Amores Perrault

Petit préambule: Cette note est peut-être un peu différente de ce que je fais d’habitude. Mais peut-être pas. On peut pas savoir. Et c’est ça qui est fou

Il était une fois des gens. Ils avaient déjà sept enfants, Paul, Henri, Mathieu, Arnaud, Clément, Perkolator et Poucet, lorsqu’ils décidèrent de se laisser aller à la contraception.
Or, il advint qu’une terrible crise économique frappa le royaume. Les malheureux parents avaient de plus en plus de difficultés à joindre les deux bouts (car leurs mains tremblaient à cause de l’alcool) et, en plus, ils étaient un peu serrés financièrement, autant te dire que c’était pas choucroute tous les jours.

– Oh putain, j’ai une idée de ouf !
, dit un jour le père, que nous appellerons le père, à la mère, que nous appellerons la mère.
– Encore une de tes combines foireuses ?
, lui répondit-elle, car son époux était inventeur de profession. Brillant, mais pas du tout reconnu. Il avait en effet inventé l’ouvre-boîte, mais la boîte de conserve mettrait encore plusieurs siècles avant de faire son apparition. De même, il était le créateur de la télécommande (longtemps avant la télévision) et de la bière (longtemps avant le football) et ses contemporains ne surent jamais relever tout le génie de ses créations. (De la même manière et par la force des choses, il était également l’inventeur du régime, mais là non plus, personne n’en comprit l’intérêt, les magazines féminins étant encore bien loin de faire leur apparition).

– Laisse-moi raconter… Je me disais, vu que pour nourrir les mômes, c’est plus trop ça, on pourrait les paumer dans la forêt, ni vu ni connu.
– Ah ben pour une fois, je dois le reconnaître, c’est génial.

Mais Poucet avait dissimulé des micros sous le lit de ses parents, car il se destinait à une carrière de paparazzi. Il découvrit ainsi ce plan machiavélique et dissimula dans ses poches des petits cailloux, qu’il lâcha le long du chemin afin de le retrouver. Alors tu vas me demander, mais comment ils ont reconnu leurs cailloux au milieu de tous les autres cailloux ? Mais à l’époque, les chemins étaient fort peu caillouteux et il était tout à fait possible de faire usage de cet habile subterfuge, hélas fortement déconseillé aujourd’hui, si tes parents t’abandonnent dans la forêt, je te conseille plutôt de te servir de ton iPhone pour retrouver ton chemin, et n’oublie pas de live blogger toute l’aventure.

Quelle ne fut pas la surprise des parents quand leurs sept enfants frappèrent à la porte comme un seul homme !

– Et voilà, encore une de tes idées foireuses qui a foiré !
– Non mais attends, demain, on recommence, mais ce coup-ci on vend tous les cailloux du pays à une usine de cailloux !

Aussitôt dit, le lendemain fait. Mais Poucet, qui n’était pas la moitié d’un imbécile, mais un imbécile tout court, avait garni ses poches de boulettes de pain. Alors tu vas me dire, où avait-il trouvé du pain ? et je vais te répondre non mais arrête avec tes questions, je raconte, là.

Mais tu peux t’en douter, les oiseaux, qui sont de véritables rapaces, mangèrent tout le pain, et Poucet et ses six grands frères, soit dit en passant encore plus bêtes que lui, se retrouvèrent plantés comme des buses au-milieu de la forêt.

– Ah ben là, on est mal

, dirent-ils d’une seule voix.

Comme le sens de l’orientation n’était pas leur fort, ils se perdirent complètement. Or, en ce temps-là, un ogre vivait dans la forêt (ils ont depuis tous été interdits par le gouvernement et se sont tournés vers des professions moins scabreuses, comme avocats, traders ou charpentiers).
– Bonjour, on pourrait dormir ici ?
, demandèrent-ils d’une seule voix à l’épouse de l’ogre, qui était palefrenière sur licornes, mais ça n’est pas d’une importance fondamentale pour la suite de l’histoire.
– Ben si vous voulez, mais il faut savoir que mon époux mange des enfants, car il est communiste.
– Communiste ? Il a voté pour le NPA ?
– Oui da.
– Génial, on adore Antoine de Caunes.

Puis Poucet relut le scénario du conte dans lequel il était embringué.
– Attends, attends. Bon. On se déguise en filles, l’ogre mange ses propres filles, on lui vole ses bottes, on retourne chez nos parents et tout le monde danse la ronde de l’amitié ?
, demanda-t-il à madame Ogre.
– C’est un peu ça, ouais.
– C’est complètement idiot, ça marchera jamais.
– Moi j’aime bien le passage où mon mari dit “ça sent la chair fraîche”
– Ouais c’est classe, ça, on garde.

Puis l’ogre rentra.
– Ça sent la chair fraîche.
– Tu m’étonnes, choupinou, j’ai fait du gigot.
– C’est pas de la bouffe de capitaliste, ça ?
– Bah y avait une promo.
– Ok lol.

