Archive for August, 2010

Je veux du silence

Thursday, August 26th, 2010

Et si je ne crois plus en la technologie c’est parce que Juliette, mon GPS, a délibérément essayé de me perdre en rase campagne française, quelque part entre une centrale nucléaire, des zones inondables et une inquiétante ferme où on élève des crocodiles. Des contrées hostiles, où les rares habitants lancent des ceps de vigne à l’étranger de passage et où, surtout, on ne capte pas des millions de chaînes de radio. Autant te dire qu’entre RCF, Autoroutes FM, Chemins Vicinaux FM et Radio Virage (sic), j’ai pas mal entendu ceci :

ZAZ – Je Veux

Zaz, au début, je pensais que c’était la moitié de Zazie.

Donnez moi une suite au Ritz, je n’en veux pas !

Les plus attentifs d’entre vous auront noté la tournure de la phrase : la jeune Zaz n’aime pas le Ritz, mais ne refuse pas qu’on lui y donne une suite, bien au contraire. Peut-être pour se convaincre qu’elle n’aime pas ça, c’est une attitude noble, il ne faut pas cracher sur ce qu’on n’a jamais gouté, comme je le disais encore récemment à cette sémillante étudiante norvégienne alors qu’elle refusait de venir dans ma tente de camping avec vue sur le Ritz dans laquelle je venais de lui dire que je ne voulais pas l’inviter.

Des bijoux de chez Chanel, je n’en veux pas !

Par contre un parfum, ou un tailleur, mais c’est vraiment pour dépanner, hein…

Donnez moi une limousine, j’en ferais quoi ?

C’est sûr que pour peu qu’on habite en ville, une limousine, c’est vite contraignant.

Offrez moi du personnel, j’en ferais quoi ?

La jeune Zaz, tout à son souci de refuser bruyamment la société consumériste, ne devrait pas ainsi vouer au chômage ce majordome guindé (j’ai aussi un peu lu de Agatha Christie, dans les bouchons, pendant les vacances) que de mystérieux donateurs voulaient lui offrir car peut-être James aimerait-il s’offrir, de temps à autres, une suite au Formule 1 et une Smart sans forcément en faire tout un foin.

Un manoir a Neuchâtel, ce n’est pas pour moi.

Pourtant c’est joli, Neuchâtel. Mais c’est sûr que sans personnel, un manoir, ça fait vite pas mal de boulot pour le ménage.

Offrez moi la Tour Eiffel, j’en ferais quoi ?

De toutes façons, sans personnel pour le transport ni manoir pour l’entreposer (dans le jardin), la tour Eiffel, à mon avis, c’est même pas la peine d’y penser. Ou alors à la rigueur dans une jolie boule à neige.

Refrain:

Je veux d’l’amour, d’la joie, de la bonne humeur,

A mon avis, on peut très bien avoir ça dans une limousine, surtout si le bar est bien achalandé, mais bon, je veux pas contrarier, c’est pas mon genre.

c’n’est pas votre argent qui f’ra mon bonheur,

Le mien, non, ça c’est sûr

moi j’veux crever la main sur le c½ur

Je trouve que quand on aime la joie et la bonne humeur, c’est pas très sain de vouloir crever, la main sur le c½ur, au panier ou n’importe où.

allons ensemble, découvrir ma liberté,

On est obligés de tous venir ? Parce que moi je préférerais la regarder de loin.

oubliez donc tous vos clichés,

Puisque Zaz n’aime pas trop les dépenses inutiles, je peux me permettre de critiquer gratuitement : je me demande tout à coup si elle s’y est bien prise pour venir parler de clichés

Bienvenue dans ma réalité.

Merci. Mais j’aimais bien la mienne, je peux la garder un peu ? (Les gens y écoutent essentiellement du rock anglais)(et y passent leurs journées à cuisiner nus, mais on s’éloigne du sujet principal)

J’en ai marre d’vos bonnes manières, c’est trop pour moi !

A tous les coups, quelqu’un lui a dit “on ne dit pas je veux mais j’aimerais s’il vous plaît” et nous l’a énervée !

Moi je mange avec les mains et j’suis comme ça !

J’étais sur le site du Ritz (tu crois quoi, je me documente, c’est du travail, blogueur)(d’ailleurs, je trouve que votre argent ferait bien mon bonheur parce que merde, quoi, parfois je passe plus de dix minutes sur le même post !)(je vais passer parmi vous avec un chapeau dès la fin de la lecture, merci), j’ai regardé le menu du brunch du dimanche, y a de la salade de maïs, du hommos et du filet de veau, elle fait bien de pas vouloir y aller. Tout ça avec les doigts, c’est embêtant. Par contre, y a un service, ils te proposent de te téléphoner gratuitement ! Voilà qui procure de la joie et de la bonne humeur !

J’parle fort et je suis franche, excusez moi !

Ah mais on n’a aucun souci avec ça ! le seul problème, c’est que tu chantes aussi un peu fort…

Finie l’hypocrisie moi, j’me casse de là !

Je trouve que c’est peut-être un peu excessif, comme réaction. Je sais pas, on m’offre rarement des suites et des bijoux, mais je pense que ça part d’une bonne intention, à la base.

J’en ai marre des langues de bois !

Ah, ça, les langues de bois, c’est un coup à se coller des échardes.

Regardez moi, toute manière j’vous en veux pas

Tu m’étonnes ! On t’a quand même offert toutes nos limousines, on va devoir rentrer à pieds, on se fait engueuler, manquerait plus qu’en plus tu fasses la gueule.

et j’suis comme ça (j’suis comme ça)

et c’est tout à ton honneur, les gens sont de moins en moins comme ça dans le monde d’aujourd’hui.

Refrain x4

Je propose donc que, chacun, chez vous, vous rendiez ce petit service à cette brave Zaz, si généreuse mais un peu vive : au lieu de lui donner votre argent, ce qu’elle déteste au plus haut point, achetez plutôt de la bonne musique.

I want to believe

Wednesday, August 25th, 2010

Ce soir, Zilina reçoit le Sparta Prague. Je peux concevoir que tu n’en aies rien à foutre. Moi même, encore récemment, peu m’en aurait challu. Mais depuis cet été, j’ai rejoint les rangs obscurs des mecs qui parient sur les matches, facilement reconnaissables au fait que, justement, ils se passionnent pour les tours préliminaires de la Ligue des Champions, pour la 2e division estonienne voire, dans les cas les plus graves, pour les résultats des joueurs de tennis.

Tout ça à cause d’un poulpe. A la base, je ne voulais parier que pendant la coupe du monde. Mais, pour ne pas avoir voulu suivre Paul, j’ai perdu presque toutes les pépettes que j’avais initialement placées. Et là, donc, je compte sur la vigueur slave des attaquants Zilinois et Pragoulottes pour me refaire un brin. J’y peux rien, les céphalopodes, y a guère qu’à la plancha que je leur fais confiance. Un poulpe devin, et pourquoi pas une taupe en tête des ventes de musique, aussi ?

Et sérieusement, comment veux-tu croire un poulpe quand tu ne crois plus en rien ?

C’est un truc générationnel, ça, de ne croire en rien : quand tu as vu tes parents, de retour du camping des possibles, où ils couraient pieds et je ne veux pas savoir quoi d’autre nus en récitant des mantras, remettre leur cravate et filer comme si de rien n’était apprendre les ordinateurs pour pouvoir faire toujours plus de présentations powerpoint, ça calme un peu les utopies. Mais bon, les suivants ne sont pas mieux lotis : les mecs de la génération Y, ou numérique, ont dû perdre une bonne partie de leurs illusions quelque part entre le premier exposé repompé sur un mauvais article wikipedia et l’émission spéciale “artistes connus grâce aux internets” avec Lorie, Kamini et Grégoire. Ceux d’après, ceux de la Z (je viens de perdre la foi dans les mecs qui nomment les générations) ou kikoolol, sont désemparés depuis que bestah et sistah sont devenues bff sur facebook avec l’autre biatch qui a osé envoyer des dauphins à chiwi.

Bon, quand je dis en rien, j’exagère un peu. Je ne crois plus ni en dieu, ni en Steve Jobs (pour les mêmes raisons, plus ou moins, des mises à jour douteuses), ni que l’internationale sera le genre humain, ni au régime Dukan, ni aux promesses électorales, ni au point G, ni au complot mondial visant à nier que Jésus serait en fait devenu chanteur de bal dans le Morbihan, ni à la reprise, ni à la crise, ni que je peux voler, que je peux toucher le ciel, mais il y a des trucs dignes de foi. La souris des dents, par exemple. Attends, dans notre monde ultra-matérialiste, tu crois vraiment que les parents se livreraient à mille simagrées pour pouvoir coller de l’argent sous les oreillers à chaque chute de dent ? Ça ne tient pas la route cinq minutes.

Y a des côtés sympa à ne plus croire en rien : par exemple quand le même jour tu reçois l’enveloppe des impôts, une mauvaise nouvelle et un coup de genou par inadvertance, ce n’est pas ton karma qui est mauvais, ce n’est pas ta divinité préférée qui tente de te faire passer un message, ce n’est pas le Destin, parce que s’ils existaient, les divinités, le Destin, le karma, ils auraient autre chose à foutre qu’à te harceler, et donc tu peux partir du principe que le reste de la journée ne va pas être du même acabit (et là, si en plus le menu de midi à la cantine c’est blanquette, tu hésites à reprendre une petite croyance comme ça, sur le pouce, pour quelques heures). Mais y a aussi pas mal d’inconvénients. Par exemple, tu ne regardes plus jamais une équipe suisse jouer en Champion’s League, et tu es obligé de parier pour t’intéresser un peu.

Perception

Thursday, August 5th, 2010

Don Codd était le plus doué des Terminceptors, des gens chargés de remonter dans le temps, s’infiltrer dans le subconscient des gens pour les empêcher de faire des rêves à la con dont ils s’inspireront pour en tirer des romans ou des films pourris. Bien sûr, c’était facile pour lui d’être le plus doué, car il était le seul à pratiquer ce métier rare et dangereux.

Don avait toujours été ce qu’il est convenu d’appeler un gros nolife. Sa seule ambition, lorsqu’il était entré dans la profession, avait été de pouvoir gagner sa vie en pionçant. Il avait été deux ans testeur de qualité chez Bicoflex, trois ans commentateur de l’Eurovision à la télé suisse romande, cinq ans fonctionnaire et cent ans doublure clavicules de la Belle au bois dormant avant de passer le brevet de Terminceptor. Mais il avait un talent certain pour faire de rêves fantasmagoriques avec moult licornes fluorescentes des terres brûlées plus arides que les steppes par un jour de finale de coupe du monde. Il se souvenait avec une fierté peut-être mêlée d’une once de regrets d’un rêve érotique particulièrement débridé lors duquel il avait réussi à faire s’endormir et le rêveur et les délicieuses créatures ô combien mamelues que l’esprit mameliphile du susdit avait convoqué pour diverses réjouissances sur lesquelles nous ne nous étalerons pas ici, mais lors desquelles il était notamment question de s’étaler et d’étaler de la pâte à crêpes.

Là où Don Codd passait, les idées ne repassaient jamais. Dans les meilleurs des cas, ses victimes abandonnaient toute envie de faire subir au monde les fruits de leur imagination et se lançaient dans l’agriculture biologique, dans la politique ou dans le vide. Dans le pire des cas, ils faisaient quand même leur film, leur roman, leur disque, mais il était si ennuyeux qu’il passait totalement inaperçu, et Don aimait à souligner qu’il était à l’origine des flops de “Inception” et de “The Suburbs”

Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve. Mais imbriqué dans un autre rêve. Quelle idée géniale !
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla, poursuivi par Walburge, sa chauve-souris géante adoptive qu’il avait oublié de nourrir.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.
Don se réveilla. Ouf, tout ceci n’avait été qu’un rêve.