Avec trois décis, vous nous remettrez une bouteille

Bon. Prenons un exemple. Au hasard. Fortuit. Un jeune homme, soyeux et scintillant, oublie bêtement son porte-monnaie à la maison. L’angoisse l’étreint: si on le lui avait volé ? Après tout, maintenant, on a des hordes de Roumains et de Bulgares qui mugissent dans nos campagnes, donc on sait jamais. Mais en fait, non, il l’avait vraiment oublié.
Il raconte cette piquante anecdote à des connaissances et là, au lieu d’imaginer toutes les terribles épreuves par lesquelles il a dû passer, quelqu’un lui dit: “Tu pourrais faire un peu attention. Un beau jour, tu oublieras ta tête.”

J’ai toujours cherché à comprendre les gens qui disent ça. A la limite, le jour où on maîtrisera le voyage dans le temps… “Tu aurais quand même pu faire attention… Bon si tu retournes à 7 heures moins le quart le chercher, tu me prends mes clés en passant ?” Mais sinon, j’ai du mal à comprendre. En plus, oublier sa tête, c’est pas possible. Ses jambes, à la limite, mais sa tête, ça se voit tout de suite. Et les deux en même temps c’est pas possible, le gars du paragraphe d’avant te l’a d’ailleurs rappelé: “Quand on n’a pas de tête, on a des jambes.”

Ou alors, un plantureux jeune homme, pas forcément le même, est en train d’éplucher des pommes de terre, il se coupe malencontreusement une jambe ou la tête avec une scie à métaux et là, quelqu’un, pas forcément le même, vient lui dire “Tu aurais quand même pu faire attention.” C’est pourtant pas forcément une information de première nécessité. Mais tout de même. Vous remarquerez, chaque fois que vous êtes distrait, maladroit, malchanceux, y a un mec qui débarque pour venir dire que vous auriez pu faire autrement. Je n’ai rien contre le conditionnel imparfait, au contraire, je le trouve vachement plus classe que le futur antérieur, mais force est de constater que ce genre d’avis, “Si tu avais tondu le gazon le 8 juillet 1971, on n’en serait pas là”, n’est que très rarement pratique au quotidien contrairement, par exemple, au tournevis ou au tupperware.

Et pourtant, il y a toujours des gens qui le disent. Et on les laisse agir, impunément. Et bien, s’ils pensaient à ne pas se trouver à proximité d’une clé à molette quand ils viennent avec leurs bons conseils rétroactifs, on serait tous tranquillement à la maison en train de boire un bon thé glacé, monsieur le Juge.

55 Responses to “Avec trois décis, vous nous remettrez une bouteille”

  1. M.Shadock says:

    David Vincent les a vus, lui !

  2. TT02 says:

    Oui mais si David avais tondu le gazon le 8 juillet 1971, on n’en serait pas là !

  3. cyclomal says:

    Ben moi je suis allé au coiffeur…

  4. cyclomal says:

    M’suis r’trouvé chez le juge aussi

  5. joseph says:

    finalement sa tête elle était bien dans son porte monnaie ou pas ?