Puis les sept garçons se marièrent avec les sept filles de l’ogre, fondèrent le Nouveau Nouveau Parti Anticapitaliste, Antiabandons et Antioiseaux, intentèrent un procès retentissant à leurs parents, et écrivirent sur leur aventure un roman qu’Eric Naulleau jugea particulièrement mal écrit.
Puis tout le monde dansa la ronde de l’amitié.

25 Responses to “Amores Perrault”

  1. joseph says:

    et c’est ton petit doigt qui t’a dit ça ? t’aurais pas reçu un coup de pouce des fois ! ah elle est belle la blanche neige éternelle des sommets hélvêtes

  2. Nekkonezumi says:

    Ogre pour ogre, crocs pour crocs: cette histoire n’aurait jamais existé si les parents avaient tout simplement bouffé leurs gosses … mais sans doute le père n’avait il pas encore inventé le congélateur.

  3. loser says:

    Haha.
    Par contre, j’ai rien compris au titre en revanche.

  4. Si je peux me permettre, c’est quand même époustouflant que les 7 soient si synchrones.

    Je ne suis pas sur d’avoir tout compris, ni quel est la morale de l’histoire, mais j’aime beaucoup… Enfin sauf que je sais pas pourquoi un ogre serait pour le NPA (ni contre d’ailleurs)

  5. mlle-cassis says:

    Eum oui…

    Tu sais, quand j’ai abordé le sujet délicat de la pompe, je ne pensais pas que ce serait si rapide… Heureusement tu cites tes sources (moi aussi j’aime beaucoup les histoires d’amour hidalgos).

    Alors pour la forme j’approuve.

  6. juty says:

    Le titre? un genre de tour de Babel de 21 grammes.

  7. dae says:

    Mais c’est terriblement vrai ça, tu as mis le doigt sur un truc qui fait mal.
    Ils meurent tous de faim, et le petit Poucet balance des morceaux de pain dans la forêt !
    Un morceau de pain (frais, sinon je le vois mal couper des petits bouts de pain durs) tous les 2 mètres pour pouvoir les voir entre les arbres, un chemin de 10 km de long pour pouvoir se perdre, ça fait plusieurs kilo de pain ! C’est n’importe quoi !

  8. raph says:

    Tiens j’ai trouvé le texte de la version gotlibienne de ce merveilleux conte dans les internets :

    1ère note :

    Mais la famine sévit toujours. Alors les parents, qu’est-ce qu’ils ont comme bonne idée, les parents ? Ils rembarquent tout le monde dans la forêt ! Pourquoi ? pour les perdre-eu tra la la.
    Mais, le petit poucet, qui avait eu vent de la chose, avait pris soin de semer des fleurs grâce auxquelles ils retrouvèrent le chemin du domicile familial.

    2ème touche :

    Les parents s’éloignent insensiblement, profitant de l’inattention générale. Parce qu’ils avaient ramené les enfants dans la forêt. Pour les perdre. Vu qu’elle sévissait toujours. La famine.
    Heureusement, le petit poucet, qui avait eu vent de la chose, avait pris soin de semer des sabots grâce auxquels ils retrouvèrent le chemin du domicile familial.

    3ème brique :

    Alors après, je vous file le topo, toujours rien à becqueter. Aussi sec, direction forêt pour paumer les mômes. Les vieux se font la valise pendant que les lardons matent rien.
    Coup de pot inouï, le petit pouçaga, qui était au parfum, avait fait gaffe de balancer tout le long de la route derrière lui des boulons de huit.
    Alors comme ça, les mouflets retrouvent la crèche et tout le monde y biche comme des poux.

    4ème valise :

    Ensuite, il y a la famine, tout ça…
    Heureusement, le petit poucet, qui avait eu vent de la chose, avait pris soin de semer des petits oiseaux grâce auxquels ils retrouvèrent le chemin du domicile familial.

    5ème roulement :

    Encore un coup, la famine. Les parents retournent en forêt perdre leurs bon sang de bonsoir de @!£%$&@) de mômes parce que ça coMMeNCe quAND Même à bien FAIre @#£%$?
    Heureusement, le petit poucet, qui avait eu vent de la chose, avait pris soin de semer des enclumes grâce auxquelles ils retrouvèrent le chemin du domicile familial.

    6ème tambour :

    Mais le petit poucet continuait à sévir. Aussi, les parents décidèrent de retourner dans la famine pour y perdre insensiblement l’inattention.
    Heureusement, le vent, qui avait eu la chose du petit poucet, avait pris soin de souscrire un emprunt à l’électricité-gaz de France.
    Ah pis zut. Qu’ils se débrouillent.

  9. Dianinette says:

    “Eric Naulleau jugea particulièrement mal écrit” le roman … et Zemmour leur intenta un procès en diffamation, car en fait c’était lui le Poucet (on sait que leur nom de famille était Riczémourdanlravin, et il dut vendre sa 4cv pour raccourcir ce patronyme affreux. C’est aussi pour ça qu’ils étaient contre les patrons.)…

    ou pas.

  10. Nekkonezumi says:

    Et si ils avaient rencontré un représentant Durex avant de croitre et multiplier en pleine crise économique …

  11. Lorenzo says:

    LOL
    (tiens, j’avais justement cette merveilleuse histoire par Gotlib en tete en lisant ta version)

  12. yayon says:

    ouaaaaahhh là j’avoue tu m’as bien fait rire ;-) (comment ça comme d’hab’??? :-$ ) franchement hein moi c’que j’en dis c’est que “c’est trop trop terrible en fait d’apprendre la vérité sur un conte qui a bercé toute mon enfance!!!”

    tu viens de tuer l’enfant qui est en moi! Assassin!!!! bon d’accord parce que la fin fini “bien” (enfin ça dépend pour qui ^^ ) je t’en voudrais pas. Mais soit prudent la prochaine fois que tu te ballades en forêt on sait jamais que tu croises un ogre affamé et rancunier (de ne pas avoir eu sa dose de chaire fraîche)

    hihihihi

  13. Effix says:

    C’est pas pour faire mon chieur, mais le petit Poucet tiens de son père pour les idées foireuses: comment faire paparazzi sans les magasines féminins?

  14. TT02 says:

    Ce post devrait être publié dans un livre que j’achèterais (plus encore que le post précèdent) J’A-DO-RE !

  15. rahan says:

    AHAH !

  16. Nandou Guanaco says:

    Sont vraiment crétins ces “parents” là hein. Y vivent dans la forêt. Sont trop nuls.

    M’ enfin, faut vivre au bord d’ une mer, y foutre tous ses marmots et ceux des autres sur une coquille de noix, on leur fait croire que le paradis est sur l’ autre versant de la mer, et en avanti l’ aventure! Ca s’ appellera des siècles plus tard des boats pipole. Au moins on est sûr qu’ on ne les reverra pas à moins qu’ un imbécile les filme pour la CNN. Juste filmer pas les sauver. Ou les chartériser aussi sec.

  17. Olivier says:

    Vraiment foireuses les idées du père. Moi, si je voulais me débarrasser de mes enfants, j’irai les perdre au bord d’une falaise ou sous un camion.

  18. Mais… c’est crétin ! Pourquoi vouloir perdre ses marmots quand on peut les vendre ? Ou les préparer au grill avec des pommes et une noisette de beurre ?
    Après on s’étonne de ne pas arriver à surmonter la crise, alors que tout se résout tellement plus agréablement autour d’un bon barbeuQ.

  19. Nandou Guanaco says:

    C’ est ben vrai ça, vendre leurs reins, leurs yeux, un bras pour greffer aux aveugles, manchots et autres culs de jatte. Et les enfants réformés, on pourrait les louer aux couples stériles.

    Bref, c’ était juste pour dire que je suis allée sur Gougueul pour comprendre le titre. Chuis tombée sur un film mexicain primé à Cannes “Amores perros” à traduire par “amours chiennes”. Je ne vois pas du tout le rapport entre les ignobles parents et les chiennes. Je trouve même la comparaison hautement discriminatoire pour les chiennes.

  20. Dianinette says:

    Tiens, je reviens par là, parce que tous ça me fait penser à un bouquin de Swift (oui oui, l’auteur de Gulliver), appelé : ” Modeste propostion pour empêcher les enfants des pauvres d’être à la charge de leur parents ou de leur pays et pour les rendres utiles au public”, écrit vers 1730, c’est délicieusement satyrique !

    (lire le début, une fois n’est pas coutume, dans mon url de rechange)

  21. Dianinette says:

    tiens, où est mon deuxième commentaire fait tout à l’heure?

    bon, je recommence…

    tout ça me faisait donc penser à une nouvelle de Swift (oui oui, l’auteur de Gulliver) intitulée “MODESTE PROPOSITION POUR EMPÊCHER LES ENFANTS DES PAUVRES D’ÊTRE À LA CHARGE DE LEURS PARENTS OU DE LEUR PAYS ET POUR LES RENDRE UTILES AU PUBLIC”… écrite vers 1730, elle est simplement délicieusement cynique!

    Et, une fois n’est pas coutume, vous pouvez en lire un extrait dans mon url.

  22. Nitt says:

    Ouarf ouarf.
    Et la version argotique du joueur de flûte de Hamelin, tu connais ?
    Ça a été un gros fou-rire de classe, au lycée. Un des rares.

  23. ophise says:

    Faudrait voir quand même à pas nous en sortir tous les jours du carnet moleskine : on en connait qui sont devenus fans pour moins que cela…
    (sinon Gotlib quoi… ben… gotlib.)

  24. poussette says:

    Haaa la Famiille, et les merveilleux conte de noël… la morale à retenir : quelque soit ton comportement, la famille, tu en retrouve toujours un bout coller à tes bask.

    Raphaël, t’écris bien.
    C’est prémonitoire, non ?

  25. raph says:

    Prémonitoire genre tu penses que je vais abandonner mes gosses dans la forêt ?