adrenaline, the pain is such a sudden rush for me
See everything you say is real, and I respect you cause you tell it
My girlfriend’s jealous cause I talk about you 24/7
But she don’t know you like I know you Slim, no one does
She don’t know what it was like for people like us growing up

Parfois, je me coupe pour voir à quel point ça saigne. C’est comme de l’adrénaline, la douleur me booste, tu vois, tout ce que tu dis es vrai, je te respecte parce que tu le dis, ma copine est jalouse parce que je parle de toi tout le temps. Mais elle ne te connaît pas aussi bien que moi, Maigre, personne ne le fait, elle ne sait pas comment les personnes comme nous grandissent
Car oui, on le dit trop peu mais l’existence des joueurs de tennis est faite de sacrifices.

You gotta call me man, I’ll be the biggest fan you’ll ever lose
Sincerely yours, Stan
P.S. We should be together too

Tu vas m’appeler, mec, je serai le plus grand fan que tu vas perdre. Sincèrement, Stan. PS : Nous devrions être ensemble.

Au passage, Stan rappelle à Roger qu’il serait pas contre une petite Coupe Davis avec lui.

Dear Mr. I’m-Too-Good-to-Call-or-Write-My-Fans
This’ll be the last package I ever send your ass
It’s been six months and still no word, I don’t deserve it ?
I know you got my last two letters, I wrote the addresses on ’em perfect
So this is my cassette I’m sending you, I hope you hear it

Cher M. Je-suis-trop-bien-pour-appeler-ou-écrire-à-mes-fans, c’est la dernière fois que j’écris à ton cul. Six mois et pas un mot, je ne le mérite pas ? Je sais que tu as eu mes deux dernières lettres, je me suis bien appliqué pour l’adresse, avec des coeurs sur les i et tout, je t’envoie une cassette, j’espère que tu l’entendras
Soudain, Stan pète méchamment les plombs et envoie une compil’ à son idole. Sur cassette, alors que tout le monde a des baladeurs MP3 de nos jours.

I’m in the car right now, I’m doing 90 on the freeway

Je suis dans la voiture, je fais du 90 sur l’autoroute
Ah ben oui, moquez-vous, moquez-vous, mais dans le canton de Vaud, c’est super rapide.

Hey Slim, I drank a fifth of vodka, you dare me to drive

Hé, Maigre ! J’ai bu deux décis de vodka et tu me laisses conduire ?
Soudain, lassé de voir son idole ne pas lui répondre, Stan fait quelque chose de terrible, d’horrible, d’affreux : il décide de s’entraîner avec Marc Rosset.

You know the song by Phil Collins “In the Air of the Night”
About that guy who coulda saved that other guy from drowning
But didn’t, then Phil saw it all, then at a a show he found him

Tu connais la chanson de Phil Collins “Dans l’air de la nuit” ? A propos de ce mec qui aurait pu sauver un autre de la noyade, mais en fait non et Phil a tout vu et après il l’a trouvé ?
Je veux pas parler pour Roger, mais ça donne pas tellement envie d’écouter ta compil.

That’s kinda how this is, you coulda rescued me from drowning
Now it’s too late, I’m on a thousand downers now, I’m drowsy
And all I wanted was a lousy letter or a call
I hope you know I ripped all of your pictures off the wall
I loved you Slim, we coulda been together, think about it
You ruined it now, I hope you can’t sleep and you dream about it
And when you dream, I hope you can’t sleep and you scream about it
I hope your conscience eats at you and you can’t breathe without me
See Slim, shut up bitch, I’m tryna talk
Hey Slim, that’s my girlfriend screamin’ in the trunk
But I didn’t slit her throat, I just tied her up, see I ain’t like you
Cause if she suffocates she’ll suffer more and then she’ll die too
Well gotta go, I’m almost at the bridge now
Oh shit I forgot, how am I supposed to send this shit out

C’est un peu la même chose, tu aurais pu me sauver, maintenant c’est trop tard, j’ai pris des tranquillisants, je suis endormi, tout ce que je voulais c’était une lettre ou un coup de fil. J’espère que tu sais que j’ai arraché toutes les photos du mur, je t’aimais, Maigre, nous aurions pu être ensemble, penses-y, tu as tout gâché, j’espère que tu ne peux pas dormir et que tu en rêves et quand tu rêves, j’espère que tu ne peux pas dormir et que tu cries, j’espère que ta conscience te bouffe et que tu ne peux pas respirer sans moi, tu vois, Maigre, ta gueule, je parle, hé Maigre, c’est ma copine qui crie dans la trompe, mais je n’ai pas tranché sa gorge, je l’ai juste attachée, tu vois, je ne suis pas comme toi, parce que si elle étouffe, elle souffrira plus et elle mourra aussi. Bon je dois y aller, je suis près du pont. Oh zut, j’ai oublié comment envoyer cette merde !

C’est quand même un tout petit peu une drama queen, le Stan. Tout ça pour un refus de jouer en double…
Rassurez-vous tout de même : depuis cette croustillante anecdote, Stan et sa compagne s’entendent mieux.

[Hook]

[Verse 4]

Dear Stan, I meant to write you sooner but I just been busy

Cher Stan, je voulais t’écrire, mais j’étais très occupé
Ça peut avoir l’air d’une excuse, mais il faut savoir qu’à l’époque, Federer était très occupé à gagner ses tournois. Un jour, il a décidé d’arrêter et Mirka lui a rappelé ce fan un peu lourd qui l’agonissait de lettres.

You said your girlfriend’s pregnant now, how far along is she
Look, I’m really flattered you would call your daughter that
And here’s an autograph for your brother, I wrote it on a Starter cap
I’m sorry I didn’t see you at the show, I musta missed you
Don’t think I did that shit intentionally just to diss you
But what’s this shit you said about you like to cut your wrists too?
I say that shit just clowning dog, come on, how fucked up is you
You got some issues Stan, I think you need some counseling

Tu dis que ta copine est enceinte, de combien de mois ? Ecoute, je suis flatté que tu appelles ta fille come ça et voilà un autographe pour ton frère, sur une casquette de démarrage. Je suis désolé de ne pas t’avoir vu au show, j’ai dû te rater, ne pense pas que j’ai fait cette vilennie pour t’enquiquiner. Mais que me chantes-tu là, à propos de tes poignets ? Je dis que c’est un chien-clown, allons, allons, ne serais-tu pas déraisonnable ? Tu as des soucis, Stan, je pense que tu as besoin de conseils !
Suite à cette missive, Stan a décidé de changer d’entraîneur.

To help your ass from bouncing off the walls when you get down some
And what’s this shit about us meant to be together
That type of shit’ll make me not want us to meet each other
I really think you and your girlfriend need each other
Or maybe you just need to treat her better
I hope you get to read this letter, I just hope it reaches you in time
Before you hurt yourself, I think that you’ll be doing just fine
If you relax a little, I’m glad I inspire you, but Stan
Why are you so mad
Try to understand, that I do want you as a fan
I just don’t want you to do some crazy shit
I seen this one shit on the news a couple weeks ago that made me sick
Some dude was drunk and drove his car over a bridge
And had his girlfriend in the trunk, and she was pregnant with his kid
And in the car they found a tape, but they didn’t say who it was to
Come to think about it, his name was, it was you, damn

Pour aider ton cul à rebondir quand tu tombes des murs ! Et que viens-tu me dire que nous devrions être ensemble ? Cela ne m’incite pas à te rencontrer ! Je pense que toi et ton amie avez besoin l’un de l’autre et que tu devrais la traiter mieux ! J’espère que tu liras cette lettre, que tu la recevras à temps avant de te blesser, j’espère que ça ira si tu te détends un peu. Je suis heureux de t’inspirer, mais Stan, pourquoi es-tu si foufou ? Essaie de comprendre que je ne veux pas de toi comme fan car je ne veux pas que tu fasses des folies. L’autre jour, un type bourré est tombé d’un pont avec sa copine enceinte d’un enfant, rends-toi compte, d’un enfant, et en plus il y avait une cassette dans la voiture, une cassette, mais dans quel monde on vit, ils n’ont pas dit pour qui elle était, mais j’y songe, son nom était, mais ça alors, comme par hasard, c’était toi ! Quelle étrange coïncidence !
Bon, en fait, non. C’était quelqu’un d’autre.

C’est une très belle chanson, porteuse d’espoir : celui que le type à qui vous avez écrit un jour et qui ne vous a jamais répondu sera bien attrapé le jour où vous serez devant lui. Bon, moi, c’était ma correspondante australienne alors ça va me faire une belle jambe, mais tout de même.
En revanche, j’ai l’impression que Roger n’est pas super chaud à l’idée de rejouer la coupe Davis. Et ça, c’est un peu triste, parce que c’est une chanson belle, mais mélancolique